La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2021 | LUXEMBOURG | N°44708

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2021, 44708


Tribunal administratif N° 44708 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2020 1re chambre Audience publique du 9 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … (Brésil), contre des décisions du ministre de la Justice, en matière de certificat de nationalité luxembourgeoise

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44708 du rôle et déposée le 24 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Brésil), tend...

Tribunal administratif N° 44708 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2020 1re chambre Audience publique du 9 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … (Brésil), contre des décisions du ministre de la Justice, en matière de certificat de nationalité luxembourgeoise

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44708 du rôle et déposée le 24 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (Brésil), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 novembre 2019 ayant refusé la délivrance en son nom d’un certificat attestant qu’il est le descendant d’un aïeul possédant la nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900, ainsi que de la décision confirmative de refus du même ministre du 15 janvier 2020 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2020 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Marc Feyereisen déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2020 pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu la requête en abréviation des délais de Maître Marc Feyereisen déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2020 ;

Vu l’ordonnance du premier juge du tribunal administratif du 18 novembre 2020 ayant fait droit à la requête en abréviation des délais ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 17 mars 2021 et vu les remarques écrites de Maître Marc Feyereisen du 15 mars 2021 et de Madame le délégué du gouvernement Tara Désorbay du 17 mars 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

___________________________________________________________________________

Il est constant en cause que Monsieur … sollicita auprès du ministère de la Justice, ci-

après désigné par « le ministère », la délivrance d’un certificat attestant sa descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et ce, afin de pouvoir souscrire, sur le fondement de l’article 89 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise, 1ci-après désignée par « la loi du 8 mars 2017 », une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise devant l’officier de l’état civil.

Par décision du 11 novembre 2019, le ministre de la Justice, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à cette demande, ledit refus étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Suivant l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise, vous devez apporter la preuve d’être le descendant en ligne directe d’un aïeul vivant et de nationalité luxembourgeoise au jour du 1er janvier 1900.

Vous faites état des aïeux suivants :

 Monsieur J.K., né le … 1824 à Heinstert, Nobressart (Belgique), situé dans l’actuelle Province du Luxembourg, père de  Monsieur N.C., né en 1872 et toujours vivant au 1er janvier 1900.

Par application de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1915, Monsieur J.K. était à considérer comme Luxembourgeois jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Londres du 19 avril 1839 et la création du Grand-Duché de Luxembourg dans ses frontières actuelles.

D’après l’article 1er de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois, les personnes résidant dans la partie cédée à la Belgique à la suite du Traité de Londres « mais qui sont employés actuellement dans le service civil ou militaire du Grand-Duché » conservent la nationalité luxembourgeoise si elles « continuent de rester au service, sans qu’il soit nécessaire d’aucune déclaration de leur part, ou d’une permission de la part du gouvernement. » Il n’est pas établi que les parents de Monsieur J.K. étaient employés dans le service civil ou militaire du Grand-Duché, de sorte qu’ils ne remplissent pas les conditions de l’article 1er précité.

Aux termes de l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité, les personnes « sans occuper de fonctions publiques, mais qui résident dans le pays et y restent, continueront également à conserver leur qualité de Luxembourgeois, si dans les six mois, à compter du jour du présent arrêté, ils font leur déclaration à ce sujet à l’administration communale de leur résidence. Ils devront annoncer en même temps qu’ils y élisent leur domicile. Ces déclarations seront inscrites au registre à ce destiné. » Vous ne prouvez pas que les parents de Monsieur J.K. avaient une résidence sur le territoire du Grand-Duché dans ses frontières actuelles et qu’ils avaient effectué une déclaration auprès d’une commune luxembourgeoise.

Il en résulte que Monsieur J.K. ne remplissait pas les conditions prescrites par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois, ce qui entraînait la perte de la nationalité luxembourgeoise dans son chef en 1839.

2Monsieur J.K. n’a donc pas pu transmettre la nationalité luxembourgeoise à son fils, Monsieur N.C., né en 1866.

Il n’est pas établi que Monsieur N.C. possédait la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900.

Dès lors, je ne suis pas en mesure de vous délivrer un certificat attestant que vous avez un aïeul Luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900.

Par conséquent, vous ne pouvez pas souscrire une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise auprès de l’officier de l’état civil.

La présente décision est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif à introduire, par requête signée d’un avocat à la cour, dans les trois mois à compter de la notification. […] ».

Suite à un recours gracieux introduit par Monsieur … par courrier électronique du 6 décembre 2019, tel que complété le 16 décembre 2019, contre la décision ministérielle précitée, le ministre confirma par décision du 15 janvier 2020 son refus initial dans les termes suivants :

« […] Par la présente, j’accuse réception de votre courriel du 6 décembre 2019, qui est à qualifier de recours gracieux dirigé contre ma décision du 11 novembre 2019 vous refusant la délivrance d’un certificat attestant que vous descendez d’un aïeul de nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900.

Vous invoquez :

 votre aïeul J.K., né le … 1824 dans la Province de Luxembourg (Belgique), avait l’âge de 14 ans lors de la partition du territoire du Grand-Duché de Luxembourg par le Traité de Londres du 19 avril 1839 ;

 le père de Monsieur J.K., Monsieur M.K., est décédé le … 1837 à Heinstert, Nobressart, Province de Luxembourg (Belgique) ;

 ni le mineur J.K., ni son père décédé n’ont pu procéder à la déclaration prescrite par l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois ;

 la mère de Monsieur J.K. aurait omis de souscrire une telle déclaration, ce qui aurait entraîné la perte de la nationalité luxembourgeoise de celui-ci à son insu.

Aux termes de l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal précité, les personnes « sans occuper de fonctions publiques, mais qui résident dans le pays et y restent, continueront également à conserver leur qualité de Luxembourgeois, si dans les six mois, à compter du jour du présent arrêté, ils font leur déclaration à ce sujet à l’administration communale de leur résidence. Ils devront annoncer en même temps qu’ils y élisent leur domicile. Ces déclarations seront inscrites au registre à ce destiné. » Le simple fait de souscrire une déclaration de conservation auprès d’une commune luxembourgeoise n’était pas suffisant afin de garder la nationalité luxembourgeoise ; il fallait en outre élire domicile en cette commune.

Vous ne prouvez pas que la famille K., originaire de Heinstert, a déménagé après le Traité de Londres vers le Grand-Duché de Luxembourg dans ses frontières actuelles.

3 Aux termes de l’article 4 de l’arrêté royal grand-ducal précité, « les délais mentionnés ci-dessus seront prolongés en faveur des personnes qui demeurent hors de la Belgique, à savoir, de trois mois, si elles sont en Europe ; de six mois, si elles sont dans le Levant, dans l’Afrique, les Indes occidentales, ou dans la partie orientale de l’Amérique, et d’une année, si elles sont dans les Indes orientales ou dans la partie occidentale de l’Amérique, sauf néanmoins le cas où il serait prouvé qu’elles n’ont pas pu se déclarer dans les délais ainsi prolongés. Les mineurs qui, comme tels, n’auront pas pu profiter de ces délais, pourront encore invoquer l’application du présent arrêté endéans l’année après leur majorité. » Dès lors, même les mineurs, qui ont été privés du droit d’effectuer une déclaration de conservation auprès d’une commune luxembourgeoise en raison de leur minorité, avaient l’obligation, endéans l’année qui suivait leur majorité, de souscrire ladite déclaration et d’élire domicile dans la commune luxembourgeoise choisie afin de garder la qualité de Luxembourgeois.

Vous ne rapportez pas la preuve que :

1.

la mère de Monsieur J.K. serait dans l’impossibilité de faire la déclaration prescrite en 1839/1840 ;

2.

Monsieur J.K. aurait effectué ces démarches dans l’année qui suivait sa majorité en 1845.

Il en résulte que Monsieur J.K. a effectivement perdu la nationalité luxembourgeoise suite à l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois.

En vertu des considérations précitées, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre recours gracieux, de sorte que ma décision initiale du 11 novembre 2019 est confirmée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2020, Monsieur … a, de l’entendement du tribunal, fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 11 novembre 2019 ayant refusé la délivrance en son nom d’un certificat attestant qu’il est le descendant d’un aïeul possédant la nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900, ainsi que de la décision confirmative de refus du même ministre du 15 janvier 2020 prise sur recours gracieux, ces deux décisions devant, suivant les termes du dispositif de la requête, être considérées comme formant un seul tout et étant, de l’entendement du tribunal, dès lors toutes deux entreprises par le biais du présent recours.

Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait valoir que la loi du 8 mars 2017 ne prévoirait pas de recours au fond contre une décision de refus de délivrance d’un certificat attestant la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, de sorte que le recours principal en réformation serait à déclarer irrecevable. Elle renvoie, à cet égard, à un jugement du tribunal administratif du 15 janvier 2020, inscrit sous le numéro 41895 du rôle, ayant confirmé cette approche.

4 Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur l’applicabilité en l’espèce de l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 et dès lors sur la possibilité d’introduire un recours en réformation contre la décision litigieuse.

Il ajoute que si l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 ne lui ouvrait pas le droit à un recours en réformation, alors ce serait l’article 74 de la même loi, tout en faisant valoir qu’il aurait introduit une action en revendication de la nationalité luxembourgeoise sur base de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 et que, par sa décision, le ministre lui aurait définitivement refusé la possibilité de revendiquer cette même nationalité.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique maintient ses contestations quant à la recevabilité du recours principal en réformation.

Il y a tout d’abord lieu de relever que le demandeur ne saurait se baser sur les dispositions de l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 pour introduire un recours au fond contre les décisions entreprises.

En effet, aux termes de l’article 106 en question : « (1) Les procédures de naturalisation ou de recouvrement, actées par l’officier de l’état civil à partir du 1er janvier 2009 et pendantes à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, restent soumises, quant aux conditions de fond, aux dispositions des articles 6, 7, 10, 14 et 29 de la loi du 23 octobre 2009 sur la nationalité luxembourgeoise. (2) Le ministre statue sur les déclarations de naturalisation ou de recouvrement, visées au paragraphe qui précède. Les notifications et mentions sont faites conformément aux dispositions de l’article 21, paragraphes 5 et 6. (3) Les arrêtés ministériels portant refus de naturalisation ou de recouvrement sont susceptibles d’un recours en réformation devant le tribunal administratif. ».

Le tribunal constate que l’article 106 qui est inscrit dans le chapitre 11 de la loi du 8 mars 2017, intitulé « Dispositions abrogatoires et transitoires », couvre dès lors uniquement les procédures d’acquisition et de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise actées par l’officier de l’état civil à partir du 1er janvier 2009 et pendantes à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017, en l’occurrence le 1er avril 2017.

Dans la mesure où il est constant en cause que le requérant a demandé postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017 à se voir délivrer un certificat attestant sa descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, aucune procédure de recouvrement n’était en cours ni pendante à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017.

Il convient, dès lors, afin de déterminer la nature du recours contentieux pouvant être dirigé contre les décisions litigieuses, de se référer à l’article 74 de la loi du 8 mars 2017, dans sa version applicable au moment de la prise de celles-ci, aux termes duquel : « (1) Les actions en revendication ou en contestation de la nationalité luxembourgeoise sont de la compétence du tribunal administratif qui statue comme juge du fond.

(2) Un recours en réformation est également ouvert contre :

1° l’arrêté ministériel portant refus de naturalisation ;

52° l’arrêté ministériel portant annulation de la déclaration d’option, de recouvrement ou de renonciation ;

3°l’arrêté ministériel portant déchéance de la qualité de Luxembourgeois ;

4°l’arrêté ministériel portant interdiction d’introduire une procédure de naturalisation, d’option ou de recouvrement ;

5° l’arrêté ministériel portant refus de transposition du nom et des prénoms. ».

Si l’article 74, paragraphe (1), de la loi du 8 mars 2017 prévoit que « Les actions en revendication ou en contestation de la nationalité luxembourgeoise sont de la compétence du tribunal administratif qui statue comme juge du fond. », il n’en reste pas moins qu’un recours qui, tel que le recours sous examen, est dirigé à l’encontre d’une décision ministérielle de refus de délivrance d’un certificat attestant la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois au 1er janvier 1900, ne constitue pas une action en revendication de la nationalité luxembourgeoise, étant donné qu’un tel certificat ne comporte pas d’élément décisionnel propre concernant l’octroi, à la personne concernée, de la nationalité luxembourgeoise, mais ne constitue que la reconnaissance administrative de la nationalité de l’aïeul de cette personne, nationalité qui est préalablement établie en conformité avec les dispositions légales régissant la nationalité luxembourgeoise, cette reconnaissance ne constituant d’ailleurs que la première étape de la procédure de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise visée à l’article 89 de la loi du 8 mars 2017.

A cela s’ajoute que la décision actuellement déférée ne figure pas non plus parmi la liste des arrêtés ministériels limitativement énumérés à l’article 74, paragraphe (2), de la loi du 8 mars 2017 et susceptibles de faire l’objet d’un recours en réformation, ladite décision n’étant, en effet, à qualifier ni d’arrêté ministériel portant refus de naturalisation, ni d’arrêté ministériel portant annulation de la déclaration d’option, de recouvrement ou de renonciation, ni d’arrêté ministériel portant déchéance de la qualité de Luxembourgeois, ni encore d’arrêté ministériel portant interdiction d’introduire une procédure de naturalisation, d’option ou de recouvrement, ni finalement d’arrêté ministériel portant refus de transposition du nom et des prénoms.

Au vu des considérations qui précèdent, il doit être retenu que le tribunal ne dispose pas de compétence en la présente matière pour statuer comme juge du fond, de sorte qu’il n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé à l’encontre des décisions déférées.

Le tribunal est, en revanche, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Le demandeur reprend tout d’abord les faits et rétroactes ayant abouti aux décisions ministérielles litigieuses, tels que décrits plus haut.

En droit, il se réfère au libellé de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 et à la motivation contenue dans les décisions litigieuses pour souligner que la question « périlleuse » consisterait, en l’espèce, à définir la notion de « qualité de Luxembourgeois » au début du 19e siècle et qu’il serait communément admis qu’en application de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815, ci-après désignée par « la loi fondamentale des Pays-Bas », 6possédait la qualité de Luxembourgeois celui qui était né au Grand-Duché de Luxembourg, y résidait et dont les parents étaient domiciliés au Grand-Duché de Luxembourg.

Il estime qu’en l’espèce, il serait non contesté que la plus ancienne référence dont il pourrait s’emparer serait M.K., né le … 1792 à Pintsch, une localité faisant actuellement partie de la commune de Kiischpelt au Luxembourg, et décédé le … 1837 à Heinstert, Nobressart, dans la Province de Luxembourg en Belgique.

Il serait donc indiscutable que M.K. aurait possédé la qualité de Luxembourgeois lors de la signature du Congrès de Vienne en 1815 alors qu’il serait né et aurait vécu à cette époque à l’intérieur du territoire actuellement considéré comme « Grand-Duché de Luxembourg ». Ce même M.K. aurait quitté à la fin de l’année 1815 la localité de Pintsch en direction de Heinstert où il se serait marié avec A.J.. Il aurait toujours conservé la nationalité luxembourgeoise jusqu’à son décès.

Le demandeur continue en expliquant que le couple M.K./A.J. aurait donné naissance à J.K., né le … 1824, qui, en vertu de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, aurait eu de manière non contestée la nationalité luxembourgeoise à sa naissance.

Il précise que par la suite serait entré en vigueur le Traité de Londres en 1839 ayant accordé la souveraineté au Grand-Duché de Luxembourg, tout en instituant ce qui pourrait être appelé une union personnelle avec le roi des Pays-Bas. Ce serait à l’occasion de la signature du Traité de Londres que la partie du Grand-Duché dans laquelle habitait J.K., alors à peine âgé de 14 ans et toujours de nationalité luxembourgeoise, ensemble avec sa mère, aurait été cédée à la Belgique à titre de « Province de Luxembourg ». Ce serait dans ce même contexte que serait intervenu l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois, ci-après désigné par « l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 », qui aurait clairement réglé à travers ses articles 2 et 3 le sort des personnes majeures établies dans la Province du Luxembourg.

Le demandeur fait toutefois valoir que comme J.K. aurait été mineur en 1839, il lui aurait été impossible « d’exposer son désir » à cette époque. A cela s’ajouterait que sa mère aurait décidé de quitter l’Europe le 30 mai 1846 avec ses deux enfants et donc à un moment où J.K. aurait toujours été mineur puisque la majorité n’aurait à l’époque été acquise qu’à l’âge de 21 ans.

Or, la situation des mineurs en 1839 aurai été réglementée par l’article 4 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 prévoyant que ceux-ci pourront invoquer l’application de l’arrêté endéans l’année après leur majorité, ce même article ayant prévu des délais supplémentaires pour les personnes majeures demeurant en dehors de la Belgique pouvant aller jusqu’à une année entière, tout en prévoyant l’hypothèse tout à fait particulière des personnes pouvant prouver qu’elles n’ont pas pu se déclarer dans les délais instaurés.

Le demandeur donne, à cet égard, à considérer que si les décisions entreprises se prononçaient bien sur l’obligation d’effectuer une déclaration, elles ignoreraient totalement la possibilité d’un cas de figure dans lequel il serait prouvé que la déclaration n’avait pas pu être faite dans les délais.

7Ce serait justement ce cas de figure très spécifique que le demandeur aurait pointé à travers ses courriers électroniques des 6 et 12 décembre 2019 et ce plus particulièrement eu égard au fait qu’il serait unanimement admis que vers la première moitié du 19e siècle, un voyage partant de l’Europe en direction du Brésil aurait duré en moyenne 9 semaines et se serait avéré pénible et dangereux, le demandeur soulignant que, contrairement aux espérances, l’accueil au Brésil se serait fait dans des conditions catastrophiques sans que personne n’aurait eu les moyens pour se payer un voyage de retour en Europe.

Au vu de ces considérations, il devrait être conclu que J.K. n’aurait pas perdu la nationalité luxembourgeoise alors qu’il serait prouvé qu’il n’avait pas pu se déclarer dans les délais prolongés tels qu’instaurés par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839. En conséquence, il aurait pu transmettre cette nationalité à son fils, Monsieur N.C., né en 1866 et qui l’aurait alors possédée au 1er janvier 1900.

Il s’ensuivrait que les décisions entreprises devraient être annulées pour violation de la loi et plus particulièrement pour violation, sinon non-respect, sinon mauvaise ou fausse application de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, sinon de l’article 4 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839.

A titre subsidiaire et s’il devait être retenu que J.K. a perdu la nationalité luxembourgeoise suite à l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 au motif qu’il n’aurait pas prouvé son impossibilité de se déclarer dans les délais prolongés, le demandeur estime qu’une question plus fondamentale se poserait.

En effet, dans la mesure où il ne serait pas contesté que M.K. avait possédé la qualité de Luxembourgeois lors de la signature du Traité de Vienne pour être né et avoir vécu à cette époque à l’intérieur du territoire actuellement considéré comme « Grand-Duché de Luxembourg » et ceci notamment aux termes de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-

Bas, il y aurait lieu de s’interroger si une « nationalité luxembourgeoise » grand-ducale définitivement acquise par une disposition législative, donc un droit fondamental lié à une personne, pourrait être remise en question, respectivement être soumise à conditions par un acte de gouvernement, en l’occurrence par un arrêté, même intitulé « royal grand-ducal ».

Il estime qu’au vu de l’article 95 de la Constitution, il faudrait faire abstraction de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 avec comme conséquence le constat de ce que J.K., né le … 1824 dans la Province de Luxembourg, aurait bien eu la nationalité luxembourgeoise qu’il aurait pu transmettre à son fils.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, dans le souci d’une bonne administration de la justice, prend tout d’abord position sur le moyen tiré de l’exception d’illégalité invoquée contre l’arrêté royal grand-ducal, en faisant valoir que le demandeur omettrait de préciser le texte supérieur de la hiérarchie des normes que l’arrêté royal grand-

ducal du 18 novembre 1839 violerait prétendument et qu’il n’appartiendrait pas au tribunal de suppléer à cette carence, de sorte que le moyen en cause serait irrecevable.

A titre subsidiaire la partie étatique donne à considérer qu’il faudrait examiner la légalité de l’arrêté royal grand-ducal en question non pas rapport au droit luxembourgeois actuellement en vigueur, mais par rapport au contexte politique et juridique de l’époque à laquelle ce texte a été adopté. Or, le texte en question constituerait sans aucun doute un acte à 8caractère réglementaire dont la base légale serait constituée par le Traité de Londres du 19 avril 1839 qui, par la délimitation des territoires du Grand-Duché de Luxembourg en ayant découlé, aurait séparé des populations que des destinées communes avaient réunies pendant des siècles, et qui, de ce fait, aurait posé à travers son article 17 le principe du respect des nationalités dans la mesure du possible en facilitant le transfert du domicile, l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 constituant l’acte qu’aurait pris l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg pour atténuer l’œuvre du Traité de Londres en permettant aux habitants séparés de conserver leur nationalité d’origine.

La partie étatique fait ensuite valoir que l’article 17 du Traité de Londres n’imposerait aucune forme particulière pour l’acte d’atténuation des effets de ce traité, de sorte qu’il serait tout à fait possible de procéder par la voie d’un acte à caractère réglementaire.

A cela s’ajouterait qu’au moment de l’adoption de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, aucun texte constitutionnel n’aurait exigé l’intervention du pouvoir législatif en matière d’acquisition, de conservation et de perte de la nationalité luxembourgeoise.

Ce ne serait que l’article 10, alinéa 1er, de la Constitution du 9 juillet 1848, dont l’entrée en vigueur serait postérieure à celle de l’arrêté royal grand-ducal et sans effet rétroactif, qui aurait introduit l’intervention obligatoire du législateur pour régler ces questions.

Elle ajoute que l’article 9, alinéa 1er de la Constitution actuellement en vigueur et introduite à travers la révision constitutionnelle du 23 octobre 2008, aux termes duquel : « La qualité de Luxembourgeois s’acquiert, se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi. », ne pourrait pas non plus être pris en considération puisque le pouvoir constituant de 2008 n’aurait conféré aucun caractère rétroactif à ce texte constitutionnel.

Il s’ensuivrait que pour régler la conservation de la nationalité luxembourgeoise au cours de l’année 1839, l’adoption d’un acte à caractère réglementaire aurait été suffisante. En conséquence, les dispositions de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 trouveraient à s’appliquer et le moyen tiré de l’exception d’illégalité serait à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des dispositions de l’arrêté royal grand-

ducal du 18 novembre 1839, la partie étatique fait valoir que comme il ne serait pas établi que les parents de Monsieur J.K. auraient exercé une fonction publique au Grand-Duché de Luxembourg, ils ne seraient pas couverts par les dispositions de l’article 1er dudit arrêté.

Si aux termes de l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal litigieux, les personnes ne relevant pas de la fonction publique avaient pu conserver la nationalité luxembourgeoise sous la double condition d’avoir une résidence au Grand-Duché de Luxembourg et de faire une déclaration de conservation de la nationalité dans un délai de 6 mois à compter du 18 novembre 1839, il n’en resterait pas moins que le simple fait de souscrire une déclaration de conservation auprès d’une commune luxembourgeoise n’aurait pas été suffisant pour garder la nationalité luxembourgeoise, mais qu’il aurait, en outre, fallu élire domicile dans cette commune.

Or, en l’espèce, il ne serait pas établi que la famille K., originaire de Heinstert, aurait déménagé après l’entrée en vigueur du Traité de Londres vers le Grand-Duché de Luxembourg, de sorte à ne pas non plus remplir les conditions de l’article 2 en question.

9En ce qui concerne finalement les conditions posées aux articles 3 et 4 de l’arrêté royal grand-ducal, la partie étatique estime qu’il y aurait lieu de procéder à une lecture combinée desdits articles dont il découlerait que pour pouvoir conserver la nationalité luxembourgeoise, les émigrants vers le Brésil auraient dû remplir cumulativement trois conditions, à savoir (i) demander au chef de l’Etat une autorisation de résidence pour le Grand-Duché de Luxembourg, (ii) y établir effectivement leur résidence et (iii) souscrire une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise auprès d’une commune luxembourgeoise.

Pour ce qui est de l’argumentation adverse suivant laquelle il aurait été impossible de faire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise en raison non seulement des difficultés, voire de l’impossibilité pour la famille K. de faire le voyage au Grand-Duché de Luxembourg, mais également de la minorité de J.K. en 1839, la partie étatique donne à considérer que comme la famille K. aurait émigré vers un pays de l’Amérique du Sud, elle aurait bénéficié d’une prolongation des délais ordinaires pour satisfaire aux prescriptions des articles 3 et 4 de l’arrêté royal grand-ducal et que plus particulièrement, J.K. aurait pu accomplir les différentes formalités requises jusqu’au 19 décembre 1846 ce qu’il aurait toutefois omis de faire.

Il s’ensuivrait qu’il ne serait, en l’espèce, pas établi que la mère de J.K. aurait été dans l’impossibilité de faire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise au cours des années 1839 et 1840. Par ailleurs, bien que le voyage du Brésil vers le Grand-Duché de Luxembourg ait été pénible au cours du 19e siècle, il n’aurait pour autant pas été impossible.

Dans un ordre de considération subsidiaire et si le tribunal devait conclure qu’il y avait eu une impossibilité de faire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise, la partie étatique fait valoir que ce constat n’emporterait pas dispense des autres conditions prescrites aux articles 3 et 4 de l’arrêté royal grand-ducal. Ainsi resteraient exigées, même en cas d’impossibilité de faire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise, non seulement la délivrance de l’autorisation grand-ducale de résidence, mais également l’établissement d’une résidence sur le territoire luxembourgeois.

Or, il n’existerait aucun commencement de preuve que la famille K. aurait voulu quitter le Brésil pour établir à nouveau sa résidence sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tout comme il n’existerait pas de pièce dans le dossier suivant laquelle la famille aurait sollicité la délivrance d’une autorisation de résidence pour le Grand-Duché de Luxembourg.

Au vu de ces considérations, il devrait être admis que J.K. aurait perdu la nationalité luxembourgeoise avec effet au jour de l’entrée en vigueur du Traité de Londres, sinon au plus tard avec effet au 20 décembre 1846 et qu’il n’aurait dès lors pas pu transmettre ladite nationalité à son fils.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur prend tout d’abord acte du fait que la partie étatique admettrait que J.K. était à considérer comme Luxembourgeois jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Londres du 19 avril 1839 et de la création du Grand-Duché de Luxembourg dans ses frontières actuelles.

Il n’en resterait pas moins que, contrairement aux affirmations du délégué du gouvernement, il aurait bien indiqué le texte supérieur que l'arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 a violé, en l’occurrence l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas en vertu 10duquel J.K. possédait la nationalité luxembourgeoise au moment de la signature du Traité de Vienne, pour être né et avoir vécu à l’intérieur du territoire actuellement considéré comme « Grand-Duché de Luxembourg ».

Il retrace ensuite l’histoire constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg, en se référant aux dispositions du Traité de Vienne du 9 juin 1815 par le biais duquel l’ancien Duché de Luxembourg a été élevé au rang d'un Grand-Duché et cédé au Roi des Pays-Bas à titre de compensation des terres auxquelles il a dû renoncer en Allemagne en faveur du Roi de Prusse et à la suite duquel le Grand-Duché a formé un des Etats de la Confédération germanique, le Roi des Pays-Bas étant entré dans le système de cette Confédération en sa qualité de Grand-

Duc de Luxembourg.

Il précise que bien qu’ayant été qualifié d’« Etat » dans le texte du Traité de Vienne, le Grand-Duché de Luxembourg aurait été administré par le Roi-Grand-Duc comme une province des Pays-Bas et que la loi fondamentale des Pays-Bas aurait retenu dans son article ler que le Grand-Duché de Luxembourg « placé sous la même souveraineté que le Royaume des Pays-

Bas, sera régi par la même loi fondamentale, sauf ses relations avec la Confédération germanique ».

Ce ne serait que par l’arrêté royal du 31 décembre 1830 qu’une administration particulière, distincte de celle des Pays-Bas, aurait été établie pour le Grand-Duché de Luxembourg, le demandeur soulignant que le pays, à l’exception de la Ville forteresse de Luxembourg, se serait associé à la Révolution belge de 1830 et aurait été placé sous le régime de la Constitution belge du 7 février 1831.

Il continue en expliquant que suite à la signature du Traité de Londres du 19 avril 1839, le Grand-Duché de Luxembourg, amputé d'une partie de ses territoires et réduit dans les limites des frontières existant encore de nos jours, aurait progressivement gagné son autonomie et sa souveraineté. Comme une première Charte constitutionnelle établissant l’autonomie administrative du Grand-Duché ne daterait que du 12 octobre 1841, elle ne serait pas susceptible d'intéresser le présent litige.

En tout état de cause, il découlerait des développements qui précèdent et qui seraient copiés textuellement du document parlementaire N° 6030 dans le cadre d’une proposition de révision portant modification et nouvel ordonnancement de la Constitution, qu’en 1839, lors de la publication de l'arrêté royal grand-ducal de 1839, la Constitution belge du 7 février 1831 était applicable.

Le demandeur souligne ensuite que lorsque le Traité de Londres était intervenu le 19 avril 1839 en accordant en quelque sorte la souveraineté du Luxembourg tout en instaurant ce qui pourrait être qualifié comme « une union personnelle avec le roi des Pays Bas », le mineur J.K., âgé à peine de 14 ans, toujours de nationalité luxembourgeoise, aurait habité ensemble avec sa mère, sur un territoire qui aurait été cédé à la Belgique à titre de « Province du Luxembourg. ». Ce serait également dans ce contexte que serait intervenu l’arrêté royal grand-

ducal du 18 novembre 1839.

Il insiste, à cet égard, sur le fait que « la manière de conserver la qualité luxembourgeois » qui s’apparenterait plutôt dans le présent cas de figure à une « manière de perdre la qualité de Luxembourgeois » ne saurait être prévue que par une loi, et non 11pas par une disposition réglementaire et que cette obligation serait prévue dans la Constitution belge du 7 février 1831.

Même s’il devait être soutenu que la Constitution belge n’était pas applicable, il n’en resterait pas moins que des règles identiques se retrouveraient dans le cadre de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815 au niveau des droits civils et plus particulièrement aux articles 3, 4, 5 et 9 de ladite loi, tandis que les articles 105 et suivants instaureraient, par ailleurs, un « pouvoir législatif » et les règles à respecter, le pouvoir législatif étant exercé concurremment par le Roi et les Etats Généraux.

Il ajoute que la notion de « naturels » employée au début du 19e siècle à l’article 9 de la loi fondamentale correspondrait à la notion « plus moderne de nationalité », tout en renvoyant, à cet égard à un article intitulé « La déchéance de nationalité et la Révolution » qui rapprocherait « de façon excellente » les concepts de nationalité et de naturalisation ayant régné au début du 19e siècle.

Il ne faudrait pas non plus perdre de vue qu’au Journal officiel du Grand-duché de Luxembourg (Mémorial A5 de 1804) aurait été publié le « Code Civil des français du 21 mars 1804 (30 Ventôse de l'An XII) » qui aurait survécu jusqu’à aujourd’hui, même s’il avait bien évidemment été modifié à 133 reprises.

Le demandeur donne ensuite à considérer que même s’il était légitime de s’interroger quant à « l’environnement légal d’époque » dans lequel il aurait été possible « d'enlever ou de faire perdre » la nationalité luxembourgeoise à un Luxembourgeois, habitant dans une partie du Luxembourg qui a par la suite été attribuée à la Belgique par un traité international, il serait formellement contesté que J.K. aurait commis un quelconque acte qui aurait pu lui faire perdre la nationalité luxembourgeoise et il n’aurait, par conséquent, pas été déchu de cette même nationalité.

Il ajoute que, contrairement à ce que l’on pourrait apparemment lire dans ce qui serait parfois intitulé « doctrine luxembourgeoise », l’article 17 du Traité de Londres ne se prononcerait nullement sur une prétendue acquisition, sinon une prétendue perte d'une quelconque nationalité, fût-elle belge, luxembourgeoise ou autre, mais se limiterait à permettre aux personnes concernées des territoires visés de transférer leur domicile et de vendre leurs propriétés sans devoir acquitter des droits « d'aubaine et de détraction. ».

En tout état de cause, il estime qu’en l’absence d’un traité international se prononçant sur la nationalité des personnes qu’il vise - le tout sous la réserve formelle qu’aucun traité international ne saurait valablement se prononcer sur la nationalité d’une personne, qui serait un droit individuel reconnu à cette même personne -, ce même traité ne saurait être considéré comme base habilitante d’un règlement, ceci encore sous la réserve formelle qu’un traité international tout court puisse être considéré comme base habilitante d’un règlement.

Il découlerait de l’ensemble de ces considérations que l’application des dispositions de l’arrêté royal grand-ducal de 1839 serait à écarter et le moyen tiré de l’exception d’illégalité à déclarer fondé avec toutes les conséquences de droit en découlant.

En ce qui concerne ensuite l’applicabilité des articles 1er à 4 à l’article 4 de l'arrêté royal 12grand-ducal au cas de J.K., le demandeur fait valoir que l'arrêté royal grand-ducal ne viserait pas « tous les Luxembourgeois » vivant à cette époque, mais uniquement les Luxembourgeois sur lesquels les traités de Londres du 19 avril 1839 « pourraient avoir une influence. ».

Il est d’avis que les traités en question, s’ils étaient susceptibles d’avoir une influence sur les Luxembourgeois habitant dans la partie « luxembourgeoise » transposée en Belgique, respectivement sur les Luxembourgeois propriétaires d’immeubles ou de meubles en Belgique, mais demeurant hors de Belgique, en leur accordant un certain nombre de facilités fiscales lors de la vente, ainsi que la possibilité de se réinstaller sans problèmes au Grand -

duché de Luxembourg dans ses limites géographiques nouvellement fixées, ceci à condition de réagir dans un certain délai, ces mêmes traités n’auraient eu aucune influence sur des Luxembourgeois qui ne vivaient plus dans le territoire visé par les traités de Londres.

Il réitère, à cet égard que J.K., né le … 1824, et qui en vertu de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas aurait eu la nationalité luxembourgeoise, aurait acquis l’âge de la majorité le 19 décembre 1845 et donc à une date à laquelle il n’aurait plus vécu en Belgique ni détenu aucun bien immeuble ou meuble dans ce pays. Comme il lui aurait, par ailleurs, été impossible de retourner à cette époque au Luxembourg, « il l’entendait pas vouloir se fixer dans le Luxembourg ».

Il s’ensuivrait que les traités de Londres n’auraient pas été susceptibles d’avoir une quelconque influence sur sa situation tout comme ces traités n’auraient pas pu influencer la situation des nombreux autres Luxembourgeois qui avaient quitté le Luxembourg, en partant de la partie du Luxembourg telle que nouvellement définie par ces mêmes traités.

Or, il est d’avis qu’il serait parfaitement discriminatoire d’exiger de la part d'un Luxembourgeois qui, à l’âge de sa majorité habitait au Brésil, ayant quitté une partie du territoire luxembourgeois qui avait été réattribuée à la Belgique, de requérir une autorisation de pouvoir se fixer au Luxembourg et de s’y installer aux fins de pouvoir « maintenir » sa qualité de Luxembourgeois tandis qu’une autre personne, majeure, habitant au Brésil, ayant quitté une partie du territoire luxembourgeois qui n’avait pas été réattribuée à un autre Etat, aurait gardé cette même qualité de Luxembourgeois sans aucune condition.

Il en découlerait que l’arrêté royal grand-ducal de 1839 ne saurait être appliqué au cas de J.K. et que celui-ci n’aurait dès lors pas pu perdre sa nationalité luxembourgeoise en vertu de celui-ci.

Pour autant qu’il devait être retenu que l’arrêté royal grand-ducal de 1839 était applicable à J.K., le demandeur fait valoir que son article 4 prévoirait un certain nombre de délais « aux fins d’exposer à des personnes requérantes » leur désir de conserver leur qualité de Luxembourgeois et de demander l’autorisation de pouvoir se fixer dans le Luxembourg « sauf néanmoins le cas où il serait prouvé qu'elles n'ont pas pu se déclarer dans les délais ainsi prolongés. ».

Il est d’avis que la formulation employée ne serait aucunement liée au texte qui le précède au même article 4, respectivement à l’article 3 et ne prévoirait aucune solution pour le cas où le délai de déclaration ne serait pas respecté. L’article 4 n’imposerait ni une obligation, ni un délai à partir du moment où l’impossibilité de se déclarer (dans le délai) 13aurait disparu.

La conséquence juridique de l’impossibilité de se déclarer dans les délais indiqués ne pourrait consister que dans la conservation sans autre condition de la nationalité luxembourgeoise.

Or, il aurait été exposé de manière crédible que J.K. n’aurait pas pu se déclarer dans le délai d’un an à partir du 19 décembre 1845, date de sa majorité, au vu des conditions matérielles ayant prévalu vers la moitié du 19e siècle où aucun voyage de retour n’aurait été organisé du Brésil vers l’Europe, quelques rares voyages de retour n’ayant été organisés que vers les années 1870.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique renvoie à un jugement du tribunal administratif du 15 janvier 2020, inscrit sous le numéro 41895 du rôle, pour faire valoir qu’en appliquant l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois dans le cadre d’une procédure contentieuse la jurisprudence aurait confirmé implicitement mais nécessairement la légalité de cet arrêté.

Par référence à un article de Monsieur Charles Elsen, intitulé : « La nationalité luxembourgeoise », elle souligne que la doctrine luxembourgeoise considérerait également l’article 17 du Traité de Londres du 19 avril 1839 comme étant une base légale de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839. Or, comme l’article 17 en question n’aurait pas exigé l’adoption d’une loi pour l’« acte d'atténuation », l’adoption d’un acte à caractère réglementaire aurait été parfaitement concevable.

Elle ajoute que, contrairement aux développements du demandeur, la Constitution belge du 7 février 1831 n’aurait certainement pas régi des questions telles que l’acquisition, la conservation et la perte de la nationalité luxembourgeoise, l’article 4 de la Constitution belge ayant visé exclusivement l’acquisition, la conservation et la perte de la « qualité de Belge ». La Constitution belge n’aurait dès lors pas eu d’effet extraterritorial.

Ce serait également à tort que le demandeur se réfère aux articles 3, 4 et 5 de loi fondamentale des Pays-Bas puisqu’aucun de ces articles ne régirait directement ou indirectement le droit de la nationalité, de sorte que ces dispositions constitutionnelles ne sauraient être interprétées comme instaurant une obligation d’adopter une loi pour réglementer la conservation et la perte de la nationalité luxembourgeoise à l’époque en question.

A défaut de disposition constitutionnelle ou de norme de droit international exigeant l’intervention du législateur, la partie étatique maintient sa position suivant laquelle la conservation de la nationalité luxembourgeoise au cours de l’année 1839 n’aurait pas nécessité pas l’adoption d’une loi et que comme, en conséquence, le recours à un acte à caractère réglementaire aurait suffi à l'époque en question, l’application de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois ne saurait être écartée.

La partie étatique fait ensuite valoir que, contrairement à ce que le demandeur prétend, J.K. et sa mère rentreraient dans le champ d’application de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, champ d’application qui pourrait être déterminé en se référant aux considérants dudit arrêté.

14 Elle donne plus particulièrement à considérer que pour savoir si « la qualité de Luxembourgeois » de J.K. « pourrait être atteinte pas les traités du 19 avril dernier », il faudrait tenir compte exclusivement du lieu de résidence de celui-ci au jour de l’entrée en vigueur du Traité de Londres du 19 avril 1839 et de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839. Pour trancher la question du champ d’application de cet arrêté royal grand-ducal, la période de référence à prendre en considération serait donc l’année 1839, sans que l’année 1846 où la famille K. a émigré vers le Brésil ne soit d’une quelconque importance.

Elle réitère, à cet égard, que J.K. serait né le … 1824 à Heinstert et que sous l’empire du Traité de Londres du 19 avril 1839, le Grand-Duché de Luxembourg aurait perdu une partie de son territoire au profit du Royaume de Belgique, et plus particulièrement le village de Heinstert, de sorte que depuis le Traité de Londres, ledit village ferait partie du Royaume de Belgique. Comme au cours de l’année 1839, J.K. et sa mère auraient eu leur résidence à Heinstert, ils auraient obtenu en 1839, par l’effet du Traité de Londres, la nationalité belge.

La partie étatique insiste ensuite sur le défaut d’accomplissement par J.K. et sa mère des formalités prescrites par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 sur la manière de conserver la qualité de Luxembourgeois.

Ainsi, il explique que ceux qui auraient été employés au « service civil ou militaire du Grand-Duché » au moment de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, auraient, conformément à l’article 1er dudit arrêté, conservé automatiquement la nationalité luxembourgeoise sans autre formalité.

Pour les personnes n’ayant pas relevé de la fonction publique luxembourgeoise, comme J.K. et sa mère, la conservation de la nationalité luxembourgeoise n’aurait pas été automatique, mais elle aurait été conditionnée par l’accomplissement de certaines formalités, les articles 2 et 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 exigeant de manière cumulative la demande d’une autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, l’établissement d’une résidence effective au Grand-Duché de Luxembourg et la souscription d’une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise, ces formalités ayant été à accomplir endéans certains délais, qui auraient été augmentés par des délais de distance.

Or, en l’espèce, la famille K. n’aurait ni présenté une demande d’autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, ni établi sa résidence sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans ses frontières arrêtées par le Traité de Londres du 19 avril 1839, ce constat suffisant, suivant la partie étatique, pour conclure que J.K. ne satisfait pas aux formalités prescrites par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition de la déclaration conservatoire de la nationalité luxembourgeoise. La partie étatique s’appuie, à cet égard, sur l’ouvrage de Monsieur Denis Scuto, intitué « La nationalité luxembourgeoise ».

Il s’ensuivrait que J.K. aurait perdu la nationalité luxembourgeoise par l’effet du Traité de Londres du 19 avril 1839 et acquis la nationalité belge à la suite cette convention internationale.

15A titre subsidiaire, la partie étatique, tout en insistant sur le fait que J.K. et sa mère n’auraient émigré qu’au cours de l’année 1846 vers le Brésil et qu’une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise, souscrite par la mère, aurait profité à son fils mineur en raison du droit du sang, fait encore valoir que la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise aurait pu être souscrite non seulement par la mère de J.K. lors la période de résidence dans le village de Heinstert, mais également directement par J.K. pendant le séjour au Brésil puisque, pendant sa période de résidence au Brésil, il serait tombé sous le coup des dispositions suivantes : « Les mineurs qui, comme tels, n'auront pas pu profiter de ces délais, pourront encore invoquer l'application du présent arrêté endéans l'année après leur majorité. », de sorte qu’en étant né le … 1824, il aurait pu accomplir les différentes formalités requises jusqu'au 19 décembre 1846, ce qu’il aurait cependant omis de faire.

Pour le cas où le Tribunal administratif constaterait une impossibilité de faire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise endéans les délais fixés par l'arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, la partie étatique estime que cette déclaration de conservation aurait pu être faite sans limitation dans le temps, tout en insistant sur le fait que contrairement à ce qu’entendrait le demandeur, l’impossibilité de souscrire la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise endéans les délais fixés par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 ne saurait avoir pour conséquence la conservation de la nationalité luxembourgeoise, ceci pour la simple raison que cette déclaration ne constituerait qu’une seule des trois formalités prescrites, à côté des exigences d’une autorisation de séjour et d’une résidence effective sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

La seule conséquence d’une impossibilité de pouvoir se déclarer endéans les délais prescrits à l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 serait donc que la condition de délai ne jouerait plus pour la personne concernée et que celle -ci pourrait souscrire, ultérieurement et sans limitation dans le temps, la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y aurait donc eu aucune impossibilité matérielle de souscrire une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise auprès de l’officier de l’état territorialement compétent.

Il s’ensuivrait encore qu’à défaut de satisfaire aux prescriptions de l’arrêté royal grand-

ducal du 18 novembre 1839, J.K. aurait perdu la nationalité luxembourgeoise au cours de l’année 1839, sans avoir pu la transmettre à son fils, Monsieur N.C., né en 1872.

Aux termes de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017, auquel renvoient les décisions litigieuses, dans sa version applicable au moment de la prise de celles-ci, : « (1) Le descendant en ligne directe paternelle ou maternelle d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et que celui-ci ou l’un de ses descendants a perdu la nationalité luxembourgeoise sur base des dispositions légales antérieures, peut recouvrer la nationalité luxembourgeoise, à condition :

1° de présenter la demande en certification de la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 au ministre jusqu’au 31 décembre 2018 ; et 2° de souscrire la déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise 16devant l’officier de l’état civil jusqu’au 31 décembre 2020.

Ces délais sont à observer sous peine d’irrecevabilité de la procédure.

(2) Les dispositions des articles 40 à 45 sont applicables. ».

Le déclenchement de la procédure de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise sur le fondement de l’article 89 de la même loi impose dès lors, dans un premier temps, au requérant de prouver, d’une part, qu’il est le descendant en ligne directe paternelle ou maternelle d’un aïeul ayant eu la nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900, preuve qui sera matérialisée par le biais de la délivrance d’un certificat attestant de cette qualité dans le chef de l’aïeul en question et, d’autre part, que l’aïeul en question ou bien un descendant de celui-ci, a perdu la nationalité luxembourgeoise sur base de dispositions légales antérieures.

Tel que relevé ci-avant, pour pouvoir se voir délivrer un certificat attestant de la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, il appartient donc tout d’abord au demandeur, conformément à l’article 89 de la loi du 8 mars 2017, de prouver qu’il est le descendant direct d’un aïeul ayant eu la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900.

Le tribunal constate qu’à l’appui de son recours, le demandeur invoque, en substance, deux moyens, l’un tenant à la violation par les décisions litigieuses de certaines dispositions de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 régissant la conservation, respectivement la perte de la nationalité luxembourgeoise à la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et l’autre à l’illégalité dudit arrêté royal grand-ducal.

Encore que le moyen tenant à l’exception d’illégalité de l’arrêté royal grand-ducal n’ait été invoqué qu’en second lieu et à titre subsidiaire, le tribunal estime que dans un souci de logique juridique, il convient d’analyser tout d’abord ce moyen étant donné qu’il n’est pas contesté que les décisions ministérielles litigieuses ont été motivées par le constat que l’aïeul invoqué par le demandeur à l’appui de sa demande à se voir délivrer en son nom un certificat attestant qu’il est le descendant d’un aïeul ayant possédé la nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900, ne remplissait pas les conditions fixées par ledit arrêté royal grand-

ducal pour pouvoir être considéré comme ayant conservé la nationalité luxembourgeoise suite à l’entrée en vigueur du Traité de Londres, de sorte que si ce moyen devait être accueilli favorablement, les décisions seraient privées de leur fondement légal.

Quant à l’exception d’illégalité invoquée contre l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, le demandeur s’appuyant sur l’article 95 de la Constitution pour demander au tribunal de ne pas faire application dudit arrêté au motif que « la manière de conserver la nationalité luxembourgeoise », telle qu’acquise par une disposition législative - en l’occurrence par la loi fondamentale des Pays-Bas, - suite à l’entrée en vigueur du Traité de Londres le 19 avril 1839 ne saurait être réglée que par une loi et non pas par une disposition réglementaire, le tribunal est amené à relever que si ledit article de la Constitution impose aux cours et tribunaux de n’appliquer « les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois », il s’agit nécessairement des lois - y compris de la loi fondamentale qui doit, en effet, être entrevue sous cet aspect parmi le terme « loi » employé in fine1-, actuellement en vigueur, de sorte que, de ce point de vue, le moyen afférent, en ce qu’il est, de l’entendement 1 Cour adm. 1er décembre 2012, n°38334C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n°30.

17du tribunal, basé sur la prémisse de la contrariété de l’arrêté royal grand-ducal par rapport à certaines dispositions de la loi fondamentale des Pays-Bas et de la Constitution belge du 7 février 1831, est à rejeter pour ne pas être fondé.

A titre superfétatoire et pour les seuls besoins de la discussion, le tribunal relève que si le demandeur semble considérer que l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 serait à écarter pour être non conforme à l’article 4 de la Constitution belge du 7 février 1831 qui confie au pouvoir législatif la mission de déterminer les règles en matière d’acquisition, de conservation et de perte de la nationalité, force est de constater que l’affirmation du demandeur suivant laquelle cette Constitution aurait toujours été applicable au moment de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 reste à l’état de pure allégation, le seul renvoi fait par le demandeur à des extraits de développements « copiés textuellement du document parlementaire N°6030 dans le cadre d’une proposition de révision portant modification et nouvel ordonnancement de la Constitution » étant, en tout état de cause, insuffisant puisqu’il ne s’en dégage aucunement que la Constitution en question aurait toujours été en vigueur à la suite du Traité de Londres du 19 avril 1839 qui a, en effet, partagé le Luxembourg en deux, à savoir, d’un côté, le Grand-Duché de Luxembourg qui est resté sous la souveraineté de la dynastie de la maison d’Orange-Nassau, et, de l’autre côté, le Luxembourg belge qui a formé une province de la Belgique. Il se dégage, à cet égard, de la doctrine luxembourgeoise qu’après avoir été applicable sur tout le territoire du Grand-Duché de Luxembourg de 1815 jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution belge du 7 février 1831, qui, suite à la révolution belge de 1830, s’appliqua au plat pays dès le 7 février 1831, la loi fondamentale des Pays-Bas, qui est restée en vigueur dans la Ville de Luxembourg malgré la révolution belge, a de nouveau été applicable dans tout le Grand-Duché actuel après l’arrêté de reprise de possession du 12 juin 1839 et ce, jusqu’à son remplacement par la Constitution des Etats du 12 octobre 18412. Il s’ensuit que le demandeur ne saurait de toute façon pas valablement s’appuyer sur des dispositions de la Constitution belge du 7 février 1831 pour tenter de voir écarter l’application l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839.

Pour ce qui est des articles 3, 4, 5, 9 et 105 et suivants de la loi fondamentale des Pays-

Bas tels qu’invoqués par le demandeur à titre subsidiaire pour le cas où il serait retenu que la Constitution belge n’était pas applicable à la suite de l’entrée en vigueur du Traité de Londres, le tribunal constate qu’aucun de ces articles ne régit directement ou indirectement le droit de la nationalité, de sorte qu’il ne saurait en être tiré une quelconque obligation d’adopter une loi pour réglementer la conservation et la perte de la nationalité luxembourgeoise à l’époque en question.

Il se dégage, par ailleurs, des explications non contestées de la partie étatique que ce n’est que l’article 10, alinéa 1er, de la Constitution du 9 juillet 1848, postérieure à l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, qui a introduit l’intervention obligatoire du législateur pour régler l’acquisition, la conservation et la perte de la qualité de Luxembourgeois.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que le demandeur est resté en défaut d’établir qu’au moment de l’adoption de l’arrêté royal grand-ducal en cause, les dispositions précitées en particulier, sinon un quelconque autre texte constitutionnel auraient exigé l’intervention du pouvoir législatif en matière d’acquisition, de conservation et de perte de la nationalité.

2 Charles Elsen, « La nationalité luxembourgeoise », Extrait de Questions sociales n°17/20, page 48.

18 Il s’ensuit que le tribunal ne saurait, en tout état de cause, écarter l’application de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 et que le moyen afférent est à rejeter.

En ce qui concerne le moyen tenant à une violation par les décisions litigieuses de certaines dispositions de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, le tribunal relève qu’il est constant en cause pour ne pas être contesté par la partie étatique que l’aïeul que le demandeur a invoqué à la base de sa demande en délivrance du certificat litigieux, à savoir J.K., né le … 1824 à Heinstert, avait, au moment de sa naissance, la nationalité luxembourgeoise et ce, par application de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, en vertu duquel la qualité de Luxembourgeois appartenait, sans autre condition, à tout habitant né dans le Grand-

Duché, - tel que délimité par le Congrès de Vienne en 1815 - sous l’empire de cette loi, de parents, même étrangers, mais domiciliés dans le pays.

Il n’est ensuite pas non plus contesté que suite à l’entrée en vigueur du Traité de Londres du 19 avril 1839 sous l’empire duquel le Grand-Duché de Luxembourg a perdu une partie de son territoire, le village de Heinstert a été attribué au profit du Royaume de Belgique, de même qu’il n’est pas contesté que jusqu’à son décès au Brésil, J.K. n’a jamais résidé sur le territoire luxembourgeois tel qu’ayant été délimité par le Traité de Londres puisqu’il a d’abord continué à vivre à Heinstert pour ensuite émigrer avec sa mère au Brésil le 30 mai 1846, donc quelques mois après avoir atteint sa majorité, étant relevé que si dans le recours, le litismandataire du demandeur invoque tantôt l’année 1845, tantôt l’année 1846 comme étant celle du départ vers le Brésil de la famille K., il se dégage sans équivoque des échanges que le demandeur a eus avec le ministère que l’émigration vers le Brésil a eu lieu en mai 1846.

Il se dégage, ensuite, des considérants de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 qu’il a été jugé « nécessaire de fixer le sort de ceux dont la qualité de Luxembourgeois pourrait être atteinte notamment par les traités du 19 avril dernier, mais qui remplissent actuellement des fonctions dans le Luxembourg, ou qui se sont établis quelque part dans Nos états, ou qui voudraient s’y fixer encore en conformité de l’art. 17 du traité conclu avec la Belgique ; Eu égard à ce que ces personnes ont un droit acquis à continuer d’être considérées comme Luxembourgeois, sans qu’il puisse y être porté préjudice par des traités faits avec la Belgique », de sorte que c’est par le biais de cet arrêté que l’Etat grand-ducal a posé un acte visant à atténuer l’œuvre du Traité de Londres en permettant aux habitants séparés de conserver leur nationalité d’origine.

Ainsi, aux termes de l’article 1er dudit arrêté : « Ceux dont la qualité de Luxembourgeois pourrait éprouver quelqu’altération par suite des traités du 19 avril dernier, mais qui sont employés actuellement dans le service civil ou militaire du Grand-Duché, conservent cette qualité s’ils continuent à rester au service, sans qu’il soit nécessaire d’aucune déclaration de leur part, ou d’une permission de la part du gouvernement. », tandis qu’aux termes de l’article 2 du même arrêté : « Ceux qui sont dans le cas de l’art. 1er, sans occuper de fonctions publiques, mais qui résident dans le pays et y restent, continueront également à conserver leur qualité de Luxembourg, si dans les six mois, à compter du jour du présent arrêté, ils font leur déclaration à ce sujet à l’administration communale de leur résidence. Ils devront annoncer en même temps qu’ils y élisent leur domicile. Ces déclarations seront inscrites au registre à ce destiné. », l’article 3 disposant finalement comme suit : « Toutes les autres personnes, non désignées dans les deux articles précédents, qui désirent conserver leur qualité de Luxembourgeois, sur laquelle les mêmes traités pourraient exercer de l’influence, devront, 19dans les deux ans, à partir du jour de la ratification de ces traités, Nous exposer ce désir et demander l’autorisation de pouvoir se fixer dans le Luxembourg. Si cette autorisation leur est accordée, ils devront s’établir effectivement dans le Grand-Duché dans le délai d’un an, et faire une déclaration semblable à celle qui est prescrite par l’article 2, en exhibant l’autorisation obtenue de Nous, laquelle déclaration sera également consignée au registre.

Faute par eux de remplir ces formalités dans le délai ainsi fixé, Notre autorisation sera considérée comme non avenue. ».

Aux termes de l’article 4 du même arrêté royal grand-ducal : « Les délais mentionnés ci-dessus seront prolongés en faveur des personnes qui demeurent en dehors de la Belgique, savoir, de trois mois, si elles sont dans le Levant, dans l’Afrique, les Indes occidentales, ou dans la partie orientale de l’Amérique, et d’une année, si elles sont dans les Indes orientales ou dans la partie occidentale de l’Amérique, sauf néanmoins le cas où il serait prouvé qu’elles n’ont pas pu se déclarer dans les délais ainsi prolongés. Les mineurs qui, comme tels, n’auront pas pu profiter de ces délais, pourront encore invoquer l’application du présent arrêté endéans l’année de leur majorité. ».

L’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 a, dès lors, permis à tous ceux dont la qualité de Luxembourgeois pouvait être atteinte par le Traité de Londres, mais qui avaient un droit acquis à continuer d’être considérés comme Luxembourgeois, de conserver leur nationalité soit de plein droit, soit en remplissant préalablement un certain nombre de formalités.

Le tribunal relève, à cet égard, qu’il se dégage d’une lecture combinée des articles 2 et 3 de l’arrêté royal grand-ducal qu’en vue de pouvoir conserver la nationalité luxembourgeoise, les habitants des territoires détachés devaient obligatoirement et de manière cumulative (i) introduire une demande d’autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, (ii) établir leur résidence effective dans ce même Grand-Duché et (iii) souscrire une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise, l’ensemble de ces formalités ayant été à accomplir endéans certains délais qui étaient augmentés par des délais de distance pour les personnes ayant demeuré en dehors de la Belgique.

Les habitants des territoires appartenant désormais à la Belgique n’ayant pas fait les démarches prévues par l’arrêté royal précité, devenaient, en conséquence, belges, d’après le principe général que « l’individu né sur un territoire séparé d’un pays, est réputé n’avoir jamais été citoyen du pays dont le territoire est séparé, et au contraire avoir toujours été naturel du pays auquel le territoire est annexé. »3.

C’est tout d’abord et en tout état de cause, à tort que le demandeur plaide que la situation de J.K. n’avait pas été atteinte par le Traité de Londres parce qu’il aurait atteint sa majorité le 19 décembre 1845 et donc à un moment où il n’aurait plus vécu en Belgique et où il n’y aurait détenu aucun bien immeuble ou meuble. En effet, d’une part, tel que relevé ci-avant, il se dégage des éléments du dossier que J.K. a émigré au Brésil en mai 1846 et donc après avoir atteint sa majorité, de sorte que son argumentation tombe à faux pour être basée sur une prémisse erronée. D’autre part, et tel que le relève à juste titre la partie étatique, pour déterminer l’applicabilité du Traité de Londres, seul le lieu de résidence de J.K. au jour de l’entrée en vigueur dudit traité et de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 est pertinente.

3 Denis Scuto, « La nationalité luxembourgeoise », Editions de l’Université de Bruxelles, p.110.

20 Or, il n’est pas contesté qu’en 1839, au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, J.K., alors mineur, avait, ensemble avec sa mère, sa résidence dans le village de Heinstert qui a été attribué au Royaume de Belgique par ledit traité, de sorte que, contrairement à ce que soutient le demandeur, c’est bien par l’effet du Traité de Londres que J.K. et sa mère ont perdu la nationalité luxembourgeoise et ont obtenu la nationalité belge, à moins que ne soit rapportée la preuve qu’ils l’ont conservée au titre des articles 1er à 3, précités, de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839.

En l’espèce, le demandeur n’allègue pas que son aïeul, J.K., respectivement ses parents aient été employés dans le service civil ou militaire au Grand-Duché de Luxembourg au moment de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, de sorte à avoir rempli les conditions posées à l’article 1er dudit arrêté royal grand-ducal, pour conserver automatiquement la nationalité luxembourgeoise.

Il ne prétend d’ailleurs pas non plus que l’aïeul en question et ses parents aient eu une résidence sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg dans ses frontières actuelles, telles qu’ayant résulté du Traité de Londres, et que ses parents aient effectué une déclaration auprès de leur commune luxembourgeoise de résidence endéans les 6 mois de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, ni, finalement, qu’endéans un délai de deux ans à compter de la ratification des traités conclus le 19 avril 1839, les parents de son aïeul aient, en tant qu’habitants d’un territoire appartenant désormais à la Belgique, introduit une demande d’autorisation de séjour pour le Grand-Duché de Luxembourg, respectivement qu’après avoir obtenu une telle autorisation, la famille K. s’y soit effectivement établie et qu’une déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise ait été souscrite.

Il admet, au contraire, que J.K. a vécu jusqu’à son départ au Brésil en mai 1846 sur le territoire du Royaume de Belgique et qu’aucune des démarches imposées à l’article 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 n’a jamais été accomplie que ce soit, pendant la minorité de J.K., par la mère de celui-ci entre 1839 jusqu’à leur départ pour le Brésil en mai 1846, ou bien par l’aïeul en cause après qu’il ait atteint sa majorité le 19 décembre 1845, l’article 4 de l’arrêté royal grand-ducal ayant, en effet, permis aux mineurs n’ayant pas pu, en raison justement de leur minorité, accomplir les démarches imposées dans le même arrêté pour pouvoir conserver la nationalité luxembourgeoise, d’invoquer encore l’application dudit arrêté endéans l’année de leur majorité.

Le demandeur plaide, toutefois, que comme J.K. aurait été mineur au moment de l’entrée en vigueur de l’arrêté royal grand-ducal, il n’aurait pas pu « exposer son désir » à l’époque, tout en insistant sur le fait, par ailleurs erroné, tel que cela a été relevé ci-avant, qu’il aurait toujours été mineur au moment où il a émigré avec sa famille au Brésil et qu’après avoir atteint sa majorité, il lui aurait été matériellement impossible de se déclarer endéans les délais prorogés tels qu’instaurés par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, notamment en faveur des mineurs et ce, eu égard aux difficultés liées à un voyage à partir du Brésil et aux conditions d’existence pénibles auxquelles auraient été confrontés ceux qui avaient émigré dans ce pays. Il estime qu’au vu de cette impossibilité matérielle ayant existé dans son chef pour se déclarer dans les délais imposés, il devrait être admis qu’il n’a pas perdu sa qualité de Luxembourgeois.

21Le tribunal relève tout d’abord que dans la mesure où il est constant en cause que la mère de J.K. n’a émigré avec ses enfants au Brésil qu’en 1846 et que jusqu’à son départ, elle a résidé dans le village de Heinstert dans la Province du Luxembourg, il lui aurait été tout à fait loisible d’accomplir les démarches requises à travers l’article 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 si elle avait souhaité conserver la nationalité luxembourgeoise, ce qu’elle n’a toutefois pas fait, étant encore relevé que dans la mesure où la mère de J.K. n’a pas résidé en dehors de la Belgique au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et de l’arrêté royal grand-ducal, il ne lui était, en tout état de cause, pas possible de se prévaloir des dispositions de l’article 4 de l’arrêté royal grand-ducal.

Ensuite et indépendamment de la question de savoir si J.K. - en sa qualité de personne qui, au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839, était mineure et résidait sur la partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg cédée à la Belgique - aurait valablement pu se prévaloir de l’impossibilité matérielle de se déclarer dans les délais telle que prévue à l’article 4 de l’arrêté grand-ducal du 18 novembre 1839 dans le chef des personnes majeures ayant demeuré en dehors de la Belgique au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres, respectivement, dans l’affirmative, de celle de savoir, s’il y a, en l’espèce, tel que le plaide le demandeur, effectivement eu ou non une impossibilité matérielle dans le chef de J.K. de se déclarer endéans le délai d’une année à compter de sa majorité, tel que fixé par l’arrêté royal grand-ducal en faveur des mineurs n’ayant, comme tels, pas pu profiter des délais fixés à l’arrêté royal grand-ducal pour entreprendre les démarches nécessaires en vue de conserver la nationalité luxembourgeoise, il y a lieu de constater que la conclusion que tire le demandeur de la preuve d’une telle impossibilité matérielle de se déclarer endéans les délais imposés, à savoir que, dans ce cas, la nationalité luxembourgeoise n’aurait pas pu être perdue dans le chef de son aïeul est, en tout état de cause, erronée. En effet, tel que le relève à juste titre la partie étatique, la déclaration de conservation de la nationalité endéans les délais fixés par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 ne constituait dans le chef des habitants d’un territoire détaché, à côté d’une autorisation de séjour et d’une résidence effective sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, qu’une seule des trois formalités prescrites afin de pouvoir conserver la nationalité luxembourgeoise, malgré la perte de celle-ci par les effets du Traité de Londres.

Ainsi, la seule conséquence d’une impossibilité de se déclarer endéans les délais prescrits à l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 ne pouvait, en tout état de cause, qu’être celle que la condition de délai ne jouait plus dans le chef de la personne concernée qui pouvait alors souscrire ultérieurement et sans limitation dans le temps, la déclaration de conservation de la nationalité luxembourgeoise auprès de l’administration communale du lieu de résidence dans laquelle elle avait choisi de s’établir, à condition toutefois d’avoir préalablement demandé et obtenu l’autorisation de se fixer dans le Grand-Duché de Luxembourg endéans les délais prescrits, mais non pas celle que cette personne devait être considérée comme n’ayant pas perdu cette nationalité suite à l’entrée en vigueur du Traité de Londres.

Tel que relevé ci-avant, en l’espèce, il est non seulement constant en cause qu’entre 1839 et son départ pour le Brésil avec ses enfants en 1846, la mère de J.K. n’a jamais entrepris les démarches requises à travers l’article 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 en vue de conserver la nationalité luxembourgeoise, mais il est également un fait que J.K. n’a lui non plus jamais entrepris une quelconque démarche en ce sens après avoir atteint sa majorité en date du 19 décembre 1845 et cela d’ailleurs alors même qu’il n’a émigré vers le Brésil 22qu’environ 5 mois après avoir atteint sa majorité.

A cela s’ajoute qu’il est également constant en cause que J.K. n’est plus jamais retourné au Grand-Duché de Luxembourg après son départ au Brésil, tandis que le demandeur admet lui-même dans le cadre du recours sous analyse qu’après son émigration, J.K. n’aurait plus eu l’intention de se fixer au Grand-Duché de Luxembourg.

Il s’ensuit qu’aucune des trois formalités qui étaient prescrites de manière cumulative par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 afin de pouvoir conserver la nationalité luxembourgeoise n’étaient remplies dans le chef de J.K..

Au vu de ces considérations, le constat ministériel suivant lequel J.K. avait perdu la nationalité luxembourgeoise en 1839 n’encourt dès lors aucune critique.

Pour ce qui est finalement du reproche selon lequel il serait « parfaitement discriminatoire d’exiger de la part d’un Luxembourgeois qui, à l’âge de la majorité habite au Brésil, ayant quitté une partie du territoire luxembourgeois qui a été réattribué à la Belgique, de requérir une autorisation de pouvoir se fixer au Luxembourg et de s’y installer au fins de pouvoir « maintenir » sa qualité de Luxembourgeois tandis qu’une autre personne, majeure, habitant au Brésil, ayant quitté une partie du territoire luxembourgeois qui n’a pas été réattribué à un autre Etat garde, cette même qualité de Luxembourgeois sans aucune condition », celui-ci laisse d’être fondé alors que le demandeur ne saurait comparer sa situation juridique, telle qu’ayant découlé de l’entrée en vigueur du Traité de Londres, à savoir celle d’une personne ayant été mineure au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et ayant, avant d’émigrer au Brésil, résidé dans la partie cédée à la Belgique, sans que ses parents n’aient pendant sa minorité usé de la faculté leur donnée par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 de conserver la nationalité luxembourgeoise, avec celle d’une personne majeure ayant, avant son émigration, habité une partie du territoire luxembourgeois non cédée à la Belgique et ayant conservé la qualité de Luxembourgeois, à quelque titre que ce soit, étant encore relevé que, de toute façon, ce reproche est fondé sur la prémisse erronée que les personnes majeures ayant résidé sur une partie du territoire luxembourgeois n’ayant pas été cédée à la Belgique auraient, suite au Traité de Londres, conservé la qualité de Luxembourgeois sans autres formalités, alors que pourtant l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal a soumis la conservation de la qualité de Luxembourgeois dans le chef des personnes ayant résidé dans le Grand-Duché de Luxembourg et y étant restées à la condition qu’elles fassent leur déclaration de conservation de la nationalité dans un délai du 6 mois à compter du jour de l’arrêté en question auprès de l’administration communale de leur résidence et qu’elles y élisent également domicile. Le tribunal relève encore que le demandeur n’invoque aucun traitement discriminatoire par rapport à des personnes s’étant retrouvées dans la même situation que lui, à savoir, des habitants de la partie cédée à la Belgique ayant été mineurs au moment de l’entrée en vigueur du Traité de Londres et dont les parents n’ont, pendant leur minorité, pas usé de la faculté leur donnée par l’arrêté royal grand-ducal du 18 novembre 1839 de conserver la nationalité luxembourgeoise.

Au vu de ces considérations le tribunal se doit de conclure que c’est sans commettre d’erreur en droit et sur base d’une appréciation correcte des faits de l’espèce que le ministre a considéré que J.K. avait perdu la nationalité luxembourgeoise au cours de l’année 1839 et qu’en conséquence, il n’avait pas pu transmettre cette nationalité à son fils, N.C. né en 1872 au Brésil et toujours en vie au 1er janvier 1900, de sorte que le demandeur n’avait pas prouvé l’existence 23dans son chef d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900. Les décisions ministérielles refusant de faire droit à la demande de délivrance d’un certificat attestant dans le chef du demandeur que celui-ci avait un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 avec comme conséquence que le demandeur ne peut pas souscrire une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise auprès de l’officier de l’état civil n’encourent partant aucune critique.

Au vu des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.500.- euros formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juin 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 24 25


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 44708
Date de la décision : 09/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-09;44708 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award