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17/01/2022 | LUXEMBOURG | N°46889

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 janvier 2022, 46889


Tribunal administratif Numéro 46889 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2022 2e chambre Audience publique du 17 janvier 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46889 du rôle et déposée le 11 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Maria Ana Real Geraldo D

ias, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de...

Tribunal administratif Numéro 46889 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2022 2e chambre Audience publique du 17 janvier 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46889 du rôle et déposée le 11 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Maria Ana Real Geraldo Dias, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 janvier 2022 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Maximilien Krzyszton, en remplacement de Maître Maria Ana Real Geraldo Dias, du 13 janvier 2022 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 janvier 2022.

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Il ressort d’un rapport de la Police Grand-Ducale, Région …, Commissariat …, n° …, du 6 décembre 2020 qu’en date de ce même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier, lors duquel il présenta une attestation de demande d’asile française délivrée par le pôle régional Dublin Grand Est le 24 novembre 2020 et valable jusqu’au 23 mars 2021.

Il ressort d’un deuxième rapport de la Police Grand-Ducale, Région …, Commissariat …, n° …, du 21 décembre 2020 qu’en date de ce même jour, Monsieur … fit de nouveau l’objet 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. »d’un contrôle policier, lors duquel il présenta de nouveau l’attestation de demande d’asile française délivrée par le pôle régional Dublin Grand Est le 24 novembre 2020.

Suite à cette interpellation, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », constata, par décision du 21 décembre 2020, notifiée en mains propres également le même jour, le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, tout en lui enjoignant de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité qui reste à être déterminé ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Il ressort d’un troisième rapport de la Police Grand-Ducale, Région …, …, n° …, du 4 janvier 2021 qu’en date de ce même jour, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier, lors duquel il présenta de nouveau l’attestation de demande d’asile française délivrée par le pôle régional Dublin Grand Est le 24 novembre 2020.

Par arrêté du même jour, Monsieur … fut placé au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2021, inscrite sous le numéro 45551 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours contre l’arrêté ministériel du 4 janvier 2021, recours qui fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 3 février 2021.

Par courrier du 28 janvier 2021, les autorités italiennes acceptèrent le transfert de l’intéressé.

La mesure initiale de placement en rétention fut prorogée à chaque fois pour une durée d’un mois supplémentaire par arrêtés des 4 février et 4 mars 2021.

Suite à l’annulation du transfert, initialement prévu pour le 25 mars 2021, par les autorités italiennes, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention en date du 15 mars 2021.

Le 16 mars 2021, la mesure de transfert fut suspendue et le ministre demanda à la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur … aux fins de découvrir sa résidence et en vue d’un placement en rétention.

Suivant un quatrième rapport de la Police Grand-Ducale, Région …, …, référencé sous le numéro …, du 31 mai 2021, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier le même jour, lors duquel il présenta une attestation de demande d’asile française délivrée par le pôle régional Dublin Grand Est le 26 mars 2021 et valable jusqu’au 25 juillet 2021.

Enfin, suivant un cinquième rapport de la Police Grand-Ducale, service …, n° …, du 7 octobre 2021, Monsieur … fit l’objet d’un contrôle policier, lors duquel il présenta une attestation de demande d’asile française délivrée par la préfecture du Bas-Rhin en date du 3 septembre 2021 et valable jusqu’au 2 janvier 2022.

Par arrêté du 7 octobre 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision, qui est basée sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N° … du 7 octobre 2021 établi par la Police grand-ducale, Service … ;

Vu ma décision de retour du 21 décembre 2020 ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches. (…) ».

Par arrêté du 5 novembre 2021, notifié à l’intéressé le même jour, la mesure de placement en rétention initiale fut prorogée pour une durée d’un mois. Le recours contentieux dirigé contre ledit arrêté fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 22 novembre 2021, inscrit sous le numéro 46682 du rôle.

Par arrêté ministériel du 2 décembre 2021, notifié à l’intéressé le 7 décembre 2021, la mesure de placement en rétention initiale fut encore une fois prolongée pour une durée d’un mois.

Par arrêté du 5 janvier 2022, notifié à l’intéressé le 7 janvier 2022, le ministre prorogea une troisième fois la mesure de placement en rétention initiale. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 25 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 7 octobre 2021, notifié le même jour, du 5 novembre 2021, notifié le même jour avec effet au 7 novembre 2021 et 2 décembre 2021 notifié le 7 décembre 2021, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Vu ma décision de transfert du 29 janvier 2021 ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 7 octobre 2021 subsistent dans le chef de l’Intéressé ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu de l’article 20, paragraphe (5) du règlement (UE) 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 a été adressée aux autorités italiennes ;

Considérant que les autorités italiennes ont marqué leur accord de reprise en charge ;

Considérant que les démarches en vue d’un transfert ont été engagées ;

Considérant que le transfert vers l’Italie prévu en date du 18 janvier 2022 a été annulé par la compagnie aérienne ;

Considérant que le transfert vers l’Italie prévu en date du 20 janvier 2022 a été annulé par les autorités italiennes faute de capacité ;

Considérant que le transfert sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure du transfert ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2022, inscrite sous le numéro 46889 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 5 janvier 2022 ordonnant son placement en rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision de prorogation d’un placement en rétention.

En ce qui concerne toutefois la compétence du tribunal pour statuer sur la demande formulée au dispositif de la requête introductive d’instance et visant à voir réformer l’arrêté ministériel litigieux en ce sens qu’une mise en liberté immédiate soit accordée au demandeur et « qu’aucune autre mesure de placement en Centre de rétention ne puisse être prononcée à son égard pendant un délai de quarante-huit heures à compter de sa mise en liberté », laquelle demande est à comprendre, d’après les développements du demandeur dans le cadre de sa requête introductive d’instance dans le sens de voir « enjoindre » au ministre de lui accorder « quarante-huit heures […] afin de lui permettre de quitter le territoire par ses propres moyens et à destination de l’Italie », il convient de relever qu’une telle demande ne relève pas de la compétence du tribunal de céans, étant donné que même dans le cadre d’un recours en réformation, le juge administratif ne peut que remplacer une décision administrative viciée, dans les limites de l’objet du recours, par une décision nouvelle, conforme à la loi, mais il ne lui est pas, en l’absence d’une disposition légale spécifique, possible de formuler des injonctions à l’encontre des administrations2.

Le tribunal administratif est partant incompétent pour connaître de la demande de Monsieur … tendant à réformer la décision ministérielle du 5 janvier 2022 en ce sens « qu’aucune autre mesure de placement en Centre de rétention ne puisse être prononcée à son égard pendant un délai de quarante-huit heures à compter de sa mise en liberté ».

Pour le surplus, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique avoir été placé en rétention après avoir été appréhendé en situation irrégulière à Luxembourg-Ville, dans le quartier de la gare. Il précise entamer son quatrième mois de rétention et ce en dépit des informations qu’il aurait reçues et suivant lesquelles les dispositions nécessaires seraient prises pour lui permettre de se rendre à un rendez-vous fixé le 21 décembre 2021 auprès du ministère de l’Immigration italien à Milan dans le cadre de sa demande de protection internationale. En effet, le vol à destination de Rome initialement prévu pour le 7 décembre 2021 aurait été annulé. Il en aurait été de même pour le vol prévu pour le 18 janvier 2022. S’il avait été informé qu’il serait 2 Trib. adm., 11 mars 2015, n° 33444 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en réformation, n° 34 et les autres références y citées.finalement transféré vers l’Italie le 20 janvier 2022, ce vol aurait cette fois-ci été annulé par les autorités italiennes.

En droit, Monsieur … s’empare de l’article 111 de la loi du 29 août 2008 en reprochant au ministre de ne pas avoir examiné son cas, et notamment d’avoir considéré qu’il était de mauvaise foi et estimé qu’il existait un risque de fuite dans son chef en raison de l’absence d’adresse au Luxembourg. Comme il se dégagerait des faits de l’espèce qu’il aurait manifesté à diverses reprises son intention de se rendre lui-même en Italie afin de se soumettre à la procédure y ouverte suite au dépôt de sa demande de protection internationale, il estime qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas disposer d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg.

Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir entrepris au cours des derniers mois les démarches nécessaires afin d’organiser son retour vers l’Italie ce qui justifierait sa mise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le tribunal relève tout d’abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retourou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En ce qui concerne tout d’abord les contestations du demandeur quant à l’absence de risque de fuite dans son chef, le tribunal est amené à constater que dans le jugement précité du tribunal administratif du 22 novembre 2021, il a été retenu qu’à défaut pour le demandeur d’avoir apporté le moindre élément probant de nature à renverser le risque de fuite qui était présumé dans son chef en application de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, le ministre avait valablement pu placer le demandeur en rétention sur base de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008. Etant donné qu’à l’heure actuelle, le demandeur, dont il n’est pas contesté qu’il est en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois, qu’il n’est pas en possession d’un document d’identité et de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni encore d’une autorisation de travail et qu’il ne justifie ni l’objet et les conditions de son séjour envisagé, ni des ressources personnelles suffisantes, ne fournit toujours pas d’éléments susceptibles de renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef, - le tribunal relevant, à l’instar de ce qui a déjà été retenu dans le jugement précité du 22 novembre 2021, que le fait que le demandeur continue d’insister dans le cadre du présent recours sur sa volonté de quitter le territoire luxembourgeois pour se rendre par ses propres moyens en Italie, est, au contraire, de nature à conforter l’existence d’un risque de fuite dans son chef étant donné qu’il affirme, ainsi, son intention de se soustraire à la mesure d’éloignement -, le placement en rétention, respectivement son maintien doit être considéré comme étant a priori toujours justifié et le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

En qui concerne ensuite les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal a constaté dans son jugementprécité du 22 novembre 2021, qu’il ressortait du dossier administratif que le 8 janvier 2021, les autorités luxembourgeoises avaient effectué une recherche dans la base de données EURODAC relevant que Monsieur … avait déposé des demandes de protection internationale en Italie, ainsi qu’en France en date des 24 octobre 2016 et 26 octobre 2020, de même qu’il apparaissait qu’en date du même jour, le ministre avait encore contacté les autorités françaises en vue de la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 20 (5) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », demande à laquelle les autorités françaises avaient refusé de faire droit par un courrier du 21 janvier 2021, au motif que les autorités italiennes avaient accepté de reprendre en charge Monsieur …. Le tribunal a ensuite relevé qu’il se dégageait du dossier administratif qu’en date du 21 janvier 2021, le ministre avait contacté les autorités italiennes en vue de la reprise en charge de Monsieur … sur base de l’article 20 (5) du règlement Dublin III, demande à laquelle ces dernières avaient fait droit par courrier électronique du 28 janvier 2021 et qu’un vol depuis Bruxelles vers Venise était prévu pour le 25 mars 2021, mais que le transfert n’avait pas pu être exécuté, suite à l’annulation par les autorités italiennes de ce transfert et que, de ce fait, Monsieur … avait été libéré du Centre de rétention en date du 15 mars 2021. Le tribunal a ensuite constaté que, par un courrier du 16 mars 2021 au directeur général de la Police grand-ducale, le ministre avait requis le signalement national aux fins de découvrir la résidence de Monsieur … et en vue d’un placement en rétention, ce dernier ayant en effet disparu et qu’un plan de vol établi en date du 10 novembre 2021 renseignait encore que le transfert de Monsieur … était, au moment où il a été amené à statuer, prévu pour le 7 décembre 2021.

C’est sur base de ces considérations et plus particulièrement eu égard au fait que la date pour le vol de retour du demandeur était connue que le tribunal a retenu dans son jugement précité du 22 novembre 2021 que les démarches entreprises jusque-là étaient à qualifier de suffisantes au regard des exigences posées par la loi.

En ce qui concerne les démarches entreprises depuis le jugement du tribunal administratif du 22 novembre 2021 et la prorogation de la mesure de placement actuellement litigieuse, il résulte du dossier administratif qu’effectivement, le vol initialement prévu pour le 7 décembre 2021 a dû être annulé après qu’il se soit avéré qu’il se dégageait d’une circulaire du ministère de l’Intérieur italien que tous les transferts en direction de l’Italie étaient traditionnellement suspendus entre le 6 et le 8 décembre. Néanmoins, suivant le plan de vol communiqué au ministère par la police judiciaire le 22 novembre 2021, un nouveau vol à destination de l’Italie a immédiatement été prévu pour le 14 décembre 2021, les autorités luxembourgeoises ayant fait parvenir dès le 23 novembre 2021 à leurs homologues italiens les documents nécessaires au transfert. Il se dégage ensuite des éléments du dossier que par courrier électronique du 25 novembre 2021, les autorités italiennes ont informé les autorités luxembourgeoises que l’aéroport de Rome était complet pour tout le mois de décembre, de sorte que le transfert du demandeur devait être annulé, tout en priant leurs homologues luxembourgeois de planifier un nouveau vol dans le courant du mois de janvier 2022. Par courrier du 26 novembre 2021, la police judiciaire a, en conséquence, fait parvenir au ministère un nouveau plan de vol dans le chef du demandeur, celui-ci renseignant que le transfert vers Rome était prévu pour le 18 janvier 2022. Par courrier électronique du 29 novembre 2021, les autorités luxembourgeoises ont transmis aux autorités italiennes les documents nécessaires au transfert. Il se dégage toutefois du dossier administratif que par courrier électronique du 17 décembre 2021, les autorités luxembourgeoises ont informé leurs homologues italiens que letransfert prévu pour le 18 janvier 2022 était annulé du fait que la compagnie aérienne avait supprimé le vol. Il ressort enfin du dossier administratif qu’un nouveau plan de vol a été établi en date du 20 décembre 2021 et que suivant celui-ci, le transfert est actuellement prévu pour le 20 janvier 2022, les autorités italiennes s’étant vu transmettre les documents nécessaires au transfert le 20 décembre 2021.

Il se dégage, à cet égard, des explications étatiques contenues dans le mémoire en réponse et non contestées qu’à l’heure actuelle, le vol prévu pour le 20 janvier 2022 en direction de Rome est toujours maintenu, contrairement à ce qui est indiqué dans l’arrêté ministériel litigieux.

Eu égard à ces développements et plus particulièrement au fait que la date pour le vol est actuellement connue et prévue en principe dans trois jours, le tribunal est amené à retenir qu’au moment où il statue, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire pour procéder rapidement à l’éloignement de l’intéressé du territoire, la circonstance que le transfert n’a pas encore pu être mené à bien n’étant, en effet, pas imputable à un manque de diligences suffisantes de la part des autorités luxembourgeoises qui sont en l’espèce tributaires de la collaboration et de l’efficacité de différents acteurs jouant un rôle primordial dans l’organisation de l’éloignement du demandeur, étant encore relevé que si certes le vol prévu pour le 7 décembre 2021 a dû être annulé faute pour les autorités luxembourgeoises d’avoir tenu compte d’une circulaire émanant des autorités italiennes ayant été en leur possession depuis le mois de décembre 2020 et les informant de l’impossibilité de procéder à des transferts à cette date précise, ce vol a été rapidement remplacé par un vol prévu pour le 14 décembre 2021.

Au vu de ces considérations et dans la mesure où il ne se dégage pas du dossier que l’éloignement ne puisse pas être mené à bien à la date à laquelle il est actuellement prévu et en tout cas avant l’expiration de la durée maximale de la mesure de rétention du demandeur, la prorogation de la mesure de placement n’est pas sujette à critique et les contestations afférentes du demandeur encourent, dès lors, le rejet.

Il se dégage des développements qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée et que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande de Monsieur … tendant à la réformation de la décision ministérielle du 5 janvier 2022 en ce sens « qu’aucune autre mesure de placement en Centre de rétention ne puisse être prononcée à son égard pendant un délai de quarante-huit heures à compter de sa mise en liberté » ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, et lu à l’audience publique du 17 janvier 2022 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 janvier 2022 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46889
Date de la décision : 17/01/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-01-17;46889 ?

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