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01/09/2021 | LUXEMBOURG | N°46397

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 septembre 2021, 46397


Tribunal administratif N° 46397 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 1er septembre 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46397 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2021 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … à … (Géorgie), de nationalité géorgienne, actuellement reten...

Tribunal administratif N° 46397 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 1er septembre 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120. L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46397 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2021 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Géorgie), de nationalité géorgienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 août 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2021;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 1er septembre 2021, et vu les remarques écrites de Maître Nicky Stoffel du 30 août 2021 et celles de Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath du 31 août 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

Le 15 janvier 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’immigration, ci-après désigné le « ministère » une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par courrier du 24 février 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre » informa Monsieur … que sa demande en obtention d’une protection internationale était considérée comme implicitement retirée conformément à l’article 23, paragraphe (2), point b. de la loi du 18 décembre 2015.

En date du 9 octobre 2020, Monsieur … se présenta auprès du ministère afin de solliciter la réouverture de son dossier.

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la Police Judiciaire dans un rapport du même jour.

1En date du 20 octobre 2020, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 27 octobre 2020, notifiée à l’intéressé en mains propres en date du même jour, le ministre rejeta cette demande dans le cadre d’une procédure accélérée, tout en ordonnant à Monsieur … de quitter le territoire dans un délai de trente jours, à destination de la Géorgie ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Par jugement du 2 décembre 2020, inscrit sous le numéro 45212 du rôle, le juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif déclara irrecevable ratione temporis le recours introduit par Monsieur … à l’encontre de la prédite décision ministérielle.

Par transmis du 24 décembre 2020, le ministre fit procéder au signalement national de Monsieur … aux fins de découvrir sa résidence.

Le 15 janvier 2021, le ministre convoqua Monsieur … pour le 28 janvier 2021 au ministère en vue de l’organisation de son retour vers son pays d’origine. Il ressort d’une note au dossier administratif du 1er février 2021 que Monsieur … s’était présenté à l’entretien de retour volontaire en date du 28 janvier 2021, qu’il y fut informé de son obligation de quitter le territoire, ce à quoi il aurait répondu qu’il ne pouvait pas retourner en Géorgie parce qu’il y craindrait pour sa sécurité et qu’il refuserait d’y rentrer volontairement. Monsieur … aurait ensuite expliqué ne pas posséder de logement fixe au Grand-Duché de Luxembourg et qu’il y vive en tant que sans-abri.

Par arrêté du 17 août 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est basé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 27 octobre 2020, lui notifiée le même jour ;

Attendu que l’intéressé s’est présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine en date du 28 janvier 2021 ;

Attendu que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;

Attendu que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait de démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu que l’intéressé évite et empêche la préparation du retour et la procédure d’éloignement ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 18 août 2021, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le 2territoire luxembourgeois d’une durée de cinq ans à l’encontre de Monsieur ….

Toujours le 18 août 2021, la direction de l’Immigration pria le service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, d’organiser le transfert de Monsieur … vers la Géorgie.

Il résulte d’un plan de vol du 25 août 2021 que le transfert de Monsieur … à destination de Tbilisi est prévu pour le 16 septembre 2021.

Par requête déposée le 25 août 2021 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision précitée du 17 août 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Après avoir relaté les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, le demandeur soutient en droit qu’à l’exception du droit illimité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail, le régime auquel les étrangers placés au Centre de rétention seraient soumis, serait similaire voire identique à celui des détenus normaux. Une telle rétention constituerait un traitement dégradant, constitutif d’une atteinte intolérable à sa liberté et serait contraire aux articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH ».

Le demandeur affirme ensuite que les dispositions prévues à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 accorderaient à l’autorité ministérielle la faculté de procéder au placement d’un étranger au Centre de rétention en vue de son éloignement vers son pays d’origine et ne viserait pas un « placement systématique ».

Il ajoute qu’en application de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, la rétention ne pourrait être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement serait en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Il soutient qu’à cet effet, il appartiendrait au ministre de vérifier si les conditions du maintien des effets de la mesure de placement seraient toujours d’actualité et s’il n’était pas opportun de le soumettre à des mesures moins coercitives conformément à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008.

Il se prévaut ensuite d’un jugement du tribunal administratif du 12 novembre 2001, inscrit sous le numéro 14130 du rôle, aux termes duquel « […] la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit justifier une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité et il échet d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur […] ».

Le demandeur fait encore valoir qu’il serait de jurisprudence constante qu’une mesure 3de rétention serait indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, de sorte qu’il incomberait au ministre de faire état et de documenter avec précision les démarches requises et en voie d’exécution afin que l’étranger soit en mesure d’apprécier, d’une part, si un éloignement valable est en cours d’organisation et, d’autre part, si les autorités luxembourgeoises entreprennent les démarches suffisantes en vue d’organiser un éloignement rapide de l’étranger, de sorte à écourter au maximum sa privation de liberté.

Il estime qu’en l’espèce, les diligences entreprises par le ministre ne pourraient pas être qualifiées de suffisantes, alors qu’elles seraient trop maigres pour être de nature à permettre son retour rapide dans son pays d’origine.

Il soutient plus particulièrement que l’arrêté du 17 août 2021 ne serait pas assez précis, en ce qui concerne les mesures actuellement entreprises par le ministre pour écourter son placement au Centre de rétention. En effet, en se bornant à énoncer que l’exécution de la mesure de l’éloignement serait subordonnée au résultat des démarches nécessaires en vue de son éloignement, le ministre resterait en défaut de préciser quand ces démarches vont commencer et combien de temps serait encore nécessaire pour l’aboutissement de celles-ci. Il ne ressortirait pas non plus de l’arrêté litigieux qu’il y aurait des « chances raisonnables » de croire que les démarches entreprises aboutiraient à son éloignement.

Dans ce contexte, le demandeur estime encore que le placement en rétention le priverait de sa liberté, de sorte à constituer une violation de l’article 8 de la CEDH.

Finalement, le demandeur, tout en se basant sur l’article 125, paragraphe (1), point b.

de la loi du 29 août 2008, estime qu’il aurait dû bénéficier d’une mesure moins coercitive avant d’être placé en rétention, en l’occurrence d’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), qui serait une mesure plus proportionnée que le placement en rétention. Il indique, à cet égard, qu’il serait conscient qu’une mesure d’assignation à résidence constituerait une faveur et il souligne qu’il accepterait toutes les conditions liées à cette mesure en garantissant fermement qu’il ne quittera pas le pays et ne se soustraira pas aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Au vu de ce qui précède, le demandeur conclut que son placement en rétention ne serait pas justifié et que la décision attaquée encourrait partant la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur selon lequel la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou 4réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Ensuite, et en ce qui concerne la légalité interne de la décision ministérielle sous analyse, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour, ainsi qu’une 5décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pendant cinq ans ont été prises à son encontre respectivement le 27 octobre 2020 et le 18 août 2021, et que le demandeur n’est en possession ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, et qu’il ne justifie pas non plus de ressources personnelles suffisantes. Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement. Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur … de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.

Or, force est au tribunal de constater que le demandeur, qui ne dispose pas d’une adresse au Luxembourg, n’a fourni aucun élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, le fait même qu’il ait déclaré lors de son entretien en vue de l’organisation de son retour vers son pays d’origine le 28 janvier 2021 qu’il n’était pas prêt à quitter volontairement le Luxembourg, tel que cela se dégage d’une note au dossier administratif du 1er février 2021, étant, au contraire, de nature à conforter l’existence d’un risque de fuite dans son chef. En effet, le fait pour un étranger de ne pas avoir obtempéré à l’invitation de quitter le pays après le rejet définitif de sa demande d’asile, ainsi que d’être resté clandestinement au pays est de nature à corroborer sérieusement la présomption de l’existence d’un risque de fuite dans le chef du demandeur étant donné que visiblement il n’a pas l’intention de quitter volontairement le pays.

Sur base de cette conclusion, il y a encore lieu de rejeter l’argumentation du demandeur fondée sur une violation de l’article 5 de la CEDH, dans la mesure où le placement en rétention s’inscrit précisément dans le cadre de l’article 5, paragraphe (1), point e) de la CEDH autorisant la privation de liberté d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion, respectivement d’extradition est en cours. Il y a, par ailleurs, lieu de préciser que le demandeur reste en défaut d’expliciter le traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH dont il ferait prétendument l’objet du fait de son placement en rétention, ce moyen devant ainsi être qualifié de simplement suggéré sans être effectivement soutenu, de sorte à encourir le rejet.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre lui aurait dû appliquer la mesure moins coercitive telle que visée à l’article 125, paragraphe (1), point b) de la loi du 29 août 2008, à savoir l’assignation à résidence, l’article 125, paragraphe (1), de ladite loi prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après 6remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées.

7 En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément visant à renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui en soumettant notamment des éléments concluants quant à des attaches particulières au Luxembourg, respectivement quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, étant précisé à cet égard que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, éléments qui seraient susceptibles d’établir dans son chef l’existence de garanties de représentation effective propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, risque de fuite, qui, tel que relevé ci-avant, est présumé dans son chef.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article ne sauraient être efficacement appliquées et le moyen afférent est à rejeter.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans les plus brefs délais, force est de constater qu’il ressort des éléments du dossier administratif, ainsi que des explications complémentaires fournies par la partie étatique, qu’en date du 18 août 2021, le service de police judiciaire, section criminalité organisée-police des étrangers, a été chargé de l’organisation de l’éloignement du demandeur et que le 25 août 2021, l’agence Frontex a communiqué à la direction de l’Immigration un plan de vol duquel il résulte que l’éloignement de Monsieur … est prévu pour le 16 septembre 2021 via Francfort en direction de Tbilisi. Il ressort encore du dossier administratif que le même jour, l’agent compétent en charge du dossier a prévenu l’ambassade de Géorgie à Bruxelles du rapatriement du demandeur vers son pays d’origine.

Le tribunal est dès lors amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et eu égard plus particulièrement au fait qu’une date précise pour l’éloignement est connue, de sorte que si l’éloignement a lieu à cette date, le placement en rétention aura duré moins d’un mois, les diligences entreprises jusqu’à présent sont à qualifier de suffisantes au regard des exigences posées par la loi, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’organisation de l’éloignement est en cours et est exécutée avec toute la diligence requise, sans qu’il ne se dégage d’aucun élément soumis en cause qu’il existe des raisons de croire que l’éloignement ne puisse pas être mené à bien.

Les contestations afférentes du demandeur sont partant à rejeter comme étant non fondées En ce qui concerne, enfin, le moyen brièvement évoqué par le demandeur suivant lequel la mesure de placement actuellement sous examen violerait l’article 8 de la CEDH, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à de simples contestations, non soutenues effectivement et non autrement étayées, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les arguments qui auraient pu se trouver à la base d’un moyen juridique simplement suggéré.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 8 de la CEDH est également à rejeter pour ne pas être fondé.

8Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 1er septembre 2021 par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46397
Date de la décision : 01/09/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-09-01;46397 ?

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