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07/06/2021 | LUXEMBOURG | N°43564

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juin 2021, 43564


Tribunal administratif N° 43564 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2019 1re chambre Audience publique du 7 juin 2021 Recours formé par le syndicat des copropriétaires des copropriétés « … », Luxembourg, et consorts, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la Ville de Luxembourg et de la société anonyme …, Luxembourg, en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43564 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en

date du 18 septembre 2019 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au ta...

Tribunal administratif N° 43564 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2019 1re chambre Audience publique du 7 juin 2021 Recours formé par le syndicat des copropriétaires des copropriétés « … », Luxembourg, et consorts, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en présence de la Ville de Luxembourg et de la société anonyme …, Luxembourg, en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43564 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 septembre 2019 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom :

1) du syndicat des copropriétaires des copropriétés « … » sises à L-…, et L-…, représenté par son syndic actuellement en fonctions, la société …, ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

2) du syndicat des copropriétaires de la résidence …, sise à L-…, représentée par son syndic actuellement en fonctions, la société …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro … représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

3) du syndicat des copropriétaires de la résidence …, sise à L-…, représentée par son syndic actuellement en fonctions, la société …, préqualifiée, représentée par son gérant actuellement en fonctions ;

4) de Monsieur …, demeurant à L-… ;

5) de Monsieur …, demeurant à L-… ;

6) de Madame …, demeurant à L-… ;

tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 23 août 2019 autorisant dans le chef de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, « la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à … ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de LUXEMBOURG : section … de …, sous les numéros … et … » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 19 septembre 2019 portant 1signification de ladite requête en annulation, à la société anonyme …, préqualifiée, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ayant sa maison communale à L-1648 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2019 pour compte de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu l’ordonnance présidentielle du 25 septembre 2019, inscrite sous le numéro 43565 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Steve Helminger déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2019 pour compte de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Krieger, déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2020 pour compte des copropriétés « … », la résidence …, la résidence …, ainsi que Monsieur …, Monsieur … et Madame …, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2020 ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Steve Helminger, déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2020 pour compte de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle attaquée Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 février 2021.

___________________________________________________________________________

Les requérants au présent recours, à savoir les copropriétés « … », la résidence …, la résidence …, ainsi que Monsieur …, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les requérants », exposent tout d’abord, en substance, qu’en leurs qualités respectives de copropriétaires dans les résidences précitées, entre autres, ensemble avec le Syndicat …, ils sont intervenus dans le processus de la refonte globale du plan d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, en réclamant aux différents stades de cette procédure aux fins de s’opposer à l’urbanisation du site « Schoettermarial » situé dans le quartier du ….

Les requérants expliquent reprocher, en substance, au projet d’urbanisation de ce site de ne pas tenir compte de la présence de nombreuses espèces intégralement protégées par la directive (UE) 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats », considérations dont il n’aurait plus précisément pas été tenu compte dans le cadre du rapport sur les incidences environnementales (« Strategische Umweltprüfung » - « SUP ») réalisé dans le contexte de la 2refonte du PAG, de sorte que les requérants ont introduit en date du 5 janvier 2018 un recours en annulation, enrôlé sous le numéro 40571, contre les décisions d’adoption et d’approbation de la refonte du PAG en question, à savoir la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 13 juin 2016 adoptée en application de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et de développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », portant initiation du projet de refonte globale du PAG, la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption du projet de refonte globale du PAG, la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 approuvant les décisions précitées de la Ville de Luxembourg, ainsi que la décision du ministre de l’Environnement du 6 octobre 2017 approuvant les décisions précitées de la Ville de Luxembourg.

Par courrier du 8 juin 2018 le ministre de l’Environnement informa le Syndicat … qu’après concertation avec ses services, le propriétaire du terrain, la société anonyme …, ci-

après désignée par la société …, aurait mandaté un bureau d’études pour coordonner en 2018 une étude de terrain concernant certaines espèces protégées.

Par courrier de leur avocat du 20 juillet 2018, les requérants, notamment, s’adressèrent au ministre de l’Environnement pour solliciter la communication de tous les éléments et résultats mis à jour par ces études environnementales complémentaires, le Syndicat … ayant encore contacté en date du 27 juillet 2018 le bureau d’études en question au sujet d’un problème affectant la réalisation concrète de ces études.

Par courrier du 3 août 2018, le ministre de l’Environnement confirma aux parties requérantes que la société … avait effectivement mandaté le bureau d’études … pour coordonner en 2018 une étude de terrain concernant la présence de certaines espèces protégées sur le site précité, mais qu’à cette date, il ne disposerait d’aucune information sur l’état d’avancement de cette étude, respectivement d’éventuels résultats intermédiaires ou définitifs.

Par courrier du 19 octobre 2018, le Syndicat … sollicita la communication de tous les rapports environnementaux réalisés jusqu’à présent sur le site, les parties requérantes adressant une demande identique par l’intermédiaire de leur avocat au ministre de l’Environnement en date du 7 novembre 2018.

Par courrier du 11 décembre 2018, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, entretemps en charge du dossier, ci-après « le ministre », refusa la communication sollicitée.

Par requête déposée le 28 décembre 2018, inscrite sous le numéro 42171 du rôle, les requérants firent introduire un recours en référé sur base de la loi modifiée du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement tendant à voir ordonner au ministre de rendre disponibles les informations environnementales demandées dans le courrier ci-avant visé du 7 novembre 2018.

Par ordonnance du 24 janvier 2019, le président du tribunal administratif rejeta les motifs de refus avancés par le ministre et ordonna à l’Etat de communiquer aux parties requérantes le document intitulé « PAP Schoettermarial Massnahmenkonzept Artenschutz -

Machbarkeitstudie - Phase 1 » et référencé sous le numéro 20170639-LP-ENV, ci-après désigné « l’étude … », tout en condamnant l’Etat à payer à chacune des parties requérantes une indemnité de procédure d’un montant de 250.- euros.

3 En date du 30 janvier 2019, les services du ministère de l’Environnement procédèrent à la communication de l’étude litigieuse en exécution de l’ordonnance précitée.

Par courriers des 25 février et 25 mars 2019, le Syndicat … fit part au ministre de ses critiques et remarques à l’encontre de l’étude … précitée.

Par courrier du 11 avril 2019, le litismandataire des requérants actuels fit part au ministre de ses griefs à l’encontre de l’étude … pour le compte de ses mandants, ledit courrier se terminant par la demande suivante « [d]ans ce contexte, mes mandants vous prient d’envisager un classement du site « Schoettermarial » en zone spéciale de conservation et comptent de surcroît sur le respect de la procédure administrative non contentieuse de la part de votre ministère à ce qu’ils puissent faire valoir leurs remarques et observations par rapport à toute décision prise concernant le site « Schoette[r]marial ».

Etant resté plus de deux mois sans réponse au courrier du 11 avril 2019, l’avocat en question s’adressa à nouveau au ministre en date du 28 juin 2019, en réitérant et en développant juridiquement les critiques opposées à l’étude … et en sollicitant que « tous les documents relatifs aux études environnementales menées sur le site (hormis ceux dont ils ont déjà pu prendre connaissance suite à l’ordonnance présidentielle précitée) leur soient communiqués.

Ils sollicitent également d’être associés, dans le respect des exigences de la Convention d’Aarhus, au processus décisionnel. Ils devront être informés en amont de toutes décisions que vous entendriez prendre au titre de mesures d’atténuation ou de compensation, afin qu’ils puissent faire valoir leurs observations préalablement à celles-ci ».

Par courrier du 19 juillet 2019, le ministre répondit et annonça que « [é]tant donné que je m’attends à être saisie d’une demande d’autorisation pour le débroussaillage de la surface urbanisable selon le PAG, je vous saurais gré de bien vouloir me transmettre les « données scientifiques qui n’ont pas été prises en compte » ainsi que les « observations faites par un expert » (je cite votre courrier) dans un degré de précision qui me permettra de les considérer à leur juste valeur dans le cadre de ma prise de décision en application de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ».

Par courrier du 29 août 2019 le Syndicat … précisa ses critiques et remarques à l’encontre de l’étude … sur base de conclusions scientifiques résultant de diverses études.

Le 3 septembre 2019 une entrevue eut lieu au ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministère », entre les représentants du Syndicat … et le ministre.

Il apparut au cours de cette réunion que le ministre aurait déjà délivré, sans en informer le Syndicat … ou les requérants, en date du 23 août 2019 une autorisation pour des travaux d’élagage, de débroussaillage et de mise sur souches, autorisation qui s’avéra ultérieurement avoir été publiée à la maison communale de la Ville de Luxembourg, l’identité du bénéficiaire de l’autorisation ayant été anonymisée, décision libellée comme suit :

« En réponse à votre requête réceptionnée le 27 juin 2019 par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à … ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) sur 4des fonds inscrits au cadastre de la Ville de LUXEMBOURG: section … de …, sous les numéros … et …, j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes :

A.

Mesures visant la Coronelle lisse 1.

Tous les travaux autorisés par la présente ainsi que tous les travaux futurs relatifs au projet « Schoettermarial » à … seront supervisés par un responsable de l’encadrement écologique, expert agréé en la matière. Le nom et les coordonnées de l’expert me seront soumis avant le commencement des travaux.

2.

Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse se limiteront à la surface et aux éléments tels qu’identifiés sur le schéma Abb. 20 page 17 du dossier « Antrag auf naturschutzrechtliche Genehmigung Teil 1 (Frühjahr 2019) - Vorbereitung der CEF-Fläche », établi par le bureau d’étude … SA en date du 29 mai 2019.

3.

Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse seront réalisés entre le 1er octobre et fin février, en dehors de la période de reproduction de la faune. Les travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-

sur-souche de la végétation ligneuse seront exécutés conformément à la méthodologie décrite aux pages 18 et 19 dudit dossier établi par le bureau … en date du 29 mai 2019.

4.

Les mesures de gestion de l’habitat de la Coronelle lisse seront exécutées conformément à la méthodologie décrite aux pages 18 et 19 dudit dossier établi par le bureau … SA en date du 29 mai 2019. Le matériel de fauche sera obligatoirement à enlever du site.

L’emploi de pesticides, la fertilisation ou le chaulage sont strictement interdits sur la totalité des surfaces accueillant les mesures d’atténuation anticipées.

5.

Les mesures d’amélioration de l’habitat de la Coronelle lisse, notamment l’installation de microstructures, dont 3 murgiers aux propriétés de site d’hivernation, complétés par au moins 3 tas de pierres ou de bois morts, ainsi que 2 surfaces dénudées à caractère sableux, qui seront exécutées conformément à la méthodologie décrite aux pages 20 et 21 et dont la localisation s’oriente au schéma Abb. 20 page 17 dudit dossier établi par le bureau … SA en date du 29 mai 2019.

B.

Mesures visant le Muscardin 6.

En faveur du Muscardin, 20 nichoirs seront installés en proximité directe du projet et préalablement au printemps 2020. Les localisations précises des nichoirs seront déterminées d’un commun accord entre l’expert mentionné sub 1 et les agents de la nature et des forêts. Un plan de localisation des nichoirs me sera soumis pour information.

C.

Bilan écologique 7.

Conformément au dossier soumis par le bureau d’étude … SA en date du 29 mai 2019, la destruction de la végétation ligneuse engendrée par la mise en place de la mesure d’atténuation correspond à une perte écologique équivalente à 20.825 écopoints. Cette perte doit être compensée, dans un premier temps, et vous sera facturée en application de l’article 517 et de l’article 65 de la loi du 18 juillet 2018. Le montant à payer sur le compte de l’Etat est précisé sur le formulaire intitulé « taxe de remboursement » annexé à la présente. Une fois que la mesure d’atténuation sera devenue effective (cf. la surveillance et le rapport définis sous le point 9 de la présente décision), les écopoints ainsi crées pourront être comptabilisés en votre faveur dans le cadre de l’élaboration du bilan global des éco-points relatif au projet « Schoettermarial ».

D.

Suivi des mesures de gestion et surveillance des espèces 8.

La durée des mesures de gestion et d’amélioration de l’habitat visées ci-dessus est de vingt-cinq ans à compter de la date de la présente.

9.

La mise en œuvre des mesures de gestion et d’amélioration, ainsi que leur fonctionnalité écologique pour les espèces, visées par la présente, sont à évaluer par un expert agréé pour une durée totale de vingt-cinq ans. Pour les premières cinq années, un rapport annuel y relatif me sera soumis pour approbation, comprenant le cas échéant des propositions d’adaptation des mesures de gestion et d’amélioration. A la suite, les évaluations seront à réaliser et les rapports y afférents me seront soumis pour approbation dans un rythme de cinq ans.

10.

Le requérant est en charge de la bonne réalisation de ces mesures de gestion et d’amélioration de l’habitat visées ci-dessus, ainsi que de leur évaluation, de l’élaboration des rapports y afférents et de la surveillance des espèces visées par la présente.

E.

Dispositions générales 11.

Les préposés de la nature et des forêts (M. […], tél: […] et M. […], tél : […]) seront avertis avant le commencement des travaux relatifs à la présente. Le responsable du chantier et le responsable de l’encadrement écologique se concerteront avec les préposés de la nature et des forêts pour l’exécution des conditions de la présente.

12.

Afin de pérenniser le caractère naturel des fonds accueillant les différentes mesures de gestion et d’amélioration visées par la présente est à préserver, soit par le biais d’une servitude d’urbanisation à inscrire au niveau réglementaire du plan d’aménagement général, soit par le reclassement des fonds concernées en zone verte.

La présente vous est accordée sans préjudice d’autres autorisations éventuellement requises.

La présente autorisation ne prend effet qu’après le règlement de l’intégralité de la taxe de remboursement définie à la condition n° 7.

Contre la présente décision, un recours en annulation peut être interjeté auprès du Tribunal Administratif. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. […]».

Par courrier recommandé du 6 septembre 2019, les requérants sollicitèrent auprès du ministre une copie de la décision querellée, et demandèrent le retrait de celle-ci, pour le vendredi 13 septembre 2019 au plus tard, demande à laquelle le ministre ne donna pas de suites, 6les requérants ayant finalement obtenu connaissance de la décision en question auprès de la Ville de Luxembourg.

Il apparut que dès le 16 septembre 2019 des travaux de débroussaillage furent entamés sur le site.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2019, inscrite sous le numéro 43564 du rôle, les requérants ont fait introduire un recours en annulation contre l’autorisation précitée et par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 43565 du rôle, ils ont encore demandé à voir instaurer un sursis à exécution et diverses mesures de sauvegarde par rapport à ladite décision ministérielle en attendant la solution de leur recours au fond, respectivement en attendant que le tribunal administratif ait définitivement tranché l’affaire inscrite sous le numéro du rôle 40751, demande qui fut rejetée par ordonnance du président du tribunal administratif du 25 septembre 2019.

Il y a tout d’abord lieu de relever que la Ville de Luxembourg quoique valablement informée par la signification, en date du 19 septembre 2019, de la requête en annulation ne s’est pas fait représenter par un avocat à la Cour. Nonobstant ce fait, le tribunal administratif statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».

Quant à la recevabilité du recours en annulation A l’appui de leur recours, les requérants justifient leur intérêt à agir en mettant en avant que la décision querellée aurait pour objet d’autoriser des « travaux de débroussaillage, d'élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse », laquelle végétation servirait actuellement d’habitat, notamment, pour la coronelle lisse (Coronella austriaca / Glattnatter, Schlingnatter) et le muscardin (Muscardinus avellanarius / Haselmaus) - voire pour d’autres espèces protégées détectées sur le site concerné - ainsi que la réalisation de « mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet Schoettermarial à … », lesquelles viseraient, en substance, à recréer artificiellement (en dehors du site d’implantation des constructions projetées) un habitat pour la coronelle lisse et pour les muscardins (sous forme de nichoirs).

Ils ajoutent que les deux espèces précitées seraient intégralement protégées au sens du règlement grand-ducal modifié du 9 janvier 2009 concernant la protection intégrale et partielle de certaines espèces animales de la faune sauvage et que la coronelle lisse serait reprise dans l’annexe IV (espèces animales et végétales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte) de la directive Habitats, ce qui signifierait concrètement qu’au sens de la directive européenne précitée, de même qu’au sens de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos, notamment, des espèces précitées, serait interdite.

Ils insistent, à cet égard, sur le fait que l’autorisation querellée s’inscrirait dans le contexte plus global de l’affaire dite « Schoettermarial », et de l’urbanisation projetée sur le site en question, laquelle dépendrait notamment de données environnementales sensibles et des autorisations à délivrer par le ministre dans ce cadre.

7Il expliquent ensuite que ce qu’ils reprocheraient à l’Etat, respectivement à la Ville de Luxembourg, ce serait un vice de procédure fondamental et grave dans le cadre du processus d’évaluation environnementale au stade de l’adoption du PAG, étant donné qu’ils n’auraient pas pu, à ce stade, intervenir valablement au cours de l’enquête publique au vu du caractère incomplet des évaluations environnementales à réaliser à l’époque qui n’auraient, en substance, pas pris en compte les espèces protégées, telles que la coronelle lisse ou le muscardin.

Ils ajoutent que l’étude … serait partiellement venue combler ex post les lacunes de la SUP et qu’il aurait fallu une ordonnance du Président du tribunal administratif pour que l’Etat soit contraint de communiquer celle-ci, en dépit des demandes constantes de communication formulées auparavant par eux.

L’autorisation querellée aurait, à son tour, été délivrée dans ce contexte « totalement opaque » déjà dénoncé par eux par le passé, les requérants ajoutant qu’ils n’auraient aucunement été informés de l’intention ministérielle de délivrer pareille autorisation alors même que celle-ci aurait des incidences radicales sur la faune et la flore présente sur le site et qu’elle constituerait au final ni plus ni moins qu’un feu vert accordé au projet immobilier leur inconnu du promoteur, en l’occurrence la société ….

Ils estiment qu’il serait patent que le ministre, en méconnaissance des obligations de transparence et de participation du public jouerait en l’occurrence la politique du fait accompli.

Il s’ensuivrait que la destruction des biotopes et habitats d’espèces intégralement protégées serait à l’évidence définitive puisqu’il ne serait pas possible de recréer artificiellement un habitat d’espèces qui se serait naturellement constitué au fil des ans, ni les conditions très sensibles d’un équilibre écologique entre plusieurs espèces protégées. La replantation de la flore potentiellement protégée sur le site - qui n'aurait pas fait l’objet d’une étude circonstanciée -, ne se concevrait pas non plus. Ils ajoutent que le fait de « reconstituer » de manière très sommaire un semblant artificiel d’habitat d’espèces ailleurs, en espérant que les espèces protégées y trouvent refuge, n’enlèverait en rien le caractère définitif de la destruction.

Les requérants précisent encore que si, faute d’information et de transparence de la part du ministère, ils ignoreraient ce qui est concrètement autorisé pour être débroussaillé, élagué et mis sur souches, l’autorisation querellée se référant à des plans, schéma et procédés du bureau … du 29 mai 2019, leur non communiqués, il n’en resterait pas moins que la décision querellée prendrait le parti d’autoriser le principe de la destruction des habitats de la coronelle lisse et du muscardin dans le cadre du projet immobilier de la société …, moyennant la réalisation des « mesures d’atténuation » prescrites par celle-ci.

Il s’ensuivrait que, selon eux, l’exécution de l’autorisation querellée aurait une incidence définitive tant sur les biotopes et habitats dont la destruction serait directement autorisée, que sur les habitats actuels de la coronelle lisse et du muscardin, dont la destruction serait réalisée ultérieurement.

Les requérants ajoutent que la destruction envisagée et permise via l’autorisation querellée serait également sans conteste à considérer comme grave, que ce soit d’un point de vue objectif ou subjectif.

Ainsi, d’un point de vue subjectif, une telle destruction ne leur permettrait plus de faire 8réaliser sur le site les études et expertises environnementales demandées dans l’affaire inscrite sous le n° 40571 du rôle et toujours pendante devant le tribunal administratif, les requérants précisant que ces expertises plus poussées auraient également été sollicitées à maintes reprises auprès du ministre par la suite, sur base d’éléments scientifiques et de questions pertinentes qu’ils auraient soulevées, demandes auxquelles ils n’auraient toutefois jamais reçu de réponse, ce qui démontrerait la volonté du ministère de les placer devant un fait accompli et d’empêcher toute possibilité de contradictoire, de contre-expertise, sans attendre le jugement du tribunal administratif dans l’affaire précitée.

Ils estiment être de cette manière confrontés à une décision impliquant des conséquences radicales, sans avoir eu la possibilité de consulter - à nouveau - les éléments du dossier sur base desquels le ministre s’est fondé, tout en insistant, dans ce contexte, sur le fait qu’ils auraient déjà été irrégulièrement privés de la possibilité d’intervenir, en temps utile, dans le processus d’évaluation réalisé au niveau du PAG, et qu’ils se verraient toujours privés de cette possibilité.

Ils font valoir que la destruction précitée serait également à qualifier de grave dans leur chef, alors qu’ils militeraient pour la conservation des habitats d’espèces présents dans leur voisinage immédiat et craindraient pour la survie des espèces concernées.

Concrètement, l’autorisation querellée aurait une incidence directe sur le projet immobilier de la société … et la conservation de certains habitats d’espèces, sur leur lieu d’implantation actuel, nécessiterait de reconsidérer ce qui semblerait projeté aujourd’hui.

Ainsi, la destruction de ces habitats aux fins de laisser place à un projet immobilier de très grande envergure - les requérants rappelant que la densité retenue au PAG permettrait 460 unités de logement pour 64.560 m2 de surface construite brute -, porterait donc une grave atteinte à leur qualité de vie.

Ils continuent en faisant valoir que d’un point de vue plus objectif, l’exécution de l’autorisation querellée, laquelle ne tiendrait nullement compte du principe de précaution serait de nature à nuire définitivement aux habitats d’espèces protégées au niveau européen, ainsi qu’aux espèces protégées elles-mêmes, détectées et présentes sur le site. Or, la protection stricte desdites espèces impliquerait que la destruction de leur habitat serait nécessairement à qualifier de grave.

Au vu de ces considérations, ils estiment que leur intérêt à agir se déduirait nécessairement tant de l’historique de la présente affaire, que des développements qui précèdent et qu’en conséquence, il devrait être admis qu’en tant que voisins directs du site « Schoettermarial », ils auraient un intérêt direct, né, personnel et actuel à voir conserver la végétation à haute valeur écologique dans leur voisinage immédiat, sur lequel ils ont une vue directe.

Pour le surplus, et compte tenu des effets que l’autorisation querellée aurait sur l’affaire en cours, introduite sous le numéro 40571 du rôle, ils auraient manifestement un intérêt à agir contre cette dernière, afin d’éviter d’être placés dans une situation de fait accompli qui ne leur permettrait plus, par la suite, de s’opposer à la dégradation environnementale du site puisqu’elle aurait déjà été réalisée sur le terrain.

La société … soulève tout d’abord l’irrecevabilité du recours en ce qu’il ne serait pas 9dirigé contre une décision administrative faisant grief aux parties sollicitant son annulation.

Le recours des requérants ne serait en réalité qu’une manière détournée de s’opposer au projet d’urbanisation du site « Schoettermarial », alors qu’ils auraient déjà saisi les juridictions administratives d’un recours contre les délibérations et approbation du nouveau PAG de la Ville de Luxembourg et visant le classement opéré du site. Les requérants chercheraient dès lors uniquement à travers le présent recours à décupler leurs chances de succès en multipliant les procédures à l’encontre du projet.

Elle conteste ensuite pareillement tout intérêt à agir dans le chef des requérants en insistant sur le fait que l’un des critères principaux de l’intérêt à agir serait que celui-ci doit être personnel.

Or, en l’espèce, l’absence d’un rapport concret entre l’intérêt à agir personnel dans le chef des requérants et la sauvegarde de certaines espèces d’animaux sauvages semblerait être évidente.

Si les requérants faisaient valoir qu’en raison de la décision litigieuse autorisant des travaux de débroussaillage et d’élagage, les études et expertises environnementales sollicitées dans une affaire parallèle ne pourraient plus être réalisées, ils feraient toutefois fausse route, alors que les travaux litigieux ne seraient pas réalisés à l’endroit des espèces protégées pour viser pour le surplus précisément la sauvegarde de ces espèces. Ce ne sera it, en effet, que si rien ne se faisait sur le site visé par l’autorisation, tel que le souhaiteraient les requérants, que ces espèces seraient précisément condamnées, alors que tout le site serait alors couvert de plantations sauvages détruisant les prairies indispensables à la survie de ces espèces.

Elle ajoute qu’à supposer qu’il puisse être admis que les requérants soient effectivement « guidés par un seul souci de sauvegarde de la faune sauvage », et ce, même si, en fin de compte ils ne feraient que s’opposer tout simplement à la réalisation d’un projet immobilier, alors aucun intérêt à agir ne saurait leur être reconnu, puisque même s’ils obtenaient gain de cause, ils condamneraient par là même ces espèces sauvages qu’ils voudraient prétendument préserver.

La société … ajoute que les travaux de débroussaillage autorisés ne rendraient aucunement des éventuelles études supplémentaires impossibles et que, par ailleurs, dans la décision litigieuse du 23 août 2019, il serait bien indiqué que tous les travaux autorisés seront supervisés par un responsable de l’encadrement écologique, expert agréé en la matière, de même que l’autorisation n’aurait été accordée qu’à condition de respecter de nombreuses mesures protectrices de la faune et de la flore sur les parcelles concernées.

A cela s’ajouterait qu’il ne faudrait pas perdre de vue que les seules mesures autorisées par la décision en cause se rapporteraient à des terrains non destinés à être effectivement urbanisés, les travaux en question ne concernant qu’une partie des parcelles n° … et … et que les mesures contenues dans la décision lit igieuse ne constitueraient en rien des mesures de destruction d’habitats, ni même des mesures préjudiciables à l’environnement, mais bien au contraire des mesures visant expressément et précisément à protéger les espèces vivant dans cette zone.

La société … donne finalement à considérer que lorsque les requérants 10évoqueraient une détérioration de leur qualité de vie en raison des nouvelles constructions, il s’agirait là tout d’abord de contraintes tout à fait normales d’une vie en société et encore plus d’une vie dans la capitale d’un pays, pour relever pour le surplus de la pure spéculation, mais plus important encore s’agirait-il de considérations qui seraient totalement étrangères à l’objet du présent litige qui concernerait des travaux de débroussaillage sur une partie du site qui ne serait pas visé par les futures constructions.

Il s’ensuivrait que les requérants ne justifieraient en rien d’un intérêt à agir direct, né, personnel et actuel à ce que la décision litigieuse soit annulée.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, après avoir relevé :

(i) que le site « Schoettermarial » aurait été classé en tant que zone destinée à être urbanisée bien avant le PAG voté le 13 juin 2016 et suivant lequel seule une partie serait constructible ;

(ii) que le site en question ne se situerait ni en zone verte, ni dans une réserve naturelle, ni dans une zone Natura 2000 ;

(iii) que l’autorisation accordée le 23 août 2109 l’aurait été en vertu de l’article 27 de la loi du 18 juillet 2018, lequel serait inspiré directement par le « Document d’orientation sur la protection stricte des espèces animales d’intérêt communautaire en vertu de la directive « Habitats » 92/43/CEE », et qui viserait les mesures destinées à assurer la permanence de la fonctionnalité écologique des sites de reproductions/des aires de repos, encore appelées « mesures CEF », de sorte que l’autorisation en question prescrirait des mesures de gestion visant à améliorer l’habitat des espèces et notamment de la coronelle lisse en vue de sa relocalisation et non une destruction de leur habitat ;

(iv) que ces mesures ne seraient pas localisées sur une surface sur laquelle le projet d’urbanisation serait planifié mais bien sur une surface adjacente à celle-ci ;

(v) que l’autorisation prescrirait les mesures préconisées par Monsieur … du bureau …, expert pour l’espèce de la coronelle lisse, tout en prévoyant notamment l’installation de nichoirs qui serait une mesure d’amélioration de l’habitat du muscardin prescrite par le bureau … ;

fait valoir qu’un administré ne pourrait valablement recourir contre une décision administrative individuelle qu’à condition que celle-ci lui fasse grief en ce sens qu’elle aggrave effectivement et réellement, à la date d’introduction du recours, sa situation. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, puisque les mesures autorisées à travers la décision litigieuse constitueraient, d’un point de vue écologique, une amélioration du site sur lequel elles doivent être entreprises et que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’autorisation n’aurait pas d’incidences radicales sur la faune et la flore sur le site en question, ni ne pourrait-elle s’analyser en « un feu vert accordé au projet immobilier du promoteur … ». Ils n’auraient, en conséquence, aucun intérêt à agir et leur recours serait à déclarer irrecevable.

Dans leur mémoire en réplique, les requérants donnent tout d’abord à considérer que les remarques étatiques quant au classement du site « Schoettermarial » dans le PAG ou bien dans une zone natura 2000 seraient dénuées de toute pertinence dans la mesure où la question du respect des dispositions relatives à la protection des espèces ou de leurs habitats, en l’occurrence notamment les articles 20 et 21 de la loi du 18 juillet 2018, serait totalement indépendante d’un tel classement.

11Ils estiment que même s’il s’était révélé après le dépôt du recours en annulation que l’autorisation querellée ne viserait « que » des mesures environnementales d’abattage et de débroussaillage aux fins d’une délocalisation ultérieure de la coronelle lisse, ces mesures et leur exécution seraient de nature à détériorer une partie des sites de reproduction et des aires de repos, respectivement de perturber intentionnellement les espèces protégées sur le site.

En ce qui concerne l’affirmation étatique suivant laquelle les mesures querellées et visées par l’autorisation litigieuse ne seraient « pas localisées sur une surface sur laquelle le projet d'urbanisation est planifié mais bien sur une surface adjacente à celle-ci », ils mettent en avant qu’il y aurait lieu de ne pas perdre de vue que le ministre aurait accordé « l'autorisation pour la préparation de mesures d'atténuation anticipées en relation avec le projet Schoettermariar à … (…) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de Luxembourg (…) sous les numéros … et …. » et qu’à ce stade, il conviendrait de noter que la parcelle n° … serait classée en partie en zone HAB-2, soumise à PAP NQ et superposée par une zone d’aménagement différée (ZAD), et pour partie classée en zone HAB-2, soumise à PAP NQ.

Seule la partie de ladite parcelle située près de la zone forestière serait grevée de la servitude urbanisation « EN » qui serait - a priori - non constructible. La parcelle n° … ne serait, pour sa part, pas grevée d’une zone d’aménagement différée, mais superposée en grande partie par la servitude « EN ».

Ils estiment qu’à ce stade, il conviendrait de retenir qu’il ne serait pas du tout pertinent de se rapporter à un « projet d’urbanisation » n’ayant aucune valeur juridique, mais qu’il faudrait, au contraire, se rapporter aux zonages prévus par le PAG puisque l’emprise exacte des constructions projetées suivant ledit « projet d’urbanisation » serait tout à fait susceptible d’évoluer à l’avenir, pour empiéter finalement sur les parties des terrains destinés à accueillir les mesures environnementales litigieuses.

Selon eux, il n’y aurait, en d’autres termes, aucune garantie que les mesures environnementales destinées prétendument à améliorer la situation de la coronelle lisse et d’autres espèces protégées, ne disparaissent pas à l’avenir au profit d’une extension du projet immobilier présenté au ministère de l’environnement, ou d’un nouveau projet immobilier.

Les requérants sont, en effet, d’avis que la seule mention dans l’autorisation (sous le titre « Dispositions générales ») « qu'afin de pérenniser le caractère naturel des fonds accueillant les différentes mesures de gestion et d'amélioration visées par la présente est à préserver (sic), soit par le biais d'une servitude urbanisation à inscrire au niveau réglementaire du plan d'aménagement général, soit par le reclassement des fonds concernés en zone verte », ne suffirait aucunement à cet égard, puisque cette clause ne serait assortie d’aucune sanction ou condition, et que le titulaire de l’autorisation n’aurait de toute façon pas compétence pour modifier le PAG de la Ville de Luxembourg.

Ils font valoir qu’en fin de compte, le ministère, en fractionnant en deux étapes l’autorisation relative à la suppression des habitats d’espèces protégées détectées sur le site « Schoettermarial », telle la coronelle lisse, mais aussi la Callimorpha, le muscardin, trois espèces de Murins (Myotis myotis, Myotis bechsteinii, Myotis emarginatus), des espèces de lézard (lézard agile, lézard des murailles), nuirait à la protection conférée auxdites espèces protégées.

Si l’autorisation litigieuse énonçait encore que « les travaux de débroussaillage, d'élagage, de taille et de mise sur souche de la végétation ligneuse se limiteront à la surface et 12aux éléments tels qu'identifiés sur le schéma Abb. 20 page 17 du dossier « Antrag auf naturschutzrechtiche Genehmigung Teil 1 (Früjahr 2019) - Vorbereitung der CEF-Fläche » établi par le bureau d'étude … en date du 29 mai 2019. », il résulterait du schéma Abb. 20 page 17 du dossier précité que les prétendues mesures d’amélioration de l’habitat de la coronelle lisse et du muscardin seraient destinées à être réalisées dans la zone qui ne ferait a priori pas l’objet du PAP projeté, les requérants ajoutant qu’une partie de ces mesures, ayant pour objet de servir à terme d’habitat pour la coronelle qui devrait s’y relocaliser, seraient toutefois projetées pour être réalisées dans une zone non-couverte par la servitude d’urbanisation « EN », zone qui demeurerait donc en principe constructible.

A cela s’ajouterait que le schéma précité n’indiquerait, par ailleurs, nullement comment les engins devant opérer lesdites mesures améliorant prétendument la situation des espèces protégées sur le site, devraient accéder à la zone au sein de laquelle elles doivent s'implanter.

Or, il ne ferait pas de doute que ces machines devraient se frayer un chemin par ailleurs, sur la partie du site destinée à être urbanisée, tel que cela se dégagerait des courriers du Syndicat d’Intérêts Locaux du Kirchberg à cet égard.

Les requérants insistent sur le fait que les travaux relativement lourds opérés dans ce cadre nuiraient ainsi aux habitats d’espèces présents sur tout le site du fait notamment de l’abattage et du retrait d’arbres, de même que de l’acheminement de pierres par camions et que, selon eux, l’autorisation querellée pêcherait à ce niveau par un manque de précision flagrant quant à l’exécution des travaux à mettre en oeuvre, ce qui violerait le principe de précaution.

Ils font, à cet égard, valoir que des mesures simples, telles la capture avant délocalisation des espèces, auraient pu éviter une atteinte aux habitats et au milieu de vie de ces espèces en renvoyant aux analyses environnementales réalisées après l'adoption du PAG de la Ville de Luxembourg dont il se dégagerait que la coronelle lisse se situerait à de nombreux endroits sur ledit site et notamment aux endroits de passage des engins nécessaires pour la mise en place des prétendues mesures d’amélioration de son habitat.

Il s’ensuivrait que l’autorisation querellée aurait nécessairement des incidences directes sur la préservation et le maintien des espèces protégées sur le site et de leurs habitats.

Pour ce qui est ensuite du document auquel se réfère la partie étatique, les requérants font valoir que celui-ci traiterait principalement des obligations essentielles prévues aux articles 12 et 16 de la directive Habitats, qui établissent un système de protection stricte des espèces animales inscrites à l’annexe IV, point a), tout en prévoyant des dérogations à ces dispositions dans des conditions précises, les requérants ajoutant que les dispositions appelant un « système de protection stricte » pour les espèces inscrites à l’annexe IV (article 12), impliqueraient un régime de protection rigoureux et imposeraient aux Etats membres d’éviter et de prévenir un certain nombre de situations susceptibles d’avoir une incidence négative sur une espèce.

Ils soulignent que la référence de la partie étatique au « Document d’orientation » serait incomplète pour ne pas prendre en compte les critères établis par la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») et par la Commission européenne. Après avoir cité de manière intégrale le point 72 du « Document d’orientation », ils font valoir qu’en l’espèce, des engins à moteur seraient rentrés dans un site de reproduction et de repos de la coronelle lisse, dans une période d’hibernation de cette espèce, sans aucune précaution et sans la présence d’un expert pour contrôler l’activité des ouvriers.

En se basant sur le libellé du point 76 du même document, ils concluent que le ministre 13n’aurait été admis à prendre des mesures d’atténuation basées sur l’article 27 de la loi du 18 juillet 2018 que s’il pouvait avoir un niveau de certitude élevé que ces mesures en elles-mêmes ne pouvaient avoir d’incidence sur les espèces ou habitats d’espèces protégées, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.

En effet, pour ce qui est de la situation de la coronelle lisse, il n’y aurait aucune certitude que sa délocalisation pourrait se réaliser sans aucun danger pour cette espèce, alors qu’au contraire, des études spécialisées attesteraient qu’une telle délocalisation s’avérerait très compliquée en considération du fait qu’il s’agirait d’une espèce qui aurait besoin de conditions particulières et très difficiles à recréer artificiellement pour son maintien et sa reproduction.

Il ne ressortirait, par ailleurs, à aucun endroit du dossier de demande d'autorisation que la délocalisation de la coronelle lisse présenterait des chances élevées de succès et que la mise en place des mesures d’abattage, d’élagage et de débroussaillage, seraient sans conséquence sur les habitats des espèces protégées.

En renvoyant à la prise de position1 de l’Avocate Générale …, ils estiment qu’il ne faudrait pas non plus perdre de vue que la coronelle lisse aurait été considérée par le Luxembourg comme se trouvant dans un état de conservation non favorable.

A cela s’ajouterait que l’article 12, paragraphe (1), point d), de la directive Habitats interdirait de façon stricte la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.

Les requérants insistent sur le fait que l’autorisation querellée aurait été donnée sans vérifier si les activités à réaliser en exécution de celle-ci seraient ou non de nature à provoquer une détérioration ou destruction des sites de reproduction ou des aires de repos, ce qui violerait les dispositions de la directive Habitats et de la loi du 18 juillet 2018.

Ils critiquent, dans ce contexte, également « l’opacité regrettable » dans laquelle se serait déroulée l’instruction du dossier de demande d’autorisation introduit par la société … pour le compte de la société …, respectivement le manque de transparence relatif aux opérations de destruction des biotopes et habitats d’espèces, présentés comme des soi-disant « mesures d’amélioration » de la situation existante, tout en contestant l’affirmation ministérielle suivant laquelle une « attitude attentiste » serait défavorable à la coronelle lisse pour rester à l’état de pure allégation.

En renvoyant à des extraits du document « … 2018 », ils font remarquer que l’expression « langfristig » (à long terme) aurait été remplacée par celle de « kurzfristig » (à court terme) dans le document … 2019 établi seulement six mois après le document … 2018, aux fins de l’obtention de l’autorisation querellée, ce qui permettrait, selon eux, de douter du caractère sérieux desdits documents qui s’adapteraient visiblement aux besoins de la cause.

Les requérants déplorent, à cet égard, la volonté du ministère de l’Environnement dans ce dossier, de les placer face à un fait accompli et de les priver de leurs droits de la défense, en violation du principe du contradictoire.

Ils ajoutent que bien que l’Etat ait été condamné par ordonnance du 24 janvier 2019 à 1 Affaire C-383/09, Commission européenne c/ République française.

14leur communiquer l’étude …, le ministère aurait par la suite poursuivi son attitude consistant à ignorer leurs courriers, respectivement leurs demandes visant à être associées au processus décisionnel.

Ce ne serait donc que postérieurement à l’introduction du recours qu’ils auraient pu obtenir le dossier administratif relatif à l’autorisation querellée, dont ils auraient à ce moment-

là ignoré la teneur exacte.

Or, tout en étant conscients du fait que le tribunal administratif ne pourrait statuer dans le cadre d’un recours en annulation que par rapport aux éléments de fait et de droit qui existaient au moment de la décision querellée, les requérants tiennent à observer que le ministre continuerait à adopter l’attitude prédécrite, en en voulant pour preuve que les derniers courriers du Syndicat … seraient jusqu’alors restés lettre morte alors même qu’ils témoigneraient du fait que les mesures environnementales réalisées sur base de l'autorisation du 23 août 2019 auraient pu avoir des incidences significatives sur la coronelle lisse et leur habitat.

En ce qui concerne concrètement leur intérêt à agir, ils soutiennent que ce serait à tort que les parties défenderesse et tierce intéressée tenteraient de leur dénier un tel intérêt en arguant que les travaux d’élagage, de débroussaillage, et d’abattage autorisés seraient non pas des mesures pouvant impacter la faune et la flore protégée sur le site destiné à être urbanisé, mais qu’elles seraient, au contraire, des mesures réalisées en faveur desdites espèces protégées, et que leur incidence, en quelque sorte, serait donc neutre, sinon positive.

Ils estiment, en effet, qu’au-delà des mots utilisés par la partie étatique, il conviendrait de vérifier les effets concrets de la décision querellée sur le site et ses éléments naturels, respectivement sur leur situation.

Ils insistent, à cet égard, sur le fait que l’autorisation querellée s’inscrirait dans le contexte plus large du projet d’urbanisation d’envergure décrit dans le recours en annulation et par lequel ils seraient directement concernés, en leur qualité de voisins directs du site destiné à être urbanisé. Ils estiment qu’il ne serait pas contesté ni contestable que le projet d’urbanisation en cause impacterait sur leur qualité de vie, compte tenu du fait qu’il s’agirait de convertir une zone de biotopes et de forêts accueillant des espèces protégées au niveau européen, en une zone très fortement bâtie : en l’occurrence, suivant les projections de la société …, au moins 4 immeubles accueillant jusqu’à 13 étages seraient prévus, dans leur voisinage immédiat.

Or, ils se déclarent opposés à ce projet, notamment pour des raisons environnementales qu’ils auraient largement exprimées durant l’enquête publique relative à la refonte du PAG et lesquelles ils auraient réitérées maintes fois par la suite.

Ce ne serait d’ailleurs que sous leur insistance que des études environnementales auraient enfin été réalisées sur le site, et ce postérieurement à l’adoption du PAG, et en violation de la loi du 22 mai 2008, de sorte qu’ils auraient également été privés par ce biais de leur droit à la participation du public en matière de plans et programmes.

Les requérants estiment qu’en tout état de cause leur volonté de voir maintenir dans le voisinage immédiat de leur lieu d’habitation des espaces verts de haute qualité écologique, serait de nature à justifier dans leur chef d’un intérêt direct, né, actuel et personnel à agir contre l’autorisation litigieuse, ce d’autant plus qu’en tant que voisins directs, ils bénéficieraient de la qualité de vie conférée par ce poumon vert, à proximité de leur quartier d’habitation.

15 Ils ajoutent que si aux termes de l’article 11 bis de la Constitution, « l’Etat garantit la protection de l’environnement humain et naturel […] et promeut la protection et le bien-être des animaux », l’administré devrait pouvoir faire contrôler le respect de cette disposition lorsque, comme en l’espèce, une autorisation administrative serait octroyée pour : 1) permettre une destruction de biotopes et d’habitats et 2) planifier la relocalisation d’espèces protégées avant de détruire leur habitat actuel.

Ils soulignent, dans ce contexte, que si la partie étatique présentait l’autorisation querellée sous un angle positif, le document … [« Antrag auf naturschutzrechtliche Genehmigung (Teil 1: Vorbereitung der CEF-Fläche) »] ferait néanmoins déjà état d’un bilan écologique provisoire (cf. le chapitre 6 « Vorläufige Oekobilanzierung » repris aux pages 33-

37 du document … précité) d’après lequel, les travaux effectués sur la surface-CEF engendreraient dans une première phase la perte de 20.825 éco-points, l’autorisation ministérielle du 23 août 2019 ayant d’ailleurs confirmé la perte des susdits éco-points et même précisé que l’autorisation ne prendrait effet qu’avec le règlement intégral de la taxe de remboursement ainsi redue.

Il serait dès lors erroné de plaider que l’autorisation querellée aurait des incidences environnementales positives alors qu’en réalité, il s’agirait surtout de détruire une partie des biotopes existants dans la zone principalement non-constructible du site (mais pas exclusivement), pour ensuite y réaliser des mesures (3 murgiers, 3 tas de pierre ou de bois morts, 2 surfaces dénudées à caractère sableux) visant à y recréer artificiellement des habitats d’espèces pour la coronelle lisse ou encore le muscardin, en espérant qu’elles puissent s'y implanter et s’y reproduire.

Enfin, si la partie étatique affirmait que l’autorisation querellée ne constituerait pas un feu vert accordé au projet immobilier du promoteur …, il n’en resterait pas moins qu’elle fixerait déjà les principes à remplir par ce dernier pour la délivrance ultérieure de l’autorisation de destruction de l’habitat de la coronelle lisse.

Il s’ensuivrait que si l’autorisation querellée devait acquérir force de chose décidée, le principe de la relocalisation de la coronelle lisse et de la destruction de son habitat serait à son tour acquis.

Finalement, les requérants donnent à considérer qu’il faudrait également s’interroger si le paiement des « taxes de remboursement » au titre de l’article 7 de l’autorisation querellée, ne conférerait pas de droit acquis au promoteur pour la délocalisation ultérieure de la coronelle lisse et la destruction de son habitat actuel, répandu un peu partout sur le site.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique maintient tout d’abord que les mesures visées par l’autorisation litigieuse constitueraient une amélioration écologique et non une destruction d’habitats d’espèces, tout en contestant l’affirmation des requérants que « ces mesures et leur exécution seront de nature à détériorer une partie des sites de reproduction et des aires de repos, respectivement de perturber intentionnellement les espèces sur le site ».

Elle souligne qu’en ce qui concerne la notion de « site », il faudrait distinguer entre, d’un côté, le site sur lequel aura lieu à un stade ultérieur l’urbanisation et sur lequel la coronelle lisse a été localisée et, de l’autre côté, la surface adjacente au site où aurait lieu l'urbanisation, visée par l’autorisation litigieuse, tout en précisant que les mesures prescrites par l’autorisation auraient 16eu lieu sur cette surface et en insistant sur le fait qu’elles viseraient à optimiser cette surface en vue d’une éventuelle relocalisation de la coronelle lisse.

Ce serait dans une prochaine étape, non encore visée par l’autorisation litigieuse, qu’il serait prévu de déplacer les coronelles lisses présentes sur le premier site où serait planifié l’urbanisation et de les délocaliser sur le deuxième site visé par l’autorisation.

Elle ajoute que l’autorisation requise pour procéder aux travaux d’urbanisation sur la première surface ne pourrait être accordée que si le succès de cette délocalisation est démontré, ce qui aurait d’ailleurs été confirmé par le ministre dans sa réponse à la question parlementaire n°1277 de Monsieur ….

La partie étatique précise ensuite que les travaux d’exécution auraient été supervisés par le préposé forestier, tout en contestant formellement l’affirmation adverse suivant laquelle « les machines devront (et ont d'ailleurs, puisque l'autorisation partielle a déjà été partielle exécutée) se frayer un chemin par ailleur s, sur la partie du site destinée à être urbanisée » et que « des engins à moteurs sont rentrés dans un site de reproduction et de repos de la Coronelle ».

Elle affirme que l’engin qui a effectué les mesures ne serait pas entré par le site où est planifiée l’urbanisation mais qu’il aurait longé le chemin le long du terrain de football et qu’il aurait pu entrer ainsi directement sur le site où étaient planifiées les mesures écologiques visées par l’autorisation, de sorte que les mesures autorisées n’auraient eu aucune incidence sur les coronelles lisses localisés sur la parcelle sur laquelle est planifiée l’urbanisation.

La partie étatique maintient ensuite l’absence d’intérêt à agir dans le chef des requérants au motif que les mesures visées par l’autorisation litigieuse ne concerneraient pas le projet d’urbanisation et qu’il n’y aurait pas eu de travaux sur la surface se trouvant dans le voisinage immédiat de leur habitation sur lequel est localisée la coronelle lisse.

Elle souligne que les requérants ne seraient, par ailleurs, pas, contrairement à ce qu’ils prétendent, les voisins directs de la surface sur laquelle sont exécutées les mesures prévues par l’autorisation litigieuse, tout en précisant que s’il y avait effectivement une destruction de biotopes, et non des habitats d’espèces, celle-ci serait justifiée par la volonté de créer un habitat propice pour la coronelle lisse en vue de sa relocalisation.

Elle explique encore que le paiement de la taxe prévue par l’autorisation se justifierait par la destruction de biotopes sur la surface adjacente à la surface où est planifiée l’urbanisation et qu’il ne saurait, en tout état de cause, conférer des droits de construction sur la surface où est planifiée l’urbanisation.

La partie étatique conclut de ce qui précède qu’en vertu des exigences de la législation européenne et des articles concernant la protection stricte des espèces prévue par la loi du 18 juillet 2018, le ministre ne saurait, comme relevé ci-dessus, automatiquement autoriser la destruction des habitats des espèces sur le site où est planifiée l’urbanisation, de sorte que l’affirmation du litismandataire des requérants que la destruction de l’habitat de la coronelle lisse serait acquise serait à rejeter.

Dans son mémoire en duplique la société …, tout en maintenant son moyen d’irrecevabilité tenant à l’absence d’intérêt à agir dans le chef des requérants, constate que si 17ceux-ci justifiaient leur opposition au projet urbanistique « pour des raisons environnementales », ils resteraient néanmoins en défaut de qualifier avec précision le prétendu préjudice qu’ils subiraient.

Elle fait valoir que si le tribunal administratif venait à admettre un intérêt à agir dans le chef des requérants justifié uniquement par leur proximité à des prétendus « espaces verts de haute qualité écologique », cela reviendrait à remettre en cause tous les projets urbanistiques développés au … ces dernières années.

Elle estime que cela serait d’autant plus vrai que les requérants se méprendraient fondamentalement sur l’objet de la décision entreprise qui viserait à permettre la survie de toutes les espèces que les requérants verraient menacées de dépérissement, sans toutefois viser le site des espèces protégées, puisque sur le site concerné par la décision entreprise aucune telle espèce n’aurait pu être découverte.

Il serait, dans ce contexte, encore important de souligner et de rappeler que si rien n’était fait sur ce site, les espèces protégées seraient condamnées parce que l’espace de vie dont elles auraient besoin et qui devrait être vierge de haies et d’arbustes et d’arbres empêchant le soleil de pénétrer, disparaîtrait pour être repris par la végétation.

Pour le surplus, la société … renvoie à l’argumentation de son mémoire en réponse sur ce point.

L’objet du recours est constitué par le résultat que la partie demanderesse entend obtenir2.

Il est, en l’espèce, constant en cause que l’objet du recours est l’annulation de la décision du ministre du 23 août 2019 autorisant dans le chef de la société … « la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à … ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) » sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de Luxembourg, section … de …, sous les numéros … et …, les requérants expliquant avoir, à travers leur recours, voulu éviter que, du fait de l’acquisition par cette décision de l’autorité de chose décidée, le principe de la relocalisation de la coronelle lisse et de la destruction de son habitat sur le site « Schoettermarial » soit à son tour acquis, leur recours s’inscrivant de manière non contestée dans la suite de leur intervention dans le processus de la refonte globale du PAG de la Ville de Luxembourg, les requérants ayant réclamé aux différents stades de cette procédure afin de s’opposer à l’urbanisation du site « Schoettermarial » situé dans le quartier du …, dont ils estiment qu’elle interviendra au mépris de la présence de nombreuses espèces intégralement protégées par la directive Habitats.

Il y a lieu de relever que la recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un acte de nature à faire grief et ayant produit cet effet sur la personne du demandeur. Il importe donc que l’intérêt qui doit non seulement être né et actuel, effectif et légitime3, soit 2 Trib. adm. 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 343 et les autres références y visées.

3 Trib. adm. 11 octobre 1999, n°11243 et 11244, confirmé par Cour adm. 17 février 2000, n° 11608C, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 16 et les autres références y citées.

18non pas impersonnel et général, mais personnel4. Ainsi, il faut que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, de nature matérielle ou morale5 et qu’elles l’atteignent à un titre particulier, en tant qu’appartenant à une catégorie définie et limitée d’administrés. L’annulation poursuivie doit pouvoir mettre fin à ces conséquences6. A défaut de grief, le demandeur ne peut se prévaloir de conséquences fâcheuses à son encontre. Eu égard à la circonstance que les juridictions ne sont pas instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations, il appartient au tribunal de s’assurer qu’au moment de la requête introductive d’instance la condition d’intérêt soit bien remplie.

Il y a encore lieu de relever qu’un demandeur doit non seulement justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, mais encore d’un intérêt certain et direct. Un intérêt indirect à agir ne suffit, en effet, pas pour former un recours contentieux, encore qu’il soit le cas échéant jugé suffisant pour intervenir dans une instance, soit en y étant appelé, soit en y apparaissant volontairement7.

Nonobstant la question de la nature de l’acte déféré et celle de son caractère décisionnel, telles que soulevées par la société … à côté de son moyen d’irrecevabilité tenant à l’absence d’intérêt à agir dans le chef des requérants et indépendamment de la circonstance selon laquelle ladite question est, à l’instar de celle de l’intérêt à agir, également d’ordre public, le tribunal constate que ce moyen d’irrecevabilité n’a, de son entendement, en réalité été développé par la société … que sur le fondement de l’absence d’intérêt à agir reprochée aux requérants. Le tribunal, en réponse à ce moyen, relève que les requérants justifient leur intérêt à agir, qu’ils qualifient de « direct, né, actuel et personnel », en substance, par leur volonté de voir maintenir dans le voisinage immédiat de leur lieu d’habitation des espaces verts de haute qualité écologique et par la même de voir préserver leur qualité de vie qu’ils estiment menacée par l’autorisation querellée en ce que celle-ci s’inscrirait, selon eux, dans le contexte plus large du projet d’urbanisation d’envergure du site « Schoettermarial » qui impliquerait la conversion d’une zone de biotopes et de forêts accueillant des espèces protégées au niveau européen, en une zone très fortement bâtie.

Or, les arguments mis en avant par les requérants sont manifestement insuffisants pour justifier d’un intérêt né et actuel, effectif, légitime et personnel tel que circonscrit plus en avant par le tribunal.

En effet, le tribunal se doit tout d’abord de relever que, indépendamment du débat mené entre les parties pour savoir si les mesures visées par l’autorisation litigieuse constituent ou bien une amélioration écologique ou bien une destruction d’habitats d’espèces, les requérants restent, en tout état de cause, en défaut d’expliquer dans quelle mesure les travaux autorisés sont concrètement de nature à affecter négativement leur situation personnelle d’administré en droit et en fait.

Si les requérants tentent de justifier dans leur chef l’existence d’un intérêt à agir direct, 4 En ce sens « Le contentieux administratif en droit luxembourgeois » par Rusen Ergec mis à jour par Francis Delaporte, Procédure contentieuse, n° 114, Pas. adm. 2020, p. 64.

5 Précis de droit administratif belge, André Mast, Edition entièrement adaptée et complétée par André Alen et Jean Dujardin, E. Story-Scientia, 1989, n° 650 p. 592.

6 Op. cit.

7 Trib. adm. 11 octobre 1999, n° 11243 et 11244, confirmé par arrêt du 17 février 2000, n° 11608C, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 16 et les autres références y citées.

19né, personnel et actuel en se prévalant de leur qualité de voisins directs du site « Schoettermarial » soucieux de « voir conserver la végétation à haute valeur écologique dans leur voisinage immédiat, sur lequel ils ont une vue directe », il y a lieu de relever qu’il est constant en cause que ce site n’est pas visé par la décision litigieuse qui comporte uniquement deux points, à savoir, d’une part, la préparation d’une zone de refuge ou d’accueil pour les coronelles lisses susceptibles d’être affectées par le futur et éventuel projet d’urbanisation sur le site « Schoettermarial » - sous réserve que celui-ci soit approuvé -, et ce, concrètement par des travaux de débroussaillage, d’élagage, de taille et de mise-sur-souche de la végétation ligneuse afin de créer ou de préserver des prairies sèches, habitat de prédilection des coronelles lisses, menacé in situ par sa reforestation, ainsi que par la création de « murgiers » (tas d’épierrage), de zones sablonneuses et de tas de pierres, et, d’autre part, l’installation de nichoirs pour muscardins, le tout sur une surface adjacente à celle du site « Schoettermarial » et par rapport à laquelle les requérants ne sont, de manière non contestée, pas les voisins directs et sur laquelle ils n’ont aucune vue directe.

Or, les requérants n’expliquent pas de manière convaincante dans quelle mesure les travaux ainsi autorisés, étrangers à des mesures d’urbanisation qu’ils craignent et constituant a priori des mesures en faveur des espèces qu’ils déclarent vouloir protéger, sur une surface dont, de plus, ils ne sont pas les voisins directs et qui n’est, par ailleurs, pas destinée à être urbanisée, sont concrètement susceptibles d’impacter d’une quelconque manière négativement leur qualité de vie, de sorte qu’ils ne peuvent pas non plus se prévaloir d’un intérêt à agir personnel et direct de ce chef.

Si les requérants semblent encore vouloir plus particulièrement justifier leur intérêt à agir contre la décision litigieuse par la considération qu’en autorisant les mesures en question, le ministre aurait nécessairement d’ores et déjà retenu le principe de la destruction des habitats et de la relocalisation des espèces protégées sur le site « Schoettermarial », dont ils sont les voisins directs, au profit de la réalisation, sur ce même site, d’un projet d’urbanisation dont ils redoutent in fine les conséquences négatives sur leur qualité de vie, leurs craintes reposent sur la prémisse que l’autorisation querellée mènerait en quelque sorte de manière indirecte, mais néanmoins quasi automatiquement à une urbanisation du site « Schoettermarial » qui passerait nécessairement par la destruction des habitats et espèces protégées sur ce site, sans que notamment les études et expertises environnementales appropriées, revendiquées à travers une affaire parallèle pendante devant les juridictions administratives, ne pourraient plus être réalisées sur le site « Schoettermarial » une fois que les habitats y présents auraient été détruits.

Or, si, tel que relevé ci-avant, la décision litigieuse autorise un certain nombre de travaux à effectuer sur une surface adjacente à celle du site « Schoettermarial » et ce, dans le but d’optimiser cette surface en vue de permettre une relocalisation future de l’habitat de certaines espèces protégées se trouvant sur le site « Schoettermarial », le constat s’impose que la crainte des requérants que cette même décision entérinerait en quelque sorte d’ores et déjà directement, sinon à tout le moins indirectement, le principe de la destruction des habitats des espèces protégées sur le site « Schoettermarial » et a fortiori leur relocalisation pour, in fine, donner au promoteur le feu vert pour réaliser son projet immobilier sur le même site, n’est étayée par aucun élément tangible, mais repose sur de simples affirmations, sans que les requérants n’aient expliqué de manière concrète sur base de quel fondement juridique ils peuvent conclure à un tel automatisme. Ce constat s’impose d’autant plus que suivant les explications étatiques non contestées, la destruction d’habitats protégées sur le site « Schoettermarial » et la relocalisation des espèces concernées, qui, tout en étant certes et de manière non contestée des étapes préalables nécessaires avant toute urbanisation du site en 20question, ne pourront toutefois se faire qu’à un deuxième stade et en tout état de cause sous réserve de la délivrance d’une autorisation ministérielle afférente susceptible d’un recours. De ce point de vue, et à défaut d’explications circonstanciées - étant relevé que la taxe compensatoire telle que prévue à la condition n°7 de l’autorisation attaquée et dont les requérants redoutent qu’elle conférerait en quelque sorte un droit acquis au promoteur pour la délocalisation ultérieure de la coronelle et la destruction de son habitat actuel et donc, en fin de compte, pour la réalisation de son projet immobilier sur le site « Schoettermarial », est clairement en relation avec « la destruction de la végétation ligneuse engendrée par la mise en place de la mesure d’atténuation » sur les parcelles visées par l’autorisation et non pas avec la destruction d’habitats situés sur le site « Schoettermarial », de sorte qu’aucune conclusion quant au sort qui sera au final réservé à ce site ne peut en être tirée -, leur crainte d’être placés devant une situation de fait accompli qui ne leur permettrait plus de s’opposer au projet d’urbanisation et à la dégradation environnementale du site « Schoettermarial » qu’ils redoutent de ce chef, doit dès lors s’analyser comme étant purement hypothétique et ne saurait pas non plus justifier dans leur chef un intérêt direct et certain à agir contre la décision actuellement litigieuse. Ce constat s’impose d’autant plus qu’en ce qui concerne l’affaire parallèle à laquelle ils se réfèrent pour tenter de justifier leur intérêt à agir, celle-ci s’est soldée dans un arrêt du 6 mai 2021, inscrit sous les numéros 44877C 44897C et 44905C du rôle, à travers lequel la Cour administrative a confirmé le jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2019, inscrit sous le numéro 40571 du rôle dans lequel les premiers juges avaient, face à une procédure d’adoption du PAG litigieux de la Ville de Luxembourg, jugée viciée, et face à un vice ne pouvant être réparé au niveau contentieux, annulé la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017, la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 et la décision du ministre de l’Environnement du 6 octobre 2017 dans l’unique mesure où elles se rapportent au site « Schoettermarial », le tout, en substance, sur la toile de fond qu’une étude environnementale était obligatoire et qu’il n’avait pas été satisfait à cette obligation, la Cour ayant jugé que les rapports auxquels les autorités communales entendaient se référer, et qui, au niveau des espèces sauvages protégées, se cantonnaient essentiellement aux chauves-souris, apparaissent clairement lacunaires.

La même conclusion quant à l’absence d’un intérêt direct et certain à agir dans le chef des requérants contre la décision actuellement litigieuse s’impose en ce qui concerne leur crainte tout à fait abstraite que « les mesures environnementales destinées prétendument à améliorer la situation de la coronelle lisse et d’autres espèces protégées, ne disparaissent […] à l’avenir au profit d’une extension du projet immobilier présenté au ministère de l’environnement, ou d’un nouveau projet immobilier ».

Enfin, si, en leur qualité de copropriétaires dans des résidences situées à une certaine distance de la surface sur laquelle ont été autorisés les travaux litigieux et sur laquelle ils n’ont aucune vue directe, les requérants tentent encore de justifier leur intérêt à agir en invoquant, en substance, leur crainte de l’atteinte que lesdits travaux, tels qu’autorisés, seraient susceptibles de porter aux habitats de certaines espèces protégées au niveau européen et dès lors à certaines espèces protégées elles-mêmes, le tribunal se doit de relever qu’en ce faisant, les requérants s’érigent en défenseurs de l’intérêt général. Or, à défaut pour eux de faire état d’un quelconque impact négatif des travaux autorisés sur leur situation concrète et personnelle de copropriétaires dans leurs résidences respectives, le simple fait d’invoquer la prétendue atteinte que les travaux tels qu’autorisés seraient susceptibles de porter tant aux « biotopes et habitats dont la destruction serait directement autorisée que sur les habitats actuels de la coronelle et du muscardin, dont la destruction serait réalisée ultérieurement. » et donc de mettre en avant des considérations environnementales d’ordre général, n’est pas suffisant pour justifier dans leur 21chef l’existence d’un intérêt propre suffisant8, distinct de l’intérêt général, un intérêt personnel distinct suffisant étant toutefois, tel que relevé ci-avant, indispensable pour être recevables à agir contre la décision litigieuse.

Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit de constater qu’à travers le présent recours, les requérants ne cherchent en réalité ni plus ni moins à empêcher, pour des raisons qui leur sont propres, toute urbanisation du site « Schoettermarial ». Or, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, la décision litigieuse n’a pas pour objet une telle urbanisation et que, par ailleurs, il vient d’être retenu que leur crainte que la décision litigieuse constitue en quelque sorte un feu vert accordé à l’urbanisation, respectivement au projet immobilier dont ils redoutent les conséquences négatives sur leur qualité de vie, est purement hypothétique, ils ne pourront, en tout état de cause, de ce point de vue obtenir de son annulation la satisfaction qu’ils recherchent.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a, par conséquent, lieu de conclure à une absence d’intérêt suffisant à agir dans le chef des requérants et de déclarer irrecevable le recours contentieux de ceux-ci.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros par partie, telle que formulée par les requérants sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare irrecevable faute d’intérêt à agir dans le chef des requérants, le recours en annulation dirigé contre la décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 23 août 2019 autorisant dans le chef de la société … « la préparation de mesures d’atténuation anticipées en relation avec le projet « Schoettermarial » à … ayant comme objectif [l’]optimisation de l’habitat notamment de la Coronelle lisse (Coronella austriaca) et du Muscardin (Muscardinus avellanarius) sur des fonds inscrits au cadastre de la Ville de LUXEMBOURG : section … de …, sous les numéros … et … » ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les requérants ;

met les frais et dépens à charge des requérants.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juin 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

8 Conseil d’Etat fr., 22 mai 2012, n° 326367.

22 s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 23


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43564
Date de la décision : 07/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-07;43564 ?

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