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03/06/2021 | LUXEMBOURG | N°44221

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2021, 44221


Tribunal administratif N° 44221 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2020 2e chambre Audience publique du 3 juin 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44221 du rôle et déposée le 2 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel Noel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sino...

Tribunal administratif N° 44221 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2020 2e chambre Audience publique du 3 juin 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44221 du rôle et déposée le 2 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel Noel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 novembre 2019 portant rejet de sa demande de remise gracieuse du 12 août 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2020 ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;

Vu l’information de Maître Noël du 1er février 2021 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er février 2021.

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Par courrier entré à la direction de l’administration des Contributions directes, division gracieux le 17 octobre 2017, Madame … introduisit auprès de l’administration des Contributions directes une demande de remise gracieuse visant les années d’imposition 2013 à 2019.

Par décision du 27 novembre 2019, répertoriée sous le numéro de rôle …, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », statua sur la demande de remise gracieuse de Madame … comme suit :

« (…) Vu la demande présentée le 17 octobre 2019 par la dame …, demeurant à L-…, ayant pour objet une remise d'impôts par voie gracieuse de l'impôt sur le revenu des années 2013 à 2019 ainsi que des intérêts de retard ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que la demande de remise gracieuse est motivée par des considérations qui mettent en cause une situation financière difficile ;

Considérant que la dette fiscale des années 2013 à 2019 résulte de l'imposition collective avec l'ex-conjoint de la requérante ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 7 de la loi d'adaptation fiscale (Steueranpassungsgesetz) le recouvrement des impôts s'opère auprès des époux ayant tous les deux le statut de codébiteurs solidaires ;

Considérant que les bulletins d'imposition pour les années d'imposition 2013 à 2015 ont été émis en date du 8 juin 2017 ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans le délai du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l'impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant qu'en vertu du § 153 AO, les droits à restitution permis en dehors des cas visés aux §§ 151 et 152 AO s'éteignent si la demande en remise gracieuse n'a pas été introduite avant la fin de l'année qui suit celle de la survenance des faits à l'origine du droit ;

Considérant qu'en l'espèce la demande en remise gracieuse, entrée le 17 octobre 2019, n'a donc pas été introduite dans le délai précité pour les années 2013 à 2015 ;

Considérant que le paragraphe 131 AO n'autorise pas le directeur à faire abstraction de la déchéance légale ainsi encourue par la requérante ;

Considérant que pour les années 2017 à 2019, les impositions n'étant pas encore établies, que dans la mesure où la fixation effective de l'impôt sur le revenu des années en question devrait déclencher une cote d'impôt inférieure aux avances débitées, un recalcul sera opéré en conséquence ;

Considérant qu'une demande de remise d'impôt qui n'est pas encore liquidé est irrecevable, dès que la rigueur de la perception ne peut être appréciée ni mesurée, faute de connaître le chiffre à percevoir (C.A. N°16398C du 15 juillet 2003) ;

Considérant qu'une rigueur objective n'a pas pu être constatée en l'espèce ;

Considérant qu'une remise pour rigueur subjective n'est justifiée que si la situation du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive de moyens de subsistance indispensables ;

Considérant qu'une telle rigueur excessive au sens prévisé, incompatible avec le principe d'équité au sens du paragraphe 131 AO, ne peut être admise au vu de la situation financière présentée ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2020, Madame … a introduit un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 27 novembre 2019.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, Madame … fait état de la mauvaise gestion de son ex-époux, du détournement de courrier par ce dernier et du fait que sa situation financière actuelle serait telle qu’elle serait dans l’impossibilité matérielle de rembourser lesdites sommes à l’administration fiscale. Quant au fond, elle expose sa situation financière en listant ses dépenses incompressibles, son revenu disponible et en concluant qu’elle se trouverait dans une situation précaire la mettant dans l’impossibilité d’apurer sa dette à l’égard de l’administration des Contributions directes.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater que la décision directoriale déférée du 27 novembre 2019 vise les années d’imposition 2013, 2014, 2015, 2017 et 2018, étant précisé, d’une part, que le directeur s’est limité à rejeter la demande de remise gracieuse en ce qui concerne les années d’imposition 2013 à 2015 en raison de la tardivité de la demande de Madame … et, d’autre part, que le directeur a rejeté la demande de remise gracieuse en ce qui concerne les années d’imposition 2017 et 2018 en raison du fait que pour ces années-là l’imposition ne serait pas encore établie et que les sommes demandées ne constitueraient que des avances.

En ce qui concerne le volet de la demande de remise gracieuse visant les années d’imposition 2013 à 2015, il y a lieu de préciser qu’aux termes du paragraphe 131 AO, régissant les demandes de remise gracieuse : « Sur demande dûment justifiée du contribuable endéans les délais du § 153 AO, le directeur de l’administration des Contributions directes ou son délégué accordera une remise d’impôts ou même la restitution dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. (…) ».

Le paragraphe 153 AO, auquel il est ainsi renvoyé, prévoit ce qui suit : « Wo außer den Fällen der §§ 151 und 152 Erstattungsansprüche aus Rechtsmitteln zugelassen sind, erlöschen sie, falls nicht anders bestimmt ist, wenn sie nicht bis zum Schluss des Jahres geltend gemacht werden, das auf das Jahr folgt, in dem die Ereignisse, die den Anspruch begründen, eingetreten sind ».

Même si le paragraphe 153 AO se réfère à des « Erstattungsansprüche », il n’en reste pas moins qu’il ressort de manière non équivoque du libellé du paragraphe 131 AO que le législateur a expressément subordonné au respect du délai prévu par ledit paragraphe 153 AO non seulement les restitutions d’impôts, mais aussi les remises d’impôts.

Ainsi, le tribunal relève qu’aux termes du paragraphe 153 AO, précité, le délai pour introduire une demande de remise gracieuse expire à la fin de l’année civile suivant l’année au cours de laquelle les évènements sur lesquels la demande est fondée se sont produits.

En l’espèce, à défaut de renseignements factuels de la part de la demanderesse quant aux évènements sur lesquels elle base sa demande, il y a lieu de conclure que l’évènement sur lequel sa demande est fondée est l’émission des bulletins d’impôt pour les années d’imposition 2013 à 20151. Il est constant en cause pour ne pas être contesté par Madame … que ces bulletins ont été émis le 8 juin 2017.

Le délai pour introduire une demande de remise gracieuse a partant expiré le 31 décembre 2018.

Dans la mesure où la demande de remise gracieuse de Madame … auprès du directeur a été introduite par courrier réceptionné par le directeur le 17 octobre 2019, soit après l’expiration du délai légal par rapport aux bulletins d’imposition des années 2013 à 2015, c’est à juste titre que le directeur l’a déclaré irrecevable pour autant qu’elle concerne ces dernières années d’imposition.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’une argumentation juridique en sens contraire présentée par la demanderesse, que le recours tendant à la réformation de la décision directoriale déférée, en ce qui concerne les années d’imposition 2013 à 2015, est à rejeter – la demande de remise gracieuse ayant été soumise tardivement –, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur le moyen de la demanderesse ayant trait au bien-fondé de sa demande de remise gracieuse, cet examen devenant surabondant.

En ce qui concerne ensuite le volet de la décision directoriale du 27 novembre 2019 visant les années d’imposition 2016 à 2019, il y a lieu de relever qu’une demande en remise d'impôt qui n'est pas encore liquidée est irrecevable, dès lors que la rigueur de la perception ne 1 Voir, en ce sens : trib. adm., 17 novembre 2009, n° 25182 du rôle, Pas. 2020, V° Impôts, n° 1088 et l’autre référence y citée.

peut être appréciée ni mesurée, faute de connaître le chiffre à percevoir2. C’est donc à bon droit que la partie étatique fait valoir qu’une demande en remise d’impôt qui n’est pas encore liquidée est exclue, alors que la rigueur de la perception ne peut être appréciée ni mesurée, faute de connaître le chiffre à percevoir. Il s’ensuit que c’est à juste titre que le directeur a déclaré la demande de remise gracieuse concernant les années 2016 à 2019 irrecevable pour être prématurée en ce qu’elle était dirigée contre des avances d’impôt et non une imposition définitive fixant une cote d’impôt. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le moyen de la demanderesse ayant trait au bien-fondé de sa demande de remise gracieuse concernant ces années d’imposition, cet examen devenant surabondant.

La demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 500.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 novembre 2019 ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 500,- euros, telle que formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 3 juin 2021, par le premier juge, Hélène Steichen, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

Paulo Aniceto Lopes Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 2 Cour adm., 15 juillet 2003, n° 16398C du rôle, Pas. 2020, V° Impôts, n°755.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44221
Date de la décision : 03/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-03;44221 ?

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