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01/06/2021 | LUXEMBOURG | N°41190

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juin 2021, 41190


Tribunal administratif Numéro 41190 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2018 4e chambre Audience publique du 1 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41190 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2018 par Maître Franck Greff, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigér...

Tribunal administratif Numéro 41190 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2018 4e chambre Audience publique du 1 juin 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41190 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2018 par Maître Franck Greff, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Nigéria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, ayant élu domicile en l’étude de Maitre Franck Greff à L-2449 Luxembourg, 17, boulevard Royal, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 avril 2018 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2018 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 4 octobre 2019 autorisant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 novembre 2019 par Maître Franck Greff pour compte de Monsieur …;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2019;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Müller en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 juillet 2020 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 10 mai 2021 prononçant la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 18 mai 2021, les parties étant excusées.

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Le 18 février 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 1relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg en vue du dépôt de sa demande de protection internationale.

Il fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale en date du 27 juillet 2017.

Par une décision du 25 avril 2018, notifiée à l’intéressé et à son litismandataire par un courrier recommandé envoyé en date du 26 avril 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours. Cette décision est motivée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 18 février 2016.

Avant tout autre progrès en cause notons que vous avez été incarcéré pour trafic de stupéfiants au Centre pénitentiaire de Schrassig en date du 30 septembre 2016. Vous avez été condamné à une peine de prison de 18 mois dont 9 mois avec sursis.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 18 février 2016.

Il ressort dudit rapport que vous auriez été « un des leaders de votre village » et un membre actif au sein du groupe politique Parti Démocratique Populaire (PDP) au Nigéria.

En 2008 vous auriez quitté le Nigéria en direction de la Libye, d'où vous auriez poursuivi votre chemin en bateau vers l'Italie. Après avoir passé trois ans en Italie et trois ans en Belgique, vous auriez finalement pris un train qui vous aurait emmené au Luxembourg en février 2016.

Selon la base de données EURODAC vos empreintes ont été enregistrées le 7 mars 2008 à Gradisca d'Isonzo en Italie.

Vous ne présentez aucun document d'identité.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés En mains le rapport d'entretien Dublin III du 14 mars 2016 et la retranscription du rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 27 juillet 2017 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire d'un village dénommé … et que vous auriez vécu à Benin-City, où vous auriez accompli des études universitaires en « Mass communication » et travaillé en tant que comptable. Vous déclarez également avoir un 2enfant prénommée -…, née le … en Italie. De plus, vous évoquez que vous auriez épousé de façon traditionnelle en date du 21 juillet 2017 une dénommée …, prétendument de nationalités nigériane et belge. Dans ce contexte, vous déclarez vouloir travailler au Luxembourg tout en précisant: « finding a job in Luxembourg, I must pass through a procedure. Like getting my asylum, then my papers and then I can start working. » (p.13/20 du rapport d'entretien du 27 juillet 2017).

Concernant la raison de votre fuite, vous évoquez craindre des représailles des habitants d' … pour avoir refusé de reprendre le poste de prêtre voodoo de votre père, suite à son décès. Dans ce contexte vous expliquez que les aînés du village vous auraient imposé un ultimatum de sept jours pour accepter cette offre. Malgré les menaces de mort proférées à votre encontre, vous auriez refusé cette offre, tout en soulignant que « they have to sacrifice me to the gods, since I refused to do it. […] The only way someone can replace me is if I am not alive anymore. » (p.15/20 du rapport d'entretien du 27 juillet 2017). D'après vos dires, la moitié des 1000 habitants du village, seraient dispersés dans différentes villes nigérianes et pourraient donc vous retrouver. De ce fait vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine en 2008 au lieu de vous réinstaller dans une autre ville ou région du Nigéria.

Vous auriez quitté le Nigéria en direction de la Libye, via le Niger, d'où vous auriez traversé la Méditerranée en bateau. Une fois arrivé en Italie, vous y auriez séjourné pendant quatre ans et vous auriez déposé une demande de protection internationale en date du 7 mars 2008. Après le refus de la demande en Italie, vous auriez rejoint la Belgique en 2012, où vous auriez vécu trois ans. Après un bref séjour en Allemagne, vous seriez finalement arrivé au Luxembourg en février 2016.

Pour étayer vos dires vous avez déposé un acte de naissance dont l'authenticité n'a pas pu être établie par l'Unité Centrale de Police à l'Aéroport de Luxembourg en raison de plusieurs incohérences.

Enfin, il ressort [du] rapport d'entretien Dublin III du 14 mars 2016 et de la retranscription du rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 27 juillet 2017 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

Analyse ministérielle en matière de Protection Internationale En application de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, votre demande de protection internationale est évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Soulignons dans ce contexte que l'examen et l'évaluation de votre situation personnelle ne se limitent pas à la pertinence des faits allégués, mais qu'il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de vos déclarations.

1. Quant à la Convention de Genève Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation 3individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 f) de la loi 18 décembre 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42(1) de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Selon l'article 1A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

* Avant tout autre développement, il convient de soulever que vous avez présenté deux récits différents quant aux motifs vous ayant poussé à quitter le Nigéria. Lors de votre entretien auprès du Service de Police Judiciaire le 18 février 2016 vous déclarez que vous auriez été « un des leaders de votre village » et un membre actif au sein du groupe politique « People's Democratic Party » (PDP) au Nigéria. Ensuite, au cours de votre entretien avec le Ministère des Affaires étrangères et européennes, vous expliquez que vous auriez quitté le Nigéria car vous craindriez d'être tué par les habitants du village d' … pour avoir refusé de reprendre le poste de prêtre voodoo de votre défunt père. Force est cependant de constater que cette contradiction entraîne de sérieux doutes quant à la véracité de vos dires et aux réelles raisons de votre fuite.

A cela s'ajoute, qu'il est selon nos informations, impossible que vous auriez été désigné, suite au décès de votre père, pour lui succéder au poste de prêtre voodoo au village …. En effet, « according to an ASC Professor interviewed by IRB, 'the office of chief priest or fetish priest does not necessarily have to be passed on to the eldest son, since this is a European and not an African tradition… it would not be considered an offence against the shrine for someone to refuse the role of chief priest or fetish priest'. The successor would likely be initiated at a young age according to the ASC Professor, in order to prepare the successor in the function of priest.". Etant donné que vous déclarez n'avoir jamais été dans ce village, il est surprenant que les anciens d' … auraient sélectionné une personne avec laquelle ils auraient eu aucun contact auparavant. Finalement, il est à noter que « the ASC Professor stated that he had 'never heard of the priesthood being forced on anyone in Nigeria. The shrine would want a successor who had the interest in and aptitude for the role. ».

De tout ce qui précède, il convient de conclure que votre récit n'emporte pas la conviction de l'autorité ministérielle quant à votre prétendu risque de persécution par les habitants d’…pour avoir prétendument refusé de succéder au poste de votre père. Il faut donc conclure qu'en raison du manque de crédibilité de votre récit, une persécution n'est pas établie dans votre chef.

4Quand bien même la menace dont vous dites être victime serait avérée, ce qui n'est pas établi, il ressort à suffisance de votre dossier administratif que la raison qui vous aurait amené à quitter votre pays d'origine n'a pas été motivée par un des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. Le fait qui vous aurait poussé à quitter le Nigéria, notamment votre crainte d'être tué par les habitants du village …pour avoir refusé le poste de prêtre voodoo, ne saurait en effet être considéré comme un acte de persécution du fait de votre race, votre religion, votre nationalité, votre appartenance à un groupe social ou de vos opinions politiques au sens de la Convention de Genève de 1951.

En effet, il convient de soulever que votre peur d'être sacrifié par les habitants du village d’…constituerait une infraction de droit commun, punissable en vertu de la législation nigériane. Ce constat est soutenu par le fait que le sacrifice humain est qualifié par le code criminel nigérian comme un meurtre et est punissable de la peine capitale. De surcroit, il convient de mentionner que, « the Criminal Code also states that Any person who makes or uses or assists in making or using, or has in his possession anything whatsoever the making, use or possession of which has been prohibited by an order as being or believed to be associated with human sacrifice or other unlawful practice; is guilty of a misdemeanour, and is liable to imprisonment for two years. ». Ajoutons qu'il existe, au Nigéria, une législation qui punit pénalement l'infraction du sacrifice humain.

Quand bien même il s'agirait d'un fait lié au motif de la Convention de Genève, ce qui n'est pas établi, notons que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection international. Or, il ressort clairement des rapports d'entretien que vous n'avez pas requis la protection des autorités de votre pays. Dans ce contexte, le rapport de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada signale que « sources indicated that people can report to the police if they do not want to undergo a ritual practice […] According to the legal practitioner, actions taken by police may include the police going to the community and telling the community that the complainant should not be compelled to participate in the ritual practices, and making statements that "no harm should come to the person as she or he has been placed under protection". The same source stated that the police may provide police personnel to guard the person ». Il n'est ainsi pas démontré que la police nigériane aurait été dans l'incapacité de vous fournir une protection adéquate contre les habitants de ce village.

En effet, il convient de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'une infraction, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

Il échet également de noter qu'il est indéniable que les vrais motifs à la base de votre demande de protection internationale sont de nature économique, étant donné que vous déclarez être venu au Luxembourg pour trouver un emploi. En effet, vous précisez que 5« finding a job in Luxembourg, I must pass through a procedure. Like getting my asylum, then my papers and then I can start working. » (p.13/20 du rapport d'entretien du 27 juillet 2017). Bien que vous ayez entamé les démarches en vue de l'obtention d'une protection internationale dès votre arrivée en Italie en 2008, vous déclarez y avoir vécu trois ans et d'avoir vécu trois ans en Belgique avant […] d'introduire votre deuxième demande de protection internationale au Luxembourg en date du 18 février 2016. Or, des raisons économiques et votre volonté de régulariser votre situation au Luxembourg pour y trouver un emploi, ne rentrent pas dans le cadre d'un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

* De plus relevons qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, le ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine.

Selon les lignes directrices de I'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires, que vous auriez vécu pendant toute votre vie à Benin-City dans l'Etat Edo au Nigéria et que vous n'auriez jamais essayé de vous installer à Lagos, la capitale économique de votre pays d'origine, qui est connue pour sa multiethnicité et son marché du travail diversifié. Même à supposer qu'il y aurait un des 500 membres de votre village à Lagos, une ville de 21 millions d'habitants, il peut par conséquent être estimé que le risque qu'ils vous retrouvent est minime. Un argument qui est d'ailleurs confirmé par le Ministère de l'intérieur britannique qui souligne que « internal relocation to another area of Nigeria where the threat is from non-state agents is likely to be generally viable but will depend on the nature and origin of the threat as well as the personal circumstances of the person ».

Vous n'apportez par conséquent aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région au sud de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne. Ainsi, étant donné votre âge, votre expérience commerciale et votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées, vous n'établissez pas de raisons suffisantes pour lesquelles vous n'auriez pas été en mesure de profiter d'une possibilité de fuite interne pour vous Installer à Lagos.

Ajoutons à cet égard que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local, ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations, et que la situation dans laquelle vous ont placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y soustraire qu'en fuyant à l'étranger.

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères 6du paragraphe 2 de l'article 41 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire sont clairement remplis.

En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 42 et 43 de la loi précitée du 18 décembre 2015.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

2. Quant à la Protection subsidiaire L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous craigniez d'être tué par les habitants du village … en raison d'avoir refusé de devenir leur prêtre voodoo. De plus, vous indiquez que vous avez introduit une demande de protection internationale afin de régulariser votre situation au Luxembourg pour y trouver un emploi.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Nigéria, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) » 7 Par requête déposée le 25 mai 2018 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 25 avril 2018 portant refus de la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à la réformation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son égard l’ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours en réformation dirigé contre la décision portant rejet de la demande de protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 25 avril 2018, telle que déférée.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours, et à titre liminaire, le demandeur reproche au ministre d’avoir violé le prescrit de l’article 26, paragraphe (3), dernier alinéa de la loi du 18 décembre 2015 en ce qu’il aurait dépassé le délai maximal prescrit en vue de l’examen de sa demande de protection internationale fixé à 21 mois. En s’emparant du fait que son emprisonnement au Luxembourg devrait être sans influence sur le prédit délai de 21 mois, le demandeur conclut à la réformation de la décision déférée du 25 avril 2018 pour avoir été prise en violation de l’article 26, paragraphe (3), dernier alinéa de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

L’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 dispose comme suit :

« (1) Le ministre procède à un examen individuel de la demande de protection internationale dans le respect des garanties procédurales prévues à la section 1. Il veille à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

Lorsqu’une demande est soumise à la procédure définie par le règlement (UE) n° 604/2013, le délai de six mois commence à courir à partir du moment où conformément à ce règlement, il a été déterminé que l’examen de la demande relève de la compétence du Grand-

Duché de Luxembourg et où le demandeur se trouve sur le territoire et a été pris en charge par le ministre.

Lorsqu’une décision ne peut pas être prise dans un délai de six mois, le demandeur concerné est informé du retard et reçoit, lorsqu’il en fait la demande, des informations concernant les raisons du retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision.

(2) Le délai de six mois prévu au paragraphe (1) peut être prolongé d’une durée ne pouvant excéder neuf mois supplémentaires lorsque:

a) des questions factuelles ou juridiques complexes entrent en jeu;

b) du fait qu’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides demandent simultanément une protection internationale, il est très difficile, en pratique, de conclure la procédure dans le délai de six mois;

8c) le retard peut être clairement imputé au non-respect, par le demandeur, des obligations qui lui incombent au titre de l’article 12.

Exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale.

(3) Sans préjudice des articles 46 et 51, la conclusion de la procédure d’examen peut être différée lorsque l’on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que le ministre se prononce dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2), en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine qui devrait être temporaire. En pareil cas, le ministre:

a) procède, au moins tous les six mois, à l’examen de la situation dans ce pays d’origine;

b) informe les demandeurs concernés, dans un délai raisonnable, des raisons du report.

En tout état de cause, la procédure d’examen est conclue dans un délai maximal de vingt et un mois à partir de l’introduction de la demande. (…) » L’article 26 sus-visé de la loi du 18 décembre 2015 établit un calendrier à l’attention du ministre dans le cadre de la procédure d’un examen individuel d’une demande de protection internationale. Ainsi, il incombe au ministre de veiller à ce que la procédure soit menée à terme dans les meilleurs délais et au plus tard dans les six mois à compter de l’introduction de la demande, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif. Passé ce délai, le ministre en informe le demandeur concerné qui reçoit, lorsqu’il en fait la demande, des informations concernant les raisons du retard et le délai dans lequel sa demande est susceptible de faire l’objet d’une décision. Si les conditions énumérées à l’article 26 paragraphe (2) précité sont remplies, le délai peut être prolongé d’une durée ne dépassant pas neuf mois. Enfin, exceptionnellement, les délais prescrits peuvent, dans des circonstances dûment justifiées, être dépassés de trois mois au maximum lorsque cela est nécessaire pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale.

Finalement, si une décision ne peut pas être prise dans les délais prévus aux paragraphes (1) et (2) de l’article 26 précité en raison d’une situation incertaine dans le pays d’origine, la durée de la procédure d’examen peut être prorogée jusqu’à un maximum de vingt et un mois à partir de l’introduction de la demande.

Il est constant en l’espèce que la demande de protection internationale a été déposée par Monsieur … le 18 février 2016 et qu’elle a fait l’objet d’une décision ministérielle de rejet en date du 25 avril 2018 soit plus de vingt et un mois après la date du dépôt.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort d’un courrier du ministre du 29 août 2016 que ce dernier a informé Monsieur … qu’une décision concernant sa demande de protection internationale n’ayant pu être prise dans le délai de six mois, ledit délai était prolongé. En revanche, il ne ressort d’aucune pièce ni d’aucun élément versé au dossier administratif que Monsieur … aurait été informé par le ministre des circonstances justifiant l’application du paragraphe 3, seule hypothèse permettant un délai allant jusqu’à vingt et un mois pour assurer un examen approprié et exhaustif de la demande de protection internationale.

S’il ne peut être exclu qu’une telle situation soit de nature à engendrer un préjudice dans le chef d’un demandeur de protection dont le sort est précaire et incertain et qui vit pendant une période prolongée de plus de vingt et un mois, d’une part, dans l’illusion d’un 9établissement potentiel au Luxembourg et, d’autre part, dans la crainte d’un retour vers son pays d’origine, il échet néanmoins de constater que le législateur n’a assorti aucune sanction au non-respect par le ministre de la procédure d’examen d’une demande de protection internationale au-delà du délai légal maximal.

Conformément à la jurisprudence de la Cour administrative, un dépassement du délai maximal de la procédure ne saurait en tout état de cause pas justifier la reconnaissance d'un statut de réfugié sans examen de la situation particulière. Il ne saurait pas non plus justifier une décision d'annulation dans le cadre du pouvoir de réformation ne serait-ce que pour la simple raison que cette façon de faire impliquerait encore plus de retard dans l'analyse de la demande de protection internationale1.

Etant donné que le législateur n’a prévu aucune sanction au cas où le délai maximal d’instruction d’une demande de protection internationale n’a pas été respecté par le ministre, ce non-respect ne saurait entraîner ni l’annulation de la décision ministérielle visée ni la reconnaissance de la protection internationale, de sorte qu’il y a lieu de considérer que la violation par le ministre de l’article 26 de la loi du 18 décembre 2015 demeure sans incidence sur l’examen par le tribunal du présent recours, sans préjudice d’une éventuelle action en responsabilité à engager à l’encontre de l’Etat de ce fait. Le moyen est par conséquent à rejeter pour ne pas être fondé.

Au fond, le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en ayant retenu que les raisons l’ayant amené à quitter son pays d’origine ne seraient pas suffisamment graves au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et le Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par le règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après désigné par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015. En se basant sur un rapport de l’Office français de protection des réfugiés et appatrides, ci-après désignée par « l’OFPRA », du 6 février 2015 et intitulé « Les chefferies traditionnelles au Nigéria », le demandeur met en exergue l’influence des chefs traditionnels locaux, dont le refus de succession peut exposer la personne en question à des conséquences graves, telles qu’en l’occurrence le risque d’être tué par les membres de la communauté du villlage d’…. Dans ce contexte, pour démontrer le sérieux des menaces de mort pesant sur lui, le demandeur s’empare encore de son diplôme universitaire en matière de « communication de masses », lequel lui aurait certainement permis de trouver rapidement un emploi bien rémunéré au Nigéria, ainsi que de la circonstance qu’il aurait dû quitter du jour au lendemain son pays d’origine, l’obligeant à couper tous ses liens familiaux et sociaux. Il conteste encore l’argumentation du ministre selon laquelle le sacrifice humain serait érigé en infraction pénale au Nigéria, en donnant à considérer qu’une telle disposition légale ne découragerait pas les membres de la communauté de son village natal de vouloir le tuer.

Il réfute ensuite toute possibilité de fuite interne dans son pays d’origine, au motif que les habitants de son village natal seraient susceptibles de le retrouver partout au Nigéria. Dans ce cadre, Monsieur … fait encore valoir que le ministre aurait omis de prendre en considération le fait qu’il serait de confession chrétienne, de sorte qu’eu égard à la situation sécuritaire règnant actullement au Nigéria, telle que ressortant d’un article de presse publié 1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu 10sur internet de l’organisation « World Watch Monitor », le 9 février 2018 et initulé « Nigeria : 9 churches burnt down and Christian students attacked as violence continues », sa sécurité ne pourrait pas être garantie au Nigéria. De plus, la situation sécuritaire dans le pays entier serait très sensible, voire même critique, conformément à un avis de voyage publié le 2 mars 2018 par le département fédéral des affaires étrangères de la Confédération suisse qui ferait état de la possibilité de survenance de conflits violents, d’un taux de criminalité élevé, de risques d’attentats terroristes, ainsi que d’enlèvements.

Le demandeur en conclut que toute possibilité de fuite interne, au sens de l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, serait à exclure dans son chef et que le ministre aurait dû lui accorder le statut de réfugié.

Quant au refus du ministre de lui octroyer la protection subsidiaire, il rétorque que ce serait à tort que le ministre aurait conclu que son récit ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il encourait un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, a) et c) de la loi du 18 décembre 2015. Il estime, en effet, qu’au regard du nombre important de condamnations à la peine de mort, tel que cela ressortirait d’un article de presse du journal « jeune afrique » du 11 avril 2017 et intitulé « Peine de mort : le Nigeria fait gonfler les chiffres du continent africain », ainsi qu’au regard de la situation sécuritaire régnant dans son pays d’origine, il ne saurait être exclu qu’il subisse des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans son mémoire supplémentaire, Monsieur … fait encore état de son mariage, en Belgique, le … avec Madame …, de nationalité belge, mariage qui ne saurait être remis en question par les autorités luxembourgeoises, ce qui constituerait sinon une violation des articles 8 et 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH », respectivement de l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte ». Toutes les conséquences seraient à tirer de cette situation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses deux volets.

A titre liminaire, force est au tribunal de rejeter l’argumentation du demandeur relative à son mariage en Belgique avec une ressortissante belge pour être dépourvue de pertinence dans le cadre du litige sous examen, dans la mesure où ledit mariage peut uniquement, le cas échéant, lui conférer certains droits en Belgique, sur le fondement des articles 8 de la CEDH et 9 de la Charte, mais reste sans influence sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale présentée au Luxembourg. De plus, il y a lieu de constater que le demandeur se limite à revendiquer du tribunal que « toutes les conséquences doivent être tirées de cette situation » sans cependant fournir davantage de précisions à ce sujet, de sorte que le tribunal doit rejeter une telle argumentation pour être simplement suggérée sans être effectivement soutenue, alors qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la présentation de leurs moyens et de rechercher lui-même les conclusions juridiques qui pourraient être à la base de leurs revendications.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

11La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

12 (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.» Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Il y a finalement lieu de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Force est au tribunal de retenir que c’est à bon droit que le ministre a retenu un manque de crédibilité du récit du demandeur au regard, d’une part, des éléments mis en avant par la partie étatique, tant dans la décision déférée que dans le cadre de son mémoire en réponse, et, d’autre part, de l’absence de prise de position circonstanciée de la part du demandeur quant aux incohérences de son récit soulevées par le ministre, respectivement du délégué du gouvernement.

Ainsi, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, le demandeur a présenté deux récits différents, d’une part, lors de son entretien auprès du service de police judiciaire, 13section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale le 18 février 2016 où il a déclaré avoir été un des leaders de son village au Nigéria, avoir été actif au sein du groupe politique PDP au Nigéria et s’être beaucoup investi pour sa communauté, ce qui aurait déplu à des groupes politiques nigérians qui l’auraient menacé, et, d’autre part, lors de son entretien auprès du ministère où il fait valoir avoir été menacé par les habitants de son village natal au motif qu’il aurait refusé de reprendre le poste de prêtre voodoo suite au décès de son père. Le demandeur n’a pas pris position sur cette contradiction relevée par la partie étatique, ni à travers le recours, ni lors de l’audience publique des plaidoiries. De plus, tel que mis en exergue à bon droit par la partie étatique, le récit du demandeur quant aux prétendues répercussions qu’il risquerait de subir en raison de son refus de reprendre le poste de prêtre voodoo est contredit par ses propres pièces et plus particulièrement par le rapport, précité, de l’OFPRA du 6 février 2015, duquel il ressort qu’un tel refus pouvait autrefois avoir eu des conséquences, ces dernières étant cependant aujourd’hui minimes. Ces informations sont encore corroborées par un rapport de l’« European Asylum Support Office » de juin 2017 et intitulé « EASO Country of Origin Information Report : Nigeria – Country Focus, June 2017 », invoqué par la partie étatique et non remis en cause par le demandeur, selon lequel une telle charge de prêtre vooddo n’est pas imposée à une personne, que celle-ci reste libre de la refuser, de même qu’il n’existe pas de documents retraçant des cas où des personnes auraient été menacées, respectivement auraient subi des agressions physiques suite à leur refus d’accepter une telle charge.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le récit du demandeur n’est pas crédible, de sorte à ne pas convaincre le tribunal de l’existence, dans son chef, de raisons de nature à justifier dans son chef une crainte justifiée de persécution dans son pays de provenance pour les motifs énumérés à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.

C’est partant à juste titre que le ministre a retenu que les conditions d’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies dans le chef du demandeur et a rejeté ce volet de sa demande de protection internationale.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015 peut bénéficier de la protection subsidiaire :

« tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays (…) ».

L’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ 14d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur estime qu’il pourrait subir des atteintes graves au sens de l’article 48 (a) et (c) de la même loi, à savoir le fait de risquer la peine de mort ou l’exécution, respectivement de risquer des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en tant que civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, de sorte que l’analyse du tribunal ne portera pas sur la question de savoir si Monsieur … risquerait d’être exposé à la torture sinon à des traitements dégradants, au sens de l’article 48 (b) de la loi du 18 décembre 2015, en cas de retour au Nigéria.

Il y a lieu de relever que le demandeur reste en défaut de rapporter la preuve qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait sa vie, soit en étant condamné à la peine de mort, soit en étant exécuté, soit en raison d’un conflit armé interne ou international. En effet, d’une part, l’argumentation du demandeur repose sur des allégations à caractère général, tiré d’un article de presse concernant les années 2015 et 2016, respectivement d’un avis de voyage de 2018, et donc sur des documents trop éloignés dans le temps pour pouvoir établir la situation se présentant à l’heure actuelle au pays d’origine du demandeur, sans qu’il ne ressort, par ailleurs, desdits documents que la situation au Nigéria aurait été telle, pendant les années en question, que toute personne s’y trouvant aurait été exposée à une violence aveugle d’une telle gravité à devoir être qualifiée d’atteintes graves au sens de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2015. D’autre part, au regard de ce qui a été retenu ci-avant concernant le défaut de crédibilité générale de son récit, le demandeur n’a pas fait étant d’un quelconque incident concret pouvant conduire le tribunal à considérer qu’il risquerait d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48 a) et c) de la loi du 18 décembre 2015. Partant, le demandeur reste en défaut d’apporter des éléments de nature à établir qu’il existerait des raisons sérieuses de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Ainsi, en l’absence de tout autre élément, c’est à juste titre que le ministre a également refusé de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé en ses deux volets.

2. Quant au recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, seul un tel recours a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse, lequel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant à l’ordre de quitter le territoire, le demandeur estime qu’il y aurait lieu de le réformer s’agissant d’un cas de retour qui serait suivi, au Nigéria, de menaces graves et individuelles au sens de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».

15Le délégué du gouvernement conclut également au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2. q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) précité de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale du demandeur comme non justifiée, la conclusion prise sur le volet de la protection subsidiaire relative à l’absence de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, s’appliquant également en l’espèce à une prétendue violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 prohibant l’éloignement d’un étranger s’il risque de faire l’objet d’un traitement inhumain, de sorte que compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée du 25 avril 2018 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare non justifié, partant, en déboute ;

donne acte au demandeur qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1 juin 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

16 s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er juin 2021 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 41190
Date de la décision : 01/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-06-01;41190 ?

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