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12/11/2021 | LUXEMBOURG | N°42862

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2021, 42862


Tribunal administratif No 42862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2019 4e chambre Audience publique du 12 novembre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2019 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subs...

Tribunal administratif No 42862 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2019 4e chambre Audience publique du 12 novembre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42862 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2019 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 14 février 2019 portant rejet de sa demande d’accès au groupe de traitement B1 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Pol Urbany déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2019 pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause, et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Carole Hartmann, en remplacement de Maître Pol Urbany, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 avril 2021.

Vu la rupture du délibéré du 29 octobre 2021 en vue de procéder à un changement de composition.

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 5 novembre 2021, les parties étant excusées.

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1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1 Par un courrier du 24 décembre 2018, adressé au ministre de la Sécurité intérieure, ci-

après dénommé « le ministre », Monsieur …, premier commissaire à la police grand-ducale, classé dans le groupe de traitement C1, demanda « principalement, d'être reclassé dans le groupe de traitement B1 au même titre que les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, les informaticiens diplômés, les préposés de la nature et des forêts, les techniciens diplômés, les agents sanitaires, les assistants techniques médicaux, les éducateurs, les infirmiers et les infirmiers spécialisés et tous les employés de l'État détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de fin d'études secondaires classiques, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales, d'un brevet de maîtrise ou d'un diplôme équivalent, sinon, subsidiairement, de se voir appliquer le mécanisme temporaire de changement de groupe dans le groupe de traitement B1 au même titre que les autres fonctionnaires de l’État, les policiers de l’Inspection générale de la Police et les expéditionnaires informaticiens détenteurs d’un diplôme luxembourgeois de technicien ou d’un certificat d’études reconnu équivalent, sinon, plus subsidiairement, d'accéder au groupe de traitement B1 (…) après avoir réussi à un examen, au même titre que les policiers de l’IGP. (…) ».

En date du 14 février 2019, le ministre y répondit comme suit :

« (…) J'accuse bonne réception de votre demande du 27 décembre 2018, introduite par l'intermédiaire de Maître Pol URBANY, par lequel vous demandez à accéder au groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police principalement au moyen d'un reclassement, sinon, subsidiairement, après avoir réussi à l'examen-concours du groupe de traitement B1.

Les fonctionnaires du cadre policier de la Police peuvent accéder au groupe de traitement immédiatement supérieur au leur par le biais de la carrière ouverte (art. 73ss de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale) ou du mécanisme temporaire de changement de groupe de traitement « voie expresse » (art. 94 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale).

Les fonctionnaires du groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police qui sont détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou générales ou d'un diplôme équivalent et qui ont auparavant suivi avec succès la formation professionnelle de base du groupe de traitement C1 ont par ailleurs la possibilité d'accéder au groupe de traitement B1 en se soumettant à l'examen-concours de ce groupe de traitement (art. 66 de la loi précitée de 2018).

Concernant la demande formulée à titre principal, force est de relever que la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat a intégré l'ancienne carrière de l'inspecteur dans le groupe de traitement D1. Depuis la loi du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, l'ancienne carrière de l'inspecteur appartient au groupe de traitement C1.

Il n'existe pas de base légale en vertu de laquelle les fonctionnaires du groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police, furent-ils détenteurs d'un diplôme de fin 2d'études ou de fins d'études générales ou d'un diplôme équivalent, pourraient être intégrés automatiquement dans le groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police.

Quant à la demande formulée à titre subsidiaire, vous êtes libre de vous présenter à l'examen-concours qui sera organisé dans le groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police au courant de l'année 2019. Vous pourrez, en cas de réussite et de classement en rang utile, accéder au groupe de traitement B1 selon les conditions fixées par la loi. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 14 février 2019.

Quant à la question de la nature du recours aux termes duquel le tribunal est saisi en cette matière, telle que soulevée par le délégué du gouvernement, il échet au tribunal de préciser que Monsieur … a conclu, dans le dispositif de sa requête introductive d’instance principalement à la réformation de la décision précitée du 14 février 2019 en demandant au tribunal de :

« (…) quant à la demande formulée à titre principal, pour autant que de besoin, dire que la catégorie de traitement B et le groupe de traitement B1, qui ont été créés par la loi du 18 juillet 2018 sur la Police comme nouvelle catégorie et nouveau groupe de traitement au sein de la Police grand-ducale, doivent figurer dans l'article 43 de la loi modifiée du 25 mars 2015, dans la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police », dire que l'article 43 de la loi modifiée du 25 mars 2015 doit prévoir, dans la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police », l'intégration des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, dire que le requérant doit être intégré dans le groupe de traitement B1 en application de l'article 43 de la loi modifiée du 25 mars 2015, dire qu'en application de l'article 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, le requérant doit être classé dans le groupe de traitement au grade qui correspond à son ancienneté de service acquise depuis sa première nomination, en application des conditions et délais d'avancement fixés à l'article 14 de la loi modifiée du 25 mars 2015, en tenant compte du fait qu'il a déjà réussi à l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, partant, dire que le requérant doit être reclassé dans le groupe de traitement B1 au grade de traitement F11, quant à la demande formulée à titre subsidiaire, pour autant que de besoin, dire que l'accès au groupe de traitement B1 par examen-

concours prévu par les articles 55 et 66 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police doit être soumis aux mêmes conditions que l'accès au groupe de traitement B1 prévu par l'article 23 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur l'Inspection générale de la Police, 3dire qu'en cas de réussite à l'examen-concours prévu par les articles 55 et 66 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police, le requérant doit accéder par promotion au grade correspondant de son nouveau groupe de traitement, avec dispense de réaliser l'examen de promotion du groupe de traitement B1, au même titre que les policiers qui y accède par application des articles 73 et suivant de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police (carrière ouverte) ou par application de l'article 94 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police (voie expresse), partant, dire que le requérant doit accéder, en cas de réussite de l'examen-concours, au grade de traitement F11 du groupe de traitement B1, », tout en demandant, à titre subsidiaire, au tribunal d’« annuler la décision du Ministre de la Sécurité intérieure du 14.02.2019 et renvoyer le dossier devant le Ministre de la Sécurité intérieure, (…) ».

Dans son mémoire en réplique, Monsieur …, fait préciser à cet égard, que sa demande d'accès au groupe de traitement B1 au même titre que d'autres fonctionnaires et employés viserait principalement un reclassement au groupe de traitement B1, sinon subsidiairement un accès au groupe de traitement B1 par la réussite d'un examen, ce qui ne serait pas à confondre avec la procédure de changement de groupe de traitement, tel que le soutiendrait à tort le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, tout en estimant que sa demande aurait clairement trait à la fixation de son traitement, de sorte à tomber dans le champ d'application de l'article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « le statut général », prévoyant un recours au fond en ce qui concerne les contestations relative à la fixation des traitement des fonctionnaires.

Force est cependant de relever que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a encore fait dupliquer qu’aucune disposition législative n’attribue au tribunal une compétence au fond en matière de reclassement, de sorte que le tribunal doit se déclarer incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée et ce, alors même qu’un changement de groupe de traitement engendre a priori des conséquences sur le traitement d’un fonctionnaire, étant relevé qu’il a été jugé qu’un recours au fond n'est pas admissible concernant les décisions qui n'ont qu'un effet indirect sur le traitement.2 Il s’ensuit que le tribunal doit décliner sa compétence en ce qui concerne le recours principal en réformation, tant en ce qui concerne le recours relatif à la demande principale qu’en ce qui concerne celui relatif à la demande subsidiaire.

Force est ensuite de relever, quant à la demande, présentée en premier ordre de subsidiarité dans le courrier du 20 décembre 2018, d’accéder au groupe de traitement B1 par la voie expresse, que la décision du 15 février 2019, telle que déférée, ne prend pas position quant à cette demande, de sorte qu’elle n’est pas concernée par le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision déférée, recours qui ne porte pas non plus sur une éventuelle décision implicite de refus.

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a encore soulevé d’office la question de savoir si la réponse du ministre à la demande subsidiaire de Monsieur … visant à « accéder au groupe de traitement B1 (…) après avoir réussi à un examen, au même titre que les 2 Cour adm. 6 mars 2014, n° 33591C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction Publique, n° 466 et les autres références y citées.

4policiers de l’IGP » était à considérer comme une décision faisant grief attaquable en justice, de sorte à avoir mis en cause la recevabilité de ce volet du recours.

Le litismandataire de Monsieur … donne à considérer que le ministre ne ferait pas droit à une demande expresse de la part de son mandant, de sorte que ce refus serait de nature à causer un grief à ce dernier. A titre subsidiaire, il estime que si la réponse du ministre n’était pas à considérer comme une décision attaquable de nature à faire grief, il y aurait lieu de considérer que la demande afférente de la part de son mandant serait entretemps à considérer comme ayant été refusée du fait de l’absence de prise de position de la part du ministre endéans un délai de plus de trois mois depuis la demande.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre se serait borné à fournir une information juridique par rapport à la demande subsidiaire, information qui ne serait pas une décision de refus faisant grief. En tout état de cause, il n’y aurait pas non plus de décision implicite de refus par le silence du ministre suite à cette demande.

L'article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommé ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », limite l'ouverture d'un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l'acte litigieux doit constituer une décision administrative, c'est-à-dire émaner d'une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste3. En d’autres termes, l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire, un acte final dans la procédure susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de l’intéressé.

Force est au tribunal de relever que la réponse du ministre quant « à la demande formulée à titre subsidiaire », tenant à informer Monsieur … qu’il est « libre de [se] présenter à l'examen-concours qui sera organisé dans le groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police au courant de l'année 2019 » et qu’il pourrait, « en cas de réussite et de classement en rang utile, accéder au groupe de traitement B1 selon les conditions fixées par la loi » n’est pas une décision de refus toisant définitivement une demande concrète d’un administré, mais constitue une simple information juridique destinée à éclairer ce dernier sur les démarches à faire en vue d’une reclassement au groupe de traitement B1 par le biais d’un examen. Or, une simple information juridique n’est pas à considérer comme un acte administratif faisant grief, de sorte que le recours dirigé contre ce deuxième volet du courrier déféré du 14 février 2019 est d’ores et déjà à déclarer irrecevable pour défaut d’objet4, ce qui implique nécessairement la non considération de tous les développements de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique relatifs aux alternatives à l’accès au groupe de traitement B1 et leurs effets.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation subsidiaire de Monsieur … relative à l’existence d’une éventuelle décision implicite de refus en raison de l’absence de décision expresse sur ce volet de sa demande, alors qu’au-delà du constat que le recours dont le tribunal est actuellement saisi n’est pas expressément dirigé contre une telle décision 3 Trib. adm. du 26 août 2010 (n° du rôle 23551), Pas. adm. 2020, V° Acte administratif, n°1 et les autres références y citées..

4 En ce sens : trib. adm. 7 mars 2007, n° 21708 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 75 et les autres références y citées.

5implicite de refus du ministre, mais seulement contre un acte explicite bien déterminé, à savoir le courrier du 14 février 2019, force est de relever que la demande « d’accéder au groupe de traitement B1 (…) après avoir réussi à un examen, au même titre que les policiers de l’IGP » ne saurait être considérée comme une demande par rapport à laquelle le ministre serait en mesure de répondre par une décision définitive faisant grief, alors que cette demande, à défaut pour Monsieur … d’avoir préalablement réussi en rang utile l’examen en question, reste à l’état purement hypothétique pour être subordonnée à l’accomplissement de conditions supplémentaires et doit nécessairement être qualifiée de demande de renseignement.

En effet pour qu’une administration puisse prendre une décision faisant grief, la demande lui adressée doit être formulée de manière à ce que le ministre puisse la trancher, soit favorablement soit par un refus, une simple demande de renseignement hypothétique relative à une demande soumise à des conditions non encore remplies ne possédant manifestement pas ce caractère.

En ce qui concerne ensuite la recevabilité du recours subsidiaire en annulation, en ce qu’il est dirigé contre la décision du 14 février 2019 refusant de faire droit à la demande « d'être reclassé dans le groupe de traitement B1 au même titre que les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, les informaticiens diplômés, les préposés de la nature et des forêts, les techniciens diplômés, les agents sanitaires, les assistants techniques médicaux, les éducateurs, les infirmiers et les infirmiers spécialisés et tous les employés de l'État détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de fin d'études secondaires classiques, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales, d'un brevet de maîtrise ou d'un diplôme équivalent, » seul volet de la demande encore litigieux, le délégué du gouvernement relève, quant à l’intérêt à agir de Monsieur …, que ce dernier ne pourrait raisonnablement soutenir qu'il se serait attendu à être reclassé dans le groupe de traitement B1 dès l'entrée en vigueur de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », alors que cette loi ne contiendrait aucune disposition prévoyant un reclassement des inspecteurs de police, furent-ils détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires dans le groupe de traitement B1, ce qui serait d’ailleurs également relevé par Monsieur … lui-même, de sorte qu’en l'absence de base légale le ministre ne n’aurait pas pu faire droit à la demande visant à obtenir un reclassement d'office dans le groupe de traitement B1.

De plus, Monsieur …, malgré le fait qu'il détiendrait un diplôme qui lui aurait permis de participer à l'examen-concours d'entrée à la carrière moyenne, dénommée aujourd'hui « B1 », aurait fait le choix d'intégrer une carrière pour l'accès à laquelle seuls cinq années d'études d'enseignement secondaire seraient requises, de sorte qu’il ne pourrait pas valablement soutenir que la décision déférée lui refusant l’accès au groupe de traitement B1 viendrait affecter sa situation personnelle, professionnelle et financière.

Dans son mémoire en duplique, la partie gouvernementale fait préciser que le reclassement automatique, tel que réclamé, n’aurait d’ailleurs pas figuré parmi les revendications de la représentation du personnel, tout en relevant, dans ce contexte, que l'Association du Personnel de la Police Judiciaire (APPJ), à laquelle se référerait Monsieur …, serait une association professionnelle qui ne serait pas agréée en tant que représentation du personnel, de sorte que le fait que l'une, parmi six associations professionnelles existant au sein de la Police, ait revendiqué un reclassement automatique pour le personnel du groupe de 6traitement C1 de la police judiciaire ne saurait lui permettre de prétendre qu'il se serait attendu à être classé automatiquement dans le groupe de traitement B1.

Il importerait encore de remarquer que le projet de loi ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale aurait été déposé le 22 août 2016, soit près d'un an après l'interview auquel se réfèrerait Monsieur …, de sorte qu’il ne saurait en être tiré des conclusions quant à la manière dont cette nouvelle carrière serait introduite dans la Police. Il en serait de même pour l'annonce faite par la Secrétaire d'Etat un mois plus tard.

Ayant justifié son intérêt à agir, dans sa requête introductive d’instance, par le fait que la décision déférée affecterait directement sa situation personnelle, professionnelle et financière, alors qu’il se serait attendu à être reclassé du groupe de traitement C1 vers le groupe de traitement B1 dès l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2018, Monsieur … fait répliquer que les développements du délégué du gouvernement dans ce contexte seraient à considérer comme étant hors sujet, alors que les allégations afférentes ne porteraient non pas sur son intérêt à agir, mais sur le fond de l'affaire.

En tout état de cause, il estime qu’il aurait clairement un intérêt à agir du fait d’être resté bloqué au groupe de traitement C1, en raison de la décision déférée.

Force est d’abord de rappeler que l’intérêt à agir est vérifiée par l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter5.

L'intérêt doit être direct et personnel et se mesure à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie L’intérêt à l’annulation d’un acte administratif doit non seulement exister au jour de l’introduction du recours, mais encore subsister jusqu’au prononcé du jugement. En cas de contestation de l’intérêt à agir au jour des plaidoiries et à défaut de justifier le maintien de l’intérêt à agir ayant existé au jour de la requête introductive, le recours doit être déclaré irrecevable6.

Etant donné que Monsieur … a expressément demandé, à titre principal, « d'être reclassé dans le groupe de traitement B1 au même titre que les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, les informaticiens diplômés, les préposés de la nature et des forêts, les techniciens diplômés, les agents sanitaires, les assistants techniques médicaux, les éducateurs, les infirmiers et les infirmiers spécialisés et tous les employés de l'État détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de fin d'études secondaires classiques, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales, d'un brevet de maîtrise ou d'un diplôme équivalent, », soit sans devoir passer par un examen de changement de carrière, et que cette demande lui a été expressément refusée à travers la décision litigieuse du 14 février 2019, il a un intérêt certain à agir contre la décision lui refusant l’accès au groupe de traitement B1 dès le 14 février 2019 sans autres conditions, décision qui lui fait toujours grief.

Il suit de ce qui précède que le moyen du délégué du gouvernement tenant à l’absence d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur … est à rejeter.

5 Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), N°247.

6 Trib. adm. 26 novembre 2009, n° 25191 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 27.

7 A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours subsidiaire en annulation pour autant qu’il vise la demande de reclassement direct du requérant au grade B1 est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la partie demanderesse reprend les rétroactes passés en revue ci-avant, tout en retraçant sa carrière professionnelle notamment au sein de la Police grand-ducale jusqu’à sa nomination au grade de premier commissaire, ainsi que son cursus scolaire et les formations professionnelles suivies.

En droit et en guise d’introduction, la partie demanderesse, tout en soulignant avoir été engagée auprès de la police grand-ducale dans la carrière inférieure, en application de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d'un corps de police grand-ducale et d'une inspection générale de la police, dénommée ci-après la « loi du 31 mai 1999 » et de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'État, dénommée ci-après la « loi du 22 juin 1963 », fait relever que contrairement à ce qui aurait été le cas dans la fonction publique générale, la police grand-ducale n’aurait pas connu de carrière moyenne regroupant les détenteurs de diplômes de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou de diplômes équivalents.

La loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'État, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », aurait procédé à une harmonisation de la structuration des carrières dans la fonction publique, en créant des catégories et groupes de traitements, tout en procédant au reclassement d’un certain nombre de carrières, compte tenu de l'évolution des études, d'une part, et de l'évolution des missions et sujétions, d'autre part, dans le but d'instaurer une plus grande égalité de traitement entre les différentes carrières.

Dans ce contexte, et par application des articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015, les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, les informaticiens diplômés, les préposés de la nature et des forêts, les techniciens diplômés, les agents sanitaires, les assistants techniques médicaux, les éducateurs, les infirmiers et les infirmiers spécialisés qui, sous l'égide de la loi du 22 juin 1963 auraient fait partie de la carrière inférieure de la fonction publique, auraient accédé à la carrière moyenne de la fonction publique.

Or, cette accession de la carrière inférieure à la carrière moyenne ne se serait pas faite pour les fonctionnaires de l'Etat de la police grand-ducale, ni pour les policiers de l'ancienne carrière de l'inspecteur de police détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent, ni pour les policiers de l'ancienne carrière de l'inspecteur de police non-détenteurs d'un tel diplôme, alors que l'article 43 de la loi du 25 mars 2015 aurait intégré tous ces policiers de l'ancienne carrière de l'inspecteur de police dans la catégorie de traitement D, dans le groupe de traitement D1, ce qui correspondrait toujours à la carrière inférieure de la fonction publique.

Ce n’aurait été qu’avec la loi du 18 juillet 2018 qu’aurait été créé le groupe de traitement B1 au sein de la police grand-ducale - les travaux parlementaires y relatifs ayant précisé à ce sujet que la structuration des carrières policières serait désormais greffée sur celle de l'administration générale de l'État, définie par la loi du 25 mars 2015, - sans pour autant procéder à l'intégration des anciens inspecteurs de police détenteurs d'un diplôme de fin 8d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent dans le nouveau groupe de traitement B1, de sorte que ces inspecteurs de police feraient toujours partie de la carrière inférieure de la fonction publique.

La partie demanderesse relève qu’en se basant sur les promesses pourtant claires tant du ministre que de la secrétaire d'Etat à la Sécurité intérieure, elle aurait, à travers son courrier du 7 février 2019, demandé au ministre, principalement, d'être reclassé d’office dans le groupe de traitement B1, sinon, subsidiairement, y accéder par le mécanisme dit de « la voie expresse » au sens de l’article 30 de la loi modifiée du 18 juillet 2018, sinon à titre plus subsidiaire après avoir réussi à un examen, tel que prévu par les articles 55 et 66 de la loi du 18 juillet 2018.

Dans ce contexte, la partie demanderesse fait relever que notamment la loi du 18 juillet 2018 sur l'Inspection générale de la Police, dénommée ci-après « la loi du 18 juillet 2018 IGP », aurait également prévu un reclassement par voie expresse ainsi qu’un accès au groupe de traitement B1 à la suite de la réussite d'un examen.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse complète encore ses propos introductifs, notamment en ce qui concerne l’élaboration du projet de loi sur la Police grand-

ducale, en précisant qu’après le vote de la loi du 25 mars 2015, ayant procédé au reclassement de nombreux fonctionnaires et employés de l'État en fonction de leur niveau d'études, le ministre aurait clairement affirmé, lors d'une interview diffusée en direct à la radio en date du 12 septembre 2015, que : « Mir wellen eng komplett nei Carrière aféieren bei der Police, well mer keng Redaktesch-Carrière an der Police hunn, fir all déi Leit déi z.B.

de Redaktesch Examen hunn, also déi eng Première hunn, dass déi och wéi eng Première moar kénne bezuelt ginn. », annonce qui aurait été répétée par la secrétaire d'État à la Sécurité intérieure lors de la traditionnelle fête patronale de la police grand-ducale, la Saint-Michel, en date du 29 septembre 2015 et qui y aurait même rajouté que « l'introduction de nouvelles carrières au sein de la police (…) s'inscrit dans la réforme globale de la réforme de la fonction publique ».

Ainsi, parallèlement à l'entrée en vigueur, en date du 1er octobre 2015, de la loi du 25 mars 2015, une enquête interne, lancée en date du 2 octobre 2015 au sein de la police grand-

ducale, aurait déterminé autour de 350 policiers de la carrière de l'inspecteur de police qui seraient détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent.

La partie demanderesse en conclut que suite à ces annonces gouvernementales et à cette action au niveau de la police grand-ducale, toutes faites autour de l'entrée en vigueur de la grande réforme de la fonction publique, elle aurait valablement pu s'attendre à être reclassée au même titre que de nombreux autres fonctionnaires de l'État.

La partie demanderesse conteste l’affirmation du délégué du gouvernement, selon laquelle l'association du personnel représentative qui aurait été étroitement associée à l'élaboration du projet de loi ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018, n’aurait pas revendiqué le reclassement des inspecteurs de police détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires dans le groupe de traitement B1, tout en précisant qu’il existerait plusieurs associations du personnel de la carrière à laquelle elle appartiendrait, à savoir notamment le Syndicat National de la Police Grand-Ducale (SNPGL) et l'Association du Personnel de la Police Judiciaire (APPJ) qui auraient, toutes les deux, revendiqué le reclassement des anciens 9inspecteurs de police dans la carrière moyenne de la fonction publique, la dernière étant encore intervenue à plusieurs reprises à ce sujet tant auprès du gouvernement qu'auprès de la Chambre des députés, et ce, encore après que le projet de loi sur la police grand-ducale y aurait été déposé en date du 31 août 2016. Ainsi, dans un courrier du 27 novembre 2017, l'APPJ aurait relevé entre autres que « sur base des articles 43 et 47 (de la loi modifiée du 25 mars 2015), les fonctionnaires et employés de l'Administration Générale de l'État, occupant un groupe de traitement correspondant à leur diplôme d'études, ont été reclassés dans le groupe de traitement correspondant à leur diplôme d'études » et que « le Gouvernement a (…) exclu la possibilité à un fonctionnaire au sein de la Police grand-ducale déjà détenteur d'un diplôme de fin d'études secondaires de faire valoir son diplôme pour accéder au nouveau groupe de traitement B1 ». Dans un courrier du 2 mai 2018, l'APPJ aurait, encore une fois, pointé diverses inégalités constatées dans le projet de loi sur la réforme de la Police grand-ducale par rapport à la loi modifiée du 25 mars 2015 et par rapport au projet de loi sur la réforme de l'Inspection générale de la Police.

Quant à l'obligation pour le ministre d'appliquer la loi en vigueur même en cas de violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi, telle que mis en avant par le délégué du gouvernement, la partie demanderesse fait répliquer que le ministre, dans le cadre de l'application de l'article 55 de la loi du 18 juillet 2018, aurait ouvert le premier examen-

concours non pas pour vingt postes qui seraient prévues par la loi, mais pour cent cinquante-

six postes du groupe de traitement B1, de sorte que, contrairement à ce qui serait allégué dans la présente affaire, le ministre pourrait très bien déroger à ce qui serait prévu par la loi, ce dernier reconnaissant ainsi implicitement, par ce moyen, qu'il existerait une inégalité entre les policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent et d'autres fonctionnaires de l'État et que la loi, que ce soit la loi du 18 juillet 2018 ou la loi du 25 mars 2015, contreviendrait au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

En ce qui concerne l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle le choix du législateur de ne pas procéder à un reclassement automatique, mais d'instaurer divers mécanismes permettant à des policiers du groupe de traitement C1 d'accéder au nouveau groupe de traitement B1 serait un choix politique qui échapperait au contrôle du juge administratif, la partie demanderesse fait répliquer que la partie gouvernementale méconnaîtrait, ainsi, l'existence du contrôle, par voie d'exception, de la constitutionnalité des lois, contrôle qui découlerait de l'article 95ter de la Constitution, la partie demanderesse rappelant, dans ce contexte, que, selon la doctrine, la définition du champ d'application des différents régimes légaux ne pourrait pas être arbitraire dans un Etat de droit, ce qui serait l'idée directrice même du principe d'égalité.

Au fond et quant au refus du ministre de procéder à son reclassement d’office dans le groupe de traitement B1, instauré par la loi du 18 juillet 2018, sur base du constat qu’il n’existerait pas de base légale en vertu de laquelle les fonctionnaires du groupe de traitement C1 du cadre policier, furent-ils détenteurs d'un diplôme de fin d'études ou de fins d'études générales ou d'un diplôme équivalent, pourraient être intégrés automatiquement dans le groupe de traitement B1 du cadre policier, la partie demanderesse conclut, en premier lieu, à une violation de l’article 10bis de la Constitution par les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015, ayant intégré certains groupes de fonctionnaires dans le groupe de traitement B1 mais non pas l'ancienne carrière de l'inspecteur qui n’aurait été reclassée que dans le groupe de traitement D1, respectivement, dans une deuxième étape, depuis la loi du 18 juillet 2018, dans le groupe de traitement C1.

10 En effet, il n’aurait été tenu compte ni de l'évolution des études scolaires et postscolaires accomplies par ces policiers ni de l'évolution des missions et sujétions de ces derniers, telle que cette évolution serait illustrée par sa fiche de poste versée à l’appui de son recours, ladite fiche précisant d’ailleurs que le niveau de recrutement requis pour ces postes serait une « carrière policière B1 ou C1 ». La partie demanderesse en conclut qu’elle effectuerait dès lors les mêmes tâches qu'un policier classé dans le groupe de traitement B1.

La partie demanderesse fait encore répliquer à ce sujet qu’elle ne contesterait pas l’absence de base légale permettant son reclassement automatique dans la carrière B1, mais que ce serait justement cette absence qui créerait les différences de traitement dénoncées dans le présent recours.

Quant à l’argument du délégué du gouvernement selon lequel elle aurait accepté d’intégrer la carrière de l’inspecteur de police en connaissance de cause, à savoir en sachant que son diplôme de fin d’études ne serait pas requis, la partie demanderesse relève que cette argumentation ne saurait tenir au vu du fait qu’il en aurait été de même des expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme de technicien, des préposés de la nature et des forêts détenteurs d'un diplôme de technicien, des agents sanitaires, des infirmiers, des infirmiers anesthésistes, des infirmiers chargés des services d'ergothérapie ou d'éducation physique, des infirmiers psychiatriques et des puériculteurs, tous détenteurs d'un diplôme d'infirmier, des assistants techniques médicaux détenteurs d'un diplôme d'assistant technique médical et des éducateurs détenteurs d'un diplôme d'éducateur, qui tous auraient accepté en connaissance de cause d'intégrer la carrière inférieure, mais qui auraient cependant été reclassés dans la carrière moyenne.

De plus, l'accès à ces dernières carrières n’aurait pas non plus toujours été subordonné à la détention d'un diplôme de fin d'études secondaires.

Finalement, toujours dans ce contexte, la partie demanderesse fait encore répliquer que le groupe de traitement B1 aurait été nouvellement créé au niveau de la Police grand-

ducale, à l'instar du groupe de traitement A2 dans l'ensemble des administrations étatiques, de sorte qu’il serait en l’occurrence, par rapport à sa demande adressée au ministre, possible de faire un rapprochement avec le reclassement de fonctionnaires de l'État dans le groupe de traitement A2 qui n’aurait pas non plus existé avant. De nouveau, il s'agirait, dans les deux cas, de fonctionnaires de l'État, qui auraient accepté en connaissance de cause d'intégrer une carrière pour laquelle leur diplôme n’aurait pas été requis.

Par rapport à l’allégation du délégué du gouvernement selon laquelle la catégorie de traitement B n'aurait pas encore existé pour les policiers, au moment du vote de la loi du 25 mars 2015, de sorte qu’il aurait été impossible de procéder au reclassement de tous ou partie des inspecteurs de police dans un groupe de traitement inexistant, la partie demanderesse riposte que la catégorie de traitement C et le groupe de traitement C1 de la police grand-

ducale, dans lequel les inspecteurs de police seraient actuellement intégrés en application de la loi du 18 juillet 2018, n'auraient pas non plus existés au 1er octobre 2015, alors que la loi du 25 mars 2015 les aurait initialement classés dans la catégorie de traitement D, et plus particulièrement dans le groupe de traitement D1, de sorte qu’il serait totalement indifférent de relever qu’une certaine catégorie de traitement respectivement un certain groupe de traitement aurait existé au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015 laquelle aurait d’ailleurs déjà été modifiée à maintes reprises.

11 Dans ce contexte, la partie demanderesse cite, comme exemple, la loi du 9 mai 2018 portant notamment modification de la loi modifiée du 25 mars 2015 qui aurait permis aux expéditionnaires informaticiens détenteurs d'un diplôme de technicien ou d'un diplôme équivalent de bénéficier du mécanisme de la voie expresse, modification justifiée selon les travaux parlementaires, par le constat que « (le) reclassement en 2015 a été opéré au profit des expéditionnaires techniques ayant pu se prévaloir de ce même diplôme et qui ont bénéficié d'un reclassement au groupe de traitement B1. La revalorisation en question se limitait (cependant) à la seule carrière de l'expéditionnaire technique. ». Il en résulterait que le législateur aurait donc bien réagi à une différence de traitement à l'égard des expéditionnaires informaticiens après l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015, ce qu’il n’aurait cependant pas fait pour les inspecteurs de police.

Ainsi, comme la loi du 18 juillet 2018 aurait intégré les policiers du groupe de traitement D1 dans le groupe de traitement Cl, elle aurait également pu intégrer les policiers du groupe de traitement C1 par ailleurs détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent, dans le groupe de traitement B1.

Il s'y ajouterait que les modalités d'intégration des fonctionnaires de l'État reclassés dans les nouvelles catégories et les nouveaux groupes de traitement auraient encore été adaptées par une loi du 25 juillet 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et employés de l'État, alors que, selon les documents parlementaires y relatifs, « le reclassement résultant des réformes dans la Fonction publique a été beaucoup moins favorable que celui dont ont bénéficié les instituteurs lors de la réforme de l'Enseignement fondamental en 2009 », ce qui démontrerait, encore une fois, qu'il serait en réalité indifférent que la loi du 25 mars 2015 ait déjà prévu le groupe de traitement B1 au niveau de la police grand-ducale, alors qu’une modification de l’article 43 de la loi du 25 mars 2015, un nouvel article de la loi du 25 mars 2015 ou une nouvelle loi auraient pu et dû prévoir cette intégration dans le groupe de traitement B1.

Finalement, la partie demanderesse fait relever que le délégué du gouvernement reconnaîtrait d'ailleurs lui-même, dans son mémoire en réponse, que l'inégalité de traitement à l'égard des policiers diplômés aurait pu être résolue par une disposition transitoire dans la loi modifiée du 18 juillet 2018, tout en précisant qu'une telle mesure n'aurait certainement pas manqué de créer le mécontentement des autres membres du groupe de traitement C1 ne détenant pas d'un tel diplôme, mais disposant d'une expérience professionnelle beaucoup plus grande. Or, ce faisant, le délégué du gouvernement aurait implicitement souligné toute la problématique de la présente affaire, à savoir que, tandis que la réforme de la fonction publique aurait conduit à un système des traitements et avancements fondé sur le niveau d'études, les compétences et les responsabilités des fonctionnaires de l'État, pour la police grand-ducale un système des traitements et avancements fondé sur l'ancienneté des fonctionnaires de l'État aurait été introduit, alors même que la loi du 25 mars 2015 s’appliquerait déjà à celle-ci.

La partie demanderesse soutient en deuxième lieu que, contrairement aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, des informaticiens diplômés, des préposés de la nature et des forêts, des techniciens diplômés, des agents sanitaires, des assistants techniques médicaux, des éducateurs, des infirmiers et des infirmiers spécialisés, pour lesquels l’évolution des études et 12des responsabilités et la reconnaissance de leurs diplômes de fin d'études secondaires, secondaires techniques ou équivalents auraient justifié leur reclassement de la carrière inférieure vers la carrière moyenne de la fonction publique, il n’en aurait pas été le cas des policiers qui se trouveraient néanmoins dans une situation tout à fait comparable du fait d’être détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, secondaires techniques ou équivalents et du fait d’effectuer un travail comportant des responsabilités du groupe de traitement B1.

La différenciation ainsi opérée par les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015 ne serait dès lors aucunement justifiée et la violation de l'article 10bis de la Constitution serait à ce point manifeste, qu’il ne serait pas nécessaire pour le tribunal de saisir la Cour constitutionnelle au vœu de l'article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, dénommée ci-après « la loi du 27 juillet 1997 ».

La partie demanderesse en conclut que « l'intégration et le reclassement inégalitaires des fonctionnaires de l'État, réalisés par les articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, dans les différents groupes de traitement d[evrai]ent être redressés », alors qu’elle aurait dû être intégrée dans le groupe de traitement B1 avec un classement au grade correspondant à son ancienneté de service acquise depuis sa première nomination, en application des conditions et délais d'avancement fixés à l'article 14 de la loi du 25 mars 2015, tout en tenant compte du fait qu'elle aurait déjà réussi à l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, à savoir dans le groupe de traitement B1 au grade de traitement F11, de sorte que la décision déférée serait à annuler de ce chef.

Dans son mémoire en réplique, et par rapport à la comparabilité de la situation des inspecteurs de police à celle des autres fonctionnaires de l’Etat, la partie demanderesse réfute encore l’argument du délégué du gouvernement selon lequel l'accès à la formation policière ne serait pas nécessairement et obligatoirement subordonné à la détention d'un diplôme de fin d'études secondaires, contrairement aux autres carrières reclassées en raison, d'une part, de l'évolution des critères d'études et, d'autre part, de l'évolution des missions et sujétions de ces carrières par opposition à celle du cadre policier. En effet, cette affirmation serait contredite par le commentaire des articles relatif à la nouvelle classification des carrières en quatre catégorie (A, B. C et D), où il aurait été expliqué que la nouvelle grille des rémunérations serait réagencée sur la base de l'appréciation des deux critères de l'évolution des études et de l'évolution des missions et sujétions inhérentes aux fonctions, le rapport de la Commission sur les traitements, établi avant la réforme de la fonction publique, ayant relevé, au sujet de la carrière de l’inspecteur de police que i) les missions de la carrière auraient connu une évolution importante au cours des vingt dernières années, que ii) le volume du travail aurait connu une évolution importante au cours des vingt dernières années en raison de l'augmentation des missions de protection et que iii) dans la majorité des cas, une évolution importante aurait eu lieu au cours des vingt dernières années en ce qui concerne non seulement la qualité du travail, mais également les compétences requises. La demanderesse en conclut que la carrière de l'inspecteur de police aurait évolué de la même manière, voire de manière plus importante que les carrières des autres fonctionnaires de l'État ayant connu un reclassement automatique.

Quant à la remarque du délégué du gouvernement, basée sur le constat que la description de tâche indiquerait le niveau de recrutement requis comme relevant soit de la carrière policière B1 soit de la carrière policière C1, que le travail exécuté ne présenterait pas de responsabilités particulières, la partie demanderesse estime qu’au contraire, les tâches seraient, en réalité, plus complexes et les responsabilités des policiers plus importantes, ce qui 13serait encore confirmé par le ministre lui-même dans le plan de recrutement présenté en juin 2019, dans lequel il aurait reconnu, en ce qui concerne les groupes de traitement B1 et C1, que les missions de la police deviendraient de plus en plus complexes, les textes de loi de plus en plus difficiles, les exigences du public de plus en plus élevées et les règles procédurales de plus en plus importantes, aussi bien pour les missions de la police judiciaire que pour les tâches administratives.

D'ailleurs, afin de tenir compte de la complication du métier, la plus grande partie des polices de l’Europe de l'Ouest recruteraient leur personnel avec un niveau d'études équivalent au B1.

Même si les inspecteurs de police n'auraient, certes, pas eu besoin de disposer nécessairement et obligatoirement d'un diplôme de fin d'études secondaires pour accéder à leur carrière, le recrutement de policiers diplômés aurait cependant permis à la police grand-

ducale, au cours des dernières années, de faire face à la complexité grandissante de ses missions et sujétions. Ainsi, les fiches de postes visant la « carrière policière B1 ou C1 » souligneraient dès lors clairement que le travail exécuté présenterait des responsabilités particulières.

En ce qui concerne la justification de la différenciation entre les situations, la partie demanderesse fait encore répliquer que l’explication du délégué du gouvernement selon laquelle il serait constant que l'intention du législateur aurait été d’introduire le groupe de traitement B1 au sein de la police et non de remplacer le groupe C1 par le groupe B1, ne fournirait pas d'indication sur le but légitime qui serait à l'origine de la différenciation opérée entre les policiers diplômés et les autres fonctionnaires de l'État, pour lesquels le reclassement prévu par les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015, serait justifié afin de tenir compte de l'évolution des études, d'une part, et de l'évolution des missions et sujétions, d'autre part.

La partie demanderesse rappelle que l'objectif de la loi du 18 juillet 2018 aurait été celui de greffer la structuration des carrières policières sur celle de l'administration générale de l'État afin de mettre fin à la « discordance des carrières policières de l'administration générale ».

Ainsi, la disparité créée en ce qui concerne l'accès des policiers diplômés au groupe de traitement B1 ne serait pas rationnellement justifiée, ni adéquat, ni proportionné à l'objectif pourtant affiché par la loi du 18 juillet 2018, l’absence de base légale pour le reclassement sollicité violant ainsi l'article 10bis de la Constitution.

A ce titre, la partie requérante demande au tribunal administratif de soumettre, avant tout progrès en cause, les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :

« 1) Les articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, en ce qu'ils ne prévoient pas de reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, sont-ils conformes à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où ils instituent une différence de traitement par rapport aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme de technicien, aux préposés de la nature et des forêts, aux agents sanitaires, aux assistants techniques médicaux, aux éducateurs, aux infirmiers, aux infirmiers anesthésistes, aux infirmiers chargés des services d'ergothérapie ou d'éducation 14physique, aux infirmiers psychiatriques ou aux puériculteurs qui ont été reclassés au groupe de traitement B1 en application de ces mêmes articles ? 2) Les articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, en ce qu'ils n'ont pas prévu le reclassement des policiers de la carrière de l'inspecteur de police ou du groupe de traitement C1, détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent, dans le groupe de traitement B1, sont-ils conformes à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où ils instituent une différence de traitement par rapport aux fonctionnaires de l'État de la carrière moyenne ou du groupe de traitement B1, détenteurs d'un diplôme de bachelor, qui ont été reclassés au groupe de traitement A2 en application de ces mêmes articles ? 3) La loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, en ce qu'elle n'a pas prévu le reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, est-elle conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où elle institue une différence de traitement par rapport aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme de technicien, aux préposés de la nature et des forêts, aux agents sanitaires, aux assistants techniques médicaux, aux éducateurs, aux infirmiers, aux infirmiers anesthésistes, aux infirmiers chargés des services d'ergothérapie ou d'éducation physique, aux infirmiers psychiatriques ou aux puériculteurs qui ont été reclassés au groupe de traitement B1 en application des articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015 ? 4) La loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, en ce qu'elle n'a pas prévu le reclassement des policiers de la carrière de l'inspecteur de police ou du groupe de traitement C1, détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent, dans le groupe de traitement B1, est-elle conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où elle institue une différence de traitement par rapport aux fonctionnaires de l'État de la carrière moyenne ou du groupe de traitement B1, détenteurs d'un diplôme de bachelor, qui ont été reclassés au groupe de traitement A2 en application des articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015 ? ».

En troisième lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l’article 10bis de la Constitution par l’article 43 de la loi du 25 mars 2015 du fait que ce dernier porterait sur l'intégration des carrières prévues par la loi du 22 juin 1963 dans les nouvelles catégories et groupes de traitement, sans même prévoir la catégorie de traitement B comme faisant partie de la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police ».

De plus, elle reproche au législateur de ne pas avoir, par le biais de la loi du 18 juillet 2018, procédé à une modification de l’article 43 précité de la loi du 25 mars 2015 afin de prévoir la catégorie de traitement B dans la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police ». Ainsi, parmi toutes les rubriques y prévues, la catégorie de traitement B de la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police » resterait en effet la seule qui, même si nouvellement créée, ne figurerait pas à l'article 43 de la loi du 25 mars 2015.

Ce silence de l'article 43 de la loi du 25 mars 2015 quant à la catégorie de traitement B et partant quant au groupe de traitement B1 qui auraient entretemps été créés auprès de la police grand-ducale, entraînerait au détriment des policiers une différence de traitement par rapport à tous les autres fonctionnaires de l'Etat pour lesquels tous les nouveaux groupes de 15traitement auraient été repris, ce qui constituerait une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi prévu par l'article 10bis de la Constitution, violation qui serait d'autant plus grave par rapport aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, aux informaticiens diplômés, aux préposés de la nature et des forêts, aux techniciens diplômés, aux agents sanitaires, aux assistants techniques médicaux, aux éducateurs, aux infirmiers et aux infirmiers spécialisés, qui auraient, en application de l'article 43 de la loi du 25 mars 2015, été intégrés dans la catégorie de traitement B, et plus particulièrement dans le groupe de traitement B1, alors que leur situation serait comparable à la situation des anciens inspecteurs de police détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent, mais qui ne bénéficieraient pas de l'intégration dans le nouveau groupe de traitement B1.

La comparaison la plus flagrante serait celle entre les anciens inspecteurs de police détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent et les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, alors que l'article 43 de la loi du 25 mars 2015 distinguerait entre l'intégration des expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1 et l'intégration des expéditionnaires techniques non-détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement C1. Ainsi, tandis que les expéditionnaires techniques non-détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent seraient restés dans la carrière inférieure de la fonction publique, les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent auraient accédé à la carrière moyenne de la fonction publique, carrière correspondant à leur niveau d'études.

Or, au sein de la police grand-ducale, une distinction similaire aurait pu être opérée entre les anciens inspecteurs de police détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques ou techniques ou d'un diplôme équivalent et les anciens inspecteurs de police non-

détenteurs de tels diplômes, ce qui n’aurait pourtant pas été le cas, alors que le législateur n'aurait pas tenu compte des différents diplômes des anciens inspecteurs de police, en les intégrant tous, d'abord dans le groupe de traitement Dl, puis dans le groupe de traitement Cl, soit toujours dans la carrière inférieure de la fonction publique.

En raison de la violation flagrante du principe d'égalité des citoyens devant la loi, il n’y aurait pas non plus lieu de saisir la Cour constitutionnelle pour permettre au tribunal administratif de redresser la lacune législative dans la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police » de l'article 43 de la loi du 25 mars 2015, sinon pour annuler la décision déférée de ce chef.

En quatrième lieu, la partie demanderesse procède encore à une comparaison de sa situation par rapport au reclassement des employés de l'Etat, question sur laquelle le ministre n’aurait pas pris position, de sorte que le défaut de motivation y relative, en violation de l'article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des communes, dénommé ci-après « le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 », devrait conduire à l’annulation la décision déférée de ce premier chef.

Elle relève ensuite que dans le cadre de la réforme de la fonction publique, la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État, 16dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 (employés) », aurait été votée parallèlement à la loi du 25 mars 2015, en prévoyant également un classement en catégories d'indemnité A, B, C et D.

À l'instar des articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015, les articles 18 et 19 de la loi du 25 mars 2015 (employés) prévoiraient un classement des employés de l'Etat en fonction de leurs conditions de diplôme et d'emploi, de sorte que depuis le 1er octobre 2015, date d'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015 (employés), de nombreux employés de l'Etat auraient, sur base de ces nouvelles dispositions légales, été reclassés dans les nouvelles catégories et les nouveaux groupes d'indemnité en tenant compte de leur niveau d'études et de leur niveau de poste qu'ils auraient occupés, contrairement à ce qui aurait été le cas des agents de police qui se trouveraient cependant dans une situation comparable en raison de la détention d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques, secondaires techniques ou d'un diplôme équivalent et l’occupation d’un poste avec des responsabilités du groupe de traitement B1, de sorte à constituer une violation de l’article 10bis de la Constitution.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait préciser que si les fonctionnaires de l’Etat, d’un côté, et les employés de l’Etat, de l’autre côté, seraient certes soumis à des régimes statutaires différents, le législateur appliquerait néanmoins les mêmes règles en ce qui concerne leur reclassement, de sorte que contrairement à ce qui serait allégué par le délégué du gouvernement, les employés de l’Etat se trouveraient dans une situation parfaitement comparable à la sienne.

Le défaut de base légale d'un reclassement et d'une intégration des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent au groupe de traitement B1 violerait donc l'article 10bis de la Constitution, de sorte qu’il y aurait lieu de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :

« 5) Les articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, en ce qu'ils ne prévoient pas de reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, sont-ils conformes à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où ils instituent une différence de traitement par rapport aux employés de l'État qui ont été reclassés au groupe d'indemnité B1 en application des articles 18, 19 et 45 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État ? 6) La loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, en ce qu'elle n'a pas prévu le reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, est-elle conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où elle institue une différence de traitement par rapport aux employés de l'État qui ont été reclassés au groupe d'indemnité B1 en application des articles 18, 19 et 45 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État ? ».

En cinquième lieu, la partie demanderesse se compare aux fonctionnaires communaux dont le reclassement serait prévu par les articles 40 et 44 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 sur les fonctionnaires communaux, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 », lesquels auraient repris la teneur des articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015.

17 Contrairement aux policiers, les fonctionnaires communaux se seraient ainsi vus reconnaître leurs diplômes de fin d'études secondaires, secondaires techniques ou équivalents ainsi que les missions et sujétions pesant sur eux dans le cadre de leur travail, alors qu’ils se trouveraient dans une situation tout à fait comparable à celle des policiers, détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires classiques, secondaires techniques ou d'un diplôme équivalent effectuant un travail avec des responsabilités du groupe de traitement B1.

A nouveau les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015 et l'application qui en serait faite violeraient le principe d'égalité des citoyens devant la loi, prévu par l'article 10bis de la Constitution.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait relever que la Cour constitutionnelle aurait déjà reconnu que les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires communaux seraient comparables en leur qualité d'agent de droit public et au regard de leur situation statutaire, ce qui serait également le cas en l’espèce, étant donné que la procédure de reclassement des fonctionnaires communaux aurait été greffée sur celle prévue pour les fonctionnaires de l'État.

Or, la disparité créée en ce qui concerne l'accès des policiers diplômés au groupe de traitement B1 ne serait pas rationnellement justifiée, ni adéquate ni proportionnée à l'objectif affirmé par la loi du 18 juillet 2018, de sorte qu’il y aurait lieu de soumettre, avant tout progrès en cause, les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :

« 7) Les articles 43 et 47 de la loi modifiée du 25 mars 2015, en ce qu'ils ne prévoient pas de reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, sont-ils conformes à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où ils instituent une différence de traitement par rapport aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme de technicien, aux préposés de la nature et des forêts, aux agents sanitaires, aux assistants techniques médicaux, aux éducateurs, aux infirmiers, aux infirmiers anesthésistes, aux infirmiers chargés des services d'ergothérapie ou d'éducation physique, aux infirmiers psychiatriques, aux sages-femmes ou aux puériculteurs qui ont été reclassés au groupe de traitement B1 en application des articles 40 et 44 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 sur les fonctionnaires communaux ? 8) La loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la police grand-ducale, en ce qu'elle n'a pas prévu le reclassement des policiers détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires, d'un diplôme de fin d'études secondaires générales ou d'un diplôme équivalent dans le groupe de traitement B1, est-elle conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où elle institue une différence de traitement par rapport aux expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme de technicien, aux préposés de la nature et des forêts, aux agents sanitaires, aux assistants techniques médicaux, aux éducateurs, aux infirmiers, aux infirmiers anesthésistes, aux infirmiers chargés des services d'ergothérapie ou d'éducation physique, aux infirmiers psychiatriques ou aux puériculteurs qui ont été reclassés au groupe de traitement B1 en application des articles 40 et 44 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 sur les fonctionnaires communaux ? ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

18 En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant, de manière que les moyens tenant à la validité formelle d'une décision doivent être examinés, dans une bonne logique juridique, avant ceux portant sur son caractère justifié au fond.7 En ce qui concerne d’abord le moyen tenant à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, selon lequel « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l´énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle (…) refuse de faire droit à la demande de l´intéressé ; (…) », il convient de souligner que l’article 6 précité n’impose pas une motivation exhaustive et précise, seule une motivation « sommaire » étant expressément exigée, de même que la jurisprudence admet que les motifs peuvent être précisés au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle de légalité8.

En l’espèce, force est de constater que la décision déférée est motivée tant en fait qu’en droit, alors qu’elle fait expressément référence à la situation factuelle de la partie demanderesse et qu’elle fait état de ce qu’aucune base légale ne permettrait de faire droit à la demande de celle-ci, de sorte à suffire aux exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Il s’ensuit que ce moyen encourt d’ores et déjà le rejet, sans que cette conclusion ne puisse être énervée par l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle le ministre n’aurait pas pris position sur tous les moyens et par rapport à tous les arguments invoqués dans son courrier du 24 décembre 2018, alors que l’obligation d’indiquer les motifs d’une décision, au sens de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ne saurait impliquer, au-delà de l’obligation de fournir la justification en droit et en fait à sa base, que l’autorité administrative réponde obligatoirement à tout moyen, respectivement à toute argumentation contenue dans la demande de l’administré.

Au fond et à titre liminaire, il échet de rappeler que le seul point litigieux entre parties, dont le tribunal reste valablement saisi, concerne la demande de reclassement automatique dans le groupe de traitement B1 que le ministre a refusé au motif qu’il n’existerait pas de base légale à cet effet, constat qui n’est d’ailleurs pas contesté par la partie demanderesse.

En effet, les parties sont en accord pour relever qu’il n’existe pas de base légale permettant le reclassement d’office d’un inspecteur de police, détenteur d’un diplôme de fin d’études secondaires, du groupe de traitement C1 dans le groupe de traitement B1, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a retenu, dans la décision déférée du 14 février 2019 qu’« [i]l n'existe pas de base légale en vertu de laquelle les fonctionnaires du groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police, furent-ils détenteurs d'un diplôme de fin d'études ou de fins d'études générales ou d'un diplôme équivalent, pourraient être intégrés automatiquement dans le groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police. » 7 Trib. adm., 31 mai 2006, n °21060 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 479 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17153 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure Administrative Non Contentieuse, n° 87 et les autres références y citées.

19Or, la partie demanderesse estime cependant, en substance à travers l’ensemble de ses moyens, que cette absence de base légale dans les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015 des membres de la police grand-ducale, respectivement dans la loi du 18 juillet 2018, créerait une inégalité devant la loi, en violation de l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, en ce que les inspecteurs de police, détenteurs d’un diplôme de fin d’études secondaires, seraient traités de manière moins favorable que d’autres catégories d’agents public pour lesquels le législateur aurait prévu une base légale permettant leur reclassement automatique dans le groupe de traitement B1, comme ce serait le cas pour les expéditionnaires informaticiens, les expéditionnaires techniques détenteurs d'un diplôme luxembourgeois de technicien ou d'un diplôme équivalent, les informaticiens diplômés, les préposés de la nature et des forêts, les techniciens diplômés, les agents sanitaires, des assistants techniques médicaux, des éducateurs, les infirmiers et les infirmiers spécialisés, ainsi que les employés de l’Etat, et finalement, les fonctionnaires communaux.

Aux termes de l’article 43 de la loi du 25 mars 2015, « (…) Les carrières prévues par la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat sont intégrées comme suit dans les nouvelles catégories, groupes et sous-groupes de traitement définis aux articles 11, 12, 13, 14 et 15. En application du présent article et dans tous les textes, les anciennes dénominations de carrières et de fonctions sont remplacées par les nouvelles catégories, groupes et sous-groupes et fonctions de traitement correspondants et, sauf disposition légale contraire, les anciennes dénominations de «carrière supérieure», «carrière moyenne» et «carrière inférieure» sont remplacées par respectivement «catégorie de traitement A», «catégorie de traitement B» et «catégories de traitement C et D».

(…) B. Catégorie de traitement B1.

Groupe de traitement B1 a) Le sous-groupe administratif regroupe les anciennes carrières de rédacteur, de rédacteur de l’administration de l’emploi, de rédacteur de l’enregistrement, de rédacteur de l’entreprise des postes et télécommunications, de rédacteur des contributions et de rédacteur du commissariat aux assurances.

b) Le sous-groupe technique regroupe les anciennes carrières d’expéditionnaire technique détenteur d’un diplôme luxembourgeois de technicien ou d’un certificat d’études reconnu équivalent par le Ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions, d’informaticien diplômé, de préposé de la nature et des forêts et de technicien diplômé.

c) Le sous-groupe éducatif et psycho-social regroupe les anciennes carrières d’agent sanitaire, d’assistant technique médical, d’éducateur, d’infirmier, d’infirmier anesthésiste, d’infirmier chargé des services d’ergothérapie ou d’éducation physique, d’infirmier psychiatrique et de puériculteur.

d) Le sous-groupe à attributions particulières comprend la fonction de conservateur des hypothèques et la fonction de secrétaire général au ravitaillement qui sont maintenues.

C. Catégorie de traitement C1.

Groupe de traitement C1 a) Le sous-groupe administratif comprend l’ancienne carrière d’expéditionnaire.

20b)Le sous-groupe technique regroupe les anciennes carrières d’expéditionnaire technique non détenteur d’un diplôme luxembourgeois de technicien ou d’un certificat d’études étranger reconnu équivalent par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions, d’expéditionnaire-informaticien, de moniteur et de préposé du service d’urgence.

(…) II. Rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police » (…) B. Catégorie de traitement D1.

Groupe de traitement D1 (…) b) le sous-groupe policier comprend l’ancienne carrière d’inspecteur de la police avec les fonctions d’inspecteur adjoint, d’inspecteur, de premier inspecteur, d’inspecteur-

chef, de commissaire et de commissaire en chef. (…) ».

Aux termes de l’article 47 de la loi du 25 mars 2015, « (1) Les anciennes carrières de la rubrique «Administration générale» intégrées en vertu de l’article 43 dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A2, ou dans la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1 et dont par rapport au classement barémique du nouveau groupe de traitement, tel que défini à l’article 12, à la fois le grade de début de carrière et le grade de fin de carrière ont changé, sont reclassées.

(2) Les fonctionnaires relevant des carrières reclassées au sens du paragraphe précédent, sont classés respectivement dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A2, ou dans la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1, dans les nouveaux sous-groupes, en application de l’article 12, au grade qui correspond à leur ancienneté de service acquise depuis leur première nomination et sur base des conditions et délais d’avancement fixés à l’article 12. Le classement dans le grade ainsi déterminé correspond à la valeur de l’échelon barémique atteint la veille de l’entrée en vigueur de la présente loi ou à défaut à la valeur de l’échelon barémique immédiatement supérieur, sans préjudice du report de l’ancienneté d’échelon acquise sous l’ancienne législation. En vue de la détermination du nouveau grade dans la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1, il est tenu compte des conditions de réussite et de dispense à l’âge de cinquante ans de l’examen de promotion définies à l’article 12. Pour l’application de la présente disposition, les fonctionnaires ayant réussi à l’examen de promotion donnant droit au second avancement en traitement de leur carrière initiale sont considérés comme ayant réussi à l’examen de promotion prévu à l’article 12. Les fonctionnaires relevant d’anciennes carrières n’ayant pas connu d’examen de promotion sont considérés comme ayant réussi à l’examen de promotion dans le nouveau régime tel que prévu à l’article 12. (…) ».

Il suit de ces deux articles, figurant parmi les dispositions transitoires de la loi du 25 mars 2015, que les inspecteurs de police, quel que soit leur niveau d’études, ont été classés de la carrière inférieure dans le groupe de traitement D1 - reclassés ensuite par la loi du 18 juillet 2018 au groupe de traitement C1, correspondant toujours à l’ancienne carrière inférieure, -, tandis que notamment les fonctionnaires de l’ancienne carrière inférieure de l’expéditionnaire technique, mais détenteurs d’un diplôme luxembourgeois de technicien ou d’un certificat 21d’études reconnu équivalent par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions, sont dorénavant reclassés dans le groupe de traitement B1.

Aux termes de l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. (…) ».

Il échet de relever que ce principe constitutionnel interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.

Le contrôle de la constitutionalité d’une loi étant le monopole de la Cour Constitutionnelle, il est rappelé que l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 dispose que :

« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».

Il y a, dans ce contexte, d’emblée lieu de rejeter l’argumentation de la partie demanderesse consistant à soutenir que le tribunal pourrait directement accueillir son moyen relatif à la violation de l’article 10bis de la Constitution, au motif que celle-ci serait manifeste, alors qu’une telle manière de faire est contraire à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 pour empiéter sur la compétence de la Cour constitutionnelle dont la saisine s’impose, sauf dans les cas y limitativement énumérés de dispense de saisine.

En l’espèce, la partie demanderesse propose huit questions de constitutionnalité tenant à une discrimination des inspecteurs de police, détenteurs d’un diplôme de fin d’études secondaires, qui, contrairement à différents autres agents de la fonction publique, n’ont été reclassés, ni par la loi du 25 mars 2015, ni par la loi du 18 juillet 2018, dans le groupe de traitement B1, correspondant à leur niveau d’études.

C’est ainsi le silence de la loi, à savoir une abstention de la part du pouvoir législatif, qui est à la base des huit questions de constitutionalité ainsi soulevées.

Or, au-delà du fait que l’opportunité des choix politiques en matière de classement des fonctionnaires devrait a priori relever de la compétence du pouvoir législatif et non pas de celle des juridictions administratives, force est de relever que même si, par hypothèse, la Cour constitutionnelle devait constater une discrimination des inspecteurs de police détenteurs d’un diplôme par rapport à d’autres catégories d’agents publiques, une déclaration de non-conformité d’une disposition donnée qui n’a cependant pas été à la base de la décision déférée, ne saurait avoir la moindre influence sur le sort du présent litige, étant rappelé qu’en retenant qu’« [i]l n'existe pas de base légale en vertu de laquelle les fonctionnaires du groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police, furent-ils détenteurs d'un diplôme de fin d'études ou de fins d'études générales ou d'un diplôme équivalent, pourraient être intégrés 22automatiquement dans le groupe de traitement B1 du cadre policier de la Police. », le ministre n’a justement pas invoqué de base légale pour justifier son refus, mais bien l’absence de base légale pour lui permettre d’accueillir favorablement la demande lui adressée par la partie demanderesse.

En effet, quelle que soit la disposition légale déclarée, le cas échéant, non conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle, et qui ne serait plus applicable de ce fait, le constat du ministre, non contesté de part et d’autre, selon laquelle aucune disposition légale ne lui permettrait de faire droit à la demande de reclassement automatique lui présentée par la partie demanderesse, ne saurait pas être invalidé par le tribunal qui ne pourra dès lors pas sanctionner la décision déférée pour une des causes d’annulation visées par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », à savoir « pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés », étant encore relevé que tout comme le tribunal, le ministre ne saurait combler les lacunes d’une loi, pouvoir qui relève de la seule compétence du pouvoir législatif.

Ainsi, force est de retenir qu’il n’y pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle, en ce qui concerne toutes les questions préjudicielles, numérotées 1, 3, 5 et 7, tablant sur une violation de l’article 10bis de la Constitution par les articles 43 et 47 de la loi du 25 mars 2015, non appliqués en l’espèce par la décision déférée, et a fortiori également en ce qui concerne les questions préjudicielles, numérotées 2, 4, 6 et 8, mettant en cause la loi du 18 juillet 2018 dans son intégralité, sans que la partie demanderesse n’ait mis en exergue un article précis de ce texte qui serait de nature à violer l’article 10bis de la Constitution, alors qu’« une décision sur les questions soulevées n'est pas nécessaire au tribunal de céans pour rendre son jugement ».

En l’absence d’autres moyens dont le tribunal est valablement saisi, force est dès lors de retenir que le recours est à rejeter en tous ses moyens, alors que c’est à bon droit que la décision déférée a refusé le reclassement automatique de la partie demanderesse dans le groupe de traitement B1 en raison de l’absence de base légale afférente.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000,- euros présentée par la partie demanderesse en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 14 février 2019 ;

déclare irrecevable le recours en ce qu’il est dirigé contre le volet de la décision du 14 février 2019 portant information de la partie demanderesse sur les voies alternatives d’accès au groupe de traitement B1 ;

23reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision précitée du ministre de la Sécurité intérieure du 14 février 2019 portant rejet de la demande de reclassement automatique dans le groupe de traitement B1;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

laisse les frais et dépens à charge de la partie demanderesse ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 novembre 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 novembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 24


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 42862
Date de la décision : 12/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-11-12;42862 ?

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