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01/06/2021 | LUXEMBOURG | N°43610

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juin 2021, 43610


Tribunal administratif N° 43610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er octobre 2019 4e chambre Audience publique du 1er juin 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43610 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er octobre 2019 par la société d’avocats IE.LEX SARL, inscrite au tableau de l’O

rdre des avocats à Luxembourg, représentée par Maître Daniel Phong, avocat à la Cour, au nom d...

Tribunal administratif N° 43610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er octobre 2019 4e chambre Audience publique du 1er juin 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43610 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er octobre 2019 par la société d’avocats IE.LEX SARL, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par Maître Daniel Phong, avocat à la Cour, au nom de Madame …, née le … à … (Chine), de nationalité chinoise, demeurant à L-

…, élisant domicile en l’étude de son litismandataire sise à L-1631 Luxembourg, 15, rue Glesener, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 juillet 2019, ainsi que d’une décision confirmative intervenue sur recours gracieux du 19 août 2019, déclarant le séjour de Madame … irrégulier, lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à partir de la notification de la décision et refusant de faire droit à sa demande de délivrance d’un titre de séjour en tant que membre de famille, d’un titre de séjour autonome sur base de l’article 76, paragraphe (1), points a) et b) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ainsi que d’un titre de séjour pour raisons privées ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de la société IE.LEX SARL préqualifiée envoyé par courriel au délégué de gouvernement en date du 6 janvier 2020 pour compte de Madame …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 janvier 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;

Vu la communication de la société d’avocats IE.LEX SARL du 4 mars 2021 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 mars 2021.

1 Il résulte des explications non contestées fournies en cause que Madame …, de nationalité chinoise, avait épousé Monsieur …, également de nationalité chinoise et résident au Luxembourg, le … à … en Chine, Madame … s’étant ensuite vue accorder en date du 25 février 2019 une autorisation de séjour valable pour 90 jours en sa qualité de membre de famille de Monsieur … Suite au décès de Monsieur … le … dans un accident de la circulation au Luxembourg avant l’arrivée de Madame … au Luxembourg le …, cette dernière introduisit immédiatement une demande de titre de séjour, autorisation de séjour qui fut refusée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », du 2 juillet 2019, libellée comme suit :

« (…) J’ai l’honneur d’accuser réception de votre courrier reprenant l’objet sous rubrique qui m’est parvenu en date du 19 mars 2019.

Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

En effet, en application de l’article 69, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée, peut demander le regroupement familial des membres de famille définis à l’article 70 de la loi du 29 août 2008 précitée.

Or, étant donné que votre mari est décédé en date du 12 mars 2019, les conditions fixées à l’article 69, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 précitée ne sont plus remplies.

Je vous signale que selon l’article 76, paragraphe (1), point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée, un titre de séjour autonome, indépendant de celui du regroupant peut être délivré au ressortissant de pays tiers, notamment lorsqu’une rupture de la vie commune survient et résulte du décès du regroupant, intervenu au moins trois ans suivant l’accord de l’autorisation de séjour sur le territoire au titre du regroupement familial. Or, l’autorisation de séjour n’a été accordée en date du 25 février 2019.

Par conséquent, en application des articles 75, point 1. et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée, la délivrance du titre de séjour vous est refusée.

De nationalité chinoise, vous avez le droit de séjourner au Luxembourg pour une période allant jusqu’à trois mois sur six mois conformément à l’article 34 de la loi du 29 août 2008 précitée si vous êtes en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité. Au vu de la copie certifiée conforme de votre passeport, fait à la commune d’ …, je constate que vous disposez d’un visa de la catégorie D, qui vous a été délivré par l’ambassade du Luxembourg en Chine, valable du 15 mars au 14 juin 2019. Votre séjour est dès lors à considérer comme irrégulier conformément à l’article 100, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l’article 111, 2paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, vous êtes obligée de quitter le territoire endéans un délai de trente jours après la notification de la présente, soit à destination du pays dont vous avez la nationalité, la Chine, soit à destination du pays qui vous a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. » Madame …, par l’intermédiaire de son mandataire de l’époque, déposa un recours gracieux en date du 22 juillet 2019, au motif que la demande de titre de séjour de la requérante comprenait également une demande de titre de séjour autonome, sur le fondement de l’article 78 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 ».

Par décision du 19 août 2019, le ministre rejeta ce recours gracieux en les termes suivants :

« (…) J’ai l’honneur d’accuser réception de votre courrier reprenant l’objet sous rubrique qui m’est parvenu en date du 23 juillet 2019 Après avoir procédé au réexamen du dossier, je suis toutefois au regret de vous informer qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux, je ne peux que confirmer ma décision du 2 juillet 2019 dans son intégralité.

En effet, le décès du mari de Mme … n’est d’aucune manière à qualifier comme situation particulièrement difficile au sens de l’article 76, paragraphe (1), point (b), alors que le cas en espèce est précisément prévu par l’article 76, paragraphe (1), point a). En plus, votre argument que Madame … doit s’occuper de l’enfant mineur … est non fondé. Selon nos informations et le certificat de résidence joint à votre courrier, M. … a déclaré son départ à la commune d’… en date du 8 juillet 2019. La nouvelle adresse indiquée est en Chine, ce qui me laisse conclure que M. … serait retourné dans son pays d’origine.

Subsidiairement, il n’est pas prouvé que Mme … remplit les conditions fixées à l’article 78, paragraphe (1) point a) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration pour bénéficier d’une autorisation de séjour pour des raisons privées.

Le ressortissant de pays tiers qui a l’intention de séjourner sur le territoire pour une période supérieure à trois mois et qui sollicite une autorisation de séjour pour des raisons privées sur base de ses propres ressources, doit remplir les conditions prévues à l’article 34 de la loi du 29 août 2008 précitée ainsi que celles prévues à l’article 78, paragraphes (1), point a) et (2) de la même loi. Donc, comme les moyens de subsistance suffisants du ressortissant de pays tiers devront établir l’absence de nécessité de travailler pour subvenir à ses besoins et également assurer que le requérant ne va pas recourir au système d’aide sociale, ceux-ci devront être à sa disposition à tout moment pendant son séjour au Luxembourg.

En outre, en vertu de l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 précitée, « pour l’application de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi, les ressources sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité, ainsi que par référence au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié ».

En conséquence, les pièces versées doivent à elles seules être considérées comme 3preuves suffisantes au regard des dispositions légales précitées et doivent être examinées tant par rapport à leur nature que leur régularité.

Or, les avoirs à hauteur de 15.000€ de Mme … auprès de la BANK OF CHINA en Chine au 14 juillet 2019 ne permettent de dégager que très peu d’intérêts, de sorte qu’elle serait amenée de vivre de ce capital, lequel diminuerait inéluctablement et rapidement. Ce dépôt ne saurait donc être considéré comme ressources suffisantes de plus que sa régularité n’est absolument pas garantie.

Mme … ne témoigne pas non plus de liens stables, intenses et anciens avec quiconque qui réside au Luxembourg conformément à l’article 78, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 précitée. Il n’est en conséquence pas porté atteinte de façon disproportionnée à son droit à une vie privée et vie familiale en lui refusant l’autorisation de séjour.

Il est à noter que « l’article 8 de la CEDH garantit seulement l’exercice du droit au respect d’une vie familiale « existante ». Ainsi, la notion vie familiale ne se résume pas uniquement à l’existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres et existante, voire préexistante, à l’entrée sur le territoire national. D’ailleurs une vie familiale n’existe pas du seul fait du soutien financier apporté par une personne à une autre sans qu’aucun autre rapport ne lie les deux personnes. De plus, une personne adulte voulant rejoindre sa famille dans le pays de résidence de celle-ci ne saurait être admise au bénéfice de l’article 8 de la CEDH que lorsqu’il existe des éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux ».

Au vu de la promesse d’embauche de votre mandante, il lui est loisible d’introduire une nouvelle demande en bonne et due forme en tant que travailleur salarié conformément à l’article 42 de loi du 29 août 2008 précitée.

Je me permets de souligner qu’en application de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 précitée, la demande en obtention d’une autorisation de séjour doit être introduite et favorablement avisée avant son entrée sur le territoire.

En outre, je tiens à vous rappeler que par décision du 2 juillet 2019, votre mandante a été invitée à quitter le territoire endéans un délai de trente jours.

A défaut de quitter le territoire volontairement, l’ordre de quitter sera exécuté et Mme … sera éloignée par la contrainte. (…) ».

En date du 24 septembre 2019, Madame … fit introduire un « nouveau recours gracieux » par biais de son litismandataire actuel, en portant à la connaissance de l’administration le fait qu’elle allait réclamer une indemnisation à l’auteur de l’accident et qu’elle avait demandé une pension de survie.

Finalement, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2019, inscrite sous le numéro 43610 du rôle, Madame … a fait introduire un recours principalement en annulation et subsidiairement en réformation contre la décision ministérielle initiale, précitée du 2 juillet 2019, ainsi que contre la décision confirmative du 19 août 2019, intervenue sur recours gracieux. Par requête séparée, déposée le même jour, inscrite sous le numéro 43611 4du rôle, elle a encore introduit une demande tendant à voir prononcer un sursis à exécution par rapport à ces deux décisions ministérielles jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite du recours au fond. Cette demande fût rejetée par ordonnance du Président du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 43611 du rôle, du 4 octobre 2019.

Il convient de prime abord de souligner que quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure de recours au fond en matière d’autorisations de séjour, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre des décisions statuant sur une demande d’autorisation de séjour.

Le recours principal en annulation est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant à la recevabilité du mémoire en réplique de la partie demanderesse, problème soulevé par la partie gouvernementale dans son mémoire en duplique, il échet de rappeler qu’en vertu de l’article 8 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « le dépôt et la signification des mémoires en réponse, en réplique et en duplique produits par les parties autres que le délégué du Gouvernement se font d’après les règles fixées aux articles 2 et 4 pour la requête introductive », ces règles prévoyant, entre autres, le dépôt de l’original et de quatre copies au greffe du tribunal administratif.

Or, force est au tribunal de constater qu’il n’a pas été procédé au dépôt devant le greffe du tribunal administratif de l’original et de quatre copies du document intitulé « conclusions complétives » daté au 3 janvier 2020 qui a uniquement été envoyé tant au greffe du tribunal administratif qu’au délégué de gouvernement par voie de courriel en date du 6 janvier 2020.

Or, l'envoi au greffe d'un mémoire par voie de télécopie, ni a fortiori par voie de courriel, ne saurait valoir dépôt au sens de la loi, dès lors que le greffe n'a reçu ni l'original du mémoire ni les quatre copies légalement exigées1, de sorte à ce que le document intitulé « conclusions complétives » daté au 6 janvier 2020 de la partie demanderesse est à écarter des débats.

Dans la mesure où une partie défenderesse n’est autorisée à fournir un mémoire en duplique qu’à titre de réponse à un mémoire en réplique de la partie adverse, à défaut de dépôt d’un tel mémoire en réplique, un mémoire en duplique néanmoins fourni doit suivre le même sort, de sorte à ce que le mémoire en duplique déposé par le délégué de gouvernement est également à écarter des débats.

1 Tribunal administratif, 27 décembre 1999, numéro 11708 du rôle, Pas.Adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 845 et les autres références y cirées.

5A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse retrace les rétroactes de l’affaire tels qu’exposés ci-dessus et fait valoir qu’après le décès de son époux elle aurait dû organiser les obsèques de son époux décédé, assumer le coût des funérailles, qu’elle aurait demandé une pension de survie en date du 23 septembre 2019 et qu’elle aurait réclamé une indemnisation à l’auteur de l’accident, faits qu’elle aurait porté à la connaissance du ministre par son nouveau recours gracieux du 24 septembre 2019.

En droit, la partie demanderesse se rapport d’abord à prudence de justice par rapport à des vices de forme et compétence pouvant affecter la décision déférée.

Elle conclut ensuite à une violation de la loi ainsi qu’à une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre, en ce que ce dernier n’aurait pas pris en compte ses droits à pension de survie, ainsi que son droit à une rente dans le futur de la part de l’auteur du dommage, contre lequel elle introduirait une demande en justice, le droit à la pension étant par ailleurs certain, même si le montant exact n’aurait pas encore pu être déterminé au jour de son recours.

Il en ressortirait que la demanderesse disposerait de ressources suffisantes, en plus de ses économies et de sa promesse d’embauche.

Finalement, la partie demanderesse réclame une indemnité de procédure à hauteur de 1.000,- euros à l’encontre de la partie gouvernementale.

Dans son mémoire en réponse, le délégué de gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, et quant au moyen relatif aux vices de forme et de compétences susceptibles d’entacher la décision déférée, le fait pour la partie demanderesse de se rapporter à prudence équivaut à une contestation. Or, une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence d’un demandeur et de faire des suppositions sur le moyen que ce dernier a voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas de moyens d’illégalité à soulever d’office.

Force est, ensuite, de constater au tribunal que la demanderesse présente dans son recours sous examen un seul moyen au fond dirigé contre les décisions attaquées, soit celui de disposer de ressources suffisantes qui n’auraient pas été prises en compte par le ministre.

Force est dès lors au tribunal de constater que la demanderesse s’est limitée à diriger son recours contre les volets des décisions déférées refusant de lui accorder un titre de séjour au sens des articles 76 et 78, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008.

Dans la mesure où tant l’article 76, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, par renvoi à l’article 79 de la même loi, que l’article 78, paragraphe (1), point a) de ladite loi prévoient comme condition pour un ressortissant d’un pays tiers pour pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour pour raisons privées qu’il rapporte la preuve de pouvoir vivre de ses seules ressources et dans la mesure que la demanderesse prétend remplir cette condition, il y a lieu d’analyser cette condition.

En vertu de l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 6définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 précitée, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 », « pour l’application de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi, les ressources sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité, ainsi que par référence au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur qualifié. » Il convient, dans ce contexte, de relever de prime abord qu’il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, puisque le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de l’administration, doit se placer au même moment et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative2. La légalité d’un acte administratif se trouve donc en principe cristallisée au moment où cet acte est pris et le juge se place exactement dans les mêmes conditions où se trouvait l’administration3 : c’est la logique du procès fait à un acte.

Or, il ressort des pièces soumises à l’examen du tribunal qu’en date du 19 août 2019, date de la décision confirmative, dernière décision en date déférée au tribunal, les seules ressources actuelles dont a fait état la demanderesse étaient constituées de son épargne à hauteur de 15.000,- euros déposé dans un compte en banque.

A l’instar des développements de la partie gouvernementale, le tribunal constate que la demanderesse n’a fait état de la possibilité d’obtenir une pension au titre de conjoint survivant et de son intention de réclamer des dommages et intérêts à l’encontre de l’auteur de l’accident ayant causé le décès de son mari que dans le cadre d’un courrier du 24 septembre 2019, donc postérieurement aux décisions déférées. Ces ressources sont hypothétiques du moins en ce qui concerne leur montant exact, de sorte qu’il ne saurait être reproché au ministre d’avoir fait abstraction de ces revenus d’ailleurs hypothétiques.

Ainsi, force est au tribunal de constater, à l’instar également des développements de la partie gouvernementale, que le seul capital déposé en banque ne saurait satisfaire aux critères fixés à l’article 7 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008, de sorte à ce que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande d’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur base des articles 76 et 78, paragraphe (1), point a) à la demanderesse sans commettre une erreur manifeste d’appréciation et sans violer lesdits articles.

En l’absence d’autres moyens, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de Madame … en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000,- euros présentée en application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

2 Conseil du Contentieux des étrangers belge, 28 mai 2010, n° 44.164.

3 Jean-Marie Auby et Roland Drago, Traité des recours en matière administrative, Litec, 1992, n° 205.

7écarte les mémoires en réplique et en duplique des débats ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande d’indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er juin 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43610
Date de la décision : 01/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-01;43610 ?

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