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02/06/2021 | LUXEMBOURG | N°46062

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2021, 46062


Tribunal administratif Numéro 46062 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2021 1re chambre Audience publique 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46062 du rôle et déposée le 27 mai 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au ta

bleau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … ...

Tribunal administratif Numéro 46062 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2021 1re chambre Audience publique 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46062 du rôle et déposée le 27 mai 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … (Gambie) et être de nationalité gambienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 7 mai 2021 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mai 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 2 juin 2021, et vu les remarques écrites de Maître Eric Says du 31 mai 2021, ainsi que celles de Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst du 1er juin 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

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En date du 7 mai 2021, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par la police grand-ducale, section criminalité organisée-

police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il se dégage du rapport dressé à cette occasion par la police grand-ducale, référencé sous le numéro …, ainsi que des formulaires de signalement dans le système d’information Schengen (SIS) y annexés, que le requérant avait été signalé par les autorités allemandes « en vue d’une arrestation et d’une remise ou extradition » le 20 février 2020 et ce au motif qu’il aurait attaqué sa voisine à la machette en proférant des menaces de mort à son encontre. Il ressort du même rapport que l’agent de police en charge du dossier a contacté le juge d’instruction à ce sujet et qu’ensemble, ils ont décidé de ne pas exécuter le mandat d’arrêt européen émis par les autorités allemandes, étant donné que celles-ci n’auraient pas été en mesure de démontrer que le requérant devrait encore purger une peine de privation de liberté supérieure à 4 mois, mais plutôt de le placer au Centre de rétention. Il se dégage du même rapport que le requérant a admis avoir utilisé au moins 5 autres identités dans d’autres pays.

Par ailleurs, il apparut dans le cadre de recherches effectuées dans la base de données EURODAC, que Monsieur … avait précédemment introduit des demandes de protection internationale dans différents pays et plus particulièrement en Italie, le 5 juillet 2017, et en Suisse, le 18 décembre 2017.

Par arrêté du 7 mai 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », décida de placer Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport N°… du 7 mai 2021 établi par le Service de police judiciaire, section Criminalité organisée-Police des Etrangers ;

Attendu que l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point a) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne dispose d’aucun document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point b) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur ne présente pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point c) ne peut être efficacement appliquée, alors que le demandeur n’est pas en mesure de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros ;

Attendu que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues à l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) susmentionnées de la loi du 18 décembre 2015 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l’intéressé comme défini à l’article 22, (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée ;

Par conséquent la décision de placement s’avère nécessaire ;

Considérant que l’intéressé a introduit une demande de protection internationale au Luxembourg ;

Considérant qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant introduit une demande de protection internationale en Italie et une en Suisse ;

Considérant qu’une demande de prise/reprise en charge en vertu du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il est établi que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure de transfert vers le pays responsable de sa demande de protection internationale ; […] ».

Le 11 mai 2021, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat-membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III ».

Le même jour, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités suisses afin de s’enquérir si celles-ci avaient, par le passé, exécuté un quelconque transfert du requérant vers l’Italie, demande à la suite de laquelle les autorités suisses informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles avaient reçu une demande de reprise en charge de Monsieur … émise par les autorités françaises, mais qu’elles avaient refusé d’y faire droit le 22 janvier 2018.

En date du 12 mai 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes et françaises en vue de la reprise en charge de Monsieur …, tout en insistant sur l’urgence en raison du placement de celui-ci en rétention administrative.

Les 17, respectivement 25 mai 2021, les autorités italiennes et françaises refusèrent chacune de faire droit à la demande leur adressée.

Le 27 mai 2021, l’agent en charge du dossier auprès de la direction de l’Immigration s’adressa aux autorités françaises pour réclamer contre leur décision de refus de reprendre le requérant en charge en mettant en avant que, suivant les dispositions de l’article 29, paragraphe (2), du règlement Dublin III, ce serait bien la France qui serait responsable du traitement de sa demande de protection internationale.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 7 mai 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 22, paragraphe (6), de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur …, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délais de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision de placement en rétention litigieuse, Monsieur … conclut à une violation de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 en contestant l’affirmation ministérielle suivant laquelle il constituerait une menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure. Il souligne ne vouloir rien d’autre que régulariser sa situation, raison pour laquelle il aurait introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

Il conteste pareillement avoir l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure de transfert vers le pays responsable de sa demande de protection internationale.

Il estime que, dans son cas, une mesure de placement en rétention ne serait pas nécessaire et que des mesures moins coercitives pourraient lui être appliquées. Ainsi, il serait prêt à se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de celui-ci ou d’une autre autorité désignée par lui, conformément à l’article 20, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015.

Comme il n’aurait pas l’intention d’empêcher son éloignement, il n’existerait pas non plus de risque de fuite dans son chef.

Eu égard à toutes ces considérations, son placement en rétention ne serait pas justifié.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Il y a lieu de relever que suivant le dernier état des conclusions de la partie étatique, le placement en rétention de Monsieur … est fondé d’abord sur l’article 22, paragraphe (2), point d), de la loi du 18 décembre 2015, mais également sur l’article 22, paragraphe (2), point c), de la même loi, dispositions aux termes desquelles : « […] (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que : […] c) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige;

d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride et lorsqu’il existe un risque de fuite basé sur un faisceau de circonstances établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement; […] ».

Le paragraphe (3) de l’article 22, précité, dispose, quant à lui, que : « (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

On entend par mesures moins coercitives:

a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite;

l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire. […] ».

En vertu de l’article 22, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 : « La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquelles elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. […] ».

L’article 22, paragraphe (2), point c) de la loi du 18 décembre 2015 permet dès lors au ministre de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige.

Le point d) de l’article 22, paragraphe (2), de la même loi, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, permet, quant à lui, de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour la même durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement sous condition qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de cette personne, basé sur un faisceau de circonstances établissant que l’intéressé a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement.

L’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et, (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée.

L’article 22, paragraphe (4), de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Il y a encore lieu de relever que dans la mesure où les cas de figure énoncés aux points a) à e) de l’article 22, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 sont envisagés de manière alternative et non cumulative, il suffit que l’une des hypothèses y visées se trouve vérifiée en l’espèce pour que le placement en rétention du demandeur soit justifié.

En ce qui concerne le cas d’ouverture prévu à l’article 22, paragraphe (2), point c), de la loi du 18 décembre 2015, et les contestations du demandeur qu’il constituerait une menace pour l’ordre public et la sécurité intérieure, il échet de constater qu’il ressort du dossier administratif et plus particulièrement du rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée-police des étrangers, du 7 mai 2021, et qu’il n’est, par ailleurs, pas contesté, que depuis le 20 février 2020, Monsieur … est signalé par les autorités allemandes dans le système SIS et recherché par ces mêmes autorités pour avoir commis un délit contre les personnes en Allemagne et plus précisément pour y avoir attaqué sa voisine à l’aide d’une machette, tout en proférant des menaces de mort à l’encontre de celle-ci, étant relevé qu’il est précisé dans les formulaires SIS annexés au rapport de police que le demandeur serait violent. Il se dégage, par ailleurs, du rapport d’entretien avec l’agent compétent de la direction de l’Immigration que celui-ci a observé à la fin de l’entretien Dublin III que « les déclarations du concerné sont à prendre avec la réserve nécessaire et ce à cause de son état psychologique. », de même que le demandeur a lui-même indiqué lors dudit entretien que lorsqu’il était en Allemagne, il aurait entendu des voix et qu’il y aurait été interné en psychiatrie fermée pendant sept mois. Partant, au vu de ces considérations, telles que documentées dans le dossier administratif et à défaut des moindres contestations circonstanciées de la part du demandeur, c’est a priori à bon droit que le ministre a estimé que le demandeur constituait une menace pour la sécurité intérieure et l’ordre public et qu’il a, en conséquence, décidé de le placer en rétention administrative en vertu de l’article 22, paragraphe (2), point c) de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit, au regard du caractère alternatif des cas de figure énoncés aux points a) à e) de l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 et au regard de la circonstance que le ministre pouvait valablement se baser sur le point c) dudit article, que l’analyse de la légalité et du bien-fondé du recours ministériel au point d) du même article pour justifier le placement au Centre de rétention de Monsieur …, de même que celle des développements du demandeur visant à contester l’existence de tout risque de fuite dans son chef en mettant notamment en avant son souhait de régulariser sa situation au Luxembourg par le biais de l’introduction d’une demande de protection internationale, devient surabondante.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû appliquer des mesures moins coercitives, il y a lieu de relever que l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, cité ci-dessus, prévoit que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir, (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et, (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée. En ce qui concerne plus précisément les mesures moins coercitives prévues aux points a) et c) de l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où il est constant en cause que le demandeur ne dispose pas d’un document d’identité valable et qu’il ne résulte, par ailleurs, pas des éléments soumis au tribunal ni d’ailleurs des déclarations du demandeur lui-même, qu’il serait en mesure de fournir une garantie financière à hauteur de 5.000.- euros, ces mesures moins coercitives ne sont de toute façon pas envisageables en l’espèce. S’agissant enfin du point b) de l’article 22, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015, force est de retenir que dans la mesure où le demandeur, dépourvu de domicile fixe, voire d’une quelconque attache avec le Luxembourg, reste en défaut de fournir la moindre garantie de représentation effective, la mesure prévue au point b) dudit article 22, paragraphe (3), à savoir une assignation à résidence, ne saurait pas non plus être efficacement appliquée en l’espèce.

Il suit dès lors des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c), de la loi du 18 décembre 2015 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

Au vu des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juin 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 46062
Date de la décision : 02/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-02;46062 ?

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