La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/08/2021 | LUXEMBOURG | N°46333

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 août 2021, 46333


Tribunal administratif Numéro 46333 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 août 2021 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46333 du rôle et déposée le 4 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel

Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif Numéro 46333 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 25 août 2021 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46333 du rôle et déposée le 4 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, né le … à … (Syrie), de nationalité syrienne, agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur B, né le … à … (Grèce), de nationalité syrienne, les deux résidant actuellement assigné au Foyer … sis à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 juillet 2021 ayant déclaré irrecevable leur demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 août 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 25 août 2021 et vu les remarques écrites de Maître Michel Karp du 20 août 2021 et celles de Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin du 24 août 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

__________________________________________________________________________

Par décision du 23 novembre 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », accorda à Monsieur A, ainsi qu’à son enfant mineur B une autorisation de séjour au titre de membre de famille de Madame C, bénéficiaire au Luxembourg d’une protection internationale.

Le 3 décembre 2020, Monsieur A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur B, une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur A fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 La recherche effectuée à ce moment dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », révéla que Monsieur A avait introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 12 août 2019 et qu’un statut de protection internationale lui y avait été accordé en date du 6 avril 2020.

Le 24 juin 2021, Monsieur A passa un entretien sur la recevabilité de sa demande de protection internationale.

Par décision du 20 juillet 2021, notifiée aux intéressés par lettre recommandée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrecevables les demandes de protection internationale de Monsieur A et de l’enfant mineur B en application de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

Cette décision est libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 3 décembre 2020.

Vous êtes accompagné de votre enfant mineur B, né le … à … (Grèce), de nationalité syrienne et dont la demande sera traitée ensemble avec la vôtre.

Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vous êtes marié à la dénommée C, née le … à … (République arabe syrienne), de nationalité syrienne, laquelle a introduit au Luxembourg une demande en obtention d’une protection internationale en date du 9 octobre 2019. Le statut de réfugié lui a été accordé par décision du 27 mai 2020.

Par l’intermédiaire d’un courrier de son mandataire du 3 août 2020, votre épouse a sollicité le regroupement familial dans votre chef et de celui de votre enfant B. Par décision du 23 novembre 2020, une autorisation de séjour de type « membre de famille » vous a été accordée ainsi qu’à votre fils B. Un laissez-passer vous a été délivré en date du 27 novembre 2020 par l’ambassade luxembourgeoise à Athènes alors que vous aviez affirmé ne pas être en possession d’un titre de voyage vous permettant de venir au Luxembourg.

Après votre arrivée au Luxembourg dans le cadre de la procédure de regroupement familial, vous introduisez, en date du 3 décembre 2020, une demande de protection internationale pour vous-même et pour le compte de votre fils B.

En mains le rapport « Eurodac », le rapport de police du 3 décembre 2020, le rapport d’entretien sur la recevabilité de votre demande de protection internationale du 24 juin 2021, ainsi que les diverses pièces contenues dans votre dossier administratif.

Il ressort des recherches effectuées à l’occasion de l’introduction de votre demande de protection internationale dans la base de données Eurodac que le statut de réfugié vous a été accordé par les autorités grecques en date du 6 avril 2020. Dans la mesure où vous aviez affirmé, au moment de votre demande de regroupement familial en août 2020, être demandeur de protection internationale en Grèce et non pas bénéficiaire du statut de réfugié, les autorités 2luxembourgeoises ont sollicité, en date du 10 décembre 2020, des informations relatives à cet égard auprès des autorités grecques compétentes.

Il ressort des informations obtenues de la part des autorités grecques en date du 2 avril 2021 que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 12 août 2019. Votre demande a été déclarée recevable et transférée pour analyse au fond aux autorités grecques compétentes. En date du 4 octobre 2019, vous avez également introduit en Grèce une demande de protection internationale pour le compte de votre fils B, né en date du 27 août 2019. Le statut de réfugié vous a été accordé à tous les deux par les autorités grecques en date du 6 avril 2020.

Monsieur, il ressort des déclarations faites lors de votre entretien sur la recevabilité de votre demande que vous souhaiteriez introduire une demande de protection internationale au Luxembourg alors que vous auriez voulu venir au Luxembourg, mais vous auriez été obligé de demander une protection internationale en Grèce alors que vous auriez dû choisir entre « laisser mourir ma femme ou donner mes empreintes » (entretien page 2/4). Vous auriez voulu venir au Luxembourg dès le départ, mais la police aux frontières en Grèce vous aurait arrêtés dans le port de Igoumenista lorsque vous auriez tenté de prendre un bateau pour l’Italie. Vous et votre famille auriez tenté de voyager moyennant de faux papiers. Votre épouse aurait réussi à prendre le bateau tandis que vous et votre fils auriez été arrêtés par les autorités.

Vous déclarez ne pas avoir été au courant que les autorités grecques vous auraient accordé le statut de réfugié. Vous niez avoir sollicité une protection internationale en Grèce et que vous n’y auriez obtenu qu’un titre de séjour temporaire. Vous auriez par ailleurs tout entrepris pour quitter la Grèce et venir au Luxembourg rejoindre votre épouse.

A l’appui de votre demande, vous remettez une carte d’identité syrienne (n° 17586702) établie en date du 7 mars 2014, deux laissez-passer émis par les autorités luxembourgeoises à Athènes en date du 27 novembre 2020, les deux décisions vous accordant une autorisation de séjour au titre de membre de famille valables jusqu’au 21 février 2021, ainsi que deux attestations de demandeur de protection international délivrées par les autorités grecques valables jusqu’au 22 août 2020.

Je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) a) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif qu’une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne.

En effet, tel que relevé ci-avant, il résulte du rapport « Eurodac », ainsi que des informations obtenues de la part des autorités grecques, que vous et votre fils B êtes bénéficiaires du statut de réfugié en Grèce depuis le 6 avril 2020, fait qui, a priori, ne justifie pas l’introduction d’une nouvelle demande de protection internationale dans un autre Etat membre, en l’occurrence le Luxembourg, alors que vous ne pouvez vous voir octroyer une deuxième fois ce dont vous êtes bénéficiaire.

En effet, vous avez souhaité venir au Luxembourg dans le cadre d’une demande de regroupement familial et une autorisation de séjour au titre de membre de famille a été accordée à vous et votre fils, de sorte que l’introduction d’une demande de protection internationale sur le territoire luxembourgeois n’était nullement nécessaire, ni légitime, alors que les mécanismes de protection internationale sont conçus aux fins d’octroyer à des ressortissants de pays tiers une protection contre les persécutions ou atteintes graves subies 3dans leur pays d’origine. Or, une telle protection vous a été accordée par les autorités grecques de sorte que votre façon de procéder, à savoir venir au Luxembourg sous le couvert d’un regroupement familial, pour ensuite introduire une demande de protection internationale au lieu de suivre la procédure pour laquelle vous aviez été autorisé à venir au Luxembourg, relève d’un détournement de la procédure de protection internationale.

Ce constat ne saurait être ébranlé par vos affirmations selon lesquelles vous auriez toujours voulu venir au Luxembourg, mais que seule votre épouse aurait réussi à voyager jusqu’au Luxembourg, telle façon de faire reflétant le forum shopping, procédé que le régime d’asile européen commun (RAEC) cherche précisément à éviter. Par ailleurs, il n’est pas pertinent dans ce contexte que vous n’auriez pas été au courant du fait que les autorités grecques vous auraient accordé le statut de réfugié. En effet, hormis le fait que ces affirmations restent en l’état de pure allégation, vos déclarations dans ce contexte peuvent être mises en doute alors qu’il ressort de votre dossier que vous avez eu un avocat en Grèce et qu’il peut de ce fait être légitimement admis que vous étiez, contrairement à vos affirmations, bien au courant du fait que le statut de réfugié vous avait été accordé par les autorités grecques en avril 2020 et que vous avez introduit votre demande de regroupement familial au Luxembourg alors même que vous étiez déjà bénéficiaire du statut de réfugié en Grèce, information que vous avez tue aux autorités luxembourgeoises. Votre prétendue ignorance quant à votre statut en Grèce n’étant par ailleurs nullement concluante alors qu’il vous appartient, en tant que demandeur de protection internationale, de rester en contact avec les autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection et de vous enquérir quant à l’évolution de votre demande, votre affirmations selon laquelle vous n’auriez de toute façon pas souhaité rester en Grèce et avoir uniquement introduit une demande en Grèce alors que vous n’auriez pas eu d’autre choix n’étant également sans pertinence aucune dans ce contexte.

A toutes fins utiles, il y a encore lieu de préciser qu’il ne ressort pas des éléments en notre possession que vous auriez été la victime en Grèce d’atteintes graves au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après « la CEDH »), sinon de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la CharteUE »). En effet, la Grèce, en tant que Etat membre de l’Union européenne est signataire de la CharteUE, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est présumée en appliquer les dispositions. En tout état de cause, vous n’apportez pas la preuve que, dans votre cas précis, vos droits n’auraient pas été respectés en Grèce ou encore que vous n’auriez eu aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques.

Vous êtes titulaires du statut de réfugié en Grèce et il ne ressort pas des éléments de votre dossier que vos droits n’auraient pas été respectés en Grèce. En effet, votre demande de protection internationale a été analysée par les autorités grecques et accueillie favorablement, de même que vous et votre fils avez été logés par les autorités grecques, de sorte que vous ne sauriez actuellement voir votre demande de protection internationale à nouveau analysée au fond aux fins de vous voir accorder un statut dont vous êtes déjà le bénéficiaire, ce d’autant plus que vous êtes venu ensemble avec votre fils au Luxembourg par la biais d’une autorisation de séjour de type « regroupement familial » laquelle vous aurait permis d’obtenir un titre de séjour vous permettant de séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois. Il n’existe partant aucune raison objective ou individuelle valable qui justifie l’introduction et l’analyse au fond d’une demande de protection internationale par les autorités luxembourgeoises.

4A titre informatif, veuillez noter que, conformément aux développements retenus par la CJUE concernant l’éloignement d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un Etat membre et bénéficiaire d’une protection internationale dans un autre Etat européen, la présente décision ne vaut pas, par dérogation à l’article 34 (2) de la loi de 2015, décision de retour dans votre chef, étant encore précisé que l’introduction d’une demande de protection internationale par un ressortissant de pays tiers qui bénéficie déjà d’une telle protection n’est pas la procédure prévue aux fins de s’installer sur le territoire d’un autre Etat membre. En effet, des procédures spécifiques sont prévues à cet égard par la législation sur l’immigration, dont les autorisations de séjour délivrées aux fins d’un regroupement familial, une telle autorisation vous ayant, tel que relevé ci-avant, été accordée et permis d’entrer régulière sur le territoire luxembourgeois, de sorte que l’introduction d’une demande de protection internationale après votre arrivée sur le territoire ne se justifiait nullement alors que vous n’êtes pas arrivé avec votre fils au Luxembourg en tant que personne à la recherche d’une protection, mais aux fins de regagner votre épouse titulaire d’un titre de séjour sur le territoire luxembourgeois.

Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à votre demande qui est déclarée irrecevable.

Conformément à l’article 35 (3) et 36 (2) la présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente. Le recours contre la présente décision d’irrecevabilité n’a pas d’effet suspensif.

[…]. ».

Par requête déposée le 4 août 2021 et inscrite sous le numéro 46333 du rôle, Monsieur A agissant en son nom personnel et au nom et pour le compte de son fils mineur, ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 20 juillet 2021, précitée.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond contre une décision ayant déclaré irrecevable une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 35, paragraphe (3) de la même loi prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 20 juillet 2021.

Le recours en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui du recours et en fait, Monsieur A expose être originaire de la Syrie et être marié à Madame C. Il explique qu’il serait arrivé en Grèce avec sa femme le 29 juillet 2019 et que leur fils, B, serait né dans les rues de … en Grèce le 27 août 2019, tout en ajoutant qu’il aurait déposé une demande de protection internationale au nom et pour compte de son fils auprès des autorités grecques le 4 octobre 2019.

Il poursuit que son épouse, fuyant des conditions de vie misérables en Grèce, serait parvenue à déposer une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 9 octobre 2019, demande qui aurait été accordée par décision du 27 mai 2020, tandis que lui et leur enfant mineur n’auraient pas réussi à quitter la Grèce, de sorte qu’ils auraient été forcés d’y rester.

5Monsieur A explique ensuite qu’en date du 3 août 2020, son épouse aurait, par l’intermédiaire de son mandataire, sollicité une demande de regroupement familial pour le lui et leur enfant commun B et que, par décision du 23 novembre 2020, une autorisation de type « membre de famille » leur aurait été accordée. Un laissez-passer aurait, par ailleurs, été délivré par l’ambassade luxembourgeoise à Athènes afin de leur permettre d’être réunis au Luxembourg.

En droit, les demandeurs estiment que la décision ministérielle attaquée devrait être annulée, alors que ce serait à tort que l’autorité ministérielle a déclaré irrecevable leur demande de protection internationale en application de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs contestant l’obtention d’un statut de réfugié en Grèce, alors qu’ils n’auraient jamais été ni entendus ni informés par les autorités grecques dans le cadre de leur demande de protection internationale.

Ils insistent, dans ce contexte, sur le fait que lors du dépôt de leur demande de protection internationale en Grèce, les autorités grecques leur auraient communiqué la date du 29 septembre 2021 pour l’entretien dans le cadre de leur demande de protection internationale. Ils mettent en exergue qu’ils n’auraient, dès lors, pas pu s’attendre à obtenir le statut avant au moins la date de leur entretien auprès des autorités grecques, raison pour laquelle ils ne se seraient, par ailleurs, pas enquis de l’évolution de la procédure.

Les demandeurs reprochent ensuite au ministre d’avoir retenu que le statut de réfugié leur aurait été accordé par les autorités grecques en date du 6 avril 2020, alors que dans la réponse délivrée par la Grèce aux autorités luxembourgeoises, il serait clairement mentionné :

« […] he and his minor child were granted the refugee status. Thev have not received the relevant residence permits », les demandeurs renvoyant, à cet égard, aux articles 22, 24 et 25 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, relatif au contenu de la protection internationale. Partant, ils estiment que, comme ils n’auraient pas été au courant que le statut de réfugié leur aurait été accordé et qu’ils n’auraient jamais obtenu de titre de séjour, le statut de réfugié accordé par la Grèce « n’a été suivi d’aucun effet et ne peut donc valablement être considéré comme l’octroi d’une protection effective ».

Ils font valoir que le défaut d’avoir été informé de l’obtention du statut de réfugié en Grèce par les autorités grecques démontrerait, par ailleurs, de manière flagrante les défaillances systémiques du système d’asile qui règneraient en Grèce.

Les demandeurs renvoient ensuite à des jurisprudences rendues dans différents Etats membres de l’Union européenne ainsi qu’à celle de la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE ».

Dans ce contexte, ils s’emparent tout d’abord d’une décision du Conseil des droits de l’homme auprès des Nations Unies de 2016, « O.Y.K.A. v. Danemark », pour faire valoir qu’un retour en Grèce les exposerait à la même situation et au même risque de subir des traitements inhumains et dégradants du fait de la situation relative au logement des réfugiés, ainsi que de l’accès à la santé, à l’emploi et à l’éducation.

6A cela s’ajouterait qu’en 2016, la Cour Administrative de Magdeburg aurait estimé que, dû à l’absence de perspective d’emploi, la difficulté d’accéder à des soins de santé et à un logement décent en Grèce, les réfugiés ne pourraient pas bénéficier d’une protection suffisante et que dans cette affaire, il y aurait eu suffisamment d’éléments pour conclure qu’une expulsion du requérant entraînerait une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

En 2017, la Cour constitutionnelle fédérale allemande aurait décidé que l’Office fédéral de l’immigration et le tribunal administratif auraient dû évaluer comment l’accès au logement, à la nourriture et aux installations sanitaires serait assuré pour les bénéficiaires reconnus renvoyés en Grèce avant de prendre une décision de transfert.

Les demandeurs donnent à considérer qu’en 2018, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne aurait encore décidé que les réfugiés reconnus en Grèce ne pourraient pas être renvoyés sans l’assurance des autorités grecques compétentes et que les retours devraient être examinés au cas par cas et devrait notamment être vérifié si (i) les moyens de subsistance des personnes concernées étaient garantis et (ii) les personnes avaient accès au marché du travail, au logement et aux soins de santé. Or, dans la décision litigieuse, le ministère aurait failli à prouver qu’en cas de retour en Grèce, ils auraient un accès décent au marché du travail, au logement et aux soins de santé.

Les demandeurs renvoient ensuite à l’arrêt « Ibrahim c. Bundesrepublik Deutschland » de la CJUE du 19 mars 2019 pour faire valoir que le Luxembourg devrait prendre en charge leur demande de protection internationale et ceci au vu de la situation d’extrême pauvreté matérielle dans laquelle devraient vivre les bénéficiaires de protection internationale en Grèce.

Ils renvoient encore à une « décision de 2019, A et B contre Ministère de l’Immigration et de l’Asile », lors de laquelle « le Tribunal de céans » aurait annulé une décision du ministre concernant une irrecevabilité vers la Grèce. Ils insistent, à cet égard, sur le fait qu’un renvoi en Grèce pourrait nuire gravement à leur santé et que compte tenu des conditions de vie des bénéficiaires de protection internationale en Grèce et de leur faible accès à des soins de santé, le retour en Grèce les exposerait à des traitements inhumains et dégradants.

Ils ajoutent que la Haute Cour Administrative de Basse-Saxe aurait le 19 avril 2021, dans le cadre de l’affaire 10LB244/20, annulé la décision d’irrecevabilité et l’ordre de quitter le territoire à l’encontre d’une ressortissante syrienne, bénéficiaire de protection internationale en Grèce, au motif qu’elle serait susceptible de se retrouver dans une situation de dénuement matériel extrême en cas de renvoi vers la Grèce, les demandeurs soulignant que, dans ce cas, le ministre ne pourrait envisager de les renvoyer en Grèce, alors qu’un tel renvoi les exposerait à une situation de dénuement matériel extrême.

Les demandeurs donnent finalement à considérer que le Conseil d’État des Pays-Bas aurait, dans un jugement du 28 juillet 2021, estimé que, dans la pratique, la Grèce ne pourrait souvent pas empêcher les bénéficiaires de se retrouver dans une situation où ils ne pourraient pas satisfaire leurs besoins fondamentaux, revirement de jurisprudence qui se serait opéré à la suite de la publication du dernier rapport de l’Asylum Information Database (AIDA) qui pointerait notamment la diminution significative de la durée pendant laquelle les bénéficiaires pourraient rester dans le centre d’accueil pour demandeurs d’asile après avoir obtenu leur statut et avant de trouver un logement indépendant.

7Au vu de ces considérations et au vu du fait que Madame C aurait été contrainte de donner naissance à B en pleine rue devant l’incapacité des autorités grecques à assurer une protection décente et un accès aux services de santé, ils concluent à la violation de l’article 4 de la Charte, dans la mesure où la décision litigieuse les exposerait à des traitements inhumains et dégradants.

Les demandeurs soutiennent ensuite que la décision litigieuse méconnaîtrait également l’intérêt supérieur de l’enfant, tel que protégé par l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la Convention relative aux droits de l’enfant », au motif que le statut d’un enfant mineur devrait suivre celui de son parent qui bénéficierait d’une protection pleine et effective.

Ainsi, B devrait obtenir le statut de réfugié au Luxembourg tout comme sa mère afin de le préserver de tout risque d’être exposé à la situation préoccupante qui régnerait actuellement en Grèce.

A cela s’ajouterait que dans un arrêt du 19 janvier 2021, inscrit sous le numéro 45106C du rôle, la Cour Administrative aurait précisément retenu que le sort d’un enfant mineur suivrait celui de ses parents. En l’espèce, il serait, dès lors, indispensable que le sort de B suive celui de sa mère, réfugiée statutaire au Luxembourg et ceci afin de garantir pleinement la protection de ses droits.

Le délégué de gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours sous examen.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; […] ».

Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.

Le tribunal constate ensuite que la décision d’irrecevabilité repose sur le constat que les demandeurs bénéficieraient d’une protection internationale en Grèce, ce que les demandeurs contestent formellement.

Or, force est de constater qu’il ressort du rapport de la Police grand-ducale, section criminalité organisée-police des étrangers, numéro …, daté du 3 décembre 2020, ensemble la fiche retraçant le résultat des vérifications effectuées dans le système EURODAC, que Monsieur A a déposé le 12 août 2019 une demande de protection internationale en Grèce et qu’une protection internationale lui a été accordée dans ce pays le 6 avril 2020. Monsieur A a d’ailleurs indiqué avoir introduit une demande de protection internationale en Grèce, tel que cela ressort également de son entretien du 24 juin 2021 sur la recevabilité de sa demande de protection internationale1, tout en précisant lors de la requête introductive d’instance qu’il aurait introduit une demande de protection internationale au nom et pour le compte de son enfant mineur, B, auprès des autorités grecques en date du 4 octobre 2019. Si les demandeurs contestent actuellement l’obtention d’un statut de protection internationale en Grèce, force est toutefois de constater que le fait que les demandeurs ont déposé une demande de protection internationale en Grèce et qu’ils se sont vus accorder le statut conféré par la protection internationale ressort non seulement du système EURODAC, mais a encore été confirmé par 1 « Nous avons donc demandé asile. [….] J’étais obligé de demande asile en Grèce », page 2 du rapport d’entretien.

8les autorités grecques elles-mêmes, dans la mesure où elles ont confirmé expressément en date du 2 avril 2021, à la suite d’une demande d’information leur adressée le 10 décembre 2020, qu’elles ont accordé une protection internationale à Monsieur A, de même qu’à son enfant mineur, B, le 6 avril 2020.

Il y a lieu de préciser que le fait qu’ils ne se sont pas vus délivrés un titre de séjour afférent est sans incidence sur le fait qu’une protection internationale leur a bien été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne, étant relevé qu’il ne ressort ni du courrier des autorités grecques du 2 avril 2021, ni d’un autre élément du dossier que la protection internationale accordée ait été révoquée par les autorités grecques. Au-delà de ce constat, le tribunal relève encore que la circonstance que le demandeur ne s’est pas vu délivrer un titre de séjour grecque relève de la seule attitude du demandeur qui n’a pas encore accompli les formalités nécessaires. Or, admettre dans ces circonstances l’examen d’une demande de protection internationale introduite par la suite dans un autre Etat membre de l’Union européenne équivaudrait à permettre le « forum shopping » que le système européen d’asile tend justement à empêcher.

Face à ces éléments, les contestations des demandeurs quant à l’octroi d’une protection internationale en Grèce sont rejetées pour être contredites par les éléments concordants du dossier.

Dans la mesure où les demandeurs sont bénéficiaires du statut conféré par la protection internationale leur reconnue par les autorités grecques, le ministre a a priori valablement pu déclarer leur demande de protection internationale irrecevable, sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

Cette conclusion n’est pas invalidée par l’argumentation fournie par les demandeurs à l’appui de leur recours.

En ce qui concerne en effet les reproches des demandeurs quant à l’existence de « défaillances systémiques », qui affecteraient le système d’asile grec, le tribunal constate que par le biais de cette argumentation, les demandeurs invoquent, en substance et de manière détournée, une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, aux termes duquel « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ». Or, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, les demandeurs ont obtenu le statut de réfugié en Grèce, il y a lieu de retenir qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application du règlement Dublin III limité aux demandeurs d’une protection internationale et donc non applicables aux bénéficiaires d’une telle protection.

Le moyen afférent encourt, dès lors, le rejet.

S’agissant ensuite du moyen fondé sur une violation de l’article 4 de la Charte, le tribunal rappelle tout d’abord, tel que relevé ci-avant, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris 9les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et le Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après désigné par « la Convention de Genève », ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2.

Le tribunal relève encore que la CJUE a, dans un arrêt du 19 mars 20193, confirmé ce principe selon lequel le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque Etat membre partage avec tous les autres Etats membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les Etats membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre, ainsi que dans le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment aux articles 1er et 4 de celle-ci, qui consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses Etats membres, de sorte qu’il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs ou aux bénéficiaires d’une protection internationale dans chaque Etat membre est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention de Genève, ainsi que de la CEDH. Il en va ainsi, notamment, lors de l’application de l’article 33, paragraphe (2), point a), de la directive n°2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte], ci-après désignée par « la directive Procédure », aux termes duquel: « 2. Les Etats membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre ; », qui constitue, dans le cadre de la procédure d’asile commune établie par cette directive, une expression du principe de confiance mutuelle.

Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un Etat membre déterminé, de telle sorte qu’il existe un risque sérieux que des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale soient traités, dans cet Etat membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux.

Ainsi, le tribunal relève que dans ses arrêts du 19 mars 2019, rendus dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-428/17, ainsi que dans l’affaire C-163/17, la CJUE a retenu que lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision rejetant une nouvelle demande de protection internationale comme irrecevable dispose d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes4. Elle a, à cet égard, souligné que, pour relever de l’article 4 de la Charte, qui correspond à l’article 3 de la CEDH, et dont le sens et la portée sont donc, en vertu de l’article 52, paragraphe (3), de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère ladite convention, les défaillances en question doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Elle a encore précisé que ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque 2 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

3 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, n° C-163/17.

4 Point 88 de l’arrêt précité de la CJUE du 19 mars 2019.

10l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant: le seul fait que la protection sociale et/ou les conditions de vie sont plus favorables dans l’Etat membre requérant que dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale n’est ainsi pas de nature à conforter la conclusion selon laquelle la personne concernée serait exposée, en cas de retour dans ce dernier Etat membre, à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 4 de la Charte.

Les demandeurs remettant en question la présomption du respect par les autorités grecques de leurs droits fondamentaux tels que consacrés notamment par la Charte, la CEDH et de la Convention de Genève, puisqu’ils affirment risquer des traitements inhumains et dégradants en Grèce, il leur incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

Il y a néanmoins lieu de constater que les demandeurs restent, en l’espèce, en défaut de démontrer qu’en cas de retour en Grèce, ils risqueraient d’encourir un quelconque traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions internationales précitées, respectivement dans le sens retenu par la CJUE, ces dispositions nécessitant, en effet, des actes devant revêtir un certain seuil de gravité et entraînant des souffrances physiques ou psychologiques intenses.

En effet, pour ce qui est de la situation personnelle des demandeurs, le tribunal est tout d’abord amené à relever que pour soutenir que leur retour en Grèce se heurterait à l’article 4 de la Charte, les demandeurs se contentent de renvoyer à différentes jurisprudences étrangères. Or, à défaut de les mettre en relation avec leur situation particulière telle qu’ils l’ont vécue en Grèce, le simple renvoi à des jugements ne saurait être suffisant à cet égard.

S’agissant de l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils auraient été exposés à des traitements inhumains et dégradants en Grèce, au motif que Madame C aurait été contrainte de donner naissance à B en pleine rue devant l’incapacité des autorités grecques à assurer une protection décente et un accès aux soins, force est de constater qu’il ressort néanmoins de l’entretien sur la demande de protection internationale de Madame C du 17 janvier 2020 que la famille a été immédiatement transférée vers Athènes où l’enfant, B, a été pris en charge à l’hôpital, alors qu’il était né avant le terme, l’hôpital l’ayant gardé pendant un mois et sept jours dans la couveuse, de sorte que les demandeurs restent, en tout état de cause, en défaut de prouver l’absence d’un accès aux soins en Grèce et partant l’existence d’un risque de traitements inhumains ou dégradants à leur égard en cas d’un retour futur en Grèce. Il ressort également de l’entretien de Madame C que les demandeurs avaient été logés à Athènes avant de venir au Luxembourg.

Il y a dès lors lieu de conclure que les demandeurs n’apportent pas la preuve que, dans leur cas précis, leurs droits, tels que garantis par l’article 3 CEDH et l’article 4 de la Charte, ne seraient pas garantis en Grèce, ni que, de manière générale, les droits des bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Grèce aucun droit ou aucune possibilité de les 11faire valoir auprès des autorités grecques en usant des voies de droit adéquates, étant encore relevé que la Grèce est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.

L’ensemble des considérations qui précédent amènent, dès lors, le tribunal à rejeter le moyen tiré d’une violation de l’article 4 de la Charte.

Par ailleurs, force est de relever que (i) le ministre a expressément indiqué dans la décision litigieuse que celle-ci ne vaudrait pas, par dérogation à l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 20155, décision de retour dans le chef des demandeurs et que (ii) par décision du 23 novembre 2020, le ministre a accordé aux demandeurs une autorisation de séjour en qualité de « membre de famille », dans le cadre d’un regroupement familial avec Madame C, épouse de Monsieur A et mère d’B, celle-ci s’étant vue accorder le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par les autorités luxembourgeoises en date du 27 mai 2020. Il s’ensuit qu’en tout état de cause Monsieur A et son fils mineur B ne sont actuellement pas obligés de retourner en Grèce.

En ce qui concerne finalement le moyen tiré d’une violation de l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, il convient de rappeler, tel que précisé ci-avant, que Monsieur A ainsi que son fils mineur B se sont vus octroyer une autorisation de séjour en tant que membres de famille en date du 23 novembre 2020 au vu du statut de protection internationale accordé à Madame C, leur permettant ainsi de vivre ensemble avec cette dernière au Luxembourg, de sorte que l’intérêt de l’enfant est respecté en l’espèce.

Cette conclusion n’est pas invalidée par la référence, faite par les demandeurs, à un arrêt de la Cour administrative du 19 janvier 2021, inscrit sous le numéro 45106C du rôle, qui ne peut être transposé en l’espèce dans la mesure où, dans cette affaire, la Cour avait à se prononcer notamment sur la question de la légalité d’une décision du ministre portant refus de faire droit à une demande en obtention d’une protection internationale introduite par un couple marié, accompagné de leur enfant mineur, au Luxembourg et où la femme a accouché d’un deuxième enfant au Luxembourg en cours de la procédure contentieuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, Madame C étant bénéficiaire d’une protection internationale au Luxembourg et les demandeurs s’étant vu accordés le statut de réfugié en Grèce, de sorte que le ministre a pris une décision d’irrecevabilité au sens de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 à leur égard.

Le moyen afférent encourt, dès lors, le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que le recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision déclarant irrecevable la demande de protection internationale de Monsieur A et de son enfant mineur B, est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

5 « (…) Une décision du ministre vaut décision de retour, à l’exception des décisions prises en vertu de l’article 28, paragraphe (1) et (2), point d) (…) ».

12 reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20 juillet 2021 ayant déclaré la demande de protection internationale des demandeurs irrecevable aux termes de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 25 août 2021, par :

Olivier Poos, premier juge, Carine Reinesch, juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 août 2021 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46333
Date de la décision : 25/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-08-25;46333 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award