Tribunal administratif Numéro 43363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2019 2e chambre Audience publique du 20 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, … (Belgique), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43363 du rôle et déposée le 1er août 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Cédric Paulus, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à B- … (Belgique), …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision sur réclamation du 5 juin 2019 prise par le directeur de l’administration des Contributions directes et confirmant le bulletin d’appel en garantie du 25 janvier 2019 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 janvier 2020 par Maître Cédric Paulus pour compte de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;
Vu l’information de Maître Paulus du 8 juin 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 8 juin 2020 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 25 septembre 2020 prononçant la rupture du délibéré et fixant l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 5 octobre 2020, à 15.00 heures ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 5 octobre 2020 fixant l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 12 octobre 2020 à 15.00 heures ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 12 octobre 2020, ainsi que Maître Cédric Paulus, accompagné de Maître Bernard Peeters, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 octobre 2020.
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1En date du 25 janvier 2019, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … un bulletin d’appel en garantie sur le fondement du paragraphe 118 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (« Abgabenordnung », en abrégé « AO »), en raison de sa qualité d’administrateur de la société anonyme …, ci-après désignée par « la société … », en faillite, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de … euros, en principal et intérêts, au titre des retenues d’impôt qui auraient dû être effectuées par la société … sur les traitements et salaires de son personnel au cours des années d’imposition 1994 et 1995.
Par courrier du 19 avril 2019, Monsieur … introduisit une réclamation contre ledit bulletin auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
Par une décision du 5 juin 2019, inscrite sous le numéro C 26288 du rôle, le directeur rejeta ladite réclamation dans les termes suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 18 avril 2019 par Maître Cédric Paulus, au nom du sieur …, demeurant à B- …, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition RTS 1 en date du 25 janvier 2019 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires des années 1994 et 1995 au motif qu'il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme …, en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était et est redevable ;
En ce qui concerne, aux termes du placet, le « principe de bonne administration » Considérant qu'en vertu de l'article 10 de la loi du 27 novembre 1933, tel que modifié par la suite, la créance du Trésor se prescrit par cinq ans ; que l'alinéa 1er de l'article 3 de la loi du 22 décembre 1951 dispose que « Les délais de prescription pour l'établissement et le recouvrement des sommes, en principal, intérêts et amendes fiscales, dues au titre des impôts à l'alinéa 2 de l'article 1er de la présente loi ainsi que des impôts extraordinaires sur les bénéfices de guerre et sur le capital sont interrompus, soit de la manière et dans les conditions prévues par les articles 2244 et suivants du Code civil soit par renonciation du contribuable au temps déjà couru de la prescription » ; que la déclaration de créance est un moyen couramment utilisé par le receveur pour interrompre la prescription en cas de faillite du contribuable ; qu'en ce qui concerne le fonctionnement et notamment le jeu conjoint d'une déclaration de créance et un bulletin d'appel en garantie au sens du § 118 AO, force est de se référer à la Cour administrative qui a retenu en date du 12 décembre 2017 que :
2 « (…) c'est à bon escient que les premiers juges ont précisé que l'effet interruptif du délai de prescription d'une déclaration de créance se prolonge jusqu'au jour du jugement de la clôture de la faillite, de sorte que (…) la fin d'interruption des prescriptions se situe au (…), date du jugement clôturant définitivement la faillite de la société (…).
Par voie de conséquence, le bulletin d'appel en garantie litigieux, émis le (…) [il y a lieu de lire : antérieurement au dépôt de la déclaration de créance], n'a pas été émis en dehors du délai de prescription de cinq ans.
Cette conclusion n'est point ébranlée par la mise en balance par l'appelant de ce que la suspension du cours de la prescription jouerait uniquement à l'égard du débiteur principal, mais non pas à son égard, dès lors qu'il conviendrait de dissocier sa situation personnelle de celle du débiteur principal.
En effet, le lien de solidarité et d'indivisibilité existant entre le débiteur principal, la société (…), et ses administrateurs, appelés en garantie en raison de leur responsabilité personnelle sur base du paragraphe 109 AO lie intimement leur sort. Ainsi, la poursuite du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de son codébiteur même s'il n'est pas dans l'instance.
Il suit de l'ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen tiré de ce que le bulletin d'appel en garantie émis à l'encontre de l'appelant le (…) aurait été émis en dehors du délai de prescription de cinq ans laisse d'être fondé. » (CA du 12 décembre 2017, n° 39766C du rôle) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier de la société que depuis l'année d'imposition 1994, le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir n'aient été continués au receveur ; qu'en l'espèce, vu la remise d'une déclaration de créance en date du 24 novembre 1995 entre les mains et aux soins du curateur de la société anonyme …, en faillite, il peut valablement être admis que la prescription des impôts sur les traitements et salaires des années 1994 et 1995 a été interrompue en bonne et due forme, de sorte que le grief afférent au soi-disant « principe de bonne administration » et, par ce biais, à la prescription des impôts en général est à rejeter comme non fondé ;
En ce qui concerne le bulletin d'appel en garantie Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;
3Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre, quod non en l'espèce, étant donné qu'un autre bulletin d'appel en garantie a été émis à l'encontre du sieur … ;
Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (LIR ) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l'administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm.
5 Abs. 3) ; que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en oeuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;
Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, na 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des 4Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n'est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n'ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n'ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d'imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif, (…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en oeuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard é l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a 5singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en oeuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C) ;
Considérant qu'il découle de ce qui précède que c'est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 1994 et 1995, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée.
(…). ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er août 2019, inscrite sous le numéro 43363 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision, précitée, du directeur du 5 juin 2019.
Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 5 juin 2019, précitée, ayant statué sur les mérites de la réclamation introduite par Monsieur … contre le bulletin d’appel en garantie dont il a fait l’objet.
Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
En ce qui concerne la recevabilité du recours, le tribunal a en date du 25 septembre 2020 prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre oralement position sur la question de la recevabilité du recours signé par un avocat de la liste 2.
A l’audience des plaidoiries du 12 octobre 2020, le mandataire du demandeur indiqua qu’un avocat de la liste 2 pourrait introduire une requête introductive d’instance et représenter son client en matière fiscale et se référa à cet égard à la doctrine luxembourgeoise.
Aux termes de l’article 66 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », « Tous les avocats admis à plaider devant les tribunaux du Grand-Duché sont également admis à plaider devant le tribunal administratif.
6 Néanmoins, les avocats inscrits à la liste I des tableaux dressés annuellement par les conseils des ordres des avocats ont seuls le droit d’accomplir les actes d’instruction et de procédure (…) ».
Aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », figurant au Titre I intitulé « Instances devant le tribunal administratif », « tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après «tribunal», est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats ».
L’article 9 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat dispose en outre que : « (1) Les avocats inscrits à la liste I et à la liste V des avocats sont seuls habilités à accomplir les actes pour lesquels les lois et règlements prescrivent le ministère d’avocat à la Cour. (2) Les avocats inscrits aux listes II, IV et VI du tableau des avocats peuvent exercer les activités prévues aux paragraphes (1) et (2) de l’article 2; ils peuvent accomplir les actes énoncés au paragraphe (1) du présent article s’ils sont assistés d’un avocat à la Cour inscrit à la liste I ou à la liste V des avocats. Ils sont admis à conclure à l’audience sans cette assistance dans les termes des conclusions signées par un avocat inscrit à la liste I ou à la liste V des avocats. » Il se dégage de l’article 9 de la loi du 10 août 1991 précitée que les avocats inscrits à la liste I et V des tableaux des Ordres des avocats sont seuls habilités à accomplir les actes pour lesquels le ministère d’avocat à la Cour est prescrit, tandis que les avocats inscrits aux listes II, IV et VI peuvent uniquement accomplir les actes pour lesquels le ministère d’avocat à la Cour est prescrit, s’ils sont assistés d’un avocat à la Cour inscrit à la liste I ou à la liste V des avocats.
L’article 1er de la loi du 21 juin 1999 pose quant à lui le principe général imposant le ministère d’avocat à la Cour pour l’introduction et la signature de toute requête introductive d’instance devant le tribunal administratif sauf dérogations prévues, tel que cela est notamment le cas en matière fiscale.
Le respect de cette exigence relative au recours à un avocat inscrit à la liste I se matérialise par l’apposition manuscrite sur l’acte introductif d’instance de la signature de l’avocat à la Cour constitué. Cette formalité relève d’une condition substantielle de la procédure contentieuse applicable. En effet, par sa signature, le litismandataire, avocat à la Cour, s’identifie en tant qu’auteur de l’acte de procédure et en certifie la régularité du point de vue de l’exigence du recours à un avocat à la Cour. Il en résulte que toute insuffisance y relative constitue un vice entachant la requête introductive d’instance et entraîne l’irrecevabilité du recours, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus loin les autres moyens proposés par les parties1.
En ce qui concerne la matière fiscale, des dérogations au principe précité imposant la signature d’un avocat à la Cour existent. Ainsi, l’article 56 de la loi du 21 juin 1999 dispose que : « En matière fiscale, les dispositions prévues aux titres I et II sont applicables, sauf les exceptions qui sont prévues aux dispositions des articles suivants. ».
1 En ce sens trib. adm. 10 février 1999, n° 10933 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 490, et les autres références y citées.
7Aux termes de l’article 57 de la loi du 21 juin 1999 : « La requête introductive d’instance signée par le requérant ou son mandataire contient outre les indications prévues à l’article 1er une élection de domicile au Grand-Duché lorsque le requérant ou son mandataire demeurent à l’étranger. ».
Une exception est encore apportée à ce principe par l’article 2, paragraphe 1er, 2e alinéa, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat qui dispose que : « (1) Les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, recevoir leurs pièces et titres afin de les représenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle à l’application de dispositions législatives spéciales et à la faculté: (…) c) des justiciables d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes; (…) ».
Il résulte des dispositions qui précèdent qu’en principe, les actes de procédure devant les juridictions administratives doivent être signés et introduits par un avocat à la Cour de la liste I, sauf les dérogations légales expressément prévues qui sont dès lors d’interprétation stricte. Une telle dérogation est prévue par l’article 57 de la loi du 21 juin 1999 qui prévoit que la requête introductive d’instance peut être signée par le requérant ou son mandataire.
Peuvent être considérés comme mandataire, au sens dudit article 57 de la loi du 21 juin 1999, l’avocat à la Cour, tel que prévu par l’article 66 de la loi du 7 novembre 1996, puisqu'en l'absence de disposition expresse contraire, cet article reste applicable en matière fiscale et les personnes visées expressément par l’article 2, paragraphe 1er, alinéa 2, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat. En effet, ce dernier article prévoit que les recours en matière de contributions directes peuvent également être introduits devant le tribunal administratif, non seulement selon le principe général précité par les avocats figurant à la liste I et V, mais également par les parties, les experts-comptables et les réviseurs d’entreprises.
S’il est vrai qu’avant la modification législative du 16 décembre 2011, les avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats figuraient également expressément à l’article 2 de la loi du 10 août 1991 en tant que personnes pouvant introduire un recours devant le tribunal administratif en matière fiscale, ceux-ci n’y figurent plus depuis ce changement législatif. Même, s’il ressort des travaux parlementaires2 que l’intention première du législateur n’a pas été d’exclure l’avocat figurant à la liste II, celui-
ci s’étant contenté d’indiquer dans les commentaires des articles « La référence à un avocat inscrit à la liste II n’étant pas appropriée eu égard au libellé de la première phrase du paragraphe (1), il est proposé de la supprimer », il n’en reste pas moins que le texte législatif clair ne doit pas donner lieu à interprétation, mais uniquement à application dans les termes qui lui ont été donnés par le législateur. En l’espèce, la présence d’un texte législatif clair, prévoyant des exceptions limitatives d’interprétation stricte au principe selon lequel seul les avocats inscrits à la liste I ont le droit d’accomplir les actes d’instruction et de procédure, ne permet pas au tribunal administratif de retenir une interprétation contra legem de cette 2 Travaux parlementaires N°5660B relatifs au « Projet de loi concernant l'exercice de la profession d'avocat sous forme d'une personne morale et modifiant 1. la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat; 2. les articles 2273 et 2276 du Code civil » 8disposition. Les avocats inscrits à la liste II ne sont donc désormais plus visés par cette dérogation, de sorte que cette disposition légale ne saurait être considérée comme conférant aux avocats inscrits sur la liste II le droit, à l’instar de ceux inscrits sur la liste I ou V ou encore des experts-comptables et des réviseurs d’entreprises, d’introduire sous leur seule signature des recours devant le tribunal administratif en matière de contributions directes. En matière de contentieux des contributions directes, les justiciables peuvent donc soit agir directement par eux-mêmes, soit se faire représenter ou assister par un avocat inscrit sur la liste I ou V, respectivement un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises.
Le présent recours, ayant été signé par un avocat inscrit à la liste II, est dès lors à déclarer irrecevable.
Le demandeur réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de …- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours principal en réformation irrecevable, partant le rejette ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros, telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 20 mai 2021, par le premier juge, Hélène Steichen, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 9 10