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02/06/2021 | LUXEMBOURG | N°43869

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2021, 43869


Tribunal administratif N° 43869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2019 3e chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43869 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2019 par Monsieur …, demeurant à … (France), …,

dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 ...

Tribunal administratif N° 43869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 décembre 2019 3e chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43869 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2019 par Monsieur …, demeurant à … (France), …, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 septembre 2019 ayant rejeté sa demande de remise gracieuse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2020 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1;

Vu les courriers électroniques de Monsieur … et du délégué du gouvernement des 22 et 23 mars 2021 informant le tribunal administratif que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 24 mars 2021.

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Par courrier daté au 1er juillet 2019 et réceptionné le 9 juillet 2019, Monsieur … fit introduire une demande de remise gracieuse de l’impôt sur la fortune de l’année d’imposition 2018 concernant la société à responsabilité limitée simplifiée …, ci-après désignée par la « société … », liquidée le 31 janvier 2018.

Par décision du 3 septembre 2019, référencée sous le numéro du rôle GR 147.19, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné le « directeur » rejeta la demande de remise gracieuse de Monsieur … en les termes suivants :

« […] Vu la demande présentée le 9 juillet 2019 par le sieur …, demeurant à …, en sa qualité de gérant et au nom de la société …(dissoute), établie antérieurement à …, ayant pour objet une remise de l’impôt sur la fortune de l’année 2018 par voie gracieuse ;

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu’il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que le requérant tend à obtenir l’exonération de l’impôt sur la fortune de l’année 2018 ;

Considérant que d’après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n’est envisageable que dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que le bureau d’imposition compétent a fixé l’impôt minimum sur pied du § 8 de l’impôt sur la fortune (IF) ;

Considérant donc que sur le plan objectif de la détermination de l’impôt sur la fortune et du tarif qu’il ne saurait être question d’iniquité en ce qui est de l’impôt dû conformément aux dispositions légales (cf. Conseil d’Etat N°7948 du 31 mai 1989) et il n’appartient pas au rôle de la remise gracieuse de contrer la volonté expresse du législateur en la matière ou de servir de prétexte à un contrôle virtuel du bien-fondé de l’imposition ;

Considérant en plus, que l’égalité devant l’impôt, consacrée à l’article 101 de la Constitution, est une application particulière du principe d’égalité devant la loi formulée à l’article 10bis (1) de la Constitution, et que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée (cf. C.C.

arrêt n°52/10 du 12 février 2010) ;

Considérant que la fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les dispositions légales voulues par le législateur en octroyant des faveurs à des cas particuliers ;

Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2019, Monsieur … a introduit un recours contre la décision du directeur du 3 septembre 2019 ayant rejeté sa demande de remise gracieuse du 9 juillet 2019.

Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, tel qu’en l’espèce, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi2.

2 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1112 et les autres références y citées.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation tel qu’introduit par Monsieur ….

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours au regard de l’absence d’élection de domicile au Luxembourg, telle que prévue par l’article 57 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut par ailleurs à l’irrecevabilité du recours pour défaut de qualité à agir de Monsieur … pour le compte de la société …, laquelle aurait été mise en liquidation le 31 janvier 2018 et pour laquelle Monsieur … aurait été nommé liquidateur.

Il estime que le recours serait également irrecevable conformément à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises et modifiant certaines autres dispositions légales, suivant lequel toute action trouvant sa cause dans une activité commerciale pour laquelle serait irrecevable à défaut d’immatriculation, dans la mesure où la liquidation de la société … aurait été radiée du registre de commerce et des sociétés le 31 janvier 2018.

Le demandeur n’a pas pris position par rapport aux différents moyens d’irrecevabilité lui ainsi opposés ni par un mémoire en réplique ni oralement à l’audience publique des plaidoiries.

Concernant tout d’abord la question de l’élection de domicile, force est de constater l’article 57 de la loi du 21 juin 1999 impose à toute requête introductive d’instance déposée en matière fiscale soit par le requérant lui-même, soit par son mandataire, de contenir, « outre les indications prévues à l’article 1er », de la même loi, « une élection de domicile au Grand-Duché lorsque le requérant ou son mandataire demeurent à l’étranger », cet ajout aux exigences contenues à l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 étant, en effet, indispensable, étant donné qu’en matière fiscale, le ministère d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats qui, lui, réside nécessairement au Grand-Duché de Luxembourg, n’est pas nécessaire.

Ainsi, il incombe au requérant demeurant à l’étranger et qui ne se fait pas représenter par un avocat de la liste I, d’élire domicile au Luxembourg et de l’indiquer dans le corps de sa requête introductive d’instance3.

En l’espèce, la requête sous analyse a été introduite par Monsieur … dont il est constant en cause qu’il est résident français.

3 En ce sens notamment : Trib. adm., 9 juillet 2018, n° 40223 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu.

Il échet ensuite de constater que par courrier recommandé du 11 mars 2021, par lequel Monsieur … a été convoqué à l’audience publique du 24 mars 2021, celui-ci a encore été informé par le greffe du tribunal administratif des règles procédurales applicables devant les juridictions administratives et plus particulièrement de celles concernant l’élection de domicile au Luxembourg nécessaire lorsque le requérant demeure à l’étranger. A cela s’ajoute que par courrier électronique du 23 mars 2021, Monsieur … a été prié de se présenter à l’audience publique des plaidoiries en vue d’une éventuelle régularisation de la procédure à cet égard.

Or, malgré le fait que Monsieur … a été confronté aux règles procédurales applicables devant les juridictions administratives par le biais du greffe du tribunal administratif et a été prié de se présenter à l’audience des plaidoiries, celui-ci n’a pas transmis au tribunal une élection de domicile au Luxembourg, mais s’est limité à informer le tribunal, par courrier du 19 mars 2021, qu’il ne souhaite pas ajouter d’autres pièces à son dossier, et par courrier du 23 mars 2021, qu’il ne souhaite pas se présenter à l’audience des plaidoiries.

Le tribunal est dès lors amené à constater qu’alors même que la nécessité d’une élection de domicile au Luxembourg avait été expressément indiquée tant dans le cadre de l’indication des voies de recours figurant au verso de la décision directoriale déférée, que dans le courrier du greffe du tribunal administratif du 11 mars 2021, Monsieur …, dont il n’est pas contesté qu’il est domicilié en France, n’a pas fait d’élection de domicile au Luxembourg.

Il s’ensuit qu’à défaut d’élection de domicile par Monsieur … au Luxembourg telle que requise par l’article 57, précité, de la loi du 21 juin 1999, et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, le recours doit être déclaré irrecevable à ce titre.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation irrecevable ;

met les frais et dépens à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juin 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 43869
Date de la décision : 02/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-02;43869 ?

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