Tribunal administratif N° 43947 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2019 1re chambre Audience publique du 31 mai 2021 Recours formé par la société anonyme …, …, contre des bulletins de l’impôt, en matière d’impôt commercial communal et d’impôt sur le revenu des collectivités
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43947 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2019 par Maître Christian Rollmann, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2014 émis le 11 juillet 2018 ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 23 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 avril 2020 par Maître Christian Rollmann pour compte de la société anonyme …, préqualifée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins déférés;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l'audience publique du 31 mars 2021 et vu les remarques écrites de Maître Christian Rollmann du 30 mars 2021 et de Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer du 31 mars 2021 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.
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Le 11 juillet 2018, le bureau d’imposition Sociétés 2 de Luxembourg, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de société anonyme …, ci-après désignée par « la société … », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2014, ci-après désignés par « les bulletins de 2014 ».
Par un courrier de son litismandataire du 11 octobre 2018, la société … fit introduire une réclamation contre les bulletins de 2014 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
A défaut de réponse du directeur, la société … a fait introduire le 24 décembre 2019 un recours tendant à la réformation des bulletins de 2014.
1Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les bulletins de 2014.
1) Quant à la recevabilité du recours en réformation Arguments des parties Dans sa réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation pour libellé obscur, en affirmant que la requête introductive constituerait principalement un exposé de l'historique de l'imposition de la société anonyme X, ci-après désignée par « la société X », des années 2001 à 2014, mélangeant des éléments factuels, juridiques et surtout les revendications de la partie requérante, de sorte qu'il ne serait pas possible de trancher clairement entre les faits exposés et les moyens invoqués et cela d’autant plus en raison du style télégraphique de la chronologie ainsi que des renvois incessants auxquels il serait procédé.
Le délégué du gouvernement donne à considérer qu’il ne serait ni possible d'associer sans ambiguïté les éventuels contestations juridiques de la partie requérante aux différentes années d'imposition auxquelles elles sont supposées se rapporter ni d'identifier dans quelle mesure les éventuelles contestations adverses visent le report des pertes au niveau de la filiale ou le fond des redressements.
Or, il incomberait à la partie requérante d'exposer clairement tant les faits que les moyens à faire valoir, y compris en ce qui concerne les conséquences précises sollicitées au niveau de l'imposition, et ceci de manière à permettre à la partie étatique de pouvoir prendre position utilement tant sur le principe que le quantum de chaque exercice d'imposition litigieux, le délégué du gouvernement soulignant qu’il ne serait pas non plus admissible que le manque de clarté et le caractère non explicite de la requête adverse soit comblé par les nombreux renvois aux pièces jointes au recours.
Dans sa réplique, la société … conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
Elle fait valoir que dans les points 4 à 8 de la section de la requête introductive d’instance traitant de la recevabilité du recours, elle aurait exposé qu'elle aurait réclamé contre les bulletins de 2014, réclamation à laquelle le directeur n'aurait pas répondu d'après les prévisions de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 1996 et les paragraphes 243, 244 et 258 AO. Elle aurait, en outre, exposé agir comme société mère intégrante du moment que les conditions obligatoires du paragraphe 232 AO du dommage effectif par la cote d'impôt positive auraient existé et avoir fait masse de son résultat fiscal avec celui de sa filiale, la société intégrée X, et que le « siège » de son dommage serait le résultat fiscal particulier de 2sa filiale sujette à certaines taxations. Dès lors, un défaut d'un exposé sommaire des faits et des moyens ne serait pas démontré.
La société … donne encore à considérer que ses moyens seraient bien différenciés suivant leur nature en fonction des divers faits auxquels ils se rapportent. Ainsi, la requête introductive serait divisée en quatre sections, traitant (i) de la base légale de son action (ii) de la qualification des taxations portant lésion, (iii) de la chronologie de quatorze années d’imposition de sa filiale, et (iv) des fondements des taxations imposées qualifiés comme étant erronés. Cette dernière section distinguerait encore suivant les quatre mesures de taxation imposées depuis 2001 par le bureau d'imposition à sa filiale, à savoir a) le traitement du prix d'acquisition des trois anciens immeubles litigieux depuis 2001, b) le traitement du prix d'acquisition des mêmes immeubles à partir de 2009, c) le traitement de l'incorporation au sol (« Grund und Boden ») de la valeur des trois constructions anciennes et d) le traitement de la durée et des taux d'amortissements des nouvelles constructions en lieu et place des anciennes.
La société … souligne que l’ensemble de ces sections et sous-sections porteraient un titre et un sous-titre qui énonceraient tous clairement leurs sujets.
Quant au reproche du délégué du gouvernement suivant lequel il ne serait ni possible d'associer sans ambiguïté les éventuelles contestations juridiques aux différentes années d'imposition, ni d'identifier dans quelle mesure les contestations visent le report de pertes au niveau de la filiale ou le fond des redressements, la société … fait valoir qu’elle aurait identifié au tableau de sa deuxième section visant la quantification des taxations en ligne d'entête chaque exercice fiscal et à la ligne libellé « perte reportable due » le montant d'amortissement « enlevé au contribuable par taxation ». Elle aurait ensuite minutieusement décrit les taxations pour chaque exercice fiscal, le « siège » de la taxation, le motif avancé pour cette taxation, le bien taxé et la situation de celui-ci.
En ce qui concerne le reproche qu’elle n’aurait pas clairement exposé les faits et les moyens, y compris les conséquences sollicitées pour l'imposition, afin de permettre à l'Etat de prendre utilement position, la société … rappelle qu'aux points 12 et 13 de la requête introductive d’instance, elle aurait traité de la quantification des taxations. Le tableau repris dans la requête introductive d’instance distinguerait entre exercices fiscaux et amortissements déclarés et taxés, dont la différence représenterait son dommage qui ne se retrouverait alors pas comme report de pertes dans les dépenses spéciales de la filiale intégrée.
La société … conclut que ses explications paraîtraient claires et auraient été adressées au tribunal administratif à défaut d'instruction fiscale à la suite de la réclamation introduite auprès du directeur.
En ce qui concerne le reproche tenant à un renvoi aux pièces, la société … fait valoir que les taxations annoncées au tableau repris au mémoire en réponse ne seraient pas accompagnées « d'explications rassurantes », le tableau résumant 20 bulletins de l'impôt, alors qu’elle-même aurait porté le plus grand soin à la description « de la somme de ces dommages imposés en quatorze années de taxations de sa filiale intégrée depuis 2006 ». Elle aurait, en effet, fait de ces taxations une classification chronologique et ensuite une analyse fiscale suivant la nature des quatre moyens de taxation des amortissements employés par le bureau d'imposition.
3 Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la requête introductive d’instance doit contenir notamment un exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.
Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.
L’exceptio obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne de nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense1.
Si en règle générale l’exception de libellé obscur admise se résout par l’annulation de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences de l’article 1er, précité, de la loi du 21 juin 1999, il convient encore d’avoir égard à l’article 29 de la même loi, en vertu duquel l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que pour autant que cette inobservation porte atteinte aux droits de la défense2.
Il convient encore de relever que s’il suffit que l’exposé des faits et moyens est sommaire, il n’en reste cependant pas moins que la requête ne peut pas rester muette sur les moyens à son appui et elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions. Si l’omission d’indiquer des moyens entraîne l’irrecevabilité de la demande pour violation des droits de la défense, étant donné que la partie défenderesse ne saurait utilement assurer et préparer sa défense, a fortiori, l’absence d’une demande met le juge dans l’impossibilité pure et simple de statuer3.
De même, pareille insuffisance constitue un vice entachant la requête introductive d’instance qui ne saurait être ni purgé par un renvoi, fût-il exprès, aux pièces jointes au recours, ni régularisé par la suite4. Dans cet ordres d’idées, il appartient à la partie requérante d’exposer de façon claire et compréhensible ses prétentions en ce sens que les indications requises au vœu de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 doivent être contenues dans la requête introductive d’instance elle-même, sans qu’il ne soit nécessaire de se référer à des renvois à des annotations contenues dans les pièces afin de comprendre le sens qu’un plaideur a entendu donner à ses prétentions.
En l’espèce, force est de constater qu’il est certes vrai que les développements à l’appui de la requête introductive d’instance s’étendent sur pas moins de 22 pages, que la requête introductive d’instance identifie certes encore son objet, à savoir la réformation des bulletins de 2014, et contient, par ailleurs, un exposé des faits en ce sens que la société requérante a passé en revue l’historique des impositions de sa filiale depuis 2001, à savoir de la société X, en expliquant de quelle manière le bureau a imposé celle-ci et de quelle manière l’imposition 1 Trib. Adm. 30 avril 2003, n° 15482, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 469 et les autres références y citées.
2 Idem.
3 Trib. adm. 22 janvier 1998, n° 10298 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 460 et autres références y citées.
4 Idem, dans le même sens.
4de sa filiale est de nature à impacter sa propre imposition. Il est encore vrai que la requérante a subdivisé son recours en différentes sections et sous-sections intitulées « prix d'acquisition des trois anciens immeubles à partir de 2001 », « prix d'acquisition des trois anciens immeubles à partir de 2009 », « incorporation au sol des trois constructions anciennes », « développements jurisprudentiels allemands correspondants » et « durée et des taux d'amortissements des nouvelles constructions », ces sous-sections étant, de l’entendement du tribunal, censées contenir des développements quant aux moyens que la requérante entend soulever.
Néanmoins et à titre de remarque d’ordre général, le tribunal ne peut que rejoindre la partie étatique dans son constat que ces développements se caractérisent particulièrement par un manque de clarté et cela non seulement en raison du style télégraphique employé et des renvois répétés, tantôt à des pièces annotés, tantôt à des notes de bas de page qui elles-mêmes semblent contenir des développements propres, mais également en raison du fait que les moyens que la requérante entend invoquer ne sont que difficilement cernables dans la mesure où celle-ci se limite à décrire l’imposition telle qu’effectuée par le bureau d’imposition durant les différentes années ayant précédé l’imposition de l’année 2014, tout en reprochant au bureau d’imposition de ne pas avoir admis l’ensemble des pertes de chaque année fiscale de sa filiale depuis 2001, pertes qu’elle entend voir reportées et intégrées dans son résultat par le biais du mécanisme de l’intégration fiscale. Si la requérante explique certes quel serait, d’après elle, le résultat chiffré de son imposition auquel elle entend aboutir et si, de l’entendement du tribunal, les différentes sous-sections citées ci-avant se rapportent aux points critiqués de l’imposition de sa filiale, la requête reste particulièrement confuse, voire vague en ce qui concerne les moyens en droit que la requérante entend invoquer pour aboutir au résultat escompté, qui suivant le dispositif de la requête introductive d’instance est libellé comme suit :
« Dire les dépenses spéciales de l'exercice 2014 de la société filiale intégrée X 1) constituées, dans le cas où la société intégrée X a fait des pertes propres avant son intégration fiscale et réalisé des bénéfices propres après son entrée en intégration fiscale 2006, de reports de pertes prenant en compte un amortissement de 3% l'an appliqué aux valeurs comptables des constructions anciennes pour … EURO et … EURO relatives pour au … respectivement l'ancien magasin …, et 2) constituées, dans le cas où la société intégrée X a fait des pertes propres après son intégration fiscale sans avoir réalisée des bénéfices propres, a) de reports de pertes prenant en compte un amortissement de 3% l'an appliqué à une somme de … EURO représentant la valeur comptable du prix d'acquisition des trois anciennes constructions affectées à un poste d'actif amortissable, et b) de reports de pertes prenant en compte un amortissement de 3% l'an appliqué depuis le 1er janvier 2011 au plus tard sur la valeur comptable de la construction nouvelle qui figure dans chaque tableau d'amortissement annuel, et un amortissement complémentaire appliqué la même période sur les biens incorporés dans la construction en fonction de la durée de vie technique et économique des biens ainsi déterminée à la comptabilité. ».
Ceci étant relevé, le tribunal retient toutefois qu’une lecture bienveillante de la requête introductive permet de cerner en substance les prétentions de la requérante, les points litigieux étant, de l’entendement du tribunal, les modalités de calcul de l’amortissement relatif à trois immeubles faisant, suivant les explications non contestées du délégué du gouvernement, partie 5de l’actif net investi de la société X et désignés suivant les pièces comptables « Projet … : … L-…-immeuble … L-… », immeubles que la société X a acquis entre 2001 et 2003 et dont elle a, par la suite, démoli les constructions et y a érigé un nouveau complexe immobilier, la requérante contestant les modalités de l’amortissement sur les point suivants, à savoir (i) l’assiette de l’amortissement en ce sens que la requérante critique l’approche du bureau d’imposition qui a attribué, pour deux de ces immeubles, à savoir les immeubles dits « … » et « … », au terrain une valeur correspondant à 40% du prix d’acquisition pour le calcul de l’amortissement au lieu de la quote-part de 20% revendiquée par la requérante, (ii) le traitement fiscal, à partir de l’année fiscale 2009, de la valeur des trois constructions démolies en 2008 et non encore entièrement amorties, (iii) la durée et le taux de l’amortissement des nouvelles constructions érigées sur les terrains litigieux.
Dans la mesure où (i) il suffit que les moyens soient indiqués de manière sommaire dans la requête introductive d’instance, (ii) une lecture bienveillante de la requête introductive permet de retenir que la requérante a du moins sommairement indiqué les moyens qu’elle entend soulever et dans la mesure où (iii) le délégué du gouvernement a, par ailleurs, pris position par rapport aux trois catégories de contestations telles qu’identifiées ci-avant, le tribunal est amené à retenir que la requête introductive est à déclarer recevable.
Le tribunal relève toutefois, d’un part, qu’en considération des critiques que le tribunal vient de relever au regard du libellé de requête introductive d’instance, seuls les moyens que la partie étatique a su identifier comme tels et auxquels elle a répondu sauraient être examinés, une telle conclusion s’imposant afin de préserver les droits de la défense, et, d’autre part, que l’exception de libellé obscur est rejetée sous réserve que des lacunes éventuelles au niveau de l’exposé des moyens, si elles ne rencontrent certes pas en l’espèce un seuil d’imprécision tel que la requête encourt l’irrecevabilité pour libellé obscur, sont le cas échéant susceptibles d’entrer en ligne de compte dans l’appréciation de leur bien-fondé, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal d’examiner la légalité de la décision administrative lui déférée indépendamment de toute contestation concrète mais uniquement dans le cadre des moyens lui présentés et de l’étendue des explications lui fournies à cet égard, qui doivent figurer de façon suffisamment claire et précise dans les écrites procéduraux.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans le délais prévu par la loi.
2) Quant au fond 2.1 Arguments des parties A l’appui de son recours, la demanderesse se prévaut des pertes reportées de sa filiale, la société X, depuis l’année 2001 et dont elle entend intégrer les résultats dans ses propres résultats fiscaux en vertu du régime d’intégration fiscale auquel elle a été admise à partir de l’année d’imposition 2006, tout en précisant que ce serait pour la première fois durant l’année fiscale 2014 qu’elle aurait pu introduire une réclamation contre l’imposition de sa filiale qui jusqu’en 2014 se serait vu appliquer une cote d’impôt zéro, cela eu égard aux dispositions du paragraphe 232, alinéa (1) AO.
Après avoir passé en revue la manière dont sa filiale a été imposée depuis l’année d’imposition 2001 jusqu’en 2014, la demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir indûment amoindri les amortissements déclarés au titre des dépenses spéciales de sa filiale X 6en relation avec trois immeubles faisant partie de l’actif net investi de celle-ci et désignés suivant les pièces comptables « Projet … : … L-…, … L-…-immeuble … L-… », immeubles que la société X a acquis entre 2001 et 2003 et dont elle a, par la suite, démoli les constructions et y a érigé un nouveau complexe immobilier.
Elle se réfère ensuite, sous le titre « résumé des doléances formulées par la filiale X quant aux diverses taxations par le bureau d’imposition », à des échanges de courriers entre le bureau d’imposition et sa filiale, tout en renvoyant aux articles 22, paragraphe (4) de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR) et 23, paragraphe (2) LIR et « aux textes publiés au code fiscal volume 2 en exécution de l’article 32 LIR sur l’amortissement pour usure des biens amortissables » et, en note de bas de page à une circulaire du directeur LIR numéro 69 du 11 décembre 1978 sur l'amortissement séparé des parties constitutives d'un bâtiment, ci-après désignée par « la circulaire LIR 69 du 11 décembre 1978 ».
Tel que retenu ci-avant, de l’entendement du tribunal, les contestations de la demanderesse visent trois points en relation avec ces amortissements, à savoir (i) l’assiette de l’amortissement en ce sens que la demanderesse critique l’approche du bureau d’imposition qui a attribué, pour deux de ces immeubles, à savoir les immeubles dits « … » et «…», au terrain une valeur correspondant à 40% du prix d’acquisition pour le calcul de l’amortissement au lieu des 20% revendiqués par la demanderesse, (ii) le traitement fiscal, à partir de 2009, de la valeur des trois constructions démolies en 2008 et non encore entièrement amorties, (iii) la durée et le taux de l’amortissement des nouvelles construction érigées sur les terrains litigieux.
Par rapport à l’ensemble des points critiqués, la demanderesse estime que les taxations des amortissements de sa filiale ne tiendraient pas compte de la réalité économique contenue dans ses bilans commerciaux.
S’agissant de prime abord de l’assiette de l’amortissement des trois immeubles dits « … », « … » et « … », la demanderesse relève que si pour l’immeuble situé …, la valeur telle que retenue par le bureau d’imposition pour le terrain aurait été de 20% du prix d’acquisition -
encore que l’administration fiscale ait annoncé appliquer une proportion différente pour cet immeuble-, le bureau d’imposition n’aurait toutefois pas appliqué un tel pourcentage 20% (terrain) et 80% (construction) pour les deux autres immeubles. En effet, si depuis les acquisitions respectives de ces immeubles en 2001 et en 2003 jusqu’en 2004, sa filiale avait pris en compte, pour calculer l’amortissement, la valeur des constructions à hauteur de 80% du prix d’acquisition, le bureau d’imposition aurait en revanche attribué aux constructions une quote-part de seulement 60% du prix d’acquisition et corrélativement 40% à la valeur du terrain. Si la demanderesse admet que depuis l’année d’imposition 2005, elle aurait « régularisé dans ses comptes 2005 les amortissements refusés entre 2001 et 2004 par la présentation d’un bilan fiscal 2005 par rapport au bilan commercial 2005, bien que les taxations des répartitions sol/construction de 40/60 n’aient jamais été acceptées », elle estime qu’elle serait en droit, comme elle n’aurait pas accepté la répartition 20/80 effectuée par le bureau d’imposition, de revoir l’assiette de l’amortissement également pour les années ultérieures à 2005.
La demanderesse donne ensuite des indications chiffrées de la valeur des amortissements qu’elle entend faire valoir à titre de dépenses spéciales pour chacun des immeubles litigieux.
7Face à la remarque finale du bureau d’imposition contenue dans le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de 2001, suivant laquelle la valeur de 40% du prix d’acquisition de l’immeuble se rapprocherait à des prix réels demandés sur le marché immobilier pour des terrains situés dans cette région, la demanderesse fait valoir que le prix de l’are de … euros qu’elle aurait calculé pour l’immeuble pour lequel une quote-part de la valeur du terrain de 20% avait été appliquée ne serait pas le fruit d’une appréciation concurrentielle, mais d’une évolution des prix en général depuis 1980. Conclure, comme le ferait le bureau d’imposition, que le prix concurrentiel de l’are serait de plus du double de celui qui aurait été retenu pour l’immeuble adjacent de l’ordre d’environ … euros ne relèverait pas non plus d’une appréciation concurrentielle. La demanderesse reproche au bureau d’avoir retenu un ratio arbitraire, issu d’une taxation et non pas d’une appréciation concurrentielle. En substance, la demanderesse critique ainsi le ratio terrain/construction de 40/60 retenu par le bureau d’imposition, alors qu’en ce faisant, celui-ci aurait retenu un prix de l’are de plus du double pour le troisième immeuble situé dans le même périmètre et acquis la même année.
En ce qui concerne ensuite la question de l’amortissement, à partir de 2009, de la valeur des trois immeubles démolis en 2008, la demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir « soutiré en 2009 une assiette amortissable de … EURO à la filiale X » en expliquant qu’elle aurait affecté cette somme dès 2008 à l’actif de son bilan commercial représentant le prix d’acquisition des trois anciennes constructions à un poste d’actif amortissable sur base de 3% par an de la valeur comptable des construction anciennes, cela afin de ne pas « générer d’un coup une perte commerciale trop importante ».
Ainsi, elle critique le bureau d’imposition de ne pas avoir accepté, dès l’année 2009, un amortissement de … euros au motif que, suivant le bureau d’imposition, les immeubles, démolis en 2008, auraient été techniquement et économiquement usés, alors que cet amortissement aurait pourtant été accepté en 2008, tout en soulignant qu’au moins l’immeuble dit « … » aurait été loué en 2003 au moment de son acquisition, de sorte à ne pas avoir été complètement usé en 2003 d’un point de vue économique.
Ensuite, sous le titre intitulé « incorporation au sol des trois constructions anciennes », la demanderesse expose que la jurisprudence luxembourgeoise, en renvoyant à cet égard à un arrêt du Conseil d’Etat du 25 octobre 1963, numéro 5730 du rôle, admettrait le principe qu'en cas d'acquisition d'un immeuble bâti et démoli peu de temps après, le contribuable devrait apporter la preuve que son investissement est un projet manqué pour que les frais de démolition des constructions anciennes soient admis comme dépense d'exploitation déductible.
La demanderesse poursuit que l’imposition de sa filiale telle qu’opérée dès l'exercice fiscal 2009 par le bureau d'imposition reposerait en partie sur le principe établi par cette jurisprudence, elle-même fondée sur le commentaire relatif à l'actuel article 29 LIR, qui distinguerait entre (i) l’hypothèse où l’exploitant envisage la démolition de l'ancien bâtiment encore utile à l'exploitation pour le remplacer par une nouvelle construction, qui serait fiscalement traitée comme l'acquisition d’un immeuble avec l'intention de le démolir et de le remplacer par une nouvelle construction, hypothèse dans laquelle ni la valeur comptable de l'ancien bâtiment, ni les frais de démolition ne seraient à imputer au résultat de l'entreprise, le prix d'acquisition du terrain et du bâtiment ancien, de même que les frais de démolition représentant alors le prix d'acquisition du nouveau terrain à bâtir, et (ii) celle où la valeur comptable du bâtiment ancien à démolir n'est plus susceptible de profiter à l'exploitation, qui devrait alors être imputée au résultat en tant qu'amortissement extraordinaire, les frais de démolition étant alors déductibles comme dépenses d'exploitation.
8 En l’espèce, le bureau d'imposition aurait admis pour l'exercice fiscal 2009 la déduction des frais de démolition de l’ordre de … euros conformément à la jurisprudence précitée, alors qu’il aurait refusé la déduction d’un amortissement à hauteur de … euros calculé suivant un taux de 3% par an sur la valeur comptable de … euros, correspondant au prix d'acquisition des trois anciennes constructions.
La demanderesse donne ensuite à considérer que l'ancien magasin « … » aurait été occupé par un locataire jusqu'en 2003 et que ledit bâtiment n’aurait été acquis par effet de transmission universelle de patrimoine qu'en 2004. Le bâtiment « … » aurait été occupé par un locataire jusqu'en 2005 et ne pourrait lui pas non plus être considéré comme économiquement complètement usé.
La demanderesse avance encore que dans une lettre du 23 janvier 2015 au bureau d'imposition, sa filiale aurait expliqué sous le titre « Demande de bâtir » que l'autorisation de bâtir du 21 mai 2001 aurait pour origine « les faits d'un vrai tiers par rapport à X » et que « ces actes ne pouvaient pas être imputés à la volonté de X », tout en admettant que l’autorisation de bâtir du 12 juillet 2006 émanerait bien de la volonté de sa filiale.
Dans cette même lettre, sa filiale aurait encore assuré que toutes les constructions anciennes du plateau Bourbon et notamment ceux de style, en l'occurrence l’immeuble « … », feraient l’objet d'une interdiction de démolition volontaire. La demanderesse affirme que l’intention primaire de sa filiale aurait été celle de sauvegarder les façades historiques de l'architecture exceptionnelle, quitte à vouloir transformer et moderniser les constructions ensemble avec un projet de la Ville de Luxembourg. Or, « durant cet effort de garder le patrimoine architectural frontal du … » il aurait été découvert que les pierres naturelles de la façade en question ne pouvaient pas être sauvées lors d'une transformation ou modernisation.
La lettre confirmerait qu'une intention de démolir n'aurait existé ni en 2001, ni en 2003, ni en 2004.
La demanderesse conclut que le cas d’espèce ne s’apparenterait pas à celui envisagé par la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat, à savoir une démolition peu de temps après l'acquisition, en l’occurrence dans un délai de moins de dix mois depuis l’acquisition.
La demanderesse poursuit ses explications, sous un titre intitulé « développements jurisprudentiels allemands correspondants », en affirmant que dans le cas d’une construction acquise sans intention de la démolir, mais démolie après un délai de plus de trois années après son acquisition, le prix d'acquisition serait à mettre en charges d'exploitation à sa valeur nette comptable et la perte passerait en report de pertes, alors que les frais de démolition seraient à considérer comme charges d'exploitation.
La demanderesse affirme ensuite que sa filiale aurait développé « ses arguments de non-intention de démolition » dans divers courriers adressés à l'administration, arguments qu’elle énumère comme suit :
(i) « Défense communale de démolir, location en cours, valeur architecturale propre d'au moins deux des constructions », (ii) « Délais de plus de trois ans entre acquisition et démolition » ;
(iii) « La taxation de 60% du prix d'achat attribuable à deux constructions » ;
9(iv) « Absence de plan de nouvelle construction, valeur urbaine du cinéma et de l'ensemble avec l'ancien couvent … » ;
D’autre part, la demanderesse affirme que lorsque la démolition a lieu endéans les trois années de son acquisition, il y aurait une présomption simple d'intention de démolir au moment de l’acquisition.
La demanderesse distingue ensuite entre, d’une part, le cas de l'immeuble objectivement sans valeur, dans lequel la valeur nette comptable de l'immeuble, qui serait en principe de zéro, serait intégrée au prix du terrain, alors que les frais de démolition et de déblayage seraient pris en compte au niveau du prix de revient de la nouvelle construction et seraient amortissables par la suite, et, d’autre part, le cas de l'immeuble ancien qui « n'est pas consommé, ni techniquement, ni économiquement », cas dans lequel la valeur nette comptable de l'ancienne construction, de même que les frais de démolition et de déblayage, seraient compris dans le prix de revient de la nouvelle construction et seraient amortissables par la suite.
La demanderesse déclare ensuite critiquer le bureau d’imposition en ce que « d'après les concepts juridiques applicables », celui-ci aurait taxé d'après des critères rationnellement en contradiction, puisqu’il aurait « emplo[yé] un critère appartenant à la voie de l'intention de démolir […] mélangé à un critère appartenant à la voie de l'absence d'intention de démolir ».
Face au constat du bureau d’imposition que les constructions démolies en 2008 auraient été techniquement et économiquement complètement usées et que la société X aurait eu l'intention manifeste dès leur acquisition de les démolir, la demanderesse fait valoir que, pour sa filiale, les constructions acquises en 2001 et 2003 et démolies à partir de 2008 auraient survécu plus de cinq ans à leur acquisition et que sa filiale, ensemble avec la Ville de Luxembourg, aurait tout fait pour en sauvegarder les valeurs architecturales exceptionnelles, de sorte que l’intention de les démolir n'aurait pas existé jusqu'en 2007.
En conclusion, la demanderesse affirme ce qui suit : « (1) sans intention de démolition des constructions dans les trois années de l'acquisition des immeubles, surtout de l'immeuble central le …, et (2) même avec l'intention de démolition, mais les constructions étant non-
consommées avant le début des travaux, surtout pas les façades de valeur du …, la jurisprudence du fond prévoit deux solutions selon le cas : (1) mettre en charges d'exploitation à la valeur nette comptable les constructions et la perte passe en report de pertes. Les frais de démolition sont à mettre aussitôt en charges d'exploitation, ou alors (2) la valeur nette comptable de l'ancienne construction, tout comme les frais de démolition et de déblayage sont activés au prix de revient de la nouvelle construction et sont amortissables par la suite ».
Enfin, sous le titre « durée et taux des amortissements des nouvelles constructions », la demanderesse déclare qu’elle critiquerait la méthode de détermination par le bureau d'imposition des débuts d'amortissement pour usure des nouvelles constructions.
Elle affirme que la fin d'une construction, constitution ou fabrication, marquant le début de l’amortissement, serait caractérisée par la finition du bien. Ainsi, le bien serait fini lorsqu'il a atteint un état qui permet son utilisation prédestinée. Pour la construction d'un immeuble, il s’agirait du moment où l'immeuble, après la fin des travaux essentiels, est habitable ou utilisable.
10La demanderesse fait encore valoir que des parties de construction qui ne sont pas en relation directe avec l’utilisation ou le fonctionnement de l’immeuble pourraient être terminées à des moments différents, de sorte que les amortissements pourraient commencer à des dates différentes.
Enfin, elle affirme qu’il serait de principe que la durée prévisible d'utilisation du bien serait à déterminer sur base du principe de prudence, au vue d’une possible insécurité commerciale, ce qui permettrait en cas de doute de raccourcir la durée d'amortissement plutôt que de l'allonger.
Or, en l’espèce, le bureau d'imposition se serait éloigné de ces principes et les aurait remplacés par des critères tels que la réception de loyers ou la décision des locataires de déménager. Or, ces critères diminueraient les amortissements et augmenteraient les revenus de façon « disloquée des critères fiscaux » et porteraient préjudice à ses calculs économiques et financiers.
La demanderesse explique ensuite que la société X aurait informé l'administration dès l'exercice 2011 qu’elle avait ouvert son immeuble au personnel de ses locataires, en renvoyant à un courrier du 20 septembre 2018, qu’elle aurait encore informé l'administration sur le fait que l'immeuble était ouvert et sur l’existence de dégâts à la suite de malfaçons dès 2010 « à déprécier et à remplacer par du neuf à incorporer au prix de revient ». La société X aurait par ailleurs informé l'administration sur tous les biens incorporés dans l'immeuble neuf, mais dont la durée de vie économique ne serait « certainement » pas 30 ans « ne serait-ce que par la nature des biens à amortir », la demanderesse renvoyant à une pièce comportant la liste de tous les fournisseurs et la nature des biens incorporés. Elle déclare aussi que la société X aurait invité l'administration le 3 octobre 2018 « d'en finir avec les positions opposées, notamment quant aux durées d'amortissement, et de s'atteler à une appréciation purement économique ».
Sous le titre dénommé « Principe d'évaluation individuelle et exception de valeur en matière d'immeubles », la demanderesse fait valoir que l'article 22, alinéa 3 LIR poserait le principe d'une évaluation individuelle de chaque bien séparé comptablement dans les livres de la société. Elle poursuit que le paragraphe 50 de la loi du 16 octobre 1934 concernant l'évaluation des biens et valeurs (« Bewertungsgesetz »), en abrégé « BewG », définirait le bien immeuble comme comprenant le sol, la construction et tous les éléments incorporés. L'article 23, alinéa 2 LIR reprendrait ce principe et le traduirait en règles d'évaluation obligatoires incluant l'amortissement pour usure prévu aux articles 29 et suivants LIR. La circulaire LIR 69 du 11 décembre 1978 prévoirait ensuite que certaines parties d’immeubles pourraient être amorties en 10 ans.
La demanderesse poursuit que la même circulaire, partie II relative à la durée usuelle d'utilisation des bâtiments hôteliers prévoirait à l'endroit des immeubles fréquentés chaque jour par un grand nombre de personnes différentes des taux d'amortissement jusqu'à 3,5% et supérieurs en cas de justification.
En l’espèce, l’immeuble à amortir serait fréquenté chaque jour par au moins 100 employés y travaillant, de même que par la clientèle, la demanderesse renvoyant aux immeubles hôteliers, soumis à une utilisation intense, et à la circulaire LIR 67 du 3 octobre 1978 prévoyant le tableau d’amortissement pour la branche hôtelière applicable à partir de l’année d’imposition 1978, ci-après désignée par « la circulaire LIR 67 du 3 octobre 1978 », qui prévoirait des taux d'amortissement plus élevés que « la normale ».
11 Elle souligne que le principe de l'article 23, alinéa 2 LIR commanderait d'évaluer les biens amortissables à leur valeur d'exploitation en fonction de leur durée de vie économique.
Dans ces termes, même si la valeur immobilière de l'immeuble restait amortie à 3% l'an, les parties constitutives et fonctionnelles incorporées à l'immeuble devraient être évaluées de manière telle à ne pas laisser de doute sur leur vraie valeur et subir, le cas échéant, un amortissement régulier « plus fort » car soumis à une usure plus forte, soit technique, soit économique. Enfin, la demanderesse affirme qu’elle s’appuierait sur les « données de taux d'amortissement » de la circulaire LIR 69 du 11 décembre 1978 en fonction des biens incorporés à amortir.
Dans sa réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Dans sa réplique, la demanderesse insiste sur la considération qu’elle se verrait appliquer un résultat fiscal surfait de sa filiale, compte tenu de reports de pertes, en rappelant les différents montants en jeu dont elle entend faire état, et qui devrait se répercuter sur sa propre imposition par le biais des mécanismes de l’intégration fiscale.
Elle insiste ensuite sur la considération, en reprenant en substance ses explications contenues dans la requête introductive d’instance, que la prise en compte d’une quote-part de 40% pour le terrain en relation avec les immeubles « … » et « … » par le bureau d’imposition amoindrirait l’assiette de l’amortissement et elle donne des indications chiffrées quant à ses revendications en ce qui concerne les années d’imposition critiquées de 2001 à 2008, tout en affirmant qu’elle aurait, par comparaison, démontré dans son tableau au point 41 de la requête introductive que ces taxations mèneraient à des prix spéculatifs du sol en 2001 et 2003, alors que le sol du troisième immeuble adjacent n’aurait pas été « taxé ».
En ce qui concerne le solde restant du prix d'acquisition des anciennes constructions, la demanderesse renvoie à la requête introductive d’instance dont il ressortirait que le bureau d'imposition aurait pris en compte un total du prix d'achat des anciens immeubles de l’ordre de … euro en 2008, et aurait accepté un amortissement de 3%, soit … euros en 2008.
Elle réitère que depuis l'exercice 2009 jusqu’à 2014, le bureau d'imposition aurait considéré le prix d'acquisition restant des trois anciens immeubles de … euros comme inexistant, et partant aussi l'amortissement au taux de 3%, soit … euros l'an, et que cette « disparition » serait justifiée par le bureau d’imposition par la démolition des trois constructions anciennes. La demanderesse donne toutefois à considérer que d’après ses recherches en doctrine et jurisprudence, il s’avérerait, tout en renvoyant aux points 46 à 61 de la requête introductive, que ce prix « ne s'évanouit pas aussi rapidement que la partie défenderesse se permet de prétendre », et renvoie ensuite à ses « conclusions ».
Face à l’affirmation de l’administration que les constructions démolies en 2008 étaient techniquement et économiquement complètement usées et que la société X avait l'intention manifeste dès leur acquisition de les démolir, la demanderesse réitère que pour sa filiale, les constructions acquises en 2001 et 2003 démolies à partir de 2008 auraient survécu plus de cinq années à leur acquisition, et que tout aurait été fait pour en sauvegarder les valeurs architecturales exceptionnelles, de sorte que l'intention de les démolir n'aurait pas existé jusqu'en 2007.
12La demanderesse réitère la conclusion exposée dans sa requête introductive d’instance, à savoir que « d'après le droit , (1) sans intention de démolition des constructions dans les trois années de l'acquisition des immeubles, surtout de l'immeuble central le …, et (2) même avec l'intention de démolition, mais les constructions étant non-consommées avant le début des travaux, surtout pas les façades de valeur du …, la jurisprudence du fond [prévoirait] deux solutions selon le cas : (1) mettre en charges d'exploitation à la valeur nette comptable les constructions et la perte passe en report de pertes. Les frais de démolition sont à mettre aussitôt en charges d'exploitation, ou alors (2) la valeur nette comptable de l'ancienne construction, tout comme les frais de démolition et de déblayage sont activés au prix de revient de la nouvelle construction et sont amortissables par la suite ».
Dès lors, la valeur de … euros ne serait pas perdue, mais devrait être réintégrée à son profit économique, soit en charges d'exploitation déductibles, soit au prix de revient de la nouvelle construction pour être amortie au prorata temporis.
En ce qui concerne ensuite la durée et les taux d'amortissements des nouvelles constructions, la demanderesse renvoie à sa requête introductive d’instance et affirme que fidèle au principe jurisprudentiel suivant lequel l'amortissement de l'immeuble commercial litigieux serait fonction de sa durée de vie économique qui différerait certes suivant l'objet à amortir (structure en béton armé d'excellente qualité ou tuyauterie en cuivre de climatisation et autres plafonds suspendus ou parterre en stratifié), elle aurait demandé de voir « certains dommages de malfaçon amortis ou dépréciés suivant la comptabilisation et l'évaluation individualisée de chaque objet concerné et depuis le moment de sa finition et exposition à utilisation et usure », tout en reprochant au bureau d'imposition de ne pas avoir voulu instruire sur ce point et d’avoir retenu un taux de 3% par an, ce qu’elle ne pourrait accepter, quoique prête à « revoir à la baisse son taux d'amortissement du béton armé de qualité moyenne ».
La demanderesse affirme que sa filiale aurait fait savoir au bureau d’imposition que tous les jours plus de 100 personnes circuleraient pendant dix heures dans l'immeuble, de sorte que les installations sanitaires, ascenseurs, sols et climatisations devraient être amortis à divers taux d'amortissement annuels, qu’elle aurait parlé dans ses conclusions de « taux complémentaires au taux unitaire de 3% pratiqué par le bureau d'imposition » et cela « depuis l'exercice 2011 de l'ouverture au public et locataires du bâtiment de la filiale intégrée ».
Elle poursuit que sa filiale aurait fait savoir qu’elle renonçait à des taux d'amortissement élevés sur des structures résistantes du bâtiment et qu’elle voudrait trouver la reconnaissance par le bureau d'imposition de certains points faibles de l'immeuble et d'y voir accorder les taux d'amortissement réalistes.
Elle conclut que l'instruction, faute de réponse à sa réclamation, n'aurait pas abouti, de sorte qu’elle aurait dû s'en remettre au tribunal administratif.
2.2. Appréciation du tribunal Remarques préliminaires Il convient de prime abord de rappeler les principes régissant la charge de la preuve en matière de procédure fiscale, prévus par l'article 59 de de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « La preuve des faits déclenchant l'obligation fiscale appartient à l'administration, la 13preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable. […] ».
La demanderesse entendant réduire la cote d’impôt par le biais de la prise en compte d’amortissements dans le chef de sa filiale, il lui appartient de rapporter la preuve du bien-
fondé de ses demandes.
Le tribunal relève ensuite qu’il n’est pas saisi de la situation juridique d’un contribuable, mais qu’il est saisi d’une décision administrative, en l’occurrence des bulletins, bénéficiant en principe de la présomption de régularité, de sorte qu’il appartient à la demanderesse, au-delà du fait que la charge de la preuve lui incombe en application de l’article 59, précité, de présenter des moyens pour mettre en question la légalité ou le bien-fondé de cette décision et de les expliquer, le tribunal ne procédant en tout état de cause pas à un réexamen global ou à une instruction du cas d’imposition de sa propre initiative en l’absence de moyens concrètement soumis. Dès lors, en l’absence de l’invocation de moyens susceptibles d’entraîner l’annulation ou la réformation de la décision faisant l’objet du recours, il n’appartient pas au tribunal administratif de suppléer à la carence de la partie requérante et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions de la partie requérante5.
Dans ce contexte et au regard des principes retenus ci-avant dans le cadre de l’examen du moyen fondé sur le libellé obscur de la requête introductive d’instance, le tribunal retient qu’il examinera les moyens invoqués exclusivement par rapport aux développements tels que contenus dans la requête introductive d’instance, respectivement dans la réplique, sans que des lacunes éventuelles à cet égard ne puissent être comblées par des annotations jointes aux pièces, par des simples renvoi à des courriers versés à titre de pièces ou encore par des renvois tout à fait généraux à des articles de doctrine ou textes de loi, à défaut par la partie demanderesse de mettre, dans ses écrits procéduraux mêmes, le contenu de ces pièces et références en relation avec l’argumentation fournie à l’appui du recours. En effet, les moyens que la partie requérante a entendu invoquer doivent impérativement ressortir de la requête introductive d’instance elle-
même, voire du mémoire en réplique éventuel, sans que le tribunal n’ait à rechercher, au risque de violer les droits de la défense, dans des courriers ou autres pièces joints au recours ou encore dans des notes accompagnant les pièces - qui au demeurant constitueraient des écrits dépassant le nombre d’écrits admis par la loi du 21 juin 1999 - les moyens que le plaideur a voulu soulever, voire le sens que celui-ci a, le cas échéant, entendu donner à ses moyens.
Enfin, le tribunal relève qu’en l’espèce, le fait que la société X, voire la demanderesse dans le cadre du régime de l’intégration fiscale, n’a, en application du paragraphe 232 AO, aux termes duquel « (1) Einen Steuerbescheid kann der Steuerpflichtige nur deshalb anfechten, weil er sich durch die Höhe der festgesetzten Steuern oder dadurch beschwert fühlt, dass die Steuerpflicht bejaht worden ist. », pas pu réclamer contre l’imposition des années antérieures à l’année 2014, ni la déductibilité potentielle des pertes reportées de la filiale X dans le chef de la demanderesse par le biais des principes applicables au titre du régime de l’intégration fiscale, rappelée d’ailleurs dans la remarque finale apposée par le bureau d’imposition sur le bulletin de l’impôt sur le revenu de la société X de 2006, ne sont litigieux, de sorte que le tribunal n’a pas à se prononcer sur les développements de la demanderesse sur ces points, mais examinera uniquement les trois points, qui, tel que retenu ci-avant, sont litigieux, tous en relation avec les amortissements dans le chef de la société X en relation avec les trois immeubles précités.
5 Trib. adm. 5 juillet 2000, n° 11527 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 461 et autres références y citées.
14 Quant à la quote-part du terrain des immeubles « … » et « … » à prendre en compte pour déterminer l’assiette de l’amortissement Il se dégage des remarques apposées par le bureau d’imposition sur les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2001 à 2004 que celui-ci a majoré le résultat déclaré par la société X en raison d’un amortissement jugé comme étant surfait du chef de l’immeuble sis au … (anciennement …, immeuble dit « … »), acquis en 2001, et du chef de l’immeuble sis au … (immeuble dit « … »), acquis en 2003, cela au motif que la quote-part des prix d’acquisition respectifs de ces immeubles à attribuer aux terrains serait de 40%, et non pas de 20% tel que déclaré par la société X, le bureau d’imposition justifiant cette décision par la considération que la quote-part retenue par lui correspondrait aux prix réels demandés sur le marché immobilier pour des terrains situés dans cette région.
Il se dégage encore des éléments du dossier, ensemble les déclarations concordantes des parties à l’instance, qu’à partir de l’année fiscale 2005, la société X a pris en compte dans ses bilans fiscaux la part de terrain de l’ordre de 40% pour les deux immeubles litigieux telle que retenue par le bureau d’imposition.
Le tribunal relève de prime abord que les parties sont en accord sur le fait qu’en application de l’article 23 LIR6, qui distingue entre les immobilisations amortissables et les biens autres, tel que le sol, non amortissables, et des articles 287 et 298 LIR, et dans la mesure où l’amortissement, dont le but est de tenir compte de la dépréciation subie au cours d’un exercice par un élément de l’actif net investi par l’usage ou par le temps, ne peut porter que sur les biens soumis à dépréciation du fait de l’usage ou du temps, l’amortissement peut porter uniquement sur la quote-part de la construction et que de la sorte le prix d’acquisition du terrain est à éliminer de la base d’amortissement.
Les parties sont encore en accord sur le constat que la base d’amortissement est fixée, pour ce qui des constructions litigieuses, par référence au prix d’acquisition, cela conformément à l’article 23 LIR, précité.
6 « […] (2) Les immobilisations amortissables sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient diminué des amortissements calculés d’après les articles 29 à 34 […] (3) Les biens autres que ceux visés à l’alinéa qui précède (le sol, les participations, les biens irréalisables et du disponible) sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. […] » 7 Article 28 LIR: « (1) Les immobilisations amortissables comprennent les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure et les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance.
(2) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure sont celles qui se déprécient par l’effet du temps ou de leur utilisation, à l’exception des immobilisations à caractère d’approvisionnements.
(3) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance sont celles qui sont constituées par les masses de substances minérales ou fossiles renfermées dans le sein de la terre ou existant à la surface. ».
8 Article 29 LIR: « (1) L’amortissement pour usure et celui pour diminution de substance visés à l’article 28 concernent la déperdition tant technique qu’économique.
(2) Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 53 à 55, l’ensemble des amortissements et des déductions pour dépréciation ne peut dépasser, pour une immobilisation amortissable déterminée, son prix d’acquisition ou de revient, diminué, le cas échéant, de sa valeur estimée de récupération.».
15Le litige porte toutefois sur la valeur à attribuer à la construction, la demanderesse préconisant une quote-part de 80% du prix d’acquisition, alors que le bureau d’imposition a retenu une quote-part de l’ordre de 60% uniquement, par référence aux prix du marché, le délégué du gouvernement faisant état d’une progression annuelle poussée des prix immobiliers depuis la fin des années 1960.
Indépendamment de la question de savoir si la demanderesse est fondée à remettre en question la taxation sur ce point à partir de l’année 2005, bien qu’à partir de cette année fiscale la société X ait déclaré elle-même une quote-part de 60% au titre de la valeur des constructions respectives en suivant en cela le bureau d’imposition, force est de constater qu’en toute hypothèse, la demanderesse reste en défaut de justifier à suffisance ses prétentions.
En effet, à l’appui de son recours, elle se limite en substance à contester, pour l’ensemble des années à partir de l’acquisition des terrains respectifs litigieux, la quote-part du terrain dans le prix d’acquisition telle que retenue par le bureau d’imposition en affirmant que celle-ci aboutirait à des prix de l’are qui ne correspondraient pas à la valeur du marché et qui, de plus, seraient incohérents par rapport à ce qui a été retenu pour le troisième immeuble sis …, donc à proximité immédiate des deux autres immeubles et acquis aussi en 2003.
Or, le tribunal relève de prime bord que le seul fait que le bureau d’imposition n’a pas suivi son approche annoncée de retenir, pour l’immeuble sis …, une quote-part de 40% pour la valeur du terrain, mais a retenu une quote-part de 20%, ne permet pas de conclure ipso facto au caractère erroné de la quote-part de la valeur du terrain telle que retenue par rapport aux deux autres immeubles, dans la mesure où, d’une part, chaque bien doit, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 22 LIR9, être évalué individuellement, de sorte qu’il aurait appartenu à la demanderesse de fournir des éléments de preuve confirmant que les trois immeubles, certes situés dans le même quartier et acquis, s’agissant pour le moins de deux immeubles, la même année, sont comparables en ce qui concerne les principes de l’évaluation de la valeur des terrains respectif, et, d’autre part, une application d’une quote-part de 20% pour la valeur du terrain, le cas échéant, de façon erronée pour un immeuble déterminé n’autorise en principe pas le contribuable à en tirer des droits en ce qui concerne l’évaluation d’autres biens.
Force est ensuite de constater que la demanderesse se limite à affirmer que la quote-
part du terrain telle que préconisée par elle de l’ordre de 20% du prix d’acquisition serait correcte et correspondrait à la réalité économique, alors qu’elle reste toutefois en défaut de verser la moindre pièce qui permettrait de sous-tendre l’évaluation telle que faite par elle. En l’occurrence, elle ne verse ni un rapport d’évaluation des valeurs respectives, à l’époque, des terrains et des constructions, ni d’autres pièces permettant de justifier sa thèse.
Dans ces conditions et à défaut d’autres explications ou moyens invoqués par la demanderesse de nature à énerver la décision du bureau d’imposition d’attribuer une quote-
part de 40% à la valeur des deux terrains litigieux, la taxation opérée par le bureau d’imposition sur ce point n’est pas sujette à critique, étant relevé qu’il ne suffit pas, comme le fait la demanderesse, d’insister sur la considération que l’imposition retenue par le bureau d’imposition lui causerait un préjudice et à affirmer à quel point la taxation serait injuste et erronée, sans toutefois expliquer en droit ou en fait, pièces à l’appui, de quelle manière cette taxation serait erronée.
9 Article 22, alinéa (3) LIR: « L’évaluation doit se faire distinctement pour chaque bien qui, à la fin de l’exercice d’exploitation, fait partie de l’actif net investi; toutefois, quand il s’agit de biens semblables quant à l’espèce et à la valeur ou de biens de moindre importance, l’évaluation peut avoir lieu en bloc. ».
16 Les contestations de la demanderesse quant aux valeurs respectives du terrain et des constructions des immeubles litigieux sont partant rejetées.
Quant à l’amortissement à partir de l’année 2009 des trois immeubles démolis en 2008, respectivement du nouvel immeuble.
Il se dégage du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2009 que l’imposition de la société X diffère de la déclaration comme suit :
« Concernant les propriétés immobilières portant les numéros cadastraux suivants … (6,31 ares) ; … (3,00 ares) et … (2,30 ares) et se situant à …, … resp. à … à …, le bureau d’imposition Sociétés 2 constate que :
1) Le bourgmestre de la Ville de Luxembourg a donné en date du 21 mai 2001 un accord de principe (réf. 246AP 2001) en matière d’autorisation à bâtir concernant les plans du bureau … prévoyant la démolition des trois immeubles, hormis la façade frontale avec aménagement d’un parking à 3 étages au sous-sol et la construction d’un complexe immobilier nouveau en respectant le gabarit (*).
2) que suivant les plans de constructions du 17 mars 2004 établis par « … » (Paris) et le bureau d’architecture … (Luxembourg) à votre demande après acquisition des trois propriétés immobilières par votre société en 2001 et 2003 resp. par la société filiale …. en 2003 et déposés au service d’Urbanisation de la Ville de Luxembourg en date du 17 avril 2004, vous avez envisagé de procéder à la démolition des trois immeubles et de les faire remplacer par un nouveau complexe immobilier avec au sous-sol un parking à 3 étages qui s’étend sur la superficie des parcelles cadastrales … ; … et ….
3) les immeubles situés au … resp. au … n’ont été ni loués ni exploités par votre société depuis leur acquisition suivant analyse des comptes annuels de X.
4) les immeubles démolis en 2008 par votre société étaient techniquement et économiquement usés.
Par conséquent, le bureau d’imposition Sociétés 2 est amené à requalifier les frais de démolition activés par votre société en 2007 et 2008 comme frais d’exploitation directement déductibles (**).
La valeur comptable de la partie construction (activée au bilan) des trois objets immobiliers démolis par votre société, constitue en fait une part du prix de revient du terrain, l’afa sur construction de … euros n’est pas à accorder en 2009. La partie du terrain est à majorer du montant correspondant.
Fiscalement, il est uniquement admis d’appliquer un amortissement sur les frais d’investissement relatifs à la nouvelle construction à partir de l’achèvement de celle-ci.
Reprise sur afa 2007à 2009 : … (2007) + … (2008) + … (2009) = … euros (concernant les frais de démolition directement déductibles resp. frais d’investissement se rapportant à l’immeuble nouveau en construction, il ne s’agit pas de frais de transformation).
Ad **) Frais de démolition des années 2007 et 2008 (activé par votre société sous frais de transformation) constituant des frais d’exploitation directement déductibles : … (travaux de démolition) + … (démontage sièges) + … (enlèvement cuve) + … (enlèvement déchets) + … (intervention amiante) + … (intervention amiante) + … (désamiantage) + … (désamiantage) + … (démontage chauffage) + … (travaux de démontage) = … euros.
17Ad *) ce qui ne peut être qualifié de transformation aux fins d’une approche au niveau de l’application des dispositions fiscales.
Régime d’intégration fiscale :
Résultat de la société X. intégré auprès de la société faîtière … (no. fiscal : …). ».
Suivant les remarques figurant au bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2010, l’imposition de la société X diffère de la déclaration sur les points suivants :
« Rajoute de l’afa sur construction de … euros, la valeur comptable de la partie construction constituant en fait une part du prix de revient du terrain non amortissable.
Rajoute de l’afa sur travaux de transformation de … euros (2010) non justifié, l’application d’un amortissement sur frais d’investissement d’une construction nouvelle en cours n’est pas admise, l’achèvement, c’est-à-dire, le principe de la « Bezugsfertigkeit » étant déterminant pour pouvoir procéder à l’application d’un amortissement sur la nouvelle construction.
Les redressements à titre de l’année d’imposition 2010 étant en concordance avec ceux appliqués en 2009 et se rallient aux raisonnements et développements annotés au bulletin d’imposition IRC 2009.
Régime d’intégration fiscale :
Résultat de la société X intégré auprès de la société faîtière … (no. fiscal : …) ».
Le bulletin de 2011, quant à lui, porte la mention suivante :
« Imposition conformément à notre projet d’imposition du 14/06/2016, votre courrier du 28 juin 2016 réceptionné le 29 juin 2016 ne contient pas d’éléments nouveaux, amenant le bureau d’imposition Soc. 2 à changer de position, ceci faute de pièces valablement fondées.
Rajoute de l’afa sur construction de … euros, la valeur comptable de la partie construction constituant en fait une part du prix de revient du terrain non amortissable.
(veuillez également voir note au bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2009).
Rajoute de l’afa sur travaux de transformation de … euros (2011) non justifié, l’application d’un amortissement sur frais d’investissement d’une construction nouvelle en cours n’est pas admise, l’achèvement, c’est-à-dire, le principe de la « Bezugsfertigkeit » étant déterminant pour pouvoir procéder à l’application d’un amortissement sur la nouvelle construction.
Les redressements à titre de l’année d’imposition 2011 étant en concordance avec ceux appliqués en 2009 et 2010 et se rallient aux raisonnements et développements annotés aux bulletins IRC 2009 et 2010.
Afa sur frais d’investissement d’une construction nouvelle à partir de nombre 2011, ceci par application du principe de la « Bezugsfertigkeit ». Détail de calcul ci-après :
Détermination de la base d’amortissement y relative :
Frais d’investissement de la construction nouvelle suivant bilan au 31/12/2011 : … -
… (Frais de démolition déduits en 2009) = … euros.
A défaut de la remise d’un tableau séparé reprenant les installations à plus forte usure, le taux d’amortissement uniforme de 3% sur la totalité de la construction nouvelle est appliqué :
… X 3% X 2/12 = … euros.
Régime d’intégration fiscale :
Résultat de la société X intégré auprès de de la société faîtière … (no. fiscal : …) ».
18 Le projet d’imposition du 14 juin 2016 adressé à la société X en application du paragraphe 205 AO comporte les mêmes remarques, alors que les bulletins de 2012 à 2014 renvoient, chacun, au bulletin de 2011.
Il suit de ces explications, ensemble celles fournies par le délégué du gouvernement dans sa réponse, que pour ce qui est des trois immeubles litigieux sis aux … et … et …, dont la démolition était de manière non contestée achevée en 2008, les travaux de démolition ayant débuté suivant la demanderesse en 200610 et suivant la partie étatique en 200711, le bureau d’imposition a admis la déduction des frais de démolition en tant que frais d’exploitation directement déductibles, non amortissables, alors que la société X semble avoir voulu les qualifier de frais de transformation, et n’a, à partir de l’année 2009, pas admis l’amortissement sur la valeur comptable de la partie construction des trois immeubles en qualifiant celle-ci comme une part du prix de revient du terrain et a majoré en conséquence la partie « terrain » de la valeur totale des immeubles du montant correspondant, au motif que les trois immeubles étaient techniquement et économiquement usés et que la société X aurait eu l’intention de les démolir à l’acquisition.
Le bureau d’imposition a encore indiqué ne pas admettre un amortissement pour travaux de transformation et admettre un amortissement pour frais d’investissement relatifs à la nouvelle construction uniquement à partir de l’achèvement de celle-ci, soit à partir de novembre 2011.
Enfin, à défaut d’un tableau séparé reprenant les installations à plus forte usure, le bureau d’imposition a appliqué un taux d’amortissement uniforme de 3% sur la construction nouvelle, en partant d’une durée usuelle d’utilisation de 33,3 ans suivant les explications du délégué du gouvernement.
De l’entendement du tribunal, la demanderesse critique actuellement le bureau d’imposition pour avoir refusé, à partir de l’année 2009, l’amortissement du prix d’acquisition des trois constructions démolies et d’avoir incorporé au sol la valeur des anciennes constructions démolies12, en affirmant que dans une hypothèse où un immeuble est acquis sans intention de le démolir, ce qui, d’après elle, serait le cas en l’espèce, la valeur nette comptable des anciennes constructions devrait « être réintégrée à son profit économique, soit en charges d’exploitation déductibles, soit au prix de revient de la nouvelle construction pour être amorti au prorata du temps »13.
La demanderesse critique, d’autre part, le point de départ et le taux de l’amortissement appliqué à la nouvelle construction, en affirmant que (i) l’amortissement devrait se faire sur des travaux de transformation, soit en cours de travaux, et (ii) la durée de l’amortissement devrait être de 10 ans, de sorte que le taux d’amortissement devrait être de 10%, et semble préconiser des durées d’amortissement différentes en fonction de diverses parties de l’immeuble.
10 Page 17 de la requête introductive.
11 Page 7 du mémoire en réponse.
12 Pages 9 et 17 de la requête introductive.
13 Page 8 du mémoire en réplique.
19Tel que cela a été relevé ci-avant, l’amortissement, qui ne peut porter que sur des éléments de l’actif qui se déprécient du fait de l’usage ou du temps14, est destiné à tenir compte, au niveau de l’évaluation de l’actif net d’une entreprise, de la dépréciation d’un bien par l’usage ou par le temps.
Aux termes de l’article 21 LIR, « Les biens de l’actif net investi comprennent les immobilisations, les biens du réalisable et du disponible et les éléments du passif envers les tiers.
(2) Sont considérés comme immobilisations les biens qui sont destinés à servir de manière permanente à l’entreprise ».
Aux termes de l’article 23 LIR, « […] (2) Les immobilisations amortissables sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient diminué des amortissements calculés d’après les articles 29 à 34 […] », étant relevé que l’article 25 LIR définit le prix d’acquisition d’un bien comme « l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation. », l’article 26 LIR définissant à son tour le prix de revient comme comprenant « toutes les dépenses assumées par l’exploitant en raison de la fabrication du bien envisagé ».
Aux termes de l’article 28 LIR, « (1) Les immobilisations amortissables comprennent les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure et les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance.
(2) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour usure sont celles qui se déprécient par l’effet du temps ou de leur utilisation, à l’exception des immobilisations à caractère d’approvisionnements.
(3) Les immobilisations susceptibles d’amortissement pour diminution de substance sont celles qui sont constituées par les masses de substances minérales ou fossiles renfermées dans le sein de la terre ou existant à la surface. », tandis que l’article 29 LIR précise ce qui suit : « (1) L’amortissement pour usure et celui pour diminution de substance visés à l’article 28 concernent la déperdition tant technique qu’économique.
(2) Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 53 à 55, l’ensemble des amortissements et des déductions pour dépréciation ne peut dépasser, pour une immobilisation amortissable déterminée, son prix d’acquisition ou de revient, diminué, le cas échéant, de sa valeur estimée de récupération. ».
L’article 32, paragraphes (1) et (2), LIR dispose encore comme suit: « 1 L’amortissement normal pour usure se calcule, pour un exercice déterminé d’exploitation, sur la base de la valeur nette restante du prix d’acquisition ou de revient, diminuée, le cas échéant, de la valeur estimée de récupération, et en retenant un montant égal par unité de la durée usuelle d’utilisation restant à courir à compter du début de l’exercice d’exploitation.
2 La durée usuelle d’utilisation se détermine compte tenu du genre et des conditions d’utilisation de l’immobilisation considérée. Elle doit être établie en un nombre d’années;
toutefois de l’accord de l’administration des contributions et sous les conditions à déterminer dans chaque cas, elle peut être fixée en toute autre unité appropriée. ».
14 Articles 28 et 29 LIR 20 Enfin, l’article 31 LIR, quant à lui, envisage la possibilité d’un amortissement extraordinaire « en cas de déperdition extraordinaire technique ou économique ».
Il se dégage par ailleurs du commentaire des articles du projet de loi 571415 que « la durée d’utilisation s’établit en tenant compte non seulement de la déperdition technique, mais également de la déperdition économique. […] La durée d’utilisation […] est la durée usuelle d’utilisation, donc la durée d’utilisation qui normalement doit être alignée pour le bien envisagé. Encore faut-il tenir compte du genre d’utilisation et des conditions d’utilisation, notamment de l’intensité de l’utilisation de ce bien dans l’exploitation en cause ».
La durée d’utilisation doit donc tenir compte des caractéristiques du bien lui-même ainsi que de l’affectation et des conditions concrètes de son utilisation par le contribuable. C’est donc à celui-ci qu’il incombe en premier lieu d’avancer une durée d’utilisation par une évaluation saine et raisonnable de l’usure technique ou économique probable du bien considéré dans son patrimoine et en tenant compte de ses expériences antérieures. L’administration est par contre en droit de prévoir et de publier une durée d’utilisation qu’elle considère comme usuelle pour ce bien sur base des errements de sa pratique administrative. Lorsque le contribuable entend retenir une durée d’utilisation inférieure, il lui appartient de fournir les éléments tenant à la nature du bien ou aux conditions particulières de son utilisation de nature à justifier une usure technique voire économique plus forte16.
Le commentaire de l’article 30 LIR, devenu l’article 26 actuel LIR, envisage encore, aux fin du calcul du prix de revient, l’hypothèse de la reconstruction d’un immeuble bâti en distinguant entre l’hypothèse d’une transformation et d’une reconstruction, distinction effectuée suivant que les parties essentielles de l’ancienne construction sont ou ne sont pas maintenues. Le même commentaire préconise qu’en cas de transformation, le prix de revient de l’immeuble transformé englobe la valeur comptable de l’ancien immeuble, les frais éventuels de démolition et les dépenses de la transformation proprement dite, tandis que, pour ce qui est de la détermination du prix de revient d’un immeuble bâti dans l’hypothèse d’une reconstruction, il est distingué entre (i) l’hypothèse où le bâtiment démoli n’est plus susceptible de profiter à l’acquéreur, et dans laquelle le commentaire des articles préconise que la valeur comptable soit imputée au résultat en tant qu’amortissement extraordinaire et que les frais de démolition soient qualifiés de dépenses d’exploitation, et (ii) celle où le bâtiment est encore utile pour l’exploitant, dans laquelle la valeur comptable de l’ancien immeuble démoli, de même que le prix du terrain et les frais de démolition représentent le prix d’acquisition d’un terrain à bâtir, de sorte à assimiler cette hypothèse à celle d’une acquisition avec intention de démolir et de reconstruire un nouvel immeuble.
En l’espèce, en ce qui concerne le sort à réserver, à partir de l’année 2009, à la valeur des constructions démolies, les contestations de la demanderesse semblent reposer sur la remise en cause du constat du bureau d’imposition que les constructions étaient économiquement et techniquement usées et qu’elle aurait eu dès le départ l’intention de les démolir.
Force est de constater que suivant la requête introductive d’instance et afin de sous-
tendre sa thèse, la demanderesse passe en revue les principes jurisprudentiels luxembourgeois et allemands dans l’hypothèse de l’acquisition d’un immeuble démoli par la suite, en 15 Ad article 37, page 59 16 Trib. adm. 6 juillet 1998, n° 9663 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 187 et les autres références y citées.
21distinguant suivant que l’immeuble est acquis avec ou sans l’intention de le démolir, tout en affirmant que, suivant le cas, soit le prix d’acquisition de la construction, de même que les frais de démolition seraient à déduire en tant que charges d’exploitation, soit il faudrait ou bien intégrer la valeur nette comptable, qui serait zéro, au prix du terrain si l’immeuble était objectivement sans valeur et les frais de démolition seraient alors à comprendre au prix de revient de la nouvelle construction, ou bien, lorsque l’immeuble démoli n’est pas « consommé » que ce soit techniquement ou économiquement, la valeur nette comptable de la construction démolie serait à inclure dans le prix de revient de la nouvelle construction ensemble avec les travaux de démolition. Elle affirme encore le principe que la valeur comptable du bâtiment ancien à démolir qui n’est plus susceptible de profiter à l’exploitation devrait être prise en compte en tant qu’amortissement extraordinaire. Après avoir exposé ces principes, elle insiste sur la considération qu’en l’espèce, jusqu’en 2007, elle n’aurait pas eu l’intention de démolir les immeubles litigieux.
Or, force est de constater que la demanderesse ne fait en substance qu’expliquer de quelle manière le bureau d’imposition a procédé à l’imposition de sa filiale, d’esquisser de façon plus ou moins ordonnée les règles d’amortissement susceptibles, d’après elle, de jouer, voire de façon théorique des solutions jurisprudentielles luxembourgeoises ou allemandes, sans toutefois mettre ces principes concrètement en relation avec le cas de l’espèce, tout en envisageant, par ailleurs, dans le cas de l’acquisition d’un immeuble sans intention de démolir la construction y érigée, ce qui serait le cas de l’espèce d’après la demanderesse, deux hypothèses possibles de traitement fiscal sans toutefois se prononcer sur la question de savoir laquelle de ces hypothèses serait, d’après elle, d’application en l’espèce. En d’autres mots, si la demanderesse affirme qu’il aurait fallu tenir compte de la valeur non encore amortie des immeubles détruits et si elle insiste sur le fait qu’elle n’aurait pas acquis les immeubles avec l’intention de les détruire, elle se limite à remettre en question l’approche du bureau d’imposition et d’envisager différentes traitements fiscaux possibles, sans toutefois expliquer de manière claire quel est le traitement fiscal préconisé par elle.
Par ailleurs, le tribunal relève que face au reproche du délégué du gouvernement dans sa réponse que la demanderesse semble vouloir faire admettre la valeur comptable des constructions démolies en tant qu’amortissement extraordinaire au sens de l’article 31 LIR, alors que dans les déclarations, sa filiale n’aurait même pas imputé ces valeurs comptables au résultat par l’intermédiaire d’un amortissement extraordinaire, la demanderesse n’a pas pris position, mais s’est limité à renvoyer en substance à ses explications fournies à l’appui de la requête introductive d’instance.
Or, afin de mener un débat utile et cela tant pour permettre à l’Etat de se défendre que pour permettre au tribunal de statuer, il ne suffit pas d’énumérer de façon tout à fait théorique les principes susceptibles de jouer, voire de se référer de manière générale aux commentaires des articles du projet de loi numéro 5714 ayant donné lieu à la LIR ou encore à un arrêt du Conseil d’Etat de 1963 pris sur base de la législation antérieure, mais il aurait appartenu à la demanderesse de mettre ces principes concrètement en relation avec le cas de l’espèce afin d’expliquer sur base de quel fondement juridique et sur base de quelle analyse factuelle elle estime que les impositions critiquées, qui se répercutent sur les bulletins déférés, seraient erronées.
Au-delà de ce constat, le tribunal relève encore que la demanderesse n’a en tout état de cause pas utilement remis en question les constats factuels faits par le bureau d’imposition à la base de l’imposition critiquée, en ce que dès l’année 2001, il y avait intention de démolir et que 22les immeubles démolis en 2008 étaient techniquement et économiquement usés. En effet, il n’est pas contesté qu’en 2001, une autorisation de principe a été accordée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg impliquant la démolition des constructions suivie de la construction d’un nouveau complexe immobilier, la demanderesse se limitant à affirmer de façon vague que la demande afférente aurait eu « pour origine les faits d’un vrai tiers par rapport à X », sans expliquer autrement cette assertion et sans en tirer une quelconque conclusion en droit. Il n’est pas non plus contesté qu’une demande d’autorisation, prévoyant pareillement la démolition des anciennes bâtisses et la construction d’un nouveau complexe immobilier, a été introduite en 2004, soit l’année ayant suivi les deux dernières acquisitions. Il n’est pas non plus contesté que les immeubles sis … (immeuble dit « … ») et … n’ont pas été loués ou exploités par la société X depuis leur acquisition, seul l’immeuble dit « … » ayant été loué et cela seulement jusqu’en 2005. Enfin, si les parties à l’instance donnent des indications différentes quant au début exact des travaux de démolition, ils sont en accord pour retenir qu’en 2008, les trois immeubles étaient démolis et dès lors n’existaient plus au courant de l’année d’imposition 2009, pour laquelle le bureau d’imposition a incorporé au sol la valeur restante des constructions.
Dès lors, la demanderesse n’a pas utilement remis en question les constats sur lesquels le bureau d’imposition s’est fondé pour procéder aux impositions litigeuses.
La seule circonstance avancée par la demanderesse que l’immeuble « … » avait un locataire jusqu’en 2005 et celle que des discussions auraient eu lieu afin de préserver des façades historiques ne permet en tout cas pas de remettre en question ni le constat du bureau d’imposition que les trois immeubles étaient techniquement et économiquement usés au moment de leur démolition, ni celui qu’il y avait, dès le départ, intention de les démolir, étant relevé que la seule référence par la demanderesse à des discussions sur le maintien éventuel de façades, sans autres précisions fournies par elle quant aux éléments concrètement destinés à être maintenus, ne permet pas de qualifier le projet initial allégué en tant que transformation ou de reconstruction, distinction dépendant, en effet, de la question de savoir si des parties essentielles de l’ancien immeuble sont ou non maintenues17.
Enfin, si la demanderesse affirme de façon incidente que le bureau d’imposition aurait accepté en 2008 un amortissement pour la valeur des constructions démolies dont elle semble vouloir déduire que le même amortissement aurait dû être admis en 2009, le tribunal relève qu’en vertu du principe de l’annuité de l’impôt, la prise en compte de l’amortissement litigieux en 2008 quoique les immeubles étaient déjà démolis, n’empêche pas le bureau d’imposition de ne pas le prendre en compte en 2009.
Enfin, si la demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir « taxé d’après des critères rationnellement en contradiction, car il [emploierait] un critère appartenant à la voie de l’intention de démolir […] mélangé à un critère appartenant à la voie de l’absence d’intention de démolir », au-delà du constat que la demanderesse n’a pas autrement expliqué ce reproche, ni n’a-t-elle tiré une conclusion en droit de cette assertion, le tribunal relève qu’en toute hypothèse, ledit reproche repose sur la prémisse que le cas de figure sous analyse serait celui d’une acquisition sans intention de démolir, hypothèse que la demanderesse n’a toutefois pas prouvée, tel que cela a été retenu ci-avant. Or, à défaut d’une telle preuve, se pose tout au plus, à suivre la thèse de la demanderesse, la question de savoir si le bureau d’imposition a, le cas échéant, admis à tort les frais de démolition à titre de dépenses d’exploitation, question que 17 Cf commentaire des articles précité du projet de loi 5714.
23le tribunal n’a pas à trancher, alors que, contrairement au directeur, le tribunal n’a pas le pouvoir de réformer in pejus.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, à défaut par la demanderesse d’avoir autrement justifié son moyen tendant à critiquer la non prise en compte de la valeur non encore amortie des constructions démolies, et à défaut d’avoir utilement remis en question les constats sur lesquels le bureau d’imposition s’est fondé à cet égard, le tribunal ne peut que rejeter ce moyen.
En ce qui concerne ensuite le point de départ de l’amortissement du nouveau complexe immobilier érigé par la société X, le tribunal relève qu’en principe le point de départ d’un amortissement est constitué par la mise en service de l’immobilisation, étant relevé que dans l’hypothèse d’un immeuble, il s’agit de la date d’acquisition, respectivement de la date de l’achèvement de la construction18.
Afin de délimiter la catégorie de bien du bâtiment, il convient de relever que cette notion correspond à celle retenue par le paragraphe 50 BewG, applicable au Luxembourg sur base de l’article 1er de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes, cotisations et droits. Ainsi, un bâtiment constitue une construction durable, solidement attachée au sol, disposant d’une assise propre, qui permet le séjour de personnes, même si elle n’est pas destinée à cet usage, et est de nature à protéger des personnes, animaux ou choses des influences extérieures. Ne rentrent pas dans la notion de bâtiment les machines et dispositifs faisant partie des installations d’exploitation qui constituent des biens distincts. Les parties constitutives d’un bâtiment sont celles qui ne peuvent en être séparées sans détérioration ou sans modification dans leur essence ou affectation. Dans le cadre des revenus de location de biens, un bâtiment, avec toutes ses parties constitutives, est en principe un bien unique, sauf l’hypothèse d’usages qui ne s’intègrent pas dans le cadre d’une utilisation et fonction uniformes et qui justifient un traitement fiscal séparé, et notamment un taux d’amortissement distinct19.
Le tribunal constate que le bureau d’imposition a admis l’amortissement pour l’ensemble de la nouvelle construction à partir de son achèvement (« Bezugsfertigkeit »), étant relevé qu’il se dégage des explications du délégué du gouvernement que la construction était achevée en majeure partie en 2011 et que l’immeuble a été loué à partir de novembre 2011.
Là encore, le tribunal constate que la demanderesse se limite à indiquer de façon tout à fait théorique que si en principe la fin d’une construction est constituée par sa finition, tout en relevant que le point de départ de l’amortissement pour un immeuble est celui où les travaux essentiels sont terminés et l’immeuble est habitable ou utilisable, des parties de construction sans relation directe avec l’utilisation ou le fonctionnement de l’immeuble pourraient être terminées à des moments différents, de sorte que les amortissements pourraient débuter à des dates différentes, et à reprocher au bureau d’imposition de s’éloigner de ces principes en s’attachant à l’encaissement de loyers ou au déménagement des locataires, la demanderesse mélangeant par la suite des explications en ce qui concerne le taux d’amortissement, la durée de l’amortissement et le début de l’amortissement. Or, au-delà de ces considérations tout à fait générales et théoriques, la demanderesse reste en défaut d’indiquer dans ses écrits procéduraux, étant rappelé que, tel que retenu ci-avant, les moyens qu’un plaideur entend développer et les éléments qu’il entend avancer à leur appui doivent ressortir des écrits procéduraux mêmes et 18 Trib. adm. 18 janvier 2018, n° 40343 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n°168.
19 Trib. adm. 6 juillet 1998, n° 9663 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 186.
24les lacunes à cet égard ne sauraient être comblées par des renvois à des annotations apposées aux pièces, ni par un renvoi purement abstrait aux pièces, et qu’il n’appartient pas au tribunal de rechercher dans le contenu de courriers ou d’autres pièces joints au recours le sens qu’un plaideur a entendu donner à ses moyens et les explications les justifiant, en quoi l’approche du bureau d’imposition serait erronée en droit ou en fait.
Au regard du fait que le bureau d’imposition a défini le début de l’amortissement des nouvelles constructions à partir du critère de la « Bezugsfähigkeit », qui en substance rejoint l’approche de la demanderesse qui estime qu’il y aurait lieu de tenir compte du moment à partir duquel l’immeuble peut être utilisé, et à défaut par la demanderesse d’avoir donné des explications précises susceptibles de remettre en question le constat du bureau d’imposition que l’immeuble était utilisable à partir de novembre 2011, étant relevé que la demanderesse n’indique même pas quelle autre date que le mois de novembre 2011 il y aurait, de son avis, lieu de prendre en compte, ni sur base de quelles considérations une telle autre date devrait être prise en compte, ni n’explique-t-elle concrètement quels autres éléments de la construction devraient être amortis à partir d’un autre moment, pour quelles raisons tel devrait être fait, et quel serait le point de départ d’un tel amortissement différencié par rapport à l’immeuble en tant que tel, le tribunal ne peut que rejeter les contestations de la demanderesse sur la question du point de départ de l’amortissement de la nouvelle construction.
Quant au taux de l’amortissement retenu par le bureau d’imposition, le tribunal relève qu’en application de l’article 32, paragraphe (2) LIR, précité, la durée usuelle d’utilisation se détermine compte tenu du genre et des conditions d’utilisation de l’immobilisation considérée.
Au regard des principes retenus ci-avant, il appartient à la demanderesse d’expliquer en quoi, par dérogation au principe qu’un bâtiment donné en location est considéré avec toutes ses parties constitutives comme un bien unique, certaines parties de l’immeuble seraient à apprécier de manière distincte au titre de l’amortissement et de justifier sa demande (i) en identifiant concrètement les parties de l’immeuble visées et (ii) en indiquant en quoi, compte tenu de leur nature ou des conditions de leur utilisation, ces parties de l’immeuble sont soumises à une usure technique voire économique plus forte et devraient ainsi être soumis à un traitement fiscal différent.
En l’espèce, il se dégage des explications du délégué du gouvernement que le bureau d’imposition, partant a priori du principe que la durée d’utilisation usuelle d’un immeuble nouvellement construit est de 50 ans et à défaut par la demanderesse, ayant fait état d’installations ayant une durée d’utilisation inférieure, de fournir un état probant de ses prétentions, a admis, par voie de taxation une durée usuelle d’utilisation globale de 33,3 ans pour l’ensemble du complexe immobilier nouvellement construit, en tenant ainsi compte de ce que, tel que le soutient la demanderesse, certains postes du tableau d’amortissement ont une durée d’utilisation moins élevée que l’immeuble en tant que tel.
Si la demanderesse critique cette imposition, force est toutefois de constater qu’elle reste en défaut de fournir dans ses écrits procéduraux des explications ou éléments probants utiles qui permettent de remettre en question l’approche du bureau d’imposition.
Ainsi, elle reste en défaut de justifier en quoi l’immeuble litigieux, qui suivant les explications non contestées du délégué du gouvernement est loué en tant que bureaux professionnels, devrait être soumis par analogie à des durées d’utilisation plus restreintes telles que celles prévues par la circulaire LIR 61 du 23 avril 1976 visant la durée usuelle d’utilisation 25des bâtiments industriels ou encore par la circulaire LIR n° 69 du 11 décembre 1978 visant la durée usuelle d’utilisation des bâtiments hôteliers, invoquées par la demanderesse. En tout cas, ces deux circulaires ne sauraient utilement fonder les contestations de la demanderesse, étant donné qu’en l’espèce il ne se dégage d’aucun élément du dossier que le complexe immobilier nouvellement construit puisse être considéré comme bâtiment industriel ou hôtelier, voire y être assimilé, le seul fait allégué que l’immeuble serait utilisé par 100 salariés et serait fréquenté par la clientèle, à défaut d’autres explications, ne le distinguant en tout cas pas de tout autre immeuble utilisé à des fins administratives. La simple affirmation de la demanderesse qu’il faudrait tenir compte d’une durée usuelle d’utilisation de 10 ans, durée qui s’écarte pourtant sensiblement de la durée usuelle d’utilisation de 50 ans pour un immeuble nouvellement construit telle que préconisée par l’Etat, et reposant sur la seule allégation péremptoire que l’immeuble serait fréquenté par un grand nombre de personnes par jour, est en tout état de cause insuffisante à cet égard.
Si ensuite la demanderesse renvoie à son tableau d’amortissement pour affirmer que certaines installations de l’immeuble litigieux devraient subir des durées d’amortissement différentes, si encore dans sa réplique elle renvoie de façon vague aux installations sanitaires, ascenseurs, sols et climatisations qui devraient subir des taux d’amortissement différents et fait allusion de manière tout aussi vague à des « dommages de malfaçon amortis ou dépréciés », force est de constater qu’elle reste en défaut de donner des explications plus circonstanciées à cet égard, tant en ce qui concerne la nature des biens visés que quant à la justification de la prise en compte d’une durée usuelle d’utilisation autre que celle à prendre en compte pour l’immeuble en tant que tel, voire quant à la durée préconisée par elle. En tout état de cause, elle reste en défaut de justifier que le taux d’amortissement global de 3% appliqué par le bureau d’imposition par voie de taxation, à défaut par elle d’avoir fourni des justificatifs à l’appui de ses prétentions, s’écarte de façon substantielle de la réalité économique dont elle se prévaut. A cet égard, il convient de relever que le seul reproche à l’adresse du bureau d’imposition de ne pas avoir voulu instruire ne permet pas de remettre en question le bien-fondé de l’imposition sur ce point dans la mesure où, en application du paragraphe 217 AO20, le bureau d’imposition est en droit de procéder par voie de taxation si le contribuable n’est pas en mesure de donner des explications suffisantes quant à ses déclarations, ce que le bureau d’imposition a justement fait en l’espèce en retenant un taux global moyen à défaut par la demanderesse d’avoir soumis des justificatifs quant aux éléments pour lesquels elle entend voir appliquer des taux d’amortissement différents. Or, dans une hypothèse où le bureau d’imposition a dû procéder par voie de taxation, le contribuable ne saurait utilement remettre en question cette taxation au seul motif que la cote d'impôt finalement fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle, mais il ne saurait prospérer dans ses contestations que s'il rapporte la preuve que la réalité économique avancée par lui s'écarte de manière significative de ce que le bureau d’imposition a retenu21, preuve que la demanderesse n’a justement pas rapportée.
20 « (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
21 Cour adm 19 février 2009, n° 24907C du rôle, Pas. Adm. 2020, V° Impôts, n° 861.
26Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal ne peut que retenir qu’il n’est pas non plus saisi d’éléments suffisants de nature à remettre en question la légalité ou le bienfondé de l’application par le bureau d’imposition d’un taux d’amortissement global de 3%.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et défaut d’autres moyens que le recours est à rejeter comme étant non fondé et la demanderesse à débouter de ses demandes.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
condamne la demanderesse au paiement des frais et dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mai 2021 par :
Annick Braun, vice président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 27