Tribunal administratif N° 46009 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mai 2021 3e chambre Audience publique du 19 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L.29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 46009 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2021 par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, déclarant être né le … à … (Tunisie), et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 avril 2021 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 25 avril 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2021 ;
Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1;
Vu la communication de Maître Philippe STROESSER du 12 mai 2021 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour.
En date du 13 juillet 2018, Monsieur …, alias …, alias …, alias …, alias …, désigné ci-après par « Monsieur … », introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ». Ladite demande fut considérée comme 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » implicitement retirée par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », du 28 mai 2019, prise sur base de l’article 23, paragraphe 2, point b) de la loi du 18 décembre 2015, décision coulée en force de chose décidée pour ne pas avoir fait l’objet d’un recours contentieux.
En date du 8 août 2019, Monsieur … fut placé en détention préventive pour une infraction à la loi modifiée 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, avant d’être libéré le 18 décembre 2019.
Par courrier électronique du 26 août 2019, le service des retours du ministère des Affaires étrangères et européennes informa le greffe du Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur … aurait la qualité de demandeur de protection internationale.
Il ressort des relevés journaliers du Centre pénitentiaire de Luxembourg que Monsieur … fut de nouveau incarcéré pour vol qualifié entre le 20 avril 2020 et le 10 décembre 2020.
Le 10 décembre 2020, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté constatant son séjour irrégulier, lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg, tout en portant à son encontre interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans. Cet arrêté fut notifié à l’intéressé le même jour.
Monsieur … fut ensuite appréhendé à plusieurs reprises par la police grand-ducale en date des 22 janvier, 25 février, 3 mars, 20 mars et 25 mars 2021.
Par arrêté du 25 mars 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté fut basé sur les considérations suivantes :
« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport … du 25 mars 2021 établi par la Police grand-ducale, Région …, Commissariat … ;
Vu ma décision de retour du 10 décembre 2020 ;
Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;
Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Le recours contentieux introduit contre la décision de placement en rétention précitée fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 26 avril 2021, n° 45902 du rôle.
Par un arrêté du 21 avril 2021, notifié à l’intéressé le 23 avril 2021, le ministre prorogea une première fois pour une durée d’un mois à partir du 25 avril 2021 le placement de Monsieur … au Centre de rétention. Ledit arrêté est libellé comme suit :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 25 mars 2021, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 25 mars 2021 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».
Par requête déposée le 12 mai 2021 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de placement précitée.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le placement au Centre de rétention, au vu de l’atteinte portée à sa liberté de mouvement, devrait être considéré comme « ultime remède » et ne devrait pas consister en une obligation systématique, voire un automatisme pour le ministre et devrait, de ce fait, être motivé à suffisance, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.
Il conteste ensuite tout risque de fuite dans son chef, alors qu’il résiderait ensemble avec sa compagne, Madame … et leur fils à L-…. Il ajoute que sa compagne serait enceinte de leur deuxième enfant et que l’accouchement serait prévu pour la fin de l’année 2021. Il n’y aurait dès lors aucune raison de craindre qu’il tenterait de se soustraire à l’exécution de la mesure d’éloignement, Monsieur … soulignant encore que le risque de fuite devrait s’apprécier au cas par cas.
Le demandeur fait encore valoir que le placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard de ces circonstances et demande, en se référant à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, à être assigné à résidence auprès de Madame … avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès de l’autorité désignée.
En se basant encore sur l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, et en soulignant qu’il se trouverait placé en rétention depuis près de deux mois, le demandeur reproche encore au ministre de ne pas avoir accompli toutes les diligences requises en vue de son éloignement, tout en soulignant qu’il n’existerait aucune chance raisonnable de croire que son éloignement pourrait être mené à bien dans un délai raisonnable.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, il convient de relever, pour autant qu’à travers ses reproches ayant trait à un manque de précisions de l’arrêté ministériel déféré quant au pays vers lequel il sera éloigné et aux démarches accomplies à cette fin par l’autorité ministérielle, le demandeur ait entendu soulever l’insuffisance de la motivation fournie par le ministre, que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision - , de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.
Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au fond et en ce qui concerne la légalité interne du placement en rétention litigieux, il convient de préciser qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, en sa version issue de la loi du 4 décembre 2019 portant modification de la loi du 29 août 2008 : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. […] ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité valables, et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
Le tribunal relève qu’il est constant en cause, pour avoir par ailleurs, été retenu par le jugement prémentionné du tribunal administratif, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où, d’un côté, il ressort du dossier administratif et notamment des procès-verbaux de la police grand-ducal des 25 mars, 20 mars, 3 mars, 25 février et 22 janvier 2021 qu’il ne dispose pas de documents de voyage en cours de validité et, d’autre part, il ne découle d’aucun élément du dossier administratif que la décision de retour du 10 décembre 2020 aurait fait l’objet d’un recours, de sorte à devoir être considérée comme ayant autorité de chose décidée. Il s’ensuit qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi ou encore s’il ne dispose pas de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
Il appartient dès lors au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.
Force est de constater que le demandeur n’a fourni aucun élément qui permettrait de renverser la présomption du risque de fuite existant dans son chef.
En effet, et tel que d’ores et déjà relevé dans le jugement prémentionné du 26 avril 2021, -
le demandeur n’ayant apporté aucun nouvel élément dans le cadre du présent litige - il ne découle d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur aurait une relation amoureuse effective avec Madame …, respectivement qu’il y aurait un lien de filiation avec l’enfant de cette dernière, le demandeur n’ayant pas procédé à une déclaration de paternité et ayant, par ailleurs, déclaré lui-même, tel que cela ressort d’un procès-verbal de la police grand-
ducale du 25 février 2021, qu’il habiterait à Metz et que s’il serait au Luxembourg, il séjournerait chez sa copine à …, mais également à la rue, respectivement au Centre d’aide pour personnes toxicomanes ABRIGADO.
Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut de présenter des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentations effectives de nature à prévenir le risque de fuite, de sorte que ses contestations en ce qui concerne le risque de fuite dans son chef sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Le demandeur fait encore valoir que le ministre aurait dû choisir une option moins coercitive que son placement en rétention en l’assignant à résidence auprès de sa compagne demeurant à ….
A cet égard il échet de relever qu’aux termes de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), de sorte que pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité, aucune des autres mesures moins coercitives ne doit entrer en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.
En l’espèce, la seule affirmation du demandeur selon laquelle Madame … serait prête à l’accueillir, - le demandeur n’ayant en effet toujours pas soumis une quelconque pièce au tribunal qui pourrait laisser conclure à une volonté effective de Madame … de l’héberger -, ne permet pas de conclure dans le chef de l’intéressé à des attaches particulières au Luxembourg susceptibles d’établir l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, étant encore rappelé, tel que retenu ci-
avant, que le demandeur n’avance aucun élément concret témoignant d’un domicile légal ni d’un domicile stable au Luxembourg, ou encore d’une relation effective avec Madame …, voire de la 2 Trib. adm., 6 mai 2016, n° 37829 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.
paternité par rapport à l’enfant de cette dernière. Bien au contraire, il ressort du procès-verbal de la police grand-ducale du 22 janvier 2021 que Madame … résiderait auprès de ses parents et que le demandeur aurait des problèmes avec le père de cette dernière qui ne l’accepterait ni comme partenaire de sa fille ni comme père de son petit-fils.
Au vu de ces considérations, Monsieur … n’a pas renversé la présomption du risque de fuite retenue à son égard sur base des prévisions de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, de sorte que le moyen basé sur l’article 125 de loi du 29 août 2008 laisse également d’être fondé.
S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans son chef, le tribunal rappelle que le jugement prémentionné du 26 avril 2021 avait relevé, à ce sujet, que le ministre avait pris contact dès le 26 mars 2021 avec le Consulat général de Tunisie en vue de l’identification et de la délivrance d’un laissez-passer en transmettant des photos d’identité ainsi qu’un jeu d’empreintes digitales de Monsieur … et que par courrier du 14 avril 2021, le ministre s’était enquis de l’état d’avancement du dossier.
Il se dégage ensuite du dossier administratif, de même que des explications circonstanciées du délégué du gouvernement, qu’en date du 28 avril 2021, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités consulaires tunisiennes, lesquelles ont répondu par courrier du même jour que le dossier du demandeur est en cours de traitement. Il convient encore de relever que le 12 mai 2021, l’agent en charge du dossier s’est, de nouveau, adressé au Consulat général de Tunisie à Bruxelles en vue de s’enquérir sur l’état d’avancement de la demande d’identification du demandeur.
Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités tunisiennes, c’est à tort que le demandeur estime que celui-ci n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement du territoire luxembourgeois. Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Par ailleurs, c’est à tort que le demandeur affirme que son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien, alors que, même si la demande n’a, à ce jour, pas encore abouti, notamment en raison du manque de réactivité des autorités tunisiennes, la procédure d’identification actuellement entamée, ne saurait, à ce stade, être considérée comme étant d’ores et déjà vouée à l’échec, étant relevé à cet égard, qu’il ne s’agit que de la première prorogation du placement de Monsieur …, le législateur ayant expressément prévu la possibilité de proroger un placement en rétention pour un cinquième, voire un sixième mois, au cas où les autorités étrangers tardent à identifier un étranger en séjour irrégulier et à émettre le document de voyage requis.
Au vu de ce qui précède, le moyen relatif à une prétendue absence de diligences du ministre en vue d’organiser l’éloignement rapide du demandeur, ainsi que celui tiré d’une prétendue impossibilité de procéder à son éloignement sont dès lors à rejeter au stade actuel pour ne pas être fondés.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation introduit à titre principal en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2021 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 9