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16/06/2021 | LUXEMBOURG | N°46117

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juin 2021, 46117


Tribunal administratif N° 46117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2021 3e chambre Audience publique du 16 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2021 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro),...

Tribunal administratif N° 46117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2021 3e chambre Audience publique du 16 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2021 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro), alias …, né le … à …(Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement retenue au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 juin 2021 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 6 juin 2021 :

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1;

Vu les communications de Maître Nicky STOFFEL et de Madame le délégué du gouvernement Tara DESORBAY du 15 juin 2021 suivant lesquelles ceux-ci marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de ce jour.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Capitale, C2R Gare-Hollerich, n° 2021/15097/571/FS du 6 mai 2021, qu’en date du même jour, Monsieur …, alias Monsieur …, ci-après désigné par « Monsieur … », fit l’objet d’un contrôle d’identité par le Service signalements nationaux et hébergement. Lors de son interrogatoire, l’intéressé expliqua avoir rejoint la ville de Luxembourg en train la veille et ce depuis Lyon et qu’il avait l’intention de rejoindre Cologne. Il précisa encore qu’il ne se trouverait qu’en transit au Luxembourg et qu’il était en possession d’un passeport monténégrin, ainsi que d’une attestation de demande d’asile émise par les autorités françaises. Il ajouta qu’il serait arrivé en Hongrie le 27 avril 2019 avant de partir en Allemagne où il aurait rejoint ses enfants et qu’il aurait ensuite voyagé en France. Il précisa en outre qu’il aurait introduit, en 2006, une première demande de 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » protection internationale en Roumanie et ensuite une autre demande de protection internationale en France, qu’il serait veuf, mais qu’il aurait dix enfants, dont trois qui vivraient à Cologne, qu’il recevrait mensuellement … euros de la part de l’Etat français, qu’il n’aurait jamais travaillé et finalement qu’il serait prêt à quitter le Grand-Duché de Luxembourg volontairement.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à cette même date, le ministre déclara irrégulier le séjour sur le territoire luxembourgeois de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, le Monténégro, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage.

Toujours le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ledit arrêté, notifié à l’intéressé le 6 mai 2021, est basé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal n°2021/15097/571/FS du 6 mai 2021 établi par la Police Grand-Ducale – Région Capitale, C2R » Gare Hollerich ;

Vu ma décision de retour du 6 mai 2021 ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».

Le 3 juin 2021, le ministre prit un arrêté d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée d’un an à l’encontre de Monsieur ….

Par arrêté du même jour, le ministre prorogea la mesure de placement pour une durée d’un mois avec effet au 6 juin 2021, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivantes :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 6 mai 2021, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 6 mai 2021 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 3 juin 2021 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée d’un mois.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et après avoir relaté les faits et rétroactes à la base de l’arrêté ministériel litigieux et avoir mis en exergue qu’il se trouverait placé en rétention depuis le 6 mai 2021, le demandeur fait valoir qu’à l’exception du droit illimité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail, le régime actuel des étrangers placés au Centre de rétention serait similaire, voire identique à celui des détenus normaux. Sa rétention serait, dès lors, à considérer comme étant un traitement dégradant et une atteinte intolérable à la liberté, de sorte à être contraire aux articles 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

Le demandeur affirme ensuite que les dispositions prévues à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 accorderaient à l’autorité ministérielle la faculté de procéder au placement d’un étranger au Centre de rétention en vue de son éloignement vers son pays d’origine et ne viserait pas un « placement systématique ». Il se prévaut d’un jugement du tribunal administratif du 12 novembre 2001, n°14130 du rôle, aux termes duquel « […] la privation de la liberté par l’incarcération dans un centre pénitentiaire doit justifier une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité et il échet d’éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur […] », tout en rappelant que, selon la jurisprudence, il incomberait au ministre de faire état et de documenter avec précision les démarches requises et en voie d’exécution afin que l’étranger soit en mesure d’apprécier, d’une part, si un éloignement valable est en cours d’organisation et, d’autre part, si les autorités luxembourgeoises entreprennent les démarches suffisantes en vue d’organiser un éloignement rapide de l’étranger, de sorte à écourter au maximum sa privation de liberté.

Il estime en l’espèce que les diligences entreprises par les autorités luxembourgeoises ne sauraient être qualifiées de suffisantes, alors qu’elles seraient « trop maigres » pour être considérées de nature à lui permettre un retour rapide dans son pays d’origine. Il reproche encore à l’arrêté déféré son imprécision quant aux mesures actuellement entreprises par le ministre pour écourter son séjour au Centre de rétention et l’absence d’indication quant aux « chances raisonnables » d’aboutissement de son éloignement.

Finalement, le demandeur, tout en se basant sur l’article 8 de la CEDH, estime qu’il aurait dû bénéficier d’une mesure moins coercitive avant d’être placé en rétention, en l’occurrence une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, ci-après désignée par « la SHUK », en vertu de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, alors que celle-ci constituerait la mesure la plus appropriée. Il indique qu’il serait conscient qu’une mesure d’assignation à résidence constituerait une faveur et il souligne qu’il accepterait toutes les conditions liées à cette mesure en garantissant fermement qu’il ne quitterait pas le pays et ne se soustrairait pas aux conditions ou exigences des autorités luxembourgeoises.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux et pour autant qu’à travers ses reproches ayant trait à l’imprécision de l’arrêté ministériel déféré, le demandeur ait entendu soulever l’insuffisance de la motivation fournie par le ministre, le tribunal est amené à retenir que ce moyen est à rejeter, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.

Quant au fond, il y a tout d’abord lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragrpahe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Force est d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour, ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire ont été prises à son encontre respectivement le 6 mai 2021 et le 3 juin 2021, et qu’il ne dispose pas d’un document de séjour valable ni d’une adresse au Luxembourg. Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé […] si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, le demandeur ne contestant d’ailleurs pas le risque de fuite présumé dans son chef.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.2 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant, étant encore relevé à cet égard que le simple fait qu’il dispose d’un passeport monténégrin en cours de validité ne saurait invalider cette conclusion. Il est, en effet, constant qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, les simples affirmations et engagements du demandeur ne suffisant pas à cet égard, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile 2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées.

stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable. C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

S’agissant ensuite de la référence, faite par le demandeur, à un jugement du tribunal administratif3, aux termes duquel une mesure de placement en rétention devrait être évitée dans tous les cas où la personne concernée ne constitue pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle peut être retenue et surveillée par le gouvernement d’une autre manière afin d’éviter qu’elle ne se soustraie à son éloignement ultérieur, le tribunal rappelle en premier lieu qu’il vient de retenir que c’est à bon droit que la partie étatique soutient que les mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, ne sont pas envisageables en l’espèce. Ensuite, il convient de relever que l’exigence, se dégageant dudit jugement, selon laquelle une mesure de placement en rétention supposerait que la personne en question constitue un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics n’est, sous l’empire de la loi du 29 août 2008, pas une condition légale d’une telle mesure, pareille exigence ayant trouvé son fondement dans la loi du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui a été abrogée par celle du 29 août 2008. Il s’ensuit que la référence, faite par le demandeur, au jugement en question est sans incidence sur le bien-fondé et la légalité de la décision déférée, le demandeur n’en ayant, d’ailleurs, tiré aucune conclusion par rapport au cas d’espèce.

Le tribunal retient ensuite que le moyen tiré de la violation de l’article 3 de la CEDH, aux termes duquel « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », est à rejeter, étant donné que le demandeur est resté en défaut de fournir le moindre élément de preuve concret qui permettrait de retenir que les conditions de sa rétention seraient telles qu’elles emporteraient une violation de l’article 3 de la CEDH, ses vagues allégations selon lesquelles le régime auquel il serait soumis au Centre de rétention serait similaire, voire identique à celui des détenus ayant été condamnés à une peine d’emprisonnement étant insuffisantes à cet égard, étant encore relevé, dans ce contexte, qu’il est de jurisprudence4 qu’une détention au CPL ne saurait, en tant que telle, être considérée comme dégradante, inhumaine ou humiliante et qu’elle ne constitue, en principe, dès lors pas une violation de l’article 3 de la CEDH, la même conclusion devant, à défaut d’éléments contraires, être retenue à propos d’un placement au Centre de rétention.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 5 de la CEDH, le tribunal relève qu’en plus d’être prévu en droit interne luxembourgeois, le placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, tel que le demandeur, en vue d’organiser son éloignement constitue une privation de liberté expressément autorisée par ledit article 5 de la CEDH. En effet, le paragraphe (1), point f) de ce dernier prévoit justement la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours, le terme d’expulsion devant être entendu dans son acceptation la plus large de sorte à viser toutes les mesures respectivement d’éloignement et de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays.5 Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

3 Trib. adm. 12 novembre 2001, n°14130, disponible sur www.ja.etat.lu.

4 Trib. adm., 28 février 2002, n° 14590 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 777 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 20 janvier 2017, n° 38970 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 779 et l’autre référence y citée.

Enfin, s’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans les plus brefs délais, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif, de même que des explications circonstanciées du délégué du gouvernement que dès le lendemain du placement en rétention du demandeur, la Direction de l’Immigration et de l’Asile, s’est adressée au Service de Police Judiciaire afin qu’il organise le départ du demandeur. Ce même service fut encore relancé par courriers électroniques des 1ier et 10 juin 2021, avant de finalement faire parvenir, à cette même date, un plan de vol à destination du Monténégro aux autorités compétentes.

A cet égard, il convient encore de relever, tel que mis en avant à juste titre par la partie étatique, que bien qu’agissant sous sa responsabilité, le Service de Police Judiciaire n’agit aucunement sous l’autorité de la Direction de l’Immigration, laquelle ne dispose en effet d’aucun pouvoir de direction à l’égard du Service de Police Judiciaire qui décide librement de l’organisation et de la mise à disposition de ses effectifs dans le cadre de l’exécution d’une mesure d’éloignement, l’autorité ministérielle se retrouvant ainsi tributaire de la coopération dudit Service afin d’obtenir un plan de vol, vol qui est prévu en l’espèce pour le 25 juin 2021.

Dès lors, eu égard aux diligences déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise depuis le placement en rétention du demandeur, le tribunal est amené à retenir que le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations y afférentes du demandeur sont à rejeter.

Finalement, il convient encore de relever qu’au vu du plan de vol lui soumis, le tribunal ne décèle aucune raison permettant de penser que l’éloignement n’aura aucune perspective d’aboutir, de sorte que les contestations du demandeur ayant trait à l’absence de « chances raisonnables » de croire que son éloignement pourrait être mené à bien sont également à rejeter.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 juin 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, premier juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46117
Date de la décision : 16/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-16;46117 ?

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