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02/06/2021 | LUXEMBOURG | N°42406

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juin 2021, 42406


Tribunal administratif N° 42406 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2019 3e chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42406 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2019 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à

la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des C...

Tribunal administratif N° 42406 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2019 3e chambre Audience publique du 2 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42406 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2019 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 décembre 2018, répertoriée sous le numéro …, ayant rejeté la réclamation lui adressée en date du 30 avril 2018, ainsi que du bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 20 avril 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 mai 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mai 2019 par Maître Henri FRANK au nom et pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 juin 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 octobre 2020.

En date du 20 avril 2018, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Monsieur …, en sa qualité de gérant de la société à responsabilité …, dénommée ci-après la « société … », déclarée en faillite, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de … euros, en principal et intérêts au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être retenu et continué à l’administration des Contributions directes par la société … pour les années d’imposition 2007 à 2009.

Ledit bulletin est libellé comme suit :

« […] Il est dû à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société…. ayant son siège à …, immatriculée sous le numéro fiscal … et enregistrée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro … à titre de l’impôt sur les traitements et salaires :

Année Principal Intérêts Total 2007 … € … € … € 2008 … € … € … € 2009 … € … € … € TOTAL … € … € … € Il résulte de la publication au Mémorial Numéro … du … que vous avez été nommé administrateur de la société… En cette qualité vous avez eu le pouvoir d’engager la société sous votre seule signature depuis le 13.03.2007.

En votre qualité d’administrateur vous étiez en charge de la gestion de la société….

Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et § 103 AO, vous étiez personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société… dont notamment le paiement des impôts dus par la société…. à l’aide des fonds administrés.

En vertu de l’article 136 alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu de retenir l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, l’employeur est tenu à déclarer et à verser l’impôt retenu à l’Administration des contributions directes.

En vertu de l’article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions, l’employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.

Dans le cas d’une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers.

En votre qualité de représentant de la société … il vous appartenait de déclarer et de verser/de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d’impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.

Or pour les années 2007 à 2009 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur.

L’omission de retenir, de déclarer et de payer les sommes dues à titre de retenue d’impôt est à qualifier d’inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société ….

L'omission de payer sur les fonds disponibles de la société … les retenues échues avant votre entrée en fonction est à qualifier d’inexécution de vos obligations.

Suite à l’inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l’Administration des contributions directes n’a pas perçu les retenues d’impôt d’un montant de … €.

Ce montant de …€ se compose comme suit :

Année Principal Intérêts Total 2007 … € … € … € 2008 … € … € … € 2009 … € … € … € TOTAL … € … € … € Considérant qu’en vertu du § 103 AO vous êtes tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société ….

Considérant que l’inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.

Considérant que l’inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d’impôt sur les traitements et salaires d’un montant de … €.

Considérant que dans la mesure où, par l’inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l’impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 AO.

Considérant que le § 118 AO m’autorise à engager votre responsabilité.

Considérant le fait qu’en votre qualité de représentant vous êtes chargé de la gestion de la société … j’engage votre responsabilité, l’appel en garantie s’élève au montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.

Par conséquent, vous êtes invité à payer sans délai le montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, […] Un bulletin d’appel en garantie a aussi été adressé au codébiteur solidaire suivant :

Monsieur … ».

Par courrier de son litismandataire du 30 avril 2018, entré à la direction de l’administration des Contributions directes le 3 mai 2018, Monsieur … fit introduire une réclamation contre le bulletin d’appel en garantie précité du 20 avril 2018 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par décision du 21 décembre 2018, envoyée par lettre recommandée le même jour, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta la réclamation introduite par Monsieur … dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 3 mai 2018 par Me Henri Frank, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d’imposition … en date du 20 avril 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2007, 2008 et 2009 au motif qu’il aurait en sa qualité de représentant légal de la société à responsabilité limitée …, en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les salaires, et dont la société était (et est toujours) redevable ;

En ce qui concerne la prescription de l’impôt Considérant qu’en vertu de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, tel que modifié par la suite, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans ; que l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi du 22 décembre 1951 dispose que « Les délais de prescription pour l’établissement et le recouvrement des sommes, en principal, intérêts et amendes fiscales, dues au titre des impôts à l’alinéa 2 de l’article 1er de la présente loi ainsi que des impôts extraordinaires sur les bénéfices de guerre et sur le capital sont interrompus, soit de la manière et dans les conditions prévues par les articles 2244 et suivants du Code civil soit par renonciation du contribuable au temps déjà couru de la prescription » ; que l’alinéa 2 du même article dispose qu’ « En cas d’interruption, une nouvelle prescription, susceptible d’être interrompue de la même manière, commence à courir et s’accomplit à la fin de la quatrième année suivant celle du dernier acte interruptif de la précédente prescription, sans que le délai global de prescription puisse être inférieur à dix ans en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse » ; que le commandement (article 2244 c. civ.) est un moyen utilisé par le receveur pour interrompre la prescription et qu’il est fait en vertu d’un titre exécutoire appelé la « contrainte » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction du dossier de la société que depuis l’année d’imposition 2007, le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir n’aient été continués entièrement au receveur ; qu’en l’espèce, vu l’ensemble des constatations qui précèdent, la prescription des impôts sur les traitements et salaires des années 2007, 2008 et 2009 a été interrompue à chaque fois par l’émission d’une telle contrainte avec commandement, de sorte que le grief afférent à la prescription des impôts est à rejeter comme non fondé ;

En ce qui concerne le bulletin d’appel en garantie Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d’une personne morale est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;

Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l’inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ;

Considérant qu’il s’avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu’en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre un autre, quod non en l’espèce, étant donné qu’un autre bulletin d’appel en garantie a été émis à l’égard du sieur … ;

Considérant, matériellement, qu’en vertu de l’article 136, alinéa 4 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l’administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu’il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;

Considérant que sous l’empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBl.

1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 ll 493 ; cf Becker-RiewaId-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs.

3); que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;

Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;

Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu’il n’accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d’avant son entrée en fonction, à l’aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l’emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu’elle s’est présentée durant les années antérieures ;

Considérant dans ce contexte, et notamment d’après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ;

Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;

Considérant encore qu’en ce qui concerne la notion de l’inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :

1) « Dans la mesure où il n’est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n’ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n’ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d’imposition à procéder par la voie de la taxation d’office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d’avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d’imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l’appelant, étant donné qu’en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu’il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d’impôt et que l’omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.

(…) Or, le fait pour l’appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d’impôt soient déposées en temps utile auprès de l’administration des Contributions directes, est à qualifier d’inexécution fautive des obligations du représentant d’une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l’égard des créances d’impôt visées dans le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l’argumentation de l’appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu’il est resté trop longtemps inactif et qu’il semblerait, d’après les éléments du dossier, qu’il n’est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :

2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d’une société à l’obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l’obligation des représentants d’une société de veiller au paiement des impôts dus (…).

La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.

En premier lieu, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû.

(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d’imposition est aux antipodes de l’attitude que l’on peut attendre d’une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d’administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.

(…) (…), il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d’imposition et qu’il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C) ;

Considérant qu’il découle de ce qui précède que c’est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des arriérés de la société à responsabilité limitée …, en faillite, au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2007, 2008, et 2009, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

En date du 25 janvier 2019, le litismandataire du demandeur adressa un courrier au directeur, demandant communication du dossier fiscal.

Par décision du 5 février 2019, le directeur refusa la communication du dossier fiscal sur base de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte, ci-après désignée « la loi du 14 septembre 2018 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 21 décembre 2018, ayant rejeté la réclamation lui adressée en date du 30 avril 2018, ainsi que du bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 20 avril 2018.

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition en date du 20 avril 2018.

Le litismandataire du demandeur n’a pas pris position quant à cette question pour ne pas avoir été présent ni représenté à l’audience publique du 14 octobre 2020.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, a conclu à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître de ce volet du recours.

En vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe (3) point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre le bulletin1.

Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation du demandeur par une décision du 21 décembre 2018, il y a lieu de conclure à l’irrecevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’appel en garantie du 20 avril 2018.

Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 21 décembre 2018, il y a lieu de rappeler que conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 paragraphe (3) point 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit 1 Trib. adm., 6 janvier 1999, n°10357 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1128 et les autres références y citées.

contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et à titre liminaire, le demandeur se prévaut de la « nullité » de la procédure engagée à son égard, pour violation de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH », violation de ses droits de défense, ainsi que pour violation de l’article 1er, alinéa 3 de loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, alors que le directeur aurait, suite à sa demande du 25 janvier 2019, refusé de lui communiquer le dossier fiscal et ce en dépit des dispositions de la loi du 14 septembre 2018. Ainsi il n’aurait pas été en mesure d’instruire utilement le dossier et d’analyser les pièces « à charge » en possession de l’administration des Contributions directes et ainsi vérifier si les indications contenues dans la décision directoriale litigieuse du 21 décembre 2018 correspondaient effectivement à la réalité, de sorte qu’il aurait été contraint de déposer un recours contentieux sans pour autant disposer la moindre pièce à l’appui.

Partant, le demandeur sollicite l’annulation de la décision directoriale litigieuse.

Ensuite, Monsieur … rappelle, les faits et rétroactes à la base du présent litige, en expliquant qu’il ne se serait à aucun moment occupé de la gérance de la société …, qu’il n’aurait pas payé les salariés de cette même société et qu’il n’aurait pas été en charge du paiement des impôts. Il aurait participé dans cette société dans le seul but de soutenir financièrement son père, Monsieur …, dans le cadre de la constitution de ladite société. Même s’il figurait comme gérant dans les statuts de la société …, il n’aurait néanmoins jamais géré ladite société.

En droit, il soulève, tout d’abord, la prescription quinquennale de la créance du fisc en ce qui concerne les années 2007 à 2009, le demandeur estimant que ladite créance serait prescrite depuis l’année 2014. Il indique encore qu’il n’aurait jamais réceptionné une quelconque contrainte ou autre pièce qui aurait pu interrompre le délai de prescription, le demandeur rappelant que seul un « acte » émis à son encontre et lui communiqué, aurait valablement pu interrompre le délai de prescription quinquennal. Or, faute pour l’administration des Contributions directes de prouver qu’un tel acte interruptif lui aurait été communiqué, le délai de prescription de 5 ans serait acquis et la demande de l’administration des Contributions directes serait « irrecevable », sinon non fondée pour cause de prescription.

Finalement, le demandeur conteste encore le quantum de la créance de l’administration des Contributions directes, en arguant que cette dernière, n’aurait pas communiqué la moindre preuve concernant les sommes réclamées. En effet, pendant plus d’une année avant la mise en faillite de la société …, celle-ci n’aurait plus eu suffisamment d’argent pour payer le comptable, de sorte qu’aucune fiche de salaire n’aurait pu être émise.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère ses développements en ce qui concerne la « nullité » de la procédure engagée à son égard ainsi que l’annulation de la décision directoriale litigieuse pour violation de l’article 6-1 de la CEDH et de ses droits de défense, tout en affirmant que la communication du dossier fiscal aurait été une obligation légale, de sorte qu’en refusant cette communication, l’administration des Contributions directes aurait commis un abus de pouvoir lui ayant causé grief et l’ayant obligé de se déplacer au tribunal afin de prendre connaissance des pièces. En outre, il n’aurait plus été en mesure d’introduire un recours devant la commission d’accès au dossier tel que prévu par la loi du 14 septembre 2018.

Il réitère encore ses développements en ce qui concerne la prescription de la créance fiscale litigieuse, tout en déclarant que toute jurisprudence qui ne déclarerait pas la demande de l’administration des Contributions directes comme prescrite, serait « totalement pro-étatique » et contraire à l’article 6 de la CEDH.

Il ajoute encore qu’il serait toujours en droit de contester le montant de la créance réclamée par l’administration des Contributions directes alors qu’il n’aurait eu aucune possibilité de le faire antérieurement.

Finalement, le demandeur fait valoir qu’un défaut de gérance effective de sa part ne saurait laisser conclure à une faute dans son chef. Par ailleurs, il exclut toute « incurie » ou « négligence impardonnable » de sa part, au motif que la jurisprudence invoquée par la partie étatique ne serait pas applicable au cas d’espèce, étant donné qu’il s’agissait de la société de son père, auquel il aurait fait confiance.

Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Le tribunal n’étant pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les parties, et détenant le pouvoir de les toiser suivant une bonne administration de la justice et la logique juridique s’en dégageant, il y a, tout d’abord, lieu d’analyser les moyens tirés de la légalité externe avant de procéder aux moyens tirés de la légalité interne.

Force est tout d’abord au tribunal de constater qu’à travers son moyen ayant trait à une violation de la loi du 14 septembre 2018, le demandeur entend contester la légalité de la décision du directeur du 5 février 2019 lui refusant la communication du dossier fiscal sur base de cette même loi. Or, le tribunal n’étant pas saisi de la décision du 5 février 2019, le demandeur ayant, en effet, suivant le dispositif de sa requête introductive d’instance, dirigé son recours contre le bulletin d’appel en garantie du 20 avril 2018 ainsi que contre la décision directoriale du 21 décembre 2018, de sorte qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité de cette décision du 5 février 2018 et que le moyen ayant trait à la violation de la loi du 14 septembre 2018 encourt le rejet pour défaut de pertinence.

En ce qui concerne la violation alléguée du droit à un procès équitable pour non-communication du dossier fiscal, tel qu’inscrit à l’article 6 de la CEDH, aux termes duquel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […] », le tribunal constate qu’il se dégage de la jurisprudence établie que si la disposition en question impose certes des obligations à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure2. Selon cette jurisprudence la CEDH ne s’oppose pas à ce qu’une décision soit prise par une autorité ne satisfaisant pas aux exigences de l’article 6 de la CEDH pourvue que la personne concernée puisse néanmoins introduire un recours contre celle-ci devant un tribunal offrant toutes les garanties dudit article 63.

La décision directoriale litigieuse étant intervenue à la suite d’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO de sorte à s’inscrire dès lors dans le cadre de la procédure administrative précontentieuse, c’est-à-dire purement administrative, le tribunal est amené à constater que l’article 6 de la CEDH n’est pas applicable à cette procédure précontentieuse.

Concernant la violation alléguée de l’article 1er, alinéa 3 de la loi du 1er décembre 1978 pour non-communication du dossier fiscal, force est tout d’abord de constater que l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 suivant lequel : « Le Grand-Duc est habilité à édicter un corps de règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse.

Ces règles doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de la décision administrative.

Dans ce cadre, elles assurent la collaboration procédurale de l’administration, consacrent le droit de l’administré d’être entendu et d’obtenir communication du dossier administratif, imposent la motivation des actes administratifs et indiquent le mode de procéder des organismes consultatifs. », se limite à prévoir un corps de règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse, de sorte que cette disposition ne saurait par elle-même conférer aux particuliers des droits dont ils pourraient se prévaloir devant les autorités juridictionnelles. Par ailleurs, et en tout état de cause, l’article 5 de ladite loi dispose que « la présente loi et ses règlements d’exécution ne s’appliquent pas à la matière des contributions directes », de sorte que cette loi n’est pas applicable en l’espèce.

Si le demandeur se prévaut encore, de manière générale, d’une violation de ses droits de la défense pour non communication du dossier fiscal, le tribunal ne saurait, cependant, partager son argumentation afférente. En effet, tant dans le bulletin litigieux du 20 avril 2018 que dans la décision directoriale déférée, de même que dans ses mémoires en réponse et en duplique, la partie étatique a fourni une motivation détaillée indiquant les circonstances de fait et de droit l’ayant amenée à émettre un bulletin d’appel en garantie à l’encontre du demandeur. Par ailleurs, le dossier fiscal a été versé par le délégué du gouvernement à l’appui de son mémoire en réponse.

S’il est exact que ledit dossier était uniquement consultable sur place, il n’en reste pas moins qu’eu égard au volume assez limité dudit dossier – s’agissant d’une seule farde – et dans la mesure 2 Trib. adm., 9 décembre 2013, n° 29910 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Droits de l’homme et libertés fondamentales, n°27 et l’autre référence y citée.

3 Trib. adm., 16 décembre 2015, n° 35846 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Droits de l’homme et libertés fondamentales, n°27 et l’autre référence y citée.

où il a été déposé le 3 mai 2019, soit dix-sept mois avant la prise en délibéré de l’affaire en date du 14 octobre 2020, il n’est pas établi que les modalités de consultation du dossier en question n’auraient pas permis à Monsieur … d’en prendre connaissance en temps utile, étant précisé que même si tel avait été le cas, il lui aurait été loisible de solliciter l’autorisation de présenter un mémoire supplémentaire, ce qu’il n’a cependant pas fait. En tout état de cause, il échet de constater qu’il a pu consulter le dossier le 21 mai 2019, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur les raisons à la base de la décision litigieuse et a ainsi été mis en mesure d’assurer la défense de ses droits et intérêts en connaissance de cause.

Il s’ensuit que le moyen tendant à une non-communication du dossier fiscal est à rejeter pour être non fondé dans ses différents volets.

En ce qui concerne le moyen relatif à la prescription de la dette fiscale, force est de rappeler qu’en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes des droits d'accise sur l'eau-de-vie et des cotisations d'assurance sociale, remise en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, ci-après désignée par « la loi du 27 novembre 1933 », les impôts, dont l’impôt sur les salaires, pensions et rentes, se prescrivent en principe par cinq ans, la prescription prenant cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née.

L’article 10 de ladite loi du 27 novembre 1933, dans sa teneur initiale, dispose que « la créance du Trésor se prescrit par 5 ans, toutefois, en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans.

Ces prescriptions s’appliquent à tous impôts, taxes, cotisations, droits d’accise, amendes, frais et autres perceptions généralement quelconques dont est chargée l’administration des contributions, sauf la prolongation conventionnelle des droits du Trésor.

La prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née ».

Il se dégage des termes de l’article 10 alinéa 1er initial de la loi du 27 novembre 1933 que pour les prescriptions extinctives visées, la prescription quinquennale constitue la règle, tandis que la prescription décennale, conditionnée par une imposition supplémentaire du chef de déclarations incomplètes ou inexactes, avec ou sans intention frauduleuse, représentait l’exception.

L’alinéa 1er de cet article a fait l’objet en 19994 d’une modification libellée comme suit :

« La créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de 10 ans ».

L’article 3, alinéa 1er de la loi modifiée du 22 décembre 1951 portant prorogation du délai de prescription de certains impôts directs et précisant les conditions dans lesquelles les 4 Art. 3, loi du 24 décembre 1999 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2000, Mém. A, n° 148, p. 2675.

prescriptions peuvent être interrompues, ci-après désignée par « la loi du 22 décembre 1951 », dispose que « [l]es délais de prescription pour l’établissement et le recouvrement des sommes, en principal, intérêts et amendes fiscales, dues au titre des impôts visés à l’article 2 de l’article 1er de la présente loi ainsi que des impôts extraordinaires sur les bénéfices de guerre et sur le capital sont interrompus, soit de la manière et dans les conditions prévues par les articles 2244 et suivants du Code civil, soit par une renonciation du contribuable au temps déjà couru de la prescription. Il en est de même des délais de prescription pour le recouvrement de toutes autres sommes, en principal, intérêts et amendes fiscales dont la perception est confiée à l'administration des contributions. […] ».

Aux termes de l’article 2244 du Code civil « Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile. ».

En l’espèce, les impôts sur salaires remontent aux années 2007 à 2009, Monsieur … s’étant vu imputer les arriérés d’impôts pour ces mêmes années, de sorte qu’ en application de l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933, les délais de prescription ont commencé à courir, respectivement à compter des 1er janvier 2008, 2009 et 2010 des années suivants les années d’imposition litigieuses, de manière que les prescriptions, pour les années 2007 à 2009, étaient a priori acquises depuis les 1er janvier 2013, 1er janvier 2014 et 1er janvier 2015.

Il ressort cependant des pièces du dossier fiscal qu’une déclaration de créance datée du 26 mai 2011 a été déposée par l’administration des Contributions directes dans le cadre de la faillite de la société …, fait d’ailleurs non autrement contesté par le demandeur. Or, en application de l’article 3, alinéa 1er de la loi précitée du 22 décembre 1951, lu en combinaison avec l’article 2244 du Code civil et le paragraphe 3 (5) 1. a) de la loi d'adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », ladite déclaration de créance a interrompu les délais de prescription des impôts sur les salaires et traitements des années d’imposition de 2007 à 2009.

En effet, tant une assignation en faillite, qu’une action en admission au passif d’une faillite sont de nature à interrompre la prescription d’une dette, étant donné qu’elles ne constituent que de simples modalités d’introduction d’une instance en justice5.

Par ailleurs, il échet de rappeler que l’effet interruptif du délai de prescription d’une déclaration de créance se prolonge jusqu’au jour du jugement de la clôture de la faillite6, de sorte qu’en l’espèce, l’interruption des prescriptions est toujours en cours comme, il n’est pas contesté que la faillite de la société … n’a pas encore été clôturée.

Il s’ensuit qu’en application des articles 10 de la loi du 27 novembre 1933, et 3, alinéa 1er de la loi du 22 décembre 1951, lu en combinaison avec l’article 2244 du Code civil, la déclaration de créance du fisc à l’égard de la société … a valablement interrompu le délai de prescription des impôts litigieux des années d’imposition de 2007 à 2009, de sorte que le moyen relatif à la prescription de la dette fiscale litigieuse est à rejeter pour ne pas être fondé.

5 Cour adm., 13 octobre 2016, n° 37815C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 721 et autres références y citées.

6 Trib. adm., 16 mars 2016, n° 36056 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 722, et les autres références y citées.

Il y a, ensuite, lieu de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article 136 paragraphe (4) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».

Le paragraphe 103 AO appelle les gérants et autres représentants légaux en titre d’une société à responsabilité limitée à remplir les obligations fiscales incombant à la société. Ils sont plus particulièrement appelés à remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et à payer sur les fonds qu’ils gèrent les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui. Dans ce contexte, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû7.

Une de ces obligations consiste ainsi pour le représentant légal d’une société à opérer, déclarer et verser les retenues d’impôt et, de manière générale, à payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable8.

Il est constant en cause pour ne pas être contesté que Monsieur … était le gérant de la société … pendant la période visée, de sorte qu’il avait le droit d’engager valablement la société, conjointement avec son père, autre gérant de ladite société. Ainsi, Monsieur … doit être considéré comme ayant été officiellement, en tant que représentant légal à l’égard de tiers, en charge de l’administration de la société.

En tant que personne de facto et de jure en charge de l’administration de la société …, Monsieur … était, conformément au paragraphe 103 AO, pendant l’exercice de cette fonction, personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, notamment du dépôt des déclarations fiscales et du paiement des impôts dus par la société à l’aide des fonds administrés.

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, en l’occurrence les retenues sur les traitements et les salaires des années 2007 à 2009, le paragraphe 109 AO prévoit dans son alinéa 1er ce qui suit:

« Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».

7 Cour adm., 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 493 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 19 mars 2014, n° 32140 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° soci522 et les autres références y citées.

Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.

A cet égard, il convient encore de souligner qu’à défaut de pouvoir exiger l’exécution personnelle de ses obligations fiscales par la personne morale, la loi fiscale s’attend à ce qu’elles soient exécutées par le représentant, lequel est non seulement solidairement responsable envers les tiers de tous dommages et intérêts résultant d’infractions aux dispositions de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après « la loi sur les sociétés commerciales », ou des statuts sociaux, mais qui engage en outre sa responsabilité par ses fautes lourdes incompatibles avec l’exercice normal de ses fonctions. La notion de responsabilité d’un dirigeant d’entreprise est dès lors une notion polysémique. Ainsi et selon le sens qui lui est donné par l’AO, le mot responsabilité marque l’obligation pour une personne de répondre et d’être garant de la dette d’autrui au moyen de sa fortune personnelle. Il s’agit donc ici de la responsabilité vis-à-vis d’un tiers particulier qui est le receveur chargé de recouvrer l’impôt. Le représentant engage sa responsabilité personnelle pour les insuffisances d’impôt qui lui sont imputables9. La responsabilité prévue au paragraphe 109 AO est spécifique en ce sens qu’elle résulte à la base d’un fait d’un tiers, à savoir la personne morale qui s’est rendue coupable d’un manquement à une de ses obligations fiscales, pour être transférée ensuite aux dirigeants de cette même personne morale, lesquels doivent garantir les dettes fiscales éventuelles de la personne morale par leur propre fortune. A cet égard, il convient de se référer notamment à la doctrine allemande d’après laquelle « Haftung im Steuerecht bedeutet demnach immer das Einstehenmüssen mit eigenem Vermögen für fremde Schuld. Während im Privatrecht dagegen Haftung und Schuld häufig synonym verwendet werden »10.

La responsabilité du dirigeant d’entreprise, telle que visée au paragraphe 109 AO, est dès lors directement liée à la dette d’impôt de la personne morale, cette circonstance étant encore illustrée par le fait que la responsabilité personnelle du représentant responsable du paiement des impôts sur salaires ayant commis une inexécution fautive de ses obligations fiscales, engagée sur base du paragraphe 109 AO, ne peut être engagée qu’aussi longtemps que la dette d’impôt n’est pas éteinte11.

Cette responsabilité spécifique, engagée suite à un fait d’autrui, à savoir la personne morale s’étant rendue coupable d’un manquement à ses obligations fiscales, se distingue ainsi de la responsabilité civile de droit commun d’un dirigeant d’entreprise, respectivement de la responsabilité civile vis-à-vis de la société en cas de fautes de gestion, ou encore celle vis-à-vis de la société et des tiers en cas de fautes résultant de la violation des dispositions de la loi sur les sociétés commerciales ou des statuts de la société en question. Ces deux régimes de responsabilité cohabitent et ne s’excluent pas mutuellement, cette conclusion se retrouvant d’ailleurs également en doctrine, selon laquelle « Steuerliche und zivilrechtliche Haftungsvorschriften sind nebeneinander anwendbar. Ihre jeweiligen Tatbestände beeinflussen sich gegenseitig nicht, so dass sich der Fiskus grundsätzlich den jeweils weitgehenden Tatbestand aussuchen kann »12.

9 F. Rosen, « Obligations et responsabilité des dirigeants de société en matière de contributions directes », Livre Jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, point 7.17 page 206.

10 Stefan Schäfer, « Die steuerliche Haftung insbesondere der Haftungsvorschriften der Abgabenordnung », Projektarbeit, page 6.

11 Voir en ce sens Cour adm., 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 502.

12 Wolgang Jakob, Abgabenordnung, 4. Auflage, Verlag C.H. Beck, point 409, page 166.

Il y a ensuite lieu de souligner qu’il se dégage de l’article 136, paragraphe (4) LIR prémentionné, ainsi que des paragraphes 103 et 109 AO, que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.

Le paragraphe 7, alinéa (3) du StAnpG dispose, par ailleurs, que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », de sorte que le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce, à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix13.

En effet, quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration, le paragraphe 2 StAnpG prévoit ce qui suit : « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision en raison et en équité.

S’agissant de l’appréciation de la faute commise du fait du défaut de paiement, plus spécifiquement des impôts sur traitements et salaires, il est vrai que, tel que cela a été retenu ci-avant, le seul non-respect d’une obligation fiscale n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO, mais il faut qu’une inexécution fautive soit vérifiée. Or, un gérant, en sa qualité de représentant d’une société, agissant en lieu et place de celle-ci, doit veiller à l’exécution des obligations fiscales de celui qu’il représente. Une de ces obligations consiste ainsi pour le 13 Trib. adm., 14 juin 2010 n° 26277du rôle, confirmé par Cour adm., 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle, Pas. adm.

2020, V° Impôts, n° 497 et les autres références y citées.

représentant légal d’une société à opérer, déclarer et verser les retenues d’impôt et, de manière générale, à payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable.

Il convient dès lors de retenir que le représentant qui a accepté sa fonction ne peut pas se contenter de contester son pouvoir. En effet, en n’exécutant pas les obligations légales de la société, il manque à son premier devoir, celui d’administrer14.

Sur base des principes développés ci-avant, le fait que le demandeur, en sa qualité de gérant de la société …, a omis de retenir et de continuer à l’administration des Contributions directes les sommes dues à titre de retenues sur salaires et traitements, est à qualifier de comportement fautif : en effet, dès lors que le débiteur du revenu a opéré la retenue sans la continuer au fisc et a de ce fait nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins, son comportement est en règle générale à considérer comme fautif puisque celui qui opère des retenues ne peut ignorer que la loi qui l’oblige à effectuer les retenues l’oblige également de transférer ces fonds au receveur15.

Cette constatation n’est pas énervée par les allégations du demandeur suivant lesquelles il n’aurait pas géré la société, mais n’aurait figuré aux statuts que dans le seul but de soutenir financièrement son père. En effet, la responsabilité du gérant peut être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie16 et ce indépendamment des liens personnels entre les différents gérants, ces liens étant inopposables aux tiers, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le comportement du demandeur consiste en une légèreté ou une insouciance impardonnable et doit, de ce fait, être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes17.

En l’espèce, la faute est d’autant plus grave que le défaut de paiement des retenues d’impôt s’est étendu sur plusieurs années, à savoir de 2007 à 2009.

A cet égard, il y a encore lieu de relever que les retenues sur salaires constituent des sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié. En ne donnant pas à ces montants l’affectation qu’ils doivent recevoir, le représentant de la société détourne lesdits montants à d’autres fins, ce qui constitue à l’évidence une inexécution gravement fautive de ses devoirs18.

14 F. Rosen, « Obligations et responsabilité des dirigeants de société en matière de contributions directes », Livre Jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, p. 199.

15 Trib. adm., 22 mai 2013, n° 31503 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 533 et les autres références y citées.

16 P. Thielen et J. Delvaux, La responsabilité civile des administrateurs de sociétés anonymes en droit luxembourgeois - situation actuelle et tendance future, Bulletin Droit et banque, 4/1948, p.6, et N. Schaeffer, Réflexions sur la responsabilité des administrateurs et dirigeants de sociétés commerciales de capitaux, Bulletin de la Conférence St Yves, n° 77, novembre 1990, p.18.

17 D. Matray, Observations sur la responsabilité dans la constitution et la gestion des sociétés, notes n° 67, 68, 69 et 70.

18 Voir, p. ex. : Trib. adm., 1er juin 2016, n° 36298 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

Ainsi, le fait de ne pas avoir procédé, respectivement vérifié à l’accomplissement des obligations fiscales incombant à la société … est de nature à engager la responsabilité de Monsieur …, solidairement co-responsable.

Le comportement de Monsieur … en sa qualité de gérant de la société …, relève dès lors de la faute caractérisée, respectivement de la faute grave et doit être considéré comme fautif au sens du paragraphe 109 AO, la négligence flagrante et inexcusable affichée par le demandeur en ce qui concerne le respect des obligations légales et statutaires d’administrateur constituant en effet une « schuldhafte Verletzung ».

En avançant ces considérations à l’appui de sa décision, le directeur s’est livré à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder sa décision en raison et en équité, contrairement à ce que soutient le demandeur.

Si le tribunal vient de retenir dans le chef de Monsieur … un comportement fautif et de constater l’existence d’un dommage consistant en une insuffisance d’impôt (« Verkürzung der auferlegten Steueransprüche ») - résultant du défaut de paiement de l’impôt fixé à l’échéance - il y a encore lieu de retenir que ce dommage se trouve dans un lien de causalité direct avec les agissements fautifs retenus ci-avant. En effet, il ne saurait être conclu à l’absence d’un lien de causalité que si le dommage était survenu alors même que le représentant aurait eu un comportement conforme aux lois ou à ses obligations19. Or, en l’espèce, il convient de rappeler que la responsabilité personnelle du demandeur a été mise en cause pour son manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société représentée. Or, si le demandeur, comme développé ci-avant, avait respecté ses obligations, en les accomplissant personnellement en sa qualité de gérant, la non-perception des impôts redûs aurait été évitée, de sorte que la violation des obligations incombant à Monsieur … a engendré le résultat dommageable.

Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le bureau d’imposition, respectivement le directeur que Monsieur …, en sa qualité de gérant, a activement contribué par sa négligence coupable au défaut de procéder aux retenues d’impôts et de leur continuation à l’administration des Contributions directes. Les moyens présentés dans ce cadre par le demandeur sont partant à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne finalement les contestations du demandeur, quant au quantum de la dette fiscale mise à sa charge à travers le bulletin d’appel en garantie du 20 avril 2018, il y a lieu de constater que la responsabilité de Monsieur … a été engagée au titre de l’impôt sur le traitement des salaires des années 2007 à 2009. Or, conformément au paragraphe 119 AO, le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt.

Cette faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt implique que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce 19 F. Rosen, op.cit., p. 212.

que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard.

Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le paragraphe 119 alinéa 2 AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin, lequel est ainsi définitif également à l’égard de la personne appelée en garantie20.

Pour les bulletins d’impôts informels, comme en l’espèce, le délai de recours de trois mois pour introduire un recours tel que prévu au paragraphe 228 AO commence à courir, dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, les paiements n’ont pas été effectués en temps utile, à la date de réception de la déclaration des retenues qui doit être considérée comme ayant chiffré pour la première fois la créance d’impôt du trésor public21.

En l’espèce, force est de constater qu’au vu du prononcé de la faillite de la société … en date du … et du dessaisissement en découlant de ses organes sociaux à partir de cette même date, tous les bulletins non formels découlant de déclarations de retenues d’impôts sur traitements et salaires soumises au bureau d’imposition compétent par la société…des années d’imposition 2007 à 2009, avaient acquis autorité de chose décidée avant la date de la faillite de ladite société. Etant donné que le demandeur revêtait depuis le 13 mars 2007 et jusqu’au jour du jugement déclaratif de faillite le mandat de gérant, mandat qui l’a mis en mesure d’exercer pour compte de la société … les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins, mais qu’aucune voie de recours n’a été introduite, le paragraphe 119, alinéa 2 AO l’empêche de pouvoir valablement critiquer la validité de ces bulletins respectivement de contester le montant de l’impôt dû à travers son argumentation qu’aucune fiche de salaire n’aurait été établie pendant plus qu’une année avant la faillite, de manière que le caractère définitif de ces bulletins emporte la conséquence que l’Etat peut légalement se prévaloir des montants renseignés dans les déclarations à la base de ces bulletins, mais non encore réglés par la société … comme constituant son préjudice justifiant l’appel en garantie du demandeur.

Les contestations du demandeur quant au quantum de la dette fiscale mise à sa charge à travers le bulletin d’appel en garantie du 20 avril 2018 sont partant à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la demande en allocation d’indemnité de procédure de 2.500,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives formulée par le demandeur, celle-ci est à rejeter au vu de l’issue du litige.

20 Cour adm., 4 février 2016, nos 36489 et 36490 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts n° 488.

21 Trib. adm., 19 février 2018, n° 38607 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1084.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin d’appel en garantie du 20 avril 2018 ;

reçoit le recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 21 décembre 2018 en la forme ;

au fond, le déclare non fondé ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …,- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 juin 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

Judith Tagliaferri Thessy Kuborn 20


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 42406
Date de la décision : 02/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-02;42406 ?

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