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20/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45822

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mai 2021, 45822


Tribunal administratif N° 45822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2021 2e chambre Audience publique du 20 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45822 du rôle et déposée le 26 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah Moineaux, avocat à la Cour, inscrit

e au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Eryt...

Tribunal administratif N° 45822 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2021 2e chambre Audience publique du 20 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (3), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45822 du rôle et déposée le 26 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah Moineaux, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, actuellement assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK), sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 mars 2021 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers l’Italie, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Sarah Moineaux du 9 mai 2021 informant le tribunal que l’affaire peut être prise en délibéré en dehors de sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Tara Desorbay en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 mai 2021.

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Le …, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée et police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche dans la base de données EURODAC, que Monsieur … avait préalablement franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 15 novembre 2020.

Toujours le 30 décembre 2020, il fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Par arrêté du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre » du 6 janvier 2021, Monsieur … fut assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, assignation qui fut prorogée pour une durée de trois mois par arrêté ministériel du 6 avril 2021.

Le 11 janvier 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues italiens en vue de la prise en charge de Monsieur … en exécution du règlement Dublin III. Par courrier électronique du 18 janvier 2021, les autorités italiennes informèrent leurs homologues luxembourgeois des modalités de transfert de Monsieur …. Ils adressèrent encore un rappel sur ces modalités par courrier électronique du 9 mars 2021.

Par décision du 11 mars 2021, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre informa Monsieur … de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie, sur base des dispositions de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 13 (1) du règlement Dublin III. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du … au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 13(1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 30 décembre 2020 et le rapport d’entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 30 décembre 2020.

1.

Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 30 décembre 2020, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l’immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 15 novembre 2020.

Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 30 décembre 2020.

Sur cette base, la Direction de l’immigration a adressé en date du 11 janvier 2021 une demande de prise en charge aux autorités italiennes sur base de l’article 13(1) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités italiennes en date du 18 janvier 2021.

2.

Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité de l’Italie est acquise suivant l’article 13(1) du règlement DIII en ce que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers et que cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité ne prend fin que douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière et ce laps de temps n’est pas écoulé dans le cas présent.

En application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII, il y a lieu d’analyser s’il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure de demande de protection internationale ou les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale présentent des défaillances systémiques susceptibles d’entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE ») ou de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »).

Un Etat n’est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

3.

Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, il ressort des résultats du 30 décembre 2020 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 15 novembre 2020.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté l’Erythrée en mars 2016 en direction du Soudan où vous seriez resté trois mois. Ensuite, vous vous seriez rendu en Lybie où vous auriez vécu trois ans à …. Vous dites avoir été vendu à quatre reprises par vos passeurs libyens et avoir été électrocuté une fois au niveau de la cheville. En date du 10 novembre 2020, vous seriez monté à bord d’une embarcation vers l’Italie et vous auriez été secouru en mer par un navire civil espagnol qui vous a déposé sur la côte italienne. Après une semaine dans un camp de réfugiés, vous auriez continué votre voyage en direction du Luxembourg en passant par la France. Vous seriez arrivé au Luxembourg en date du 28 décembre 2020.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 30 décembre 2020, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que l’Italie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l’Italie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l’Italie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. S’il est notoire que les autorités italiennes connaissent des problèmes quant à leurs capacités d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui peuvent être confrontés à d’importantes difficultés sur le plan de l’hébergement, et ces contions de vie, il n’y a toutefois aucune sérieuse raison de croire qu’il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure de demandes de protection internationale et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 4 de la Charte UE.

Par conséquent, en l’absence d’une pratique actuelle avérée en Italie de violation systémique de ces normes minimales de l’Union européenne, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-

refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv.

torture, de même que les conditions minimales d’accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l’Italie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Italie, d’introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités italiennes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes italiennes, notamment judiciaires.

Au vu de ce qui précède, l’application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII ne se justifie pas.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Italie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Italie, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers l’Italie en informant les autorités italiennes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. (…) ».

Par courrier de son litismandataire du 23 mars 2021, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée du 11 mars 2021, recours qui fut rejeté par le ministre en date du 29 mars 2021.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 11 mars 2021.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en la matière, l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoyant, par ailleurs, expressément un recours en annulation, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée du 11 mars 2021, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique avoir quitté l’Erythrée en mars 2016 en direction du Soudan, où il aurait demeuré trois mois avant de se rendre en Libye, où il serait resté trois ans. Dans ledit pays, il aurait été vendu à quatre reprises à des passeurs et aurait été électrocuté au niveau de la cheville. En novembre 2020, il aurait débarqué en Italie, pays dans lequel il aurait été enregistré comme ayant illégalement franchi la frontière en date du 15 novembre 2020. Il aurait quitté l’Italie pour déposer une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 30 décembre 2020. Il reprend ensuite les rétroactes tels que précisés ci-avant, tout en ajoutant qu’au-delà des troubles psychologiques dont il souffrirait en raison des tortures qu’il aurait subies au cours de son parcours migratoire, il serait également atteint de pathologies physiques, à savoir (i) une « Hépatite B chronique avec retentissement hépatique » pour laquelle il bénéficierait d’un traitement médicamenteux « Viread 245mg » qui lui aurait été prescrit pour une première période de 180 jours et qui devrait être poursuivi sur une longue période, (ii) une tuberculose latente qui serait traitée par « Nicotibine 300 » pour une période de six mois et qui devrait être pris pour la même durée au risque de voir se développer une résistance au traitement et que la tuberculose ne puisse être soignée, ainsi que (iii) une « Bilharziose asymptomatique » qui aurait été traitée par « Biltricide 2400mg » mais le parasite causant cette pathologie se serait logé dans son foie, ce qui compliquerait sa situation médicale, étant donné qu’il serait déjà atteint d’une hépatite B chronique. Il verse à cet égard un certificat médical daté du 19 mars 2021 rédigé par le docteur P. B. Il ajoute enfin, en s’appuyant sur un certificat du docteur Y. G. du 24 mars 2021 que dans l’hypothèse où cette hépatite ne serait pas traitée, son pronostic vital serait en péril et que des complications, telles qu’une cirrhose hépatique et un cancer du foie, pourraient survenir à moyen ou long terme, en ajoutant que la tuberculose dont il serait atteint serait une maladie potentiellement dangereuse pour sa santé et la santé publique si celle-ci n’est pas prise en charge à temps.

En droit, en premier lieu, après avoir rappelé les maladies dont il serait atteint, ainsi que leurs conséquences à moyen et long termes, le demandeur se base sur les articles 21 et 22 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par la « directive accueil », pour conclure que les Etats membres devraient tenir compte, lors de la transposition de ladite directive, de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que celles ayant subi des tortures, ainsi que celles ayant des besoins particuliers en matière d’accueil, et ce pendant toute la durée de la procédure d’asile. Le demandeur souligne, ensuite, qu’en droit luxembourgeois, l’article 2 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire, définirait le demandeur ayant des besoins particuliers comme étant une personne vulnérable conformément à l’article 15 de la même loi, et prévoirait la prise en compte des besoins particuliers du demandeur dans l’article 16 de la même loi. Il s’appuie encore sur le « Projet d’articles sur l’expulsion des étrangers » de 2014 de la Commission du droit international de l’Organisation des Nations Unies pour relever que son article 15 consacrerait la protection des personnes vulnérables faisant l’objet d’une expulsion. Le demandeur en conclut qu’au vu de son parcours migratoire, de son état de santé, de la nécessité pour sa survie d’être médicalement suivi et de suivre de manière stricte les traitements appropriés pour lutter contre les maladies infectieuses dont il serait porteur (hépatite B chronique et tuberculose), - traitements dont il bénéficierait actuellement au Luxembourg -, il serait à considérer comme étant une personne vulnérable au sens des textes internationaux et nationaux précités.

Il indique ensuite que le considérant 11 du règlement Dublin III prévoirait que la directive accueil devrait s’appliquer à la procédure de détermination de l’Etat membre responsable conformément audit règlement. Il cite à cet égard une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après désignée par « la CourEDH », à savoir son arrêt du 4 novembre 2014, Tarakhel c/ Suisse, n° 29217/12, en soutenant que l’expulsion d’un demandeur d’asile par un Etat contractant pourrait soulever un problème au regard de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », et donc engager la responsabilité de l’Etat en cause, lorsqu’il y aurait des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra dans le pays de destination un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ce qui impliquerait, le cas échant, l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays. La même position aurait été adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne, dénommée ci-après « la CJUE », laquelle aurait retenu, dans un arrêt du 16 février 2017, C.K. et autres c/ Republika Slovenija, n° C-578/16 PPU, que le transfert de demandeurs d’asile dans le cadre du système de Dublin pourrait, dans certaines circonstances, être incompatible avec l’interdiction prévue à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ci-après désignée par « la Charte », et que les Etats membres seraient liés, dans l’application de celui-ci, par la jurisprudence de la CourEDH relative à l’article 3 de la CEDH. Il ressortirait, ainsi, de ces arrêts que la vulnérabilité des personnes faisant l’objet d’un transfert dans le cadre du règlement Dublin III serait un facteur que les Etats membres devraient prendre en compte dans l’appréciation du risque de subir des traitements prohibés par l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, traitements qui devraient présenter un minimum de gravité. Cette gravité devrait être appréciée au vu de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement médical et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. La CJUE aurait, en outre, retenu, que la souffrance due à une maladie survenant naturellement, qu’elle soit physique ou mentale, pourrait relever de l’article 3 de la CEDH si elle se trouve, ou risque de se trouver, exacerbée par un traitement, - que celui-ci résulte d’une expulsion ou d’autres mesures -, dont les autorités peuvent être tenues pour responsables, et cela, à condition que les souffrances en résultant atteignent le minimum de gravité requis par cet article. La CJUE aurait rajouté que les autorités de l’Etat membre concerné, y compris ses juridictions, seraient tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci.

Le demandeur en conclut qu’en raison de son état de santé et du risque avéré de mettre en péril son pronostic vital en cas d’interruption et/ou d’absence de traitement pour les maladies infectieuses dont il souffrirait, ainsi qu’en l’absence d’un suivi médical régulier, ces faits devraient entraîner la qualification dans son chef de personne vulnérable ayant des besoins particuliers en termes de conditions d’accueil, de sorte que ces facteurs auraient dû être pris en compte dans l’appréciation du risque, qu’en cas de transfert vers l’Italie, il soit soumis à un traitement inhumain ou dégradant, prohibé par l’article 3 de la CEDH, l’article 4 de la Charte, voire à un traitement contraire à l’article 2 de la CEDH et en tout état de cause à un traitement contraire à l’article 1er de la Charte.

En deuxième lieu, quant à l’existence concrète d’un tel risque dans son chef, le demandeur rappelle que dans son arrêt Tarakhel c/ Suisse, la CourEDH aurait retenu, que si la structure et la situation générale du dispositif d’accueil en Italie ne sauraient constituer en soi un obstacle à tout renvoi de demandeurs d’asile vers ce pays, il y aurait de sérieux doutes quant aux capacités actuelles du système, de sorte que l’hypothèse d’un nombre significatif de demandeurs d’asile privés d’hébergement ou hébergés dans des structures surpeuplées dans des conditions de promiscuité, voire d’insalubrité ou de violence ne saurait être écartée comme dénuée de tout fondement. A cet égard, il relève qu’en raison de sa situation personnelle caractérisée par sa vulnérabilité, son transfert vers l’Italie, où il risquerait de ne pas bénéficier de conditions matérielles d’accueil adaptées à son état de santé, aurait pour conséquence de le plonger dans un état de détresse ultime et aurait des conséquences irrémédiables et irréversibles à plus ou moins long terme. Il renvoie encore à l’arrêt Abubacarr Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland du 19 mars 2019, n° 163/17, dans lequel la CJUE aurait retenu que l’article 4 de la Charte devrait être interprété dans le sens que le transfert d’un demandeur de protection internationale ne devrait pas être exécuté si la juridiction saisie d’un recours contre la décision de transfert constate, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, qu’en cas de transfert le demandeur se trouverait indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels dans une situation de dénuement matériel extrême. Dans ce contexte, il cite un extrait d’un article publié sur le site « www.forumrefugies.org » le 5 décembre 2018 et intitulé « L’Italie adopte un décret-loi menaçant gravement le droit d’asile », une publication de Médecins Sans Frontières du 8 février 2018, intitulé « Out of sight – Second edition », sur la situation difficile d’hébergement des demandeurs de protection internationale en Italie, un rapports publié par l’OSAR le 8 mai 2019, intitulé « Aktuelle Situation für Asylsuchende in Italien », un autre rapport du même organisme de janvier 2020 intitulé « Reception conditions in Italy – Updated report on the situation of asylum seekers and beneficiaries of protection, in particular Dublin returnees, in Italy » en lien avec l’accès difficile au système de soins, à l’hébergement et à l’introduction d’une demande de protection internationale en Italie, ainsi que les difficultés auxquelles les bénéficiaires d’une protection internationale feraient face dans ledit pays. Il explique que l’enregistrement chaotique de sa demande de protection internationale entraînerait, dans son chef, une impossibilité d’accéder à un logement et aux soins médicaux pendant probablement plusieurs mois, ce qui pourrait aggraver sa situation médicale et mettre en péril son pronostic vital. Il en conclut que de tels traitements devraient être qualifiés de contraires aux articles 2 et 3 de la CEDH. Il ajoute qu’au vu de sa situation particulière et notamment de son état de santé, l’article 1er de la Charte risquerait d’être violé.

Le demandeur s’empare ensuite de la situation sanitaire mondiale liée à la lutte contre la COVID-19, laquelle aurait particulièrement affecté l’Italie et aurait aggravé la situation des migrants dans ce pays et que dans la mesure où il serait totalement dépendant de l’aide publique, il risquerait de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, respectivement à l’article 4 de la Charte, alors qu’il risquerait de se retrouver dans une situation mettant en danger sa santé physique, incompatible avec la dignité humaine, voire incompatible avec l’article 2 de la CEDH.

En troisième lieu, en application de la jurisprudence de la CourEDH qui, dans son arrêt précité rendu dans l’affaire Tarakhel c/ Suisse, aurait imposé aux Etats membres d’obtenir des autorités italiennes des garanties individuelles concernant les besoins particuliers des personnes vulnérables, le demandeur relève qu’aucune information n’aurait été transmise aux autorités italiennes quant à ses besoins de base et particuliers, notamment en termes d’accès aux soins et à ses traitements médicaux. Il précise que la CJUE aurait également retenu dans son arrêt précité rendu dans l’affaire C.K. et autres c/ Republika Slovenija que même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans l’Etat membre responsable de la demande de protection internationale, le transfert du demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne pourrait être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 4 de la Charte.

Or, dans la mesure où aucune garantie individuelle n’aurait été demandée ni obtenue des autorités italiennes en terme d’accès aux soins et à ses traitements médicaux, le demandeur estime que son transfert vers l’Italie constituerait dans son chef une violation de l’article 3 de la CEDH, respectivement 4 de la Charte, voire de l’article 2 de la CEDH et en tout état de cause de l’article 1er de la Charte.

En quatrième lieu, le demandeur s’appuie sur deux jugements du tribunal des 8 juin 2015 et 16 décembre 2020, qui prévoiraient que dans le cadre d’un recours en annulation les pièces postérieures à la décision déférée ne pourraient pas être prises en compte sauf dans l’hypothèse où elles se rapporteraient à une situation de fait ayant existé au jour de la prise de décision. Or, les certificats médicaux constatant la bilharziose et la tuberculose latente auraient été délivrés avant la prise de décision du ministre, de sorte qu’ils devraient être pris en compte par le tribunal. Quant à l’hépatite B, étant donné que celle-ci serait chronique, il aurait souffert de cette maladie bien avant que le ministre ne prenne sa décision. A cet égard, il précise que dans l’hypothèse où le tribunal ne voudrait pas tenir compte de ces certificats médicaux, il devrait alors sursoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la CJUE dans l’affaire H. A. c/ Etat Belge, n° C-194/19, dans laquelle une question préjudicielle aurait été posée concernant la prise en compte d’éléments postérieurs à une décision de transfert dans le cadre du règlement Dublin III.

Finalement, le demandeur sollicite l’institution d’une mesure d’instruction complémentaire par la nomination d’un expert médical qui aurait pour mission de déterminer si l’exécution de la décision de transfert en Italie risquerait, au vu des éléments concernant la situation générale des demandeurs de protection internationale dans ledit pays, de constituer dans son chef un traitement contraire aux articles 2 et 3 de la CEDH et 1er et 4 de la Charte.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en tous ses moyens, tout en contestant formellement que le demandeur serait à considérer comme une personne vulnérable, estimant que ce dernier ne saurait être qualifié de personne ayant une maladie grave telle que son état de santé aurait imposé au ministre de solliciter, de la part des autorités italiennes, l’obtention d’une garantie relative à un accès aux soins en Italie.

Tout d’abord, à titre liminaire, en ce qui concerne les certificats médicaux qui ont été versés après la prise de la décision litigieuse, au-delà du fait que la partie étatique ne demande pas le rejet de ces pièces, il est de jurisprudence constante que lorsque de nouveaux éléments de preuve sont produits au cours de l’instance contentieuse, permettant d’apprécier différemment la situation factuelle ayant existé au moment de la prise de la décision, le juge peut et doit les prendre en considération et, le cas échéant, annuler la décision administrative qui ne procède alors pas forcément d’une erreur en fait ou en droit, mais qui a été prise sur base d’une information incomplète2.

2 Cour adm., 20 mars 2014, n° 33780C du rôle, Pas. adm 2020, V° Recours en annulation, n° 27 et les autres Partant, dans la mesure où la bilharziose et la tuberculose dont souffre Monsieur … ont été diagnostiquées avant la prise de la décision litigieuse, et que l’hépatite B dont il est atteint est chronique, ce qui signifie qu’à la date de la rédaction du certificat médical, soit le 19 mars 2021, il était déjà porteur de cette maladie, et ce, avant la prise de la décision ministérielle, le tribunal prendra en compte ces certificats médicaux dans le cadre de son analyse.

Au vu de cette solution, la demande de Monsieur … de voir le tribunal surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la CJUE dans l’affaire H.A. c/ Etat Belge, C-194/19, - qui a été, par ailleurs, rendu le 15 avril 2021 -, est, par conséquent, à rejeter pour être dénuée de fondement.

Quant au fond, le tribunal relève que l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 13 (1) du règlement Dublin III sur le fondement duquel la décision litigieuse a été également prise dispose, quant à lui, que « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ».

Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 13 (1) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait compétent pour le traitement de la demande de protection internationale présentée par Monsieur …, mais l’Italie, pays dont les frontières ont été irrégulièrement franchies par ce dernier en date du 15 novembre 2020, qui a accepté de le prendre en charge par courriers électroniques des 18 janvier et 9 mars 2021, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Il y a ensuite lieu de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou références y citées.

dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17 (1) du même règlement accordant au ministre la faculté d’examiner la demande de protection internationale en passant outre la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire, - cette dernière disposition n’ayant pas été invoquée par le demandeur.

Force est au tribunal de constater que le demandeur soutient que son transfert serait contraire à l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, à l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, ainsi qu’aux articles 1er de la Charte et 2 de la CEDH.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

L’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III invoqué par le demandeur dispose que :

« Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ».

Cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH, respectivement de l’article 4 de la Charte.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées.

Le tribunal est encore amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il y existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte.

A cet égard, dans un arrêt du 19 mars 2019, portant le numéro C-163/17 du rôle, la CJUE a retenu que des défaillances ne sont contraires à l’interdiction de traitements inhumains ou dégradants que lorsqu’elles atteignent un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause, ce seuil étant atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un État membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine3, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant4.

Etant donné que le demandeur remet en question cette présomption du respect des droits fondamentaux par l’Italie, en affirmant risquer des traitements inhumains et dégradants en cas de transfert vers ledit pays, il lui appartient de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

En l’espèce, il est certes exact qu’il ressort des articles et rapports invoqués par le demandeur, tels qu’énumérés ci-avant dans le cadre de l’exposé de ses moyens, que les autorités italiennes ont connu et connaissent toujours de sérieux problèmes quant à leur capacité d’accueil des demandeurs d’asile, ce qui implique que ceux-ci risquent de se voir confrontés à des difficultés plus ou moins importantes suivant le cas de figure dans lequel ils se trouvent au niveau de l’accès à l’hébergement, aux soins et des conditions de vie en général, et que la situation régnant en Italie semble préoccupante.

Il ressort cependant des recherches étatiques – qui n’ont pas été remises en cause par le demandeur – que cette situation était la conséquence du décret-loi italien n° 113/2018, dit « décret-loi Salvini », que le Conseil des ministres italien a entendu modifier en adoptant une série de lois en date du 5 octobre 2020. L’article publié sur le site de la Commission européenne le 21 janvier 2021, intitulé « Italy: A new system of reception and integration », auquel la partie étatique renvoie, précise en outre que « (…) One of the most discussed aspects of the Salvini Decree concerned the downsizing of the SPRAR/SIPROIMI reception system - a system of reception and integration programmes managed by municipalities and NGOs - and the exclusion from this system of asylum seekers. Following the Salvini Decree, asylum seekers 3 CJUE, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland., C-163/17, point 92.

4 Ibidem, point 93.

were allowed to be hosted only in large first-arrival reception centres (CARA, CDA) and in temporary reception centres (CAS), managed by the Ministry of the Interior and its local branches (prefectures). However, these facilities meet only basic standards for reception conditions. Under the new reform, the former SPRAR/SIPROIMI system changed its name into SAI ('system of reception and integration') and was reorganised into two levels: the first dedicated to international protection seekers, and the second for those who are already international protection beneficiaries, with added services aimed at integration. (…) ». Partant, il s’en dégage que le système de programmes de réception et d’intégration au niveau des municipalités et des ONG, dont les demandeurs de protection internationale étaient exclus sous le décret-loi Salvini, a été modifié par le décret-loi Lamorgese et réorganisé en deux niveaux :

l’un pour faciliter la réception des demandeurs de protection internationale et l’autre pour améliorer l’intégration des bénéficiaires de protection internationale.

En outre, il ressort encore de ces recherches - également non contredites par le demandeur - que l’article 35 du « Legislative Decree N. 286 Dated 25 July 1998, Consolidated act of provision concerning regulations on immigration and rules about the conditions of aliens » prévoit que l’accès aux soins d’urgence ainsi que les programmes de médecine préventive pour la protection de la santé individuelle et collective, dont notamment les maladies infectieuses, sont garantis pour les personnes se trouvant sur le territoire italien, même irrégulièrement.

Ainsi, il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert vers ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH et par l’article 4 de la Charte.

Par ailleurs, même s’il ressort du rapport de l’OSAR du 8 mai 2019 et de celui de janvier 2020 précités que la situation des demandeurs de protection internationale en Italie est préoccupante, le demandeur reste en défaut d’apporter la preuve que les droits des demandeurs de protection internationale en Italie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Italie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités italiennes en usant des voies de droit adéquates, étant encore relevé que l’Italie est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions.

En outre, force est de constater que Monsieur … n’invoque pas de difficultés particulières qu’il aurait pu rencontrer pour le dépôt de sa demande de protection internationale en Italie, mais qu’il ressort de son rapport d’audition qu’il aurait quitté l’Italie avant d’en déposer une car « Je voulais bénéficier d’1 meilleure vie au Luxembourg. »5 et qu’il a également pu être hébergé pendant une semaine en Sicile dans un camp pour réfugiés, bien 5 Page 5 de son rapport d’entretien.

qu’il n’avait pas déposé de demande de protection internationale.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation de l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III encourt le rejet.

Néanmoins, si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, - et par extension, de violation des articles 1er de la Charte ayant trait au respect de la dignité humaine et 2 de la CEDH consacrant le droit à la vie -, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable6.

Il échet dès lors d’analyser le moyen du demandeur tiré de la violation par le ministre des articles 2 et 3 de la CEDH et des articles 1er et 4 de la Charte.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte7, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant8.

Le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en application du règlement Dublin III ne pourrait constituer une violation de l’article 3 de la CEDH ou 4 de la Charte, qu’à la condition que l’intéressé démontre qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants dans cet Etat.

Il appartient dès lors au tribunal de procéder à la vérification de l’existence d’un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de sévérité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce, telles que la durée du traitement et ses conséquences physiques et mentales et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de l’intéressé9.

En l’espèce, s’agissant de l’argumentation du demandeur fondée sur son état de santé, il échet de constater qu’il ne se dégage pas de la jurisprudence de la CJUE du 16 février 2017, 6 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

7 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 65 et 96.

8 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 88.

9 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.

C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, précitée, que l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable pour l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur de protection internationale doit, en tout état de cause et préalablement à la prise d’une décision de transfert et par avis médical, s’assurer automatiquement que le transfert n’entraîne pas une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé de l’intéressé pour toute personne déclarant avoir un quelconque problème de santé.

En effet, dans l’arrêt en question, la CJUE a d’abord mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable, que les Etats membres liés par la directive accueil, sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « (…) Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats. »10. Elle a ensuite retenu que « (…) dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci. (…)11 ». Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « (…) d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert (…)12.

Ainsi, cet arrêt concerne l’hypothèse particulière suivant laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à 10 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point 70.

11 Ibid., points 74 et 75.

12 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point 96.

l’arrivée13.

Or, en l’espèce, force est de constater, en ce qui concerne la bilharziose dont le demandeur était atteint, qu’il ressort du certificat du docteur P.B. du 19 mars 2021 que cette infection a été traitée par l’administration d’une dose unique de « Biltricide 2400mg » le même jour. Aucun autre certificat médical n’a été versé en cause au sujet de cette pathologie. Les allégations du demandeur, dans ce contexte, que le parasite à l’origine de cette infection se serait logé dans son foie sont purement affirmatives, aucune pièce n’ayant été versée à cet égard.

En ce qui concerne la tuberculose latente dont il souffre, il ressort de l’ordonnance médicale du docteur B.B. du 4 mars 2021 que le demandeur s’est vu prescrire un traitement par « Nicotibine 300 » pour une durée de six mois. Dans le certificat du 24 mars 2021, le docteur Y.G. indique que la tuberculose latente serait « une maladie contagieuse et potentiellement dangereuse pour la santé [du demandeur] et aussi pour la santé publique si pas prise en charge à temps. Au vu du jeune âge du patient, un traitement serait indiqué pour éviter une réactivation du bacille. ».

Quant à l’hépatite B, le docteur P.B. a constaté le 19 mars 2021 que le demandeur était atteint d’une « Hépatite B chronique avec retentissement hépatique ». Il a en outre constaté une « (…) VHB positive, sérologie delta négative (…) » et a prescrit un traitement de « VIREAD CPR. PELLIC. 245MG – 1/jour – 180 jrs (à prendre au long cours) ». Dans le certificat du 24 mars 2021, le docteur Y.G. précise que l’hépatite B, non traitée, mettrait en péril le pronostic vital du demandeur et que « Les complications (cirrhose hépatique et cancer du foie) liées à cette maladie peuvent survenir à moyen ou long terme. Un traitement est, selon le rapport de l’infectiologue, indiqué ».

Force est, cependant, de constater que, pour ces deux maladies, le demandeur reste en défaut de démontrer que son état de santé serait actuellement d’une gravité particulière, la seule mention - concernant l’hépatite B - qu’une complication pourrait survenir à moyen ou long terme n’étant pas suffisante à cet égard. Le demandeur n’explique pas, par ailleurs, les conséquences du « retentissement hépatique » de l’hépatite B sur son organisme, ni si un tel « retentissement » a pour effet d’aggraver particulièrement son état de santé ou d’entraver l’exécution de son transfert. En outre, dans la mesure où un traitement a été prescrit pour une durée de six mois par un médecin luxembourgeois pour traiter la tuberculose latente et un autre traitement pour une durée de 180 jours pour l’hépatite B, qu’il peut dès lors se procurer la médication adéquate avant son départ et qu’il ressort des recherches de la partie étatique, tel que relevé plus avant, que l’accès aux soins de santé d’urgence et aux traitements des maladies infectieuses est garanti en Italie, même pour les personnes en situation irrégulière, le demandeur reste également en défaut de démontrer que ses traitements seraient interrompus après son transfert en Italie, ce qui pourrait avoir pour conséquence de réactiver le bacille de la tuberculose ou d’aggraver les symptômes de l’hépatite B.

A cela s’ajoute que Monsieur … n’établit pas non plus, par le biais d’un certificat médical, que l’exécution du transfert en lui-même pourrait avoir des conséquences significatives et irrémédiables sur son état de santé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas établi que son transfert vers l’Italie entraînerait un risque réel et avéré d’une détérioration 13 Ibid, point 83.

significative et irrémédiable de son état de santé, voire que ce transfert l’exposerait à un risque réel de subir des traitements contraires aux articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH.

Le moyen fondé sur une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ainsi que sur les articles 2 de la CEDH et 1er de la Charte, est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de cette solution et dans la mesure où ce n’est que lorsque des documents concordants résultant du dossier font croire aux faits dont le demandeur offre de rapporter la preuve que le tribunal fait droit à la demande14, il y a lieu de rejeter la demande de Monsieur … de voir commettre un expert médical ayant pour mission de déterminer si l’exécution de la décision de transfert en Italie risquerait, au vu des éléments concernant la situation générale dans ledit pays, de constituer pour lui un traitement contraire aux articles 2 et 3 de la CEDH et 1er et 4 de la Charte.

En l’absence d’autres moyens, le tribunal est amené à conclure que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, et lu à l’audience publique du 20 mai 2021, par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 14 Trib adm., 9 janvier 2003, n° 14700 du rôle, Pas. adm 2020, V° Proc. contentieuse, n° 791 et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45822
Date de la décision : 20/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-20;45822 ?

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