Tribunal administratif No 43584 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 septembre 2019 3e chambre Audience publique du 19 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics en matière de permis de conduire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43584 du rôle et déposée le 24 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Katia AÏDARA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant, selon son dispositif, à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 3 juillet 2019 portant retrait de son permis de conduire ainsi que des permis de conduire internationaux, ainsi que de deux décisions, qualifiées comme telles, du même ministre des 9 et 29 août 2019 en matière de permis de conduire pour le compte de Monsieur … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2020 par Maître Katia AÏDARA, au nom de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision et les actes déférés ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katia AÏDARA et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick MULLER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 janvier 2021.
En date du 27 février 2018, Monsieur … fit l’objet d’une interdiction judiciaire de conduire provisoire sur le territoire allemand pour avoir conduit un véhicule après avoir consommé du cannabis en date du 20 août 2017.
Par courrier recommandé du ministre du Développement durable et des Infrastructures, du 6 mars 2018, Monsieur … fut invité à faire parvenir dans les trois semaines, les résultats d’une analyse toxicologique des cheveux au médecin-président de la commission médicale prévue par l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignés respectivement par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 » et par la « Commission médicale ».
Le rapport d’expertise toxicologique du 24 mars 2018 concernant l’analyse capillaire de Monsieur … fut négatif et aucune indication d’une consommation régulière ni de cocaïne, ni d’héroïne, ni de morphine, ni de codéine, ni de méthadone, ni de stimulants de type amphétaminique, ni de cannabis durant une période d’environ 2 mois avant la coupe des cheveux n’a pu être constatée.
La Commission médicale émit le 3 avril 2018 un avis favorable relatif aux aptitudes physiques de Monsieur … de conduire un véhicule, tout en proposant une analyse toxicologique des cheveux dans un an.
Par courrier recommandé du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », du 5 mars 2019, Monsieur … fut à nouveau invité à faire parvenir dans les trois semaines, les résultats d’une analyse toxicologique des cheveux au médecin-président de la Commission médicale et un échantillon capillaire fut prélevé en date du 27 mars 2019.
Le rapport d’expertise toxicologique du 11 avril 2019 afférent, constata une concentration capillaire de THC de 5,87 ng/mg, compatible avec le fait que l’intéressé ait été en contact avec du cannabis ou en ait consommé régulièrement dans une période d’environ 6 mois avant le prélèvement capillaire, sans qu’il n’y ait d’indications d’une consommation régulière ni de cocaïne, ni d’héroïne, ni de morphine, ni de codéine, ni de méthadone, ni de stimulants de type amphétaminique durant une période d’environ 6 mois avant la coupe des cheveux.
Par courrier recommandé du 30 avril 2019, Monsieur … fut convoqué devant la Commission médicale pour le 20 juin 2019.
Monsieur … fut ensuite entendu par la Commission médicale en date du 20 juin 2019, devant laquelle il affirma notamment la consommation de cannabis 2 à 3 fois par semaine ainsi que la consommation quotidienne de CBD.
Par son avis du 24 juin 2019, la Commission médicale proposa de retirer le droit de conduire à Monsieur … au motif qu’il présenterait une dépendance vis-à-vis de substances à action psychotropes ou qu’il en abuse régulièrement, sans être dépendant, et que par conséquent, il ne satisferait pas aux conditions minima prévues par l’article 77 sous 8.2.a) de l’arrêté grand-
ducal du 23 novembre 1955 et souffrirait partant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.
Sur base de cet avis de la commission médicale, le ministre décida en date du 3 juillet 2019 de retirer le permis de conduire un véhicule automoteur, ainsi que les permis de conduire internationaux délivrés sur le vu du susdit permis national à Monsieur … pour les motifs suivants :
« […] Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;
Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;
Considérant que pour la raison reprise sous 4) du paragraphe 1er de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée une mesure administrative s’impose à l’égard de Monsieur …, né le … à … et demeurant à L-… ;
Considérant que l’intéressé a été entendu le 20 juin 2019 dans ses explications par la Commission médicale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précité ;
Vu l’avis du 24 juin 2019 de la Commission médicale précitée ;
Considérant que Monsieur … souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ; […] ».
Par courrier de son mandataire daté au 2 août 2019, Monsieur … introduisit un recours gracieux contre l’arrêté ministériel précité du 3 juillet 2019.
Par courrier recommandé du 9 août 2019, le ministre s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :
« […] Suite à votre demande en restitution de votre permis de conduire et conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques et des articles 77 et 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques (Code de la Route), je vous prie de bien vouloir envoyer, dans les trois semaines qui suivent la réception de la présente, au médecin-président de la Commission médicale, Ministère de la Mobilité et des Travaux publics, Département de la mobilité et des transports, L-2938 Luxembourg:
-Les résultats d'analyses toxicologiques des cheveux(drogues) (Pour le prélèvement prière de contacter le Laboratoire National de Santé - Service Toxicologie - Tél.: 28100-563) Dans ce contexte, il m'importe de vous informer que la présente est à considérer comme étape préliminaire en vue d’une éventuelle mesure administrative pouvant affecter votre permis de conduire à prendre sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée.
Partant, je me permets de relever que le fait de ne pas donner suite à la présente pourrait entraîner le retrait, voire, le cas échéant, le refus de votre demande en obtention/restitution du permis de conduire.
Vos observations éventuelles sont à présenter par écrit à l'adresse sus-indiquée, endéans la huitaine qui suit la réception de la présente. […] ».
Par courrier de son mandataire du 26 août 2019, Monsieur … transmit au ministre le compte rendu d’une analyse toxicologique urinaire effectuée le 23 août 2019.
Par courrier recommandé du 29 août 2019, le ministre s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :
« […] Par la présente, j'accuse bonne réception de votre courrier du 26 août 2019 concernant le sujet sous rubrique.
Vous y demandez la mainlevée de l'arrêté ministériel du 3 juillet 2019 ayant porté retrait du permis de conduire de Monsieur …, précité.
Comme motif à la base de votre recours, vous invoquez que selon votre avis on ne saurait retenir que votre mandant souffrirait d'une infirmité ou d'un trouble susceptible d'entraver son aptitude ou ses capacités de conduire.
Dans ce contexte, je me permets de vous informer que le permis de conduire de Monsieur … a été retiré en vertu de l'article 77 sous 8.2.a) de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, qui est libellé comme suit : « Le permis de conduire n’est ni délivré ni renouvelé si l'intéressé se trouve en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou s'il en abuse régulièrement, sans être dépendant ».
A la lecture de la disposition réglementaire susvisée, il y a lieu de relever qu'une personne doit être considérée comme souffrant d'infirmités ou de troubles d'entraver ses aptitudes et capacités de conduire si elle se trouve en état de dépendance vis-à-vis des drogues ou s'il en abuse régulièrement sans être dépendant.
Or, il ressort du dossier que votre mandant a été condamné en Allemagne pour conduite d'un véhicule sous influence de drogues, en l'occurrence du cannabis. Le taux affiché lors de son interception en août 2017 était extrêmement élevé (THC : 17 ng/ml de sang).
Dans un courrier adressé par votre mandant le 9 mars 2018 au médecin-président de la Commission médicale, Monsieur … a prétexté avoir arrêté toute consommation de cannabis et les analyses capillaires demandées par la suite se sont avéré être négatives.
Dans le cadre d'un réexamen périodique du dossier et lors de sa comparution devant la Commission médicale des permis de conduire le 20 juin 2019, votre mandant a par contre affirmé qu'il consommerait régulièrement du cannabis et du CBD. Les résultats des analyses capillaires réalisées le 5 mars 2019, qui sont très largement positifs au THC, confirmaient ces affirmations.
Je me dois dès lors de constater que malgré que votre mandant s'était vu infliger une interdiction de conduire pour conduite sous influence de stupéfiants et le fait qu'il avait déclaré en 2018 d'avoir arrêté de consommer du cannabis, a continué à s'adonner à une consommation régulière de substances psychotropes.
En ce qui concerne les analyses urinaires que vous avez annexées à votre requête (et qui font en outre état que votre mandant a été testé positivement au THC et aux cannabinoïdes le 16 avril 2018), je me permets de renvoyer au courrier que mes services ont adressé le 9 août 2019 à Monsieur … et dans lequel ce dernier a été prié de se soumette à un screening toxicologique des cheveux (drogues) à transmettre au médecin-président de la Commission médicale, Ministère de la Mobilité et des Travaux publics, 4, place de l'Europe, L-2938 Luxembourg.
Or, comme je viens de le développer, à l'heure actuelle le doute quant à la consommation de stupéfiants de Monsieur … est donné.
Pour ce qui est de la nécessité de produire des analyses capillaires, je me permets de vous informer que les éléments contenus dans le dossier de votre mandant, notamment le fait Monsieur … présente des antécédents en matière d'abus de substances psychotropes, sont suffisamment concluants pour justifier un contrôle médical plus approfondi. En ce qui concerne la nature des analyses proprement dite, il y a lieu de relever que contrairement aux tests d'urine ou de sang, qui ne donnent qu'une image des heures qui précèdent le prélèvement, l'analyse capillaire est parfaitement adaptée au dépistage couvrant de longues périodes et permet de ce fait de retracer l'histoire d'une éventuelle addiction dans le temps.
Pour être complet, je tiens à renvoyer au fait que le retrait administratif d'un permis de conduire fondé sur le paragraphe 1er, chiffre 4) de l'article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques n'est par sa nature pas punitif, mais est à considérer comme une mesure préventive dans le but de protéger les usagers de la route et reposant sur le fait que la personne concernée constitue pour lui-même et les autres usagers de la route un danger.
En attendant la réception des résultats des analyses capillaires, le dossier de Monsieur … sera tenu en suspens. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2019 inscrite sous le numéro 43584 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant, selon son dispositif, à l’annulation de l’arrêté du ministre du 3 juillet 2019 portant retrait de son permis de conduire et des permis de conduire internationaux, ainsi que de deux décisions, qualifiées comme telles, du même ministre du 9 et 29 août 2019.
Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955, ni d’autres dispositions légales ne prévoient de recours au fond en la présente matière, le tribunal de céans est compétent pour connaître du recours en annulation lui soumis.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut d’objet en arguant que la procédure administrative serait toujours pendante, suite au recours gracieux introduit par le demandeur en date du 2 août 2019.
Il estime que les courriers ministériels du 9 et 29 août 2019 seraient dépourvus de caractère décisionnel et que le ministre n’aurait pas encore pris de décision dans le cadre du recours gracieux effectué par le demandeur, étant donné que le ministre aurait entendu procéder au réexamen du dossier et se serait limité à solliciter des analyses toxicologiques des cheveux ce qui résulterait du libellé desdits courriers. Le délégué du gouvernement précise plus particulièrement qu’il découlerait du courrier du 29 août 2019 que le ministre aurait uniquement expliqué au demandeur que ses antécédents en matière d’abus de substances psychotropes seraient suffisamment concluants pour justifier un contrôle médical plus approfondi et que contrairement aux analyses urinaires respectivement sanguines lesquelles ne donneraient qu’une image des heures qui précéderaient le prélèvement, les analyses capillaires seraient adaptées au dépistage couvrant de longues périodes permettant ainsi de retracer une dépendance dans le temps.
Le demandeur entend résister au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé en arguant qu’il serait de jurisprudence que l’objet de la demande se dégagerait du dispositif de la demande en justice et de l’ensemble des motifs le soutenant et que par définition, l’objet d’une demande en justice serait le résultat que le demandeur entendrait obtenir.
Ainsi son recours serait dirigé contre la décision ministérielle du 3 juillet 2019 portant retrait de son permis de conduire et des permis de conduire internationaux, de même que contre les deux courriers ministériels des 9 et 29 août 2019 lesquels ne lui auraient procuré aucune satisfaction en ce qui concerne ses objections soumises au ministre. En effet, le recours gracieux du 2 août 2019 aurait abouti au même résultat que la décision initiale tout en lui enjoignant à se soumettre à une analyse toxicologique des cheveux.
Le demandeur estime encore que le courrier ministériel du 9 août 2019 serait à considérer comme décision négative qui ne lui aurait pas donné satisfaction et que par son courrier du 29 août 2019, le ministre aurait à nouveau refusé de faire droit à sa demande en sollicitant une nouvelle analyse toxicologique des cheveux et ce en dépit du fait qu’il aurait, par courrier du 26 août 2019, transmis au ministre les résultats d’analyses urinaires qui n’auraient décelé aucune présence de cannabinoïdes. Le ministre se bornerait de « façon totalement arbitraire » à relever uniquement le résultat du 16 avril 2018 duquel il ressortirait qu’il aurait été testé positivement aux cannabinoïdes tandis que le test urinaire négatif au THC et aux cannabinoïdes du 23 août 2019 aurait été passé sous silence.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement rétorque que l’analyse toxicologique des cheveux sollicitée par le ministre par les courriers des 9 et 29 août 2019 permettrait au demandeur de prouver qu’il ne serait plus consommateur régulier de stupéfiants, et serait dès lors à considérer comme un préalable à l’avis de la Commission médicale sur base de laquelle le ministre prendrait, le cas échéant, une décision clôturant la procédure administrative en cours. Ainsi, et même si les courriers précités n’auraient pas donné satisfaction au demandeur, ils ne seraient pas susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux, étant donné qu’ils ne constitueraient pas l’acte final de la procédure administrative en cours, tel que le tribunal administratif l’aurait déjà décidé par son jugement du 25 novembre 2015 inscrit sous le numéro 35532 du rôle.
L’intérêt à agir est l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2. En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait et en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif3.
La recevabilité d’un recours est encore conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement. Si, suite à l’introduction du recours, l’acte dont l’annulation est recherchée à travers le recours disparaît, le recours devient sans objet, le demandeur n’ayant a 1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n°247.
2 Trib. adm., prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 4 et les autres références y citées.
3 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.
priori et sauf circonstances particulières, plus aucun intérêt à poursuivre un recours contre un acte ayant disparu et qui ne lui fait plus grief4.
En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il résulte du dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, que le présent recours contentieux est dirigé contre la décision ministérielle du 3 juillet 2019 ainsi que contre deux décisions, qualifiées comme telles, du même ministre des 9 et 29 août 2019, et a été introduit en date du 24 septembre 2019, donc moins de deux mois après l’introduction du recours gracieux du 2 août 2019 par le demandeur, les deux recours ayant dès lors été formés en parallèle.
A cet égard, il y a, tout d’abord, lieu de préciser que si un recours contentieux a été formé concurremment avec un recours gracieux non encore vidé à la date de l’introduction du recours contentieux, cette circonstance n’est pas ipso facto de nature à conditionner directement la recevabilité du recours contentieux dont le dépôt n’est, en tout état de cause, pas rendu prématuré de ce fait5.
En revanche, le recours contentieux introduit en présence d’un recours gracieux toujours pendant et ayant été formé depuis moins de trois mois, se trouve être implicitement, mais nécessairement, conditionné en son existence par le dernier état décisionnel émanant de l’autorité administrative à la base d’une première décision critiquée, statuant à nouveau dans les délais légaux à partir du recours gracieux introduit6.
Si l’autorité administrative, après nouvelle instruction du dossier, prend une nouvelle décision, celle-ci remplace par la force des choses les décisions antérieurement prises et le recours contentieux, même introduit antérieurement à la nouvelle décision, devient sans objet et partant irrecevable7.
Ainsi il convient d’analyser, dans un premier temps, si les deux décisions, qualifiées comme telles, des 9 et 29 août 2019, pourront être qualifiées de nouvelles décisions administratives.
L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. En effet, pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief8.
Plus particulièrement, n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par 4 Trib. adm., 21 mars 2012, n° 29057 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°55 et autre référence y citée.
5 Trib. adm., 7 mai 2001 n° 12071 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 décembre 2001 n° 13592C du rôle, Pas. adm.
2020, V° Procédure contentieuse, n° 367 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 7 mai 2001, n° 12071 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 décembre 2001, n° 13592C du rôle, Pas.
adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 368.
7 Trib. adm., 25 septembre 2003, n°15972 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure Contentieuse, n°370 et autres références y citées 8 Trib. adm. 18 juin 1998, n° 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 40 et les autres références y citées.
l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision9. Pareillement, une lettre qui ne porte aucune décision et qui n’est que l’expression d’une opinion destinée à éclairer l’administré sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur la situation juridique, de même qu’un avis sur l’interprétation à donner à un texte légal ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation10.
Dans cet ordre d’idées, il s’agit encore de rappeler que pour valoir décision administrative, un acte doit constituer la décision définitive dans la procédure engagée et non pas une simple mesure d’instruction destinée à permettre à l’autorité compétente de recueillir les éléments d’information en vue de sa décision ultérieure11.
En ce qui concerne tout d’abord le courrier du ministre du 9 août 2019, cité in extenso ci-avant, force est de constater qu’il ne rejette pas le recours gracieux du 2 août 2019 introduit par le demandeur, mais, d’une part, invite celui-ci à envoyer, dans les trois semaines qui suivent la réception dudit courrier, au médecin-président de la Commission médicale du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, Département de la mobilité et des transports, les résultats d’analyses toxicologiques des cheveux (drogues) et, d’autre part, l’informe que le courrier litigieux du 9 août 2019 serait à considérer comme « étape préliminaire en vue d’une éventuelle mesure administrative pouvant affecter son permis de conduire » à prendre sur base de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, respectivement que le fait de ne pas donner suite à ce courrier pourrait entraîner le refus de sa demande en obtention/restitution de son permis de conduire.
Il convient de constater que cette seule invitation de s’adonner à un nouveau test, et même si elle ne donne pas satisfaction au demandeur, ne saurait, à elle seule, amener à la conclusion que le courrier du 9 août 2019 serait à qualifier de décision rejetant le recours gracieux telle qu’introduit par le demandeur en date du 2 août 2019, le courrier en question constituant, d’après sa formulation une étape préliminaire en vue d’une éventuelle mesure administrative pouvant affecter son permis de conduire.
Il s’ensuit que le courrier ministériel du 9 août 2019, constitue une mesure d’instruction destinée à permettre au ministre de recueillir les éléments d’information en vue de sa décision ultérieure et ne constitue pas la décision définitive dans la procédure engagée par le demandeur.
Partant, le recours dirigé contre le courrier ministériel du 9 août 2019 encourt l’irrecevabilité pour ne pas constituer une décision susceptible d’un recours contentieux.
Concernant ensuite la recevabilité du recours dirigé contre le courrier ministériel du 29 août 2019, force est également de constater que ledit courrier ne rejette pas le recours gracieux introduit par le demandeur en date du 2 août 2019, mais (i) énonce les rétroactes qui ont amené le ministre à infliger l’interdiction de conduire du 3 juillet 2019 au demandeur, (ii) invite à nouveau le demandeur à lui envoyer les résultats d’analyses toxicologiques des cheveux (drogues), tout en lui expliquant que les analyses urinaires annexés à son courrier du 26 août 2019 ne seraient pas admises, étant donné qu’elles reflèteraient qu’une image des heures qui précèdent le prélèvement tandis que les analyses capillaires seraient plus adaptées au dépistage 9 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas.
adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 63 et les autres références y citées.
10 Trib. adm., 7 mars 2007, n° 21708 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 75 et les autres références y citées.
11 Trib. adm., 6 janvier 1998, n° 10138 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 88 et les autres références y citées.
couvrant de longues périodes et permettant ainsi de retracer l’histoire d’une éventuelle addiction dans le temps, pour (iii) finalement informer le demandeur que le dossier serait tenu en suspens en attendant les résultats des analyses capillaires sollicitées.
Il s’ensuit que ledit courrier, même s’il impose au demandeur de rapporter des preuves supplémentaires et indique que le dossier serait tenu en suspens en attendant les résultats des analyses capillaires, ne constitue pas non plus la décision définitive dans la procédure engagée par le demandeur, aucune décision de refus du recours gracieux n’a été prise par le ministre12.
Partant, le recours dirigé contre le courrier ministériel du 29 août 2019 encourt également l’irrecevabilité pour ne pas constituer une décision susceptible d’un recours contentieux.
Dans la mesure où, le ministre n’a pas pris de décision administrative nouvelle sur recours gracieux du 2 août 2019, le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de la décision du ministre du 3 juillet 2019 portant retrait de son permis de conduire n’a ainsi pas perdu son objet et le demandeur garde un intérêt à agir contre cette décision.
Le recours en annulation à l’encontre de la décision du 3 juillet 2019 est dès lors recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, le demandeur soulève une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’une mesure disproportionnée par rapport aux faits.
Ainsi, il ressortirait de l’article 2 paragraphe 1er, chiffre 4) de la loi du 14 février 1955 et de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 qu’une personne devrait être considérée comme souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire si elle se trouve en état de dépendance à l’égard des substances à action psychotrope susceptibles de compromettre son aptitude à conduire sans danger ou si elle en abuse régulièrement sans être dépendante, mais que la quantité est telle qu’elle exerce une influence néfaste sur sa conduite.
En l’espèce, sa dépendance ne serait pas établie et le jugement allemand du 27 février 2018 par lequel son permis de conduire a été provisoirement retiré en Allemagne pour avoir conduit en août 2017 sous l’influence de cannabis sans pour autant avoir causé un accident de la circulation, devrait être considéré comme fait isolé.
Il ajoute qu’il n’aurait commis aucun accident de la circulation depuis la délivrance de son permis de conduire et aurait connu des périodes d’abstinence à la consommation du cannabis. Dans son rapport d’expertise toxicologique du 24 mars 2018, le docteur … aurait d’ailleurs conclu qu’il n’y aurait pas d’indications à une consommation régulière. Il donne encore à considérer que sa consommation de cannabis n’aurait jamais eu de répercussions sur sa vie tant privée que professionnelle.
Même si l’analyse capillaire du 11 avril 2019 était positive, le demandeur souligne que celle-ci ne permettrait pas de conclure à une dépendance à l’égard du THC contrairement à l’avis de la Commission médicale. Ainsi le rapport d’expertise toxicologique de ladite analyse, 12 Trib. adm., 26 avril 2018, n° 39522 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.
conclurait à une concentration déterminée de THC dans les cheveux qui serait compatible avec le fait qu’il aurait été en contact avec le cannabis ou en aurait consommé régulièrement endéans une période d’environ six mois avant le prélèvement capillaire, sans toutefois retenir un état de dépendance à l’égard du cannabis dans son chef et sans indiquer que cette consommation régulière aurait des conséquences sur sa capacité de conduire permettant de conclure à l’existence d’une infirmité ou d’un trouble susceptible d’entraver son aptitude à conduire.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur se prévaut encore une violation de la loi, dans la mesure où le retrait de son permis de conduite avait été opéré en application de l’article 2, paragraphe 1er, chiffre 4) de la loi du 14 février 1955 et de l’article 77, paragraphe 8.2 ainsi que de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955. A cet égard, le demandeur cite un arrêt de la Cour administrative du 29 mars 2018, inscrit sous le numéro 40532C du rôle, suivant lequel l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ne serait pas applicable, étant donné que cet article ne vaudrait uniquement pour l’obtention et le renouvellement d’un permis de conduire et non pour un retrait de permis et que seules les dispositions de l’article 2, paragraphe 1er, point 4 de la loi du 14 février 1955 pouvaient s’appliquer ainsi que les conditions et la procédure telles que prévues à l’article 90, paragraphe 2 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 seraient à suivre pour prendre une décision. La Cour administrative, dans l’arrêt précité, aurait en outre qualifié comme mesure disproportionnée le retrait d’un permis de conduire sans limitation dans le temps dans l’hypothèse comme en l’espèce, d’une infraction unique aux règles de la circulation et du simple constat de test capillaire positif au THC ainsi que de l’aveu d’une consommation occasionnelle de cannabis. Elle aurait, en outre, considéré que le test de dépistage capillaire ne serait pas suffisamment concluant pour admettre qu’un conducteur souffrirait d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.
Le délégué du gouvernement rétorque que les dispositions de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 seraient applicables suivant l’avant dernier paragraphe dudit article et prévoiraient les conditions minima pour pouvoir détenir un permis de conduire.
Il conteste ensuite la transposition, au cas d’espèce, de la solution retenue par la Cour administrative dans l’arrêt du 29 mars 2018, inscrit sous le numéro 40532C du rôle, alors que la personne y visée aurait fait l’objet d’un retrait du permis de conduire sur base des dispositions de l’article 77 sous 8.2.b) et, non pas, comme en l’espèce, sur base des dispositions de l’article 77 sous 8.2.a). Il résulterait encore des pièces du dossier administratif, et du résultat des analyses capillaires réalisées le 27 mars 2019, que le demandeur serait un consommateur régulier de cannabis ce qu’il aurait d’ailleurs avoué à la Commission médicale en date du 20 juin 2019, toute en affirmant qu’il n’aurait pas arrêté sa consommation de cannabis.
Il souligne, à l’égard des contestations du demandeur que le retrait de son permis de conduire puisse être illimité dans le temps, que l’intéressé pourrait à tout moment introduire une nouvelle demande afin de récupérer son permis et fournir, à l’appui de cette demande, toutes les informations qu’il jugerait utile, notamment de nouvelles analyses.
Il précise encore que le retrait du permis de conduire à une personne consommant régulièrement des substances à caractère psychotrope constituerait une mesure préventive ayant comme but de protéger les autres usagers de la route et il estime dès lors qu’il y aurait lieu de rejeter les développements du demandeur relatifs à une consommation occasionnelle et un défaut de dépendance dans son chef.
A titre liminaire, le tribunal relève que, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés. Confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, tel que cela est le cas en l’espèce, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité, étant relevé que la sanction d’une disproportion est limitée au cas exceptionnel où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité. Par ailleurs, il ne saurait annuler la décision prise qu’au cas où l’erreur d’appréciation reprochée au ministre, qu’il aurait commise dans le cadre de la marge d’appréciation qui lui est laissée plus particulièrement en l’espèce à travers l’article 2 de la loi du 14 février 1955, est manifeste13.
A cela s’ajoute que dans la mesure où la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise, une pièce postérieure à la décision déférée ne saurait, en principe, être prise en considération dans le cadre d’un tel recours. Il en va autrement dans l’hypothèse où cette pièce se rapporte à une situation de fait ayant existé au jour de la prise de la décision en question, puisqu’elle peut affecter la légalité de la décision litigieuse, qui a alors, le cas échéant, été prise sur base d’une situation de fait erronée14.
En l’espèce, force est de constater que le rapport d’analyses toxicologiques urinaires versé par le demandeur datant du 23 août 2019, a été établi postérieurement à la décision déférée du 3 juillet 2019 et ne tend pas à établir un fait ayant existé au moment de la décision prise, à savoir l’absence de troubles et d’infirmités susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, mais établit la situation de fait ayant existé en août 2019, de sorte que le tribunal n’est pas amené à le prendre en considération.
Il convient ensuite de rappeler qu’en vertu de l’article 2 paragraphe 1er de la loi du 14 février 1955 : « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions, désigné ci-après « le ministre » délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé: […] 4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ; […] ».
L’article 90, paragraphe 2, de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précise les conditions et la procédure à suivre pour prendre une décision de retrait d’un permis de conduire fondée sur le motif d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver les aptitudes ou capacité de conduire d’une personne, article disposant que :
13 Trib. adm., 27 février 2013, n° 30584 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu 14 Trib. adm., 8 juin 2015, n° 35102 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 27 et autres références y citées.
« Afin d’examiner les personnes souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver leurs aptitudes ou capacités de conduire un véhicule automoteur ou cyclomoteur, il est institué une commission médicale dont les membres sont nommés par le ministre des Transports.
Avant de pouvoir restreindre l’emploi ou la validité des permis de conduire, refuser leur octroi, leur renouvellement ou leur transcription, les suspendre ou les retirer, le ministre des Transports adresse quinze jours au moins avant la séance de la commission une convocation par lettre recommandée à l’intéressé, l’invitant à s’y présenter soit seul, soit assisté par un médecin de son choix. Si l’intéressé ne comparaît pas devant la commission médicale malgré deux convocations par lettre recommandée, la procédure est faite par défaut.
La commission, composée pour chaque affaire de trois membres, a pour mission d’entendre l’intéressé dans ses explications, de dresser procès-verbal et d’émettre un avis motivé pris à la majorité des voix. Elle donne un avis motivé au ministre des Transports. Dans cet avis elle indique également les cas où le port d’un appareil spécial ou l’aménagement spécial du véhicule s’impose et se prononce sur le mode d’aménagement du véhicule.
La commission se prononce sur les inaptitudes ou incapacités permanentes ou temporaires d’ordre physique ou psychomental des personnes visées à l’alinéa qui précède en se basant sur le résultat de son examen médical ainsi que sur les rapports d’expertise fournis par des médecins-experts spécialement chargés ou sur des certificats médicaux versés par les personnes examinées.
Les frais d’expertise sont à charge des personnes intéressées.
Le ministre des Transports prend sa décision sur le vu de l’avis de la commission médicale ».
Dans l’arrêté ministériel du 3 juillet 2019 sous analyse, le ministre a formellement retenu que Monsieur … « souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire », tout en s’appuyant sur l’avis de la Commission médicale du 24 juin 2019 duquel il ressort que « l’intéressé présente une dépendance vis-à-vis de substances à caractère psychotrope ou si elle en abuse régulièrement, sans être dépendante ».
La procédure ayant abouti à la décision ministérielle de retrait litigieuse trouve son origine dans le retrait provisoire du permis de conduire de Monsieur … en Allemagne par décision du tribunal de première instance de Trèves du 27 février 2018 pour avoir conduit sous influence de drogues avec un taux de THC de 17 ng/ml. Suite à ce retrait provisoire, le demandeur a été invité par le ministre à se soumettre à des analyses toxicologiques de ses cheveux. Une première analyse capillaire effectuée en date du 24 mars 2018 s’est avérée négative suite à laquelle, le permis de conduire a été restitué à Monsieur …. Le rapport d’analyses toxicologiques des cheveux de Monsieur … effectuée en date du 11 avril 2019 a détecté un taux de THC de 5,87 ng/mg dans ses cheveux, dépassant ainsi le seuil de positivité de 0.05 ng/mg indiqué dans ledit rapport. Monsieur … a encore admis devant la Commission médicale en juin 2019 consommer 2 à 3 fois par mois du cannabis et quotidiennement du CBD.
Au vu de ces résultats, le tribunal est amené à retenir que l’affirmation du demandeur d’être un consommateur occasionnel de cannabis et de ne pas prendre le volant sous l’emprise de cannabis n’est pas contredite par les éléments en cause. En effet, et s’il a bien fait l’objet d’un retrait provisoire de son permis de conduire en Allemagne en février 2018 pour avoir conduit le 21 août 2017 sous influence de drogues, il échet cependant de constater qu’il s’agit là d’un incident isolé remontant à près de deux ans au moment de la prise de décision. Par ailleurs, il ne ressort pas à suffisance des éléments du dossier que la quantité de cannabis absorbée par le demandeur au cours des mois précédant le retrait de son permis de conduire ait été telle que ses capacités ou aptitudes à conduire aient été entravées, les rapports d’analyse toxicologique précités se limitant en effet à constater qu’il y a eu contact ou une consommation régulière de cannabis pendant une période d’environ six mois avant le prélèvement capillaire, sans toutefois déterminer la quantité absorbée et sans déterminer l’influence de cette quantité sur la capacité de conduire du demandeur. De même, et contrairement aux conclusions de la Commission médicale, les éléments ainsi mis à la disposition du tribunal ne permettent pas de dégager un état de dépendance dans le chef de Monsieur … à l’égard du THC, le rapport toxicologique du 11 avril 2019 retenant simplement qu’il y a eu contact ou une consommation régulière de cannabis pendant une certaine période, sans pour autant conclure à un état de dépendance de l’intéressé à l’égard de cette substance.
Dans ces conditions, il convient qu’une unique infraction aux règles de la circulation, remontant à 2017 et un seul test de dépistage capillaire positif, sans aucun autre élément pouvant laisser conclure que l’intéressé ait effectivement circulé une nouvelle fois sous l’influence de substances à caractère psychotrope, respectivement qu’il soit dépendant à l’égard de ces mêmes substances à caractère psychotropes, un retrait pure et simple du permis de conduire, doit être qualifié de mesure disproportionnée non justifiée par les éléments concrets de l’affaire.
Cette constatation n’est pas énervée par les considérations du délégué du gouvernement, suivant lesquelles le retrait du permis de conduire à une personne consommant régulièrement de substances à caractère psychotrope constituerait une mesure préventive ayant comme but de protéger les autres usagers de la route, dans la mesure où la possibilité de prendre une telle initiative préventive sur base de la seule consommation régulière de substances à caractère psychotrope, ne se dégage pas des dispositions légales précitées.
Le tribunal est dès lors amené à conclure que c’est à tort que le ministre a retenu l’existence d’une infirmité ou d’un trouble susceptible d’entraver l’aptitude à conduire de Monsieur … et a retiré son permis de conduire sur base de l’article 2, paragraphe (1), point 4) de la loi du 14 février 1955.
Il s’ensuit, et sans qu’il ne soit besoin de statuer plus en avant que la décision déférée encourt l’annulation.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 9 août 2019 ;
le déclare encore irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 29 août 2019 ;
le déclare recevable pour le surplus ;
au fond, le dit fondé ;
partant, annule l’arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 3 juillet 2019 portant retrait du permis de conduire un véhicule automoteur de Monsieur … et renvoie le dossier devant ledit ministre en prosécution de cause ;
condamne l’Etat aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2021 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 14