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02/06/2021 | LUXEMBOURG | N°43298

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2021, 43298


Tribunal administratif N° 43298 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2019 1re chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en matière de protection de la nature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43298 du rôle et déposée le 18 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à ...

Tribunal administratif N° 43298 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2019 1re chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, en matière de protection de la nature

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43298 du rôle et déposée le 18 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 24 avril 2019 portant refus de lui accorder une autorisation pour la démolition et la reconstruction d’un abri sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Waldbredimus (« … ») sous les numéros … et … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Krieger déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2020 pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elie Dohogne, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2021.

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Moyennant un formulaire portant la date du 5 septembre 2018, Monsieur … introduisit auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministère », une demande d’autorisation ayant pour objet le « Bau eines neuen Schuppen zum Unterstellen von Anhängern und Maschinen zum Obstbau, Größe 10 x 8 m, Der bestehende Schuppen wird abgerissen », sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de Waldbredimus, section … de …, sous les numéros … et …, sur le fondement de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 », entretemps abrogée par la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles modifiant 1° la loi modifiée du 31 mai 1999 portant institution d’un fonds pour la protection de l’environnement ; 2° la loi modifiée du 5 juin 2009 portant création de 1l’administration de la nature et des forêts ; 3° la loi modifiée du 3 août 2005 concernant le partenariat entre syndicats de communes et l’Etat et la restructuration de la démarche scientifique en matière de protection de la nature et des ressources naturelles, en abrégé « la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles », ci-

après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », entrée en vigueur le 9 septembre 2018.

Par un courrier du 3 décembre 2018, le ministre de l’Environnement s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :

« Je me réfère à votre requête réceptionnée le 5 septembre 2018 par laquelle vous sollicitez l'autorisation pour la démolition et la construction d'un hangar sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de WALDBREDIMUS: section … de … (…), sous les numéros … et ….

Afin de pouvoir statuer en la matière, je vous invite à compléter votre demande par les éléments suivants :

- une preuve que l’exploitation est opérée à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales et - un justificatif du besoin réel de la construction.

Pour autant que les éléments ci-dessus fassent partie intégrale du dossier et que votre projet soit conforme à l'article 6, paragraphe 1er de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, votre dossier devra également être complété par les documents suivants :

- un extrait de la carte topographique avec indication du lieu d'implantation du projet, - toutes les informations relatives à la conception, à l'exploitation et aux dimensions du projet à autoriser, - des plans de construction indiquant la destination spécifique de la construction comprenant :

 les plans d'implantation  des vues  des coupes longitudinales et transversales avec les dimensions  une description exacte du mode de construction et des matériaux, - un relevé exhaustif des modifications au terrain naturel, un plan de l'aménagement des alentours et des accès, - un extrait cadastral de la parcelle d'implantation datant de moins de trois mois et - un extrait du plan d'aménagement général en vigueur indiquant le classement de la parcelle. […] ».

Par un courrier entré au ministère le 11 janvier 2019, Monsieur … introduisit ce qu’il qualifia de recours gracieux à l’encontre du courrier ministériel, précité, du 3 décembre 2018, en expliquant plus particulièrement que « (…) ech sin keen Professioneleen, machen daat aus Hobby hun Land Wiesen an Besch iwer 250 Uebstbeem, an een aalen bestehenden Schapp.

(…) », tout en réitérant sa demande à se voir autoriser à construire l’abri en question.

Par décision du 24 avril 2019, référencée sous le numéro …, le ministre de 2l’Environnement, du Climat et du Développement durable, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande d’autorisation telle que réitérée le 11 janvier 2019 sur base des motifs et considérations suivants :

« En réponse à votre requête du 11 janvier 2019 par laquelle vous sollicitez l'autorisation pour la démolition et reconstruction d'un abri sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de WALDBREDIMUS: section … de … (…), sous le numéro …, …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne saurais réserver une suite favorable au dossier.

En effet, la démolition et reconstruction d'une construction en zone verte n'est, au même titre qu'une nouvelle construction en zone verte, autorisable que dans les cas limitativement prévus par l'article 6 de la prédite loi du 18 juillet 2018, à savoir des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

De plus, selon l'article 6, paragraphe 1er, alinéa 4, les activités d'exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole doivent être opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Or, votre projet ne s'inscrit pas dans l'exercice d'une activité autorisable en zone verte en vertu de l'article 6, paragraphe 1er précité.

Sachez toutefois que l'autorisation ministérielle n°… du 29 juin 2018 concernant l'autorisation ex-post pour l'agrandissement d'un hangar agricole existant est toujours valable. (…) ».

Par un courrier de son litismandataire du 21 mai 2019, Monsieur … s’adressa au ministre en faisant en substance valoir qu’il exercerait une activité d’exploitation sylvicole pour laquelle l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018 n’exigerait pas qu’elle soit exercée à titre professionnel.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2018 et inscrite sous le numéro 43298 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision, précitée, du 24 avril 2019 portant refus de lui accorder une autorisation pour la démolition et la reconstruction d’un abri sur les fonds concernés.

En vertu de l’article 68 de la loi du 18 juillet 2018 sur base de laquelle la décision déférée a été prise : « Contre les décisions prises en vertu de la présente loi un recours en annulation est ouvert devant le Tribunal administratif. », de sorte qu’un recours en annulation a valablement pu être introduit contre la décision du 24 avril 2019, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et au-delà des faits et rétroactes exposés ci-dessus, le demandeur explique qu’il serait le propriétaire des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Waldbredimus sous les numéros …, …, … et … sur lesquelles se trouverait un abri depuis au moins 50 années, construit par son grand-père.

3Il avance que cet abri servirait à la gestion durable des bois et des forêts qu’il exploiterait, ensemble avec ses enfants, depuis des générations sur au moins 5 parcelles, à savoir les parcelles portant les numéros …, …, …, …, …, …, … et …, tout en précisant que la surface approximative desdites parcelles exploitées serait de : … m² + … m² + … m² + … m² + … m², soit en total … m².

Il donne à considérer qu’il souhaiterait détruire et reconstruire l’abri existant en le tournant vers le chemin agricole, tout en précisant que l’abri projeté aurait la même dimension que celui actuellement existant et que l’unique différence par rapport à l’existant résiderait dans son orientation.

En droit, le demandeur réitère, à titre de remarque préliminaire, qu’il souhaiterait détruire l’abri existant et reconstruire au même endroit un abri à taille identique, à l’exception du fait que celui-ci serait tourné de façon à ce que l’accès vers le chemin rural serait direct. Il estime qu’un tel remplacement ne créerait, par conséquent, aucune aggravation d’un point de vue environnemental.

Il reproche ensuite au ministre une motivation erronée à la base de la décision de refus déférée, respectivement une erreur manifeste d’appréciation des faits, ainsi qu’une violation de l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

Après avoir passé en revue les activités d’exploitation autorisables en zone verte au sens de l’article 6, paragraphe 1er, alinéa 4, point 1° de la loi du 18 juillet 2018, il soutient n’exercer aucune activité agricole, horticole, maraîchère ou viticole, mais, au contraire, une activité sylvicole au sens de l’article 6, paragraphe 1er, alinéa 4, point 2° de la même loi, dans la mesure où il exploiterait ses bois et entretiendrait ses arbres fruitiers.

Il avance qu’il s’efforcerait, ensemble avec ses enfants, d’assurer la gestion durable des bois présents sur ses terres en veillant à ce que leur conservation au profit des générations futures soit garantie.

Il explique qu’il récolterait également, à des fins privées, les fruits des 250 arbres fruitiers lui appartenant, en soulignant que ses vergers profiteraient d’une « protection spéciale » et seraient considérés comme des biotopes protégés qui, sans entretien régulier, seraient détruits en quelques années.

Il ajoute que les parcelles qu’il exploiterait à des fins sylvicoles seraient souvent les seules, parmi les parcelles voisines, qui disposeraient d’arbres, tout en insistant sur le fait que l’absence d’entretien et donc « la mort » de ceux-ci serait problématique pour l’écologie de ces endroits.

Il conclut que l’abri litigieux serait nécessaire à cette exploitation et que le besoin serait réel.

Il soutient ensuite que l’article 6, paragraphe 1er, alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018, contrairement au point 1° du même article, ne subordonnerait aucunement l’autorisation d’une construction en zone verte à la condition que l’activité d’exploitation sylvicole à l’exercice de laquelle elle serait destinée soit opérée à titre principal.

Il en déduit que le ministre aurait commis une erreur :

4- soit en considérant l’activité exercée par lui comme étant une activité « d’exploitation agricole, horticole, maraichère et viticole » au sens de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 1° de la loi du 18 juillet 2018, alors qu’il s’agirait au contraire d’une activité sylvicole au sens de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 2° de la même loi, - soit en procédant à une lecture extensive et erronée de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018, en extrapolant et en subordonnant l’autorisation d’une construction ayant un lien certain et durable avec une activité d’exploitation sylvicole à la condition que cette dernière soit exercée à titre principal, ce que n’imposerait aucunement la loi.

Il en conclut que, dans tous les cas, la décision ministérielle déférée serait irrégulière et encourrait, par conséquent, l’annulation.

Dans son mémoire en réponse et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, la partie étatique donne tout d’abord à considérer que l’implantation du nouvel abri serait prévue à quelques mètres de l’abri existant sur les mêmes parcelles cadastrales référencées sous les numéros … et … se situant en zone verte.

Elle explique que des avis du préposé forestier territorialement compétent seraient intervenus les 9 novembre 2018 et 12 février 2019, tandis que ceux du chef de l’arrondissement Est de l’administration de la Nature et des Forêts auraient été émis le 13 novembre 2018 et le 20 février 2019.

Elle précise qu’elle verserait au tribunal cinq copies de plans imprimés par la commune de Waldbredimus ayant été joints au courrier du litismandataire du demandeur du 21 mai 2019 et montrant chacun une parcelle que le demandeur prétendrait exploiter. Sur chacun de ces plans serait accolé un « post-it » indiquant pour chaque parcelle le nombre d’arbres fruitiers existants, la partie étatique soulignant que le « post-it » accolé sur le dernier plan indiquerait le calcul du total de ces arbres fruitiers, à savoir 137 arbres et non 250 arbres comme l’indiquerait à tort le demandeur dans son courrier du 11 janvier 2018.

Elle met en exergue que ces plans ne constitueraient pas des extraits cadastraux permettant, entre autre, de prouver à qui appartiennent lesdites parcelles, tel que cela aurait été demandé à travers la demande d’informations complémentaires du 3 décembre 2018, tout en soulignant qu’aucun autre document demandé n’aurait été communiqué au ministre.

En droit, la partie étatique réitère tout d’abord que le demandeur n’aurait communiqué aucune des pièces demandées par le ministère à travers son courrier 3 décembre 2018.

Elle remet ensuite en question un certain nombre d’affirmations contenues dans la requête introductive d’instance.

Ainsi, elle reproche au demandeur d’avoir affirmé dans un premier temps exploiter « au moins cinq parcelles » pour indiquer dans un deuxième temps que ce seraient huit parcelles.

S’agissant de l’affirmation du demandeur que l’abri existant servirait à la « gestion durable des bois et forêts » qu’il exploiterait et que « ses terres [seraient] essentiellement constituées de bois et forêts, ainsi que de pas moins de 250 arbres fruitiers », elle relève qu’il s’agirait en l’espèce de parcelles dispersées qui seraient toutes d’une taille extrêmement réduite 5et qu’il n’y aurait qu’une seule parmi ces parcelles qui abriterait une surface entièrement boisée, à savoir la parcelle portant le numéro cadastral …. Toutes les autres parcelles n’abriteraient que des arbres isolés, la partie étatique insistant sur le fait qu’il ne pourrait dès lors s’agir de bois et de forêts, mais que l’on pourrait tout au plus parler de petits vergers.

Elle avance que le demandeur semblerait faire la distinction entre, d’une part, les parcelles sur lesquelles se trouve l’abri existant et dont il prétendrait être le propriétaire et, d’autre part, les autres parcelles qu’il prétendrait exploiter, tout en soulignant que malgré l’obligation légale et le rappel du 3 décembre 2018, celui-ci resterait en défaut d’apporter la moindre preuve aussi bien de la propriété que de l’exploitation effective de ces parcelles.

Elle conclut qu’aucun des éléments et pièces produits par le demandeur ne seraient susceptibles de prouver une quelconque activité sylvicole dans son chef, en précisant que si tout au plus l’exploitation d’un verger pouvait être considérée comme une activité agricole au sens de la loi du 18 juillet 2018 encore faudrait-il que le demandeur démontre que ladite exploitation soit effective et conforme à cette même loi.

Elle conteste ensuite l’affirmation du demandeur dans son courrier du 21 mai 2019 suivant laquelle le préposé forestier territorialement compétent lui aurait « confirmé que le changement du hangar ne constituerait pas un problème », tout en rappelant, en se prévalant de la jurisprudence des juridictions administratives, que seul le ministre serait compétent pour émettre des décisions en la matière.

Elle conteste, par ailleurs, l’affirmation du demandeur suivant laquelle il aurait « introduit un dossier en bonne et due forme en date du 11 janvier 2019 », en avançant qu’il s’agirait en réalité d’un recours gracieux auquel aucun des documents demandés dans le courrier du 3 décembre 2018 n’aurait été annexé, de sorte que sa demande d’autorisation datant du 6 septembre 2018 serait à considérer comme incomplète.

S’agissant de l’affirmation du demandeur que l’abri projeté aurait la même dimension que l’ancien, que l’unique différence résiderait dans son orientation et qu’il souhaiterait pouvoir le détruire et le reconstruire à taille identique, la partie étatique souligne que le demandeur ne pourrait ignorer que la question d’une reconstruction à l’identique d’une construction existante ne jouerait aucun rôle puisque lorsqu’il serait question d’une démolition suivie d’une reconstruction, la nouvelle construction devrait être conforme à la loi en vigueur au moment de la prise de la décision par le ministre, à savoir, en l’espèce, la loi du 18 juillet 2018. Aucun droit acquis sur la construction à démolir ne pourrait partant ni garantir qu’elle puisse être reconstruite, ni justifier que la nouvelle construction puisse être érigée dans les mêmes dimensions que celle d’avant.

Quant à l’affirmation du demandeur qu’il exercerait une activité sylvicole « avec ses enfants […] (ils) s’efforcent d’assurer la gestion durable des bois présents sur ses terres et veillent à ce que la conservation au profit des générations futures soit assurée », elle soutient, après avoir cité les termes de l’article 6, paragraphes (1) et (2) de la loi du 18 juillet 2018, que le demandeur n’exercerait aucune activité sylvicole, en réitérant que l’exploitation d’un verger, qui resterait à être prouvée, ne pourrait être qualifiée d’activité sylvicole, dans la mesure où l’article 6 exigerait au titre de cette activité la gestion durable d’une forêt ou d’un boisement.

Elle met, à cet égard, en exergue que l’article 2 du « projet de loi sur les forêts, déposé le 28 février 2018 », exclurait explicitement le verger de la qualification de forêt, ce que, selon 6elle, le demandeur reconnaîtrait lui-même en énonçant que : « ses terres sont essentiellement constituées de bois et forêts, ainsi que de pas moins de 250 arbres fruitiers ».

En se référant ensuite à la définition donnée par le dictionnaire « Larousse » qualifiant un boisement comme étant une « plantation d’arbres forestiers », elle soutient que les vergers seraient constitués d’arbres fruitiers et non pas d’arbres forestiers.

Elle donne à considérer qu’en-dessous des arbres fruitiers se trouveraient des prairies, souvent destinées au pâturage d’animaux, ce qui ne serait pas le cas d’une forêt ou d’un boisement. Par ailleurs, un verger serait constitué d’arbres espacés, alors qu’une forêt ou un boisement se caractériserait par une importante densité d’arbres. A cela s’ajouterait qu’en l’espèce, il ne s’agirait non pas d’une parcelle unique accueillant les 137 arbres fruitiers, mais d’une multitude de petites parcelles géographiquement dispersées, contenant chacune quelques arbres fruitiers.

Il ne pourrait dès lors, en l’espèce, aucunement être question de « forêt » ou de « boisement ».

Elle fait ensuite valoir que si le tribunal devait néanmoins estimer que l’entretien d’un verger serait à qualifier d’activité sylvicole au sens de la loi, l’entretien qui serait effectué en l’espèce ne serait que sporadique et ne nécessiterait aucunement les mêmes machines que l’entretien d’une forêt, de sorte à ne pas justifier la construction d’un abri et encore moins celui d’une telle taille.

Elle avance que la petite parcelle effectivement couverte de forêt et portant le numéro cadastral … ne suffirait pas à justifier le besoin réel d’un abri au sens de l’article 6, paragraphe 1er, alinéa 2 de la loi du 18 juillet 2018, tout en réitérant que le demandeur n’aurait pas donné suite à la demande d’informations complémentaires du 3 décembre 2018 à travers laquelle il lui aurait été demandé, entre autre, de prouver ledit besoin réel, le tout sous condition qu’il ait auparavant prouvé que l’activité envisagée soit conforme à l’article 6, précité, chose que Monsieur … aurait également omis de faire.

Elle soutient que s’il y avait en l’espèce une activité, celle-ci ne consisterait pas dans la gestion durable d’une forêt ou d’un boisement, alors qu’au sens de l’article 6, paragraphe 1er, alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018, une telle gestion durable ne consisterait pas en l’exploitation d’une parcelle, mais en son entretien en vue de sa conservation pour les générations futures.

Elle ajoute que si, tout au plus, l’exploitation de vergers pouvait tomber sous la qualification d’activité d’exploitation agricole, le demandeur devrait, après avoir prouvé qu’il exploite effectivement ces vergers, encore démontrer qu’il le fait à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales, ci-après désignée par « la loi du 27 juin 2016 », et de l’article 6, paragraphe 1er de la loi du 18 juillet 2018.

En l’espèce, le demandeur aurait toutefois reconnu lui-même qu’il n’exercerait « aucune des activités visées à l'article 6 (1), alinéa 4, 1° de la loi précitée », la partie étatique soulignant encore que celui-ci aurait précisé être à la retraite et avoir 70 ans, éléments qui excluraient toute possibilité d’être considéré comme exerçant à titre principal une activité agricole.

7 Après avoir cité les dispositions de l’article 2, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2016, elle donne finalement à considérer que le demandeur ne remplirait pas non plus de nombreux autres critères imposés par cette loi, de sorte que son activité ne pourrait être considérée comme étant exercée à titre principal.

Ce serait dès lors à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande du demandeur dans la mesure où celui-ci n’exercerait ni une activité sylvicole tout court, ni une activité agricole à titre principal.

Dans sa réplique, le demandeur conteste tout d’abord l’allégation de la partie étatique suivant laquelle sa demande d’autorisation du 6 septembre 2018 aurait été incomplète.

Il donne, à cet égard, à considérer qu’il ne serait pas contesté que le dossier de demande aurait été déposé sous l’égide de la loi, précitée, du 19 janvier 2004, dans la mesure où la loi du 18 juillet 2018, publiée au Mémorial en date du 5 septembre 2018, serait entrée en vigueur seulement le 9 septembre 2018. Ce serait donc par rapport à la loi du 19 janvier 2004 qu’il conviendrait de déterminer si la demande était complète ou non.

Il relève, dans ce contexte, que la loi du 19 janvier 2004 ne contiendrait pas d’équivalent à l’article 59 de la loi du 18 juillet 2018 sur lequel se fonderait manifestement le ministre, de sorte que la demande d’autorisation serait à considérer comme ayant été complète au regard de la loi en vigueur au moment du dépôt de celle-ci.

Il avance ensuite que les documents sollicités par le ministère ne seraient pas pertinents et qu’ils seraient, par ailleurs, en sa possession, respectivement lui seraient facilement accessibles.

Il serait, de surcroît, étonnant que le ministre ferait référence au caractère prétendument incomplet de son dossier de demande dans son mémoire en réponse, alors que la décision de refus déférée ne serait pas basée sur une soi-disant demande incomplète, le demandeur ajoutant que si la demande avait été incomplète, le ministre n’aurait pas pris de décision.

A titre superfétatoire, le demandeur met en exergue que suivant le formulaire de demande, le dossier devrait, pour être complet, contenir un certain nombre de documents, à savoir le formulaire de demande, un plan cadastral avec indication de l’emplacement du projet, une carte topographique, des plans de construction et, en cas de remblai, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, des profils en long et en travers.

Il ressortirait du dossier administratif que la demande d’autorisation litigieuse aurait bien contenu tous ces éléments, de sorte que, contrairement à ce qu’affirmerait le ministre, sa demande d’autorisation aurait été complète.

Il fait ensuite valoir que si le dossier avait effectivement été incomplet, le ministre aurait alors violé son obligation de collaboration, telle que consacrée à l’article 3 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce que, même à supposer qu’une carte topographique aurait, par exemple, été manquante au dossier, il aurait aisément été en mesure d’en obtenir une via ses services.

8S’agissant de la question de la qualification de l’activité exercée par lui, il met en avant que si celle-ci n’était pas définie dans la loi, il serait courant que par la notion d’exploitation agricole serait visée une activité relative à la culture de la terre ou à la production d’animaux.

Or, en l’espèce, il ne cultiverait pas la terre et ne ferait pas de production animale, de sorte que le ministre, en persistant dans un raisonnement erroné, ferait application de règles qui ne seraient, selon lui, pas pertinentes en l’espèce.

Le demandeur soutient ensuite qu’il exploiterait ses bois et entretiendrait ses arbres fruitiers, en avançant que la catégorie visée dans la loi qui se rapprocherait le plus de son activité serait l’activité sylvicole visée à l’article 6, paragraphe (1), alinéa 2 de la loi du 18 juillet 2018.

Il réitère que ses enfants et lui s’efforceraient d’assurer la gestion durable des bois présents sur ses terres en veillant à ce que leur conservation au profit des générations futures soit assurée.

Il explique qu’ils récolteraient également, à des fins privées, les fruits des 250 arbres fruitiers, en soulignant que sans un entretien régulier de ces arbres, le biotope se détruirait en quelques années. L’affirmation de la partie étatique que ces arbres ne demanderaient que peu d’entretien serait donc erronée.

Il conclut que l’abri litigieux serait dès lors nécessaire à son activité et que son besoin serait réel, ce qui serait encore confirmé, tel que l’aurait affirmé la partie étatique, par le fait que ses parcelles seraient « dispersées » rendant ledit abri d’autant plus nécessaire.

Il s’ensuivrait que le ministre aurait commis une erreur soit en classant mal son activité d’exploitation qui en l’espèce serait une activité sylvicole au sens de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018, soit en subordonnant l’autorisation de la construction projetée ayant un lien certain et durable avec une activité d’exploitation sylvicole au fait que cette dernière soit exercée à titre principal, ce qui ne serait pas imposé par la loi.

Dans sa duplique, la partie étatique fait valoir, en ce qui concerne la question du caractère complet, respectivement incomplet du dossier de la demande, que si elle ne contestait pas que la demande avait été introduite trois jours avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, il n’en resterait pas moins que le ministre devrait prendre sa décision en se basant sur la législation en vigueur au jour de la prise de sa décision, soit, en l’espèce, la loi du 18 juillet 2018. Afin de lui permettre de ce faire, le ministre aurait dès lors besoin de connaître tous les éléments décisifs requis par la nouvelle loi, de sorte qu’il aurait été en droit de demander des documents supplémentaires, la partie étatique insistant encore sur le fait qu’il n’y aurait aucun intérêt pour le demandeur de refuser de les lui communiquer.

Elle souligne que le demandeur n’aurait donné aucune suite à sa demande réitérée de lui soumettre tous les extraits cadastraux des parcelles dont il soutient qu’il s’agirait de forêts, en soulignant qu’il n’en aurait fourni que deux et ce seulement à l’appui de son mémoire en réplique.

Elle explique, à cet égard, que des recherches effectuées par les services du ministre auraient permis de constater qu’aucune des parcelles appartenant à Monsieur … ne pourrait être 9qualifiée de forêt, ce qui, selon elle, permettrait d’expliquer pourquoi le demandeur aurait refusé de communiquer au ministère des extraits cadastraux.

Il en serait de même pour ce qui est des autres documents demandés, la partie étatique insistant sur le fait que la fourniture des documents demandés constituerait la seule possibilité pour le demandeur d’établir qu’il est en droit de se voir attribuer l’autorisation pour l’abri projeté, mais qu’à défaut de preuve de l’exercice d’une activité agricole à titre principal et du caractère indispensable de la construction, le ministre ne pourrait accorder l’autorisation sollicitée.

Elle conclut que le refus ministériel ne serait pas basé sur l’absence de documents per se, mais sur l’absence de preuve d’une activité d’exploitation agricole exercée par le demandeur à titre principal et du caractère indispensable de la construction projetée pour l’exercice de cette activité.

Quant au reproche que les documents sollicités ne seraient pas pertinents, elle réitère que la communication des documents demandés constituerait la seule possibilité pour le demandeur d’établir qu’il est en droit d’obtenir l’autorisation sollicitée, de sorte qu’il serait malvenu d’invoquer que le ministre ne serait pas en droit de les demander.

Elle réitère que l’exploitation d’un verger, même à la supposer établie, ne pourrait tomber sous la qualification d’une activité sylvicole au sens de la loi, mais pourrait tout au plus être qualifiée d’activité agricole. Or, une activité agricole devrait être exercée à titre principal au sens de la loi du 27 juin 2016 afin de permettre au demandeur de se voir attribuer l’autorisation pour ériger une construction en zone verte, de sorte que ce serait à bon droit que le ministre a sollicité une preuve en ce sens.

Il en serait de même pour ce qui est de la demande du ministre de lui communiquer un justificatif du besoin réel de la construction dans la mesure où l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 exigerait que la construction soit indispensable à l’activité exercée.

Elle avance qu’à défaut d’avoir fourni au ministre tous les documents demandés, le refus d’accorder au demandeur l’autorisation sollicitée serait justifié.

Quant au prétendu manque de collaboration de l’administration, elle soutient que le demandeur resterait en défaut d’expliquer en quoi la demande de documents supplémentaires constituerait un manquement à l’obligation de collaboration incombant à l’Etat.

Elle réitère ensuite que le demandeur resterait en défaut d’apporter la moindre preuve d’une exploitation réelle des vergers, en soulignant que celui-ci serait obligé d’apporter la preuve non seulement de l’exercice effectif d’une activité d’exploitation sylvicole, mais également du besoin réel de l’abri en relation avec cette activité.

Elle souligne que sur les plans versés en cause, le demandeur ne ferait état que de 137 arbres fruitiers, sans pour autant fournir aucune preuve ni de l’exploitation, ni de l’entretien de ces arbres. Le demandeur resterait, par ailleurs, en défaut d’expliquer à quoi servirait concrètement l’abri projeté, ni ne ferait-il état de la moindre machine qu’il voudrait y entreposer.

10Elle soutient finalement que même à supposer l’entretien de ces arbres fruitiers établi, il s’agirait là d’une activité agricole sporadique ne nécessitant aucun abri et encore moins un abri d’une telle taille.

Elle conclut que ce serait dès lors à bon droit que le ministre a refusé d’accorder l’autorisation sollicitée.

Il est constant en cause que par le biais d’un formulaire introduit au ministère le 6 septembre 2018, Monsieur … a demandé, sur le fondement de la loi du 19 janvier 2004, une autorisation ayant pour objet le « Bau eines neuen Schuppen zum Unterstellen von Anhängern und Maschinen zum Obstbau, Größe 10 x 8 m, Der bestehende Schuppen wird abgerissen », sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de Waldbredimus, section … de …, sous les numéros … et …, dont il n’est pas contesté qu’ils se trouvaient classés en zone verte au sens de l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018 au moment de la prise de la décision déférée.

S’agissant dans ce contexte tout d’abord des contestations tenant à la question du caractère complet, respectivement incomplet de la demande d’autorisation introduite par Monsieur …, il échet de relever que le ministre, lorsqu’il prend une décision, doit se baser en ce qui concerne tant les documents à fournir à l’appui d’une demande que les conditions légales à remplir sur la législation en vigueur au jour de la prise de sa décision, soit, en l’espèce, la loi du 18 juillet 2018 qui est, tel que relevé ci-avant, entrée en vigueur le 9 septembre 2018 et qui a abrogé la loi du 19 janvier 2004, et ce indépendamment de la loi en vigueur au moment du dépôt de ladite demande.

C’est d’ailleurs dans cet ordre d’idées, qu’avant de prendre une décision sur le fondement de la loi du 18 juillet 2018, le ministre s’est adressé au demandeur par courrier du 3 décembre 2018 afin de lui demander de communiquer un certain nombre d’éléments devant lui permettre de statuer sur la demande introduite seulement quelques jours avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi.

Il s’ensuit que l’argumentation du demandeur suivant laquelle il y aurait lieu de se référer à la loi du 19 janvier 2004 pour déterminer si sa demande d’autorisation était complète ou non est d’ores et déjà à rejeter.

Si le demandeur fait encore valoir que le ministre n’aurait pas pu prendre de décision s’il avait estimé que le dossier était incomplet, respectivement reproche au ministre un non-

respect de son obligation de collaboration au sens de l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pour avoir omis de se procurer lui-même les éventuels documents manquants, le tribunal rejoint la partie étatique dans son constat suivant lequel le refus ministériel n’est pas motivé par l’absence matérielle per se de documents sous-tendant la demande d’autorisation et donc sur base du soi-disant caractère incomplet de ladite demande, mais sur la considération, telle que développée plus amplement par le délégué du gouvernement en cours de procédure contentieuse, que le demandeur, en étant resté en défaut de fournir les documents sollicités, aurait manqué de prouver que son projet s’inscrit dans l’une des activités autorisables en zone verte en vertu de l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018, motivation dont le bien-

fondé sera examiné ci-après.

11Il s’ensuit que ces moyens en ce qu’ils sont fondés sur la prémisse erronée que l’autorisation sollicitée aurait été refusée à cause du caractère incomplet du dossier de demande d’autorisation sont à rejeter pour ne pas être fondés.

Il y a ensuite lieu de relever que la loi du 18 juillet 2018 poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « 1° la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ; 2° la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, 3° la protection et la restauration des biotopes, des espèces et de leurs habitats, ainsi que des écosystèmes, 4° le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques ; 5° la protection des ressources naturelles contre toutes dégradations, 6° le maintien et la restauration des services écosystémiques ; et 7° l’amélioration des structures de l’environnement naturel. ».

Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur, à travers l’article 6, paragraphe (1), de ladite loi, a limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte, ledit article étant, en effet, libellé comme suit : « (1) Sont conformes à l'affectation de la zone verte, des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

Seules sont autorisables les constructions indispensables à ces activités d'exploitation, Il appartient au requérant d'une autorisation de démontrer le besoin réel de la nouvelle construction en zone verte.

Ne comptent pas comme activités d'exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location ou le prêt à usage de bâtiments, étables ou machines à des tiers.

Les activités d’exploitation visées à l’alinéa 1er et les constructions autorisables doivent répondre aux critères suivants :

1° Les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole sont opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Ne sont pas autorisables les installations et constructions en rapport avec la vente par les horticulteurs et pépiniéristes de produits accessoires de leur activité ou de produits végétaux qui ne sont pas issus de leur exploitation.

Ne constituent pas une activité d’exploitation agricole l’élevage ou la garde d’animaux domestiques de compagnie.

2° Par activités d’exploitation sylvicole, on entend les activités comportant les travaux et pratiques par lesquels est assurée la gestion durable d’une forêt ou d’un boisement dans un objectif soit de production de bois, soit de conservation au profit des générations futures, soit écologique.

Ne comptent pas comme activité sylvicole, les activités de transformation de bois en tant que matière première énergétique ou de construction.

12Seules des constructions sylvicoles en rapport direct avec la forêt exploitée sont autorisables. Ne sont pas autorisables les dépôts et ateliers servant à l’entreposage de machines, d’outils et de matériels des entreprises exerçant leurs activités principalement sur des terrains appartenant à des tiers. […] ».

L’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 limite ainsi la possibilité d’ériger une construction en zone verte aux seules constructions « ayant un lien certain et durable avec des activités d’exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel » et étant « indispensables à ces activités d’exploitation », tout en imposant encore à travers son paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, que les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole soient exercées à titre principal au sens de la loi du 27 juin 2016, précitée.

Il découle du libellé même de l’article 6, paragraphe (1), précité, que dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel.

Or, le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues. Ainsi, une construction ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance à l’une des activités limitativement énumérées à l’article 6, paragraphe (1), précité.

Il en est de même en cas de démolition intégrale d’une construction située en zone verte suivie d’une reconstruction, tel que cela est le cas en l’espèce, les travaux de reconstruction devant en effet s’analyser comme la mise en œuvre d’une nouvelle construction tombant sous l’interdiction de construction prévue à l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018.

Il s’ensuit que l’argumentation du demandeur suivant laquelle l’abri projeté serait reconstruit au « même endroit » que l’ancien avec des « dimensions identiques » et que ce ne serait que l’orientation qui changerait est d’ores et déjà rejetée pour ne pas être pertinente en l’espèce.

Le tribunal constate ensuite que l’autorisation sollicitée a été refusée au motif qu’il ne serait pas établi (i) que le demandeur exerce l’une des activités d’exploitation limitativement énumérées à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 pour les besoins de l’exercice de laquelle la construction litigieuse serait indispensable et (ii) que l’activité exercée par lui, qui, selon les explications du délégué du gouvernement, pourrait tout au plus être considérée comme étant de nature agricole, remplit le critère fixé à l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, de la loi du 18 juillet 2018, à savoir d’être opérée à titre principal.

Au vu de ce constat, c’est donc tout d’abord à tort que le demandeur reproche au ministre d’avoir soumis l’exercice d’une activité sylvicole à la condition que celle-ci devrait être exercée à titre principal au sens de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, de la loi du 18 juillet 2018, cette condition n’étant à remplir, tel que l’a confirmé le délégué du gouvernement au cours de la procédure contentieuse, que dans la mesure où l’exercice d’une activité agricole pourrait être retenue en l’espèce.

13Ensuite, étant donné que le demandeur soutient principalement que son activité serait à qualifier d’activité d’exploitation sylvicole au sens de la loi du 18 juillet 2018 et eu égard aux contestations de la partie étatique par rapport à cette qualification, il appartient au tribunal de déterminer en premier lieu la nature de l’activité exercée par le demandeur et pour les besoins de laquelle il déclare avoir besoin de l’abri litigieux.

Le tribunal relève, à cet égard, qu’il incombe au demandeur, sur lequel repose la charge de la preuve, de démontrer non seulement qu’il exerce une activité d’exploitation sylvicole au sens de l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 2° de la loi du 18 juillet 2018, qui doit s’entendre comme une exploitation rationnelle des arbres forestiers notamment au regard de leur conservation, de leur entretien, de leur régénération, voire de leur reboisement1, mais également que la construction de l’abri litigieux est indispensable à l’exploitation de cette activité et qu’elle est en rapport direct avec la forêt exploitée conformément au point 2°, alinéa 3 de cet même article 6.

Or, force est de constater qu’aucun des éléments soumis au ministre ne permet de retenir que les conditions ci-dessus seraient remplies en l’espèce.

En effet, indépendamment de la question de la propriété des parcelles que le demandeur se dit exploiter, à savoir les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Waldbredimus sous les numéros …, …, …, …, …, …, … et …, force est de constater que celui-ci reste en défaut de prouver concrètement l’exercice d’une quelconque activité d’exploitation sur lesdites parcelles que ce soit à des fins sylvicoles ou autres, étant relevé que ni les extraits cadastraux ni les photographies versés en cause ne permettent de rapporter une telle preuve.

Par ailleurs, si dans le cadre du recours sous analyse le demandeur plaide qu’il exercerait une activité sylvicole, force est de constater que dans le formulaire de demande d’autorisation introduit le 5 septembre 2018, il mentionne, à titre d’objet de la demande, que l’abri projeté servirait « […] zum Unterstellen von Anhängern und Maschinen zum Obstbau », donc à l’exercice d’une activité n’ayant pas de lien avec la gestion durable d’une forêt ou d’un boisement au sens de l’article 6, paragraphe (1), point 2° de la loi du 18 juillet 2018, étant, en effet, relevé qu’une activité sylvicole se rapporte nécessairement à l’exploitation rationnelle d’arbres forestiers et non pas à l’exploitation de vergers qui, suivant le dictionnaire « Larousse »2, sont définis comme étant des parcelles plantées d’arbres fruitiers.

Le tribunal relève ensuite, quant à l’affirmation du demandeur que l’abri litigieux servirait à l’exploitation et à l’entretien de ses terres qui seraient « essentiellement constituées de bois et forêts, ainsi que de pas moins de 250 arbres fruitiers », qu’outre le fait que cette affirmation reste à l’état de pure allégation, elle est, par ailleurs, contredite par les explications étatiques non énervées et d’ailleurs confirmées par les plans joints au courrier du litismandataire du demandeur du 21 mai 2019 dont il se dégage qu’en l’espèce, mise à part la parcelle portant le numéro cadastral … qui abrite de manière incontestée une surface entièrement boisée, les autres parcelles invoquées, outre d’être dispersées, n’abritent chacune que des arbres isolés, de sorte qu’il ne saurait être question sur ces parcelles de l’exploitation d’une forêt au sens de l’article 6, paragraphe (1), point 2°, de la loi du 18 juillet 2018.

1 Trav. parl. Projet de loi n°7048, page 56.

2 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/verger/81511.

14En ce qui concerne ensuite plus particulièrement la parcelle portant le numéro cadastral …, même en admettant qu’il s’agisse d’un boisement, force est de constater que le demandeur est resté en défaut d’établir qu’elle est exploitée pour en assurer la gestion durable au sens de l’article 6, paragraphe (1), point 2° de la loi du 18 juillet 2018, c’est-à-dire dans un objectif soit de production de bois, soit de conservation au profit des générations futures, soit écologique, et que même si tel était le cas, il n’est pas établi que la construction de l’abri litigieux est en rapport direct avec l’exploitation de ce boisement au sens de l’article 6, paragraphe (1), point 2°, alinéa 3 de la loi du 18 juillet 2018 qui dispose que « seules des constructions sylvicoles en rapport direct avec la forêt exploitée sont autorisables », étant, à cet égard, rappelé que le demandeur a lui-même indiqué dans le formulaire de demande d’autorisation que l’abri litigieux servirait à abriter des remorques et des machines utilisées à des fins d’arboriculture fruitière (« […] zum Unterstellen von Anhängern und Maschinen zum Obstbau »).

Par conséquent, et à défaut pour le demandeur d’avoir soumis au ministre un quelconque élément permettant de retenir que l’abri litigieux sert, tel qu’il le prétend, à l’exploitation d’une activité sylvicole au sens de l’article 6, paragraphe (1), point 2 de la loi du 18 juillet 2018, la décision déférée refusant d’accorder au demandeur l’autorisation sollicitée n’est, de ce point de vue, pas sujet à critique.

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si, à défaut de pouvoir être qualifiée d’activité sylvicole, l’activité exercée par le demandeur est éventuellement susceptible d’être qualifiée d’activité d’exploitation agricole au sens de l’article 6, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018 impliquant que la construction litigieuse puisse le cas échéant être autorisable en zone verte à ce titre, - encore que le demandeur conteste en l’espèce que l’exploitation, respectivement l’entretien de ses arbres fruitiers puissent tomber sous cette qualification -, il échet tout d’abord au tribunal de constater qu’en posant à travers l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, de la loi du 18 juillet 2018, la condition que les activités agricoles, horticoles, maraîchères et viticoles compatibles avec la zone verte soient opérées à titre principal au sens de la loi du 27 juin 2016, l’intention du législateur a nécessairement été celle de limiter ces activités d’exploitation exercées en zone verte à celles opérées de manière pérenne, impliquant notamment qu’un revenu puisse en être tiré, l’article 2, paragraphes (3), (4), (7), (8) et (9) de la loi du 27 juin 2016 disposant, en effet, comme suit : « […] (3) Sont considérés comme exploitants agricoles à titre principal, les exploitants agricoles :

1. qui gèrent une exploitation agricole dont la dimension économique est susceptible d’en assurer la viabilité économique ;

2. dont la part du temps de travail consacré aux activités extérieures à l’exploitation agricole est inférieure à la moitié du temps de travail total de l’exploitant, tout en ne dépassant pas 20 heures par semaine ;

3. qui ne sont pas bénéficiaires d’une pension de vieillesse ; et 4. qui n’ont pas atteint l’âge de soixante-cinq ans. […] ».

Il y a ensuite lieu de retenir qu’au regard des termes employés dans le formulaire de demande d’autorisation (« Bau eines neuen Schuppen zum Unterstellen von Anhängern und Maschinen zum Obstbau […] »), le demandeur y ayant fait référence à la culture de fruits, aucun reproche ne saurait être fait au ministre pour avoir examiné si l’activité en relation avec laquelle le demandeur a sollicité la mise en place d’un nouvel abri pouvait le cas échéant être qualifiée « d’activité d’exploitation agricole » opérée à titre principal au sens de l’article 2 de la loi du 27 juin 2016.

15Tel que relevé ci-avant, il se dégage du dossier administratif qu’après que le demandeur ait introduit le 5 septembre 2018 auprès du département de l’Environnement le formulaire de demande d’autorisation, le ministre s’est adressé à lui par courrier du 3 décembre 2018 afin de lui demander de compléter avant tout autre progrès en cause sa demande en fournissant notamment la preuve que son exploitation était opérée à titre principal au sens de la loi du 27 juin 2016 et en produisant un justificatif du besoin réel de la construction projetée par rapport à une telle exploitation. Il a, par ailleurs, été clairement précisé dans ce courrier que ce ne serait qu’une fois que ces deux éléments de preuve étaient rapportés et à condition que son projet puisse être considéré comme étant conforme à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, que le dossier de demande serait encore à compléter par la transmission d’un certain nombre de documents y énumérés.

Dans la mesure où il se dégage également du dossier administratif que le demandeur a affirmé lui-même n’exploiter ses terres qu’à titre de « hobby », sans chercher à en retirer un revenu, et eu égard à la considération qu’il n’est pas non plus contesté qu’il a plus de 70 ans, étant, à cet égard, relevé que suivant l’article 2 de la loi du 27 juin 2016, seuls les exploitants agricoles n’ayant pas atteint l’âge de soixante-cinq ans peuvent être considérés comme exploitants agricoles à titre principal, c’est encore à juste titre que le ministre a considéré que son activité ne saurait pas non plus être qualifiée d’activité d’exploitation agricole exercée à titre principal au sens l’article 6, paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, de la loi du 18 juillet 2018.

Au vu de ces considérations et eu égard aux éléments soumis au ministre, aucun reproche ne saurait être fait à celui-ci pour avoir considéré qu’il n’était pas établi que le projet du demandeur s’inscrit dans l’exercice de l’une des activités autorisables en zone verte, telles que limitativement énumérées à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande d’autorisation en vue de la mise en place d’un abri sur les fonds litigieux, conclusion qui s’impose indépendamment de la question de l’impact de l’ouvrage sur le paysage et l’environnement en général, l’examen de l’impact environnemental éventuel d’un projet, opéré sur base de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, notamment par rapport aux objectifs inscrits à l’article 1er de la même loi, n’intervenant, en effet, qu’après la vérification de la conformité du projet à l’affectation autorisable en zone verte.

Le recours en annulation est dès lors rejeté pour être non fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros telle que formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter pour ne pas être fondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision du ministre du 24 avril 2019 ;

dit le recours non fondé, partant en déboute ;

16 rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

met les frais et dépens de l’instance à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juin 2021 par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43298
Date de la décision : 02/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-02;43298 ?

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