Tribunal administratif N° 44670 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juillet 2020 2e chambre Audience publique du 17 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 44670 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juillet 2020 par Maître Maria Ana Real Geraldo Dias, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 juin 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 septembre 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Maximilien Krzyszton, en remplacement de Maître Maria Ana Real Geraldo Dias, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 janvier 2021.
Le 6 septembre 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-
police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 5 et 19 décembre 2019, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 17 juin 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée dans les termes suivants :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 6 septembre 2019, sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-
après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 septembre 2019 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 5 et 19 décembre 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Il en ressort que vous seriez originaire de … (Etat de Monagas), où vous auriez vécu avec votre mère, vos sœurs et votre frère. Vous signalez être joueur de basket professionnel et avoir joué pour l'équipe des « … » de 2011 à 2015. Vous expliquez qu'en tant que joueur d'une équipe professionnelle, on bénéficierait de beaucoup d'avantages au Venezuela, tels que « appartement, médecin, bonne nourriture, des chèques pour acheter de la nourriture, des remises dans les magasins ». En plus, tout comme les joueurs étrangers, en tant que joueur vénézuélien qui aurait étudié à l'étranger et qui aurait eu « une bonne réputation », vous auriez droit à un salaire en dollars américains ce à quoi chaque sportif aspirerait au Venezuela. En 2015, vous seriez parti jouer au basket pendant une saison au Mexique.
Il ressort plus tard d'un historique de votre carrière de joueur qu'entre 2011 et 2014, vous auriez joué au Mexique, puis pendant sept mois au …. Vous seriez ensuite brièvement retourné jouer au Venezuela, alors que vous auriez ensuite joué pendant sept ou huit mois au Pérou, de janvier 2015 jusqu'à l'été 2015. Vous seriez de nouveau brièvement retourné au Venezuela avant de partir jouer en Argentine en 2015, jusqu'en janvier 2016. Vous seriez encore une fois retourné au Venezuela mais dès février 2016, vous seriez parti pour une année au Mexique. Vous seriez par la suite rentré pendant « trois mois » au Venezuela.
Ainsi, en 2016, vous seriez retourné Venezuela en signant pour le club « … » situé dans l'Etat de Maracaibo. Après « quatre mois » dans ce club, vers Pâques 2016, vous auriez toutefois rompu votre contrat après des différends avec les dirigeants du club qui auraient voulu réduire votre salaire de soixante pourcents. Ainsi, vous seriez retourné à … pour passer du temps avec votre famille.
Un soir en mars 2016, en dînant avec votre famille à …, vous auriez été victime d'un home-jacking lorsque quatre personnes armées seraient venues dévaliser votre maison avec un camion de déménagement tout en vous menottant et vous menaçant de mort. En une heure et demie, les voleurs auraient vidé toute la maison et avant de partir ils vous auraient mis en garde de quitter le quartier et que la prochaine fois, vous seriez kidnappés.
Vous supposez avoir été cambriolé parce qu'en tant que joueur de basket professionnel, votre nom apparaîtrait dans les journaux et ces criminels seraient donc automatiquement d'avis que vous seriez riche. En plus, le gouvernement vénézuélien aurait recours à ces gens pour notamment kidnapper des sportifs et des médecins de la classe moyenne qui vivraient confortablement et de façon indépendante.
Vous signalez avoir dénoncé le cambriolage à la police qui vous aurait promis de faire une recherche pour retrouver les coupables. Or, vous seriez resté « sans rien du tout » de la police, qui selon vous, réagirait uniquement si le citoyen concerné possède de « l'influence ».
Après cet incident, vous auriez tous déménagé chez votre tante, dans la même ville, où vous auriez vécu jusqu'à votre départ définitif du pays en mai 2017.
Ainsi, le 18 mai 2017, vous seriez monté à bord d'un avion pour partir jouer au basket en Argentine où vous seriez resté jusqu'à la fin de l'année 2017. Pendant ce temps, vous auriez acheté, à partir de l'étranger, une nouvelle maison à votre mère dans un quartier plus « … » de votre ville, contrairement au « quartier dur » dans lequel elle aurait vécu jusque-là. Vous confirmez en outre qu'elle « est bien, elle est toujours bien » de même que « ma mère habite loin de la ville, il y a beaucoup moins de problèmes, on n'a pas eu de problèmes jusqu'à présent ».
Vous ajoutez qu'en payant un policier corrompu, votre mère aurait par la suite découvert que vous auriez été dévalisé par l'organisation « … ». Il s'agirait d'une « organisation » qui serait présente dans toute l'Amérique latine, composée de « civiles payés par le gouvernement corrompu » et qui serait notamment réputé pour s'occuper « à tuer, kidnapper et faire le sale boulot ». Le policier aurait encore expliqué à votre mère qu'elle devrait rester calme et ne pas se mêler à ces gens qui travailleraient pour le gouvernement qui selon vous « gérerait les … ».
En 2018, vous auriez quitté l'Argentine pour rejoindre le Pérou où vous auriez été actif pendant quatre ou cinq mois. Vous seriez alors retourné en Argentine et vous y seriez resté jusqu'en novembre 2018, avant de refaire chemin inverse et vous installer au Pérou jusqu'en juin 2019, date à laquelle vous auriez décidé de partir pour l'Europe.
Vous confirmez être arrivé à Bruxelles en juin 2019, après une escale à Madrid et vous expliquez cette arrivée en Belgique par le fait qu'un ami, le dénommé « … » qui jouerait au basket au Luxembourg, vous aurait conseillé de venir jouer au basket au Luxembourg. En plus, vous auriez vu votre avenir sportif et celui de votre famille en Europe.
Ainsi, vous expliquez que votre ami aurait été l'intermédiaire entre vous et un certain « Monsieur … » qui serait un responsable du club de basket de … et qui vous aurait invité à participer à un camp de basket en juin 2019 pour se faire une idée de vos talents. Ainsi, vous auriez passé vos premières semaines en Europe à faire des aller-retours entre la Belgique et le Luxembourg, alors que vous n'auriez pas su où vous loger au Luxembourg.
Vous précisez par ailleurs ne pas avoir immédiatement introduit une demande de protection internationale au Luxembourg dès votre première arrivée sur le territoire, en juin 2019 (p. 7 du rapport d'entretien), respectivement en août 2019 (p. 7 du rapport d'entretien), parce que vous auriez attendu la réponse de l'équipe de … et qu'il y aurait eu « toute une procédure » pour vous trouver un appartement, respectivement une chambre. En plus, vous auriez hésité à introduire votre demande parce que vous auriez dû « réfléchir si je ne voulais plus rentrer dans mon pays », d'autant plus au vu de l'état de santé de votre mère.
Le 15 août 2019, vous auriez reçu la réponse favorable de l'équipe de … et le 30 août 2019, vous vous seriez définitivement installé au Luxembourg.
Vous n'auriez par ailleurs pas introduit de demande de protection internationale en Belgique parce que vous n'y auriez eu personne pour vous soutenir. En plus, le niveau de la ligue luxembourgeoise serait supérieur à celui de la Belgique.
Vous n'auriez pas non plus voulu introduire de demande de protection internationale au Pérou à cause de la xénophobie anti-vénézuélienne et parce que vous auriez eu connaissance que les « … » s'y seraient également installés.
Il ne ressort pas de vos déclarations pourquoi vous n'auriez pas voulu rechercher de protection en Argentine.
En cas d'un retour au Venezuela, vous auriez peur d'être tué par les « … », alors qu'ils se rendraient vite compte de votre retour dans le pays en lisant le journal; vous dites qu'ils seraient capables de tuer des sportifs nationaux étant donné qu'ils tueraient également des ministres.
Enfin, vous ajoutez que vous auriez également quitté le Venezuela à cause de la situation générale caractérisée par un manque des biens de première nécessité et de survie.
Vous présentez un passeport vénézuélien établi en juin 2015, valable jusqu'en juin 2020.
2.
Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
Monsieur, il s'agit avant tout autre développement de constater que votre comportement n'est manifestement pas compatible avec celui d'une personne réellement persécutée, respectivement qui craint avec raison d'être persécutée dans son pays d'origine et qui serait réellement à la recherche d'une protection dans un pays sûr.
En effet, rappelons qu'après le home-jacking dont vous auriez été victime vers Pâques 2016, vous auriez d'abord continué à vivre au Venezuela sans faire état d'un quelconque autre incident. Après votre départ officiel du pays, vous auriez vécu pendant deux ans, alternativement en Argentine et en Pérou, sans pour autant y rechercher une quelconque forme de protection. Ensuite, sur conseil d'un ami basketteur, vous auriez décidé de partir pour l'Europe et après votre arrivée sur le sol européen, vous étiez d'abord en Espagne, puis en Belgique et finalement au Luxembourg, vous n'avez pas non plus jugé nécessaire, respectivement, urgent de rechercher une protection internationale.
En effet, vous expliquez qu'après votre première arrivée au Luxembourg, en juin ou août 2019, vous auriez continué à vivre à Bruxelles tout en faisant des aller-retours réguliers pour vous entrainer avec le club de …. Vous précisez ne pas avoir introduit de demande de protection internationale à ce moment parce que vous n'auriez pas été sûr de ne plus vouloir retourner au Venezuela et surtout parce que votre club vous aurait encore cherché un appartement et que vous auriez attendu l'accord définitif du club pour vous prendre sous contrat.
Or, notons qu'on peut attendre d'une personne réellement persécutée, respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans le plus brefs délais. On peut également attendre d'une telle personne qu'elle ne subordonne pas ses prétendues craintes de persécution à des considérations d'évolution de carrière dans le milieu sportif.
Ensuite, après vous être finalement décidé à introduire une demande de protection internationale au Luxembourg, pratiquement exactement au moment où votre visa de trois mois a pris fin et après que vous auriez été pris sous contrat par le club de …, vous avez pour le surplus donné une interview à un journal en ligne, respectivement un site de basketball vénézuélien, dans lequel vous informez notamment les lecteurs être venu au Luxembourg pour faire évoluer votre carrière sportive et avoir choisi le Luxembourg sur conseil de vos amis … et …. Vous confirmez en outre dans cet article que vous rêveriez d'être convoqué par l'équipe nationale du Venezuela ce qui sous-tend que vous accepteriez évidemment un retour au Venezuela.
Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Notons qu'hormis les motifs économiques, professionnels ou de convenance personnelle évidents qui fondent votre demande de protection internationale, vous ajoutez avoir introduit une demande de protection internationale à cause de la situation générale régnant au Venezuela et parce que vers Pâques 2016, vous auriez été victime d'un home-jacking par les « … » qui vous auraient ensuite menacé de quitter votre quartier.
Concernant d'abord le home-jacking dont vous auriez été victime, à le supposer réel, il s'agit de constater qu'il n'est aucunement établi qu'il serait lié à votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social. En effet, vous ne faites état d'aucun activisme politique et supposez que vous auriez été cambriolé par ce groupe criminel parce qu'il aurait été d'avis que vous auriez « beaucoup d'argent ». Cet incident s'inscrirait donc clairement dans un pur contexte de lucre et ne saurait aucunement être lié à votre nationalité, votre race, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social tel que prévu par la Convention de Genève et la Loi de 2015.
Ce prétendu cambriolage accompagné de menaces serait donc à qualifier d'infraction de droit commun, commise par des personnes privées, du ressort des autorités du Venezuela et punissable en vertu de la législation vénézuélienne et non pas comme acte de persécution au sens desdits textes.
Quand bien même cet incident unique serait à percevoir comme entrant dans le champ d'application des textes précités, ce qui reste contesté, il faudrait ajouter qu'un cambriolage unique n'équivaut, au vu du manque de gravité, pas à un acte de persécution au sens de la Convention de Genève.
Vous ne faites par ailleurs état d'aucun autre incident qui se serait produit au Venezuela qui impliquerait votre sécurité. Pour le surplus, vous confirmez que, depuis que vous auriez quitté votre maison dans le « quartier … » et acheté une nouvelle maison à votre mère dans un quartier plus « … » de votre ville, tout irait bien et que votre famille n'aurait plus rencontré de problèmes.
Il s'ensuit que vos craintes en rapport avec votre sécurité, respectivement les « … », doivent être perçues comme étant totalement hypothétiques, traduisant un sentiment général d'insécurité non pas des craintes fondées de persécution au sens des textes susmentionnés.
Quand bien même cet incident unique serait à considérer comme un acte de persécution, ce qui est contesté, il faut mentionner que s'agissant alors d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers, ne peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève qu'en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.
En effet, en totale opposition à vos allégations selon lesquelles le gouvernement collaborerait avec le « … », respectivement les armerait et les « gèrerait », il ressort justement des informations en nos mains que ce groupe criminel est activement est violemment combattu par les autorités vénézuéliennes et qu'il a lui-même déclaré la guerre aux forces de l'ordre du Venezuela en septembre 2018.
Notons à titre d'exemple que: « Dans les Etats d'Aragua et de Carabobo, une autre organisation criminelle fait régner la terreur : …, qui tire son nom d'un syndicat mafieux qui rackettait les constructeurs du système ferroviaire. Les affrontements avec les services de l'État et cette bande sont monnaie courante dans ces régions où se concentrent les industries vénézuéliennes. Un de ses leaders, arrêté au Pérou lors d'une tentative de braquage, a lui-
même confessé qu'il avait dû fuir le Venezuela à cause des « incessantes persécutions de la police ». La force de frappe de ces bataillons irréguliers n'est pas à négliger. Le 6 mai 2019, le général d'aviation Jackson Silva, directeur de l'Ecole de formation des troupes professionnelles, ainsi que quatre autres officiers trouvent la mort dans une embuscade tendue par le …. Quatre autres militaires ont été blessés lors du combat qui les opposa aux membres de ce syndicat du crime. ».
Il n'est donc manifestement pas établi que les autorités n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider ou vous protéger contre ces criminels. Le seul fait que la police n'aurait au moment même pas pu vous aider, respectivement identifier les prétendus coupables, ne saurait pas suffire pour démontrer un défaut de protection dans ce contexte.
Quant à la situation générale qui vous aurait fait quitter le Venezuela, notons que celle-
ci peut en effet être définie de catastrophique. La crise économique et humanitaire dans laquelle se trouve votre pays depuis les années 2010, et accessoirement la détérioration de la situation sécuritaire générale, a effectivement mené à un exode massif et une augmentation simultanée des demandes de protection internationale introduites par vos concitoyens dans d'autres pays américains ou européens: « Over the past few years, almost one million Venezuelans have left their homes in response to the country's worsening economy and security. While food has become so scarce that the average Venezuelan has lost 11 kilograms in body weight, doctors are fleeing the country and hospitals experience electricity crises and scarcity in medicines. As a result of poor living conditions, some have emigrated to the US or Spain and others to South-American countries, primarily neighbouring Colombia ».
L'UNHCR a retenu en décembre 2018 que « As of December 2018, more than 3 million Venezuelans have left for other countries in the region and beyond. Reasons cited for leaving included lack of food, medicine or essential social services, as well as incidents of violence and insecurity. Venezuelans continue to leave at an average of 5,000 a day. Fluctuating oil prices and a drop in production, increased international pressure and sanctions and continued hyperinflation and disparity between the official and unofficial exchange rates will impact negatively on the economy, resulting in increased hardship and poorer living conditions in Venezuela. The deterioration of infrastructure, public services and security may impact UNHCR's operations in 2019 ». Un million de personnes ont par ailleurs quitté le Venezuela depuis novembre 2018.
Or, force est de constater que la seule situation générale dans laquelle se trouverait le Venezuela ne saurait pas non plus justifier l'octroi du statut du réfugié, alors que vous ne faites aucunement état de quelconques persécution personnelles dont vous auriez souffert en rapport avec cette situation et qui seraient liées à un des cinq critères précités.
Monsieur, au vu de tout ce qui précède, il est évident que votre arrivée en Europe et plus particulièrement au Luxembourg, s'explique par des considérations sportives, voire matérielles et de convenance personnelle. Ce constat vaut d'autant plus que vous confirmez vous-même être parti pour l'Europe dans le but d'offrir un meilleur avenir à votre famille et afin de donner un avenir plus radieux à votre carrière de basketteur. Vos démarches en terme de recherche de protection internationale ne sont donc manifestement pas guidées par des quelconques craintes de persécution, mais s'inscrivent clairement dans un cadre professionnel et des considération financières et sportives.
De tels motifs ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi d'une protection internationale alors qu'ils ne sont nullement liés au champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Ce constat vaut d'autant plus que contrairement à la majorité des Vénézuéliens, votre famille se serait trouvée dans une bonne situation grâce à votre travail de basketteur qui vous aurait permis d'être payé en dollars convoités, ainsi que bénéficier d'« appartement, médecin, bonne nourriture, des chèques pour acheter de la nourriture, des remises dans les magasins ».
Vous confirmez par ailleurs que votre travail vous aurait permis d'acheter une nouvelle maison à votre mère, dans un quartier plus huppé et plus sécurisé de votre ville que le « quartier … » dans lequel votre famille aurait vécu par le passé. Vous confirmez également qu'il n'y aurait plus eu de problèmes dans ce quartier et que votre mère irait bien. Enfin, vous vous dites également prêt à jouer pour l'équipe nationale du Venezuela et donc à retourner volontairement au Venezuela.
Concernant un retour au Venezuela, on peut encore noter qu'il ressort des informations en nos mains que « Le traitement réservé aux demandeurs d'asile déboutés qui retournent au pays dépend de la situation du demandeur: pourquoi il/elle a quitté le pays, quel était son rôle ou sa profession et quelle était la nature du conflit avec le gouvernement. Par exemple, un avocat ou un juge qui quitte le Venezuela parce qu'il se trouve « littéralement du mauvais côté du régime » pourrait être aux prises avec des difficultés à son retour, comme par exemple être surveillé. Si le demandeur d'asile débouté était inculpé pour un crime avant de quitter le Venezuela, il s'agirait du « scénario à problèmes » le plus évident. Dans le cas où une personne aurait travaillé pour le gouvernement, mais pas dans un domaine politiquement sensible, elle ne serait peut-être pas surveillée à son retour, mais elle ne pourrait peut-être pas trouver un emploi dans le même secteur ou pour le gouvernement. ».
Sur base de tout ce qui précède, il faut déduire que, vue votre situation personnelle au Venezuela précédant votre départ en 2017, vous ne risquez manifestement pas d'être victime d'actes qui tomberaient dans le champ d'application de la Convention de Genève en cas d'un retour au Venezuela.
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Monsieur, au vu de tout ce qui précède, il ne saurait manifestement pas être conclu que vous risquiez « la peine de mort ou l'exécution » au Venezuela et vos craintes d'être tué par le groupe des « … » doivent donc être définies comme étant totalement hypothétiques et non fondées, traduisant tout au plus un sentiment général d'insécurité.
Il en est de même concernant des quelconques « traitements ou sanctions inhumains ou dégradants » alors que de tels faits ou de telles craintes ne ressortent nullement de vos déclarations, ni des recherches ministérielles.
En effet, rappelons que non seulement vous confirmez qu'il ne vous serait jamais rien arrivé au Venezuela, mis à part ce cambriolage vers Pâques 2016, mais en plus, vous confirmez avoir acheté une maison dans un quartier plus « … » de votre ville, où il n'y aurait pas eu de problèmes.
Enfin, soulevons que bien que la situation humanitaire, économique et sécuritaire au Venezuela est évidemment critiquable, la situation dans laquelle se trouve le pays n'équivaut pas à celle d'un conflit armé interne.
Bien au contraire, il ressort des dernières informations en nos mains que, suite à l'exode massif des années 2010 susmentionné, l'année 2020 se caractérise jusque-là par un certain retour au calme au Venezuela et par un retour de plus en plus de Vénézuéliens au pays qui sont désormais autorisés à investir en dollars et à faire proliférer leurs entreprises privées:
« After leading his country's economy over a cliff, President Nicolas Madura has brought it a certain measure of stability. By allowing dollars to flow freely and private enterprise to flourish in recent months, he seems to have breathed new life into his regime. He remains widely despised but emigration has begun to slow, people are returning and the government is enacting laws to tax dollar transactions and allow companies to issue debt in foreign currencies. ».
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
3. Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine.
Selon les lignes directrices de I'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires qu'après le cambriolage dont vous auriez été victime vers Pâques 2016, vous auriez d'abord déménagé dans un autre quartier de votre ville en vous installant chez votre tante. Vous ne faites pas état du moindre incident qui s'y serait produit. De plus, après votre départ du pays, vous auriez acheté une nouvelle maison à votre maison dans un quartier plus huppé et sécurisé de votre ville, où, de nouveau, il n'y aurait eu aucun problème.
Ainsi, vous confirmez dans le cadre de vos déclarations qu'un déménagement aurait par le passé constitué la solution pour votre famille pour se sentir plus sûre et échapper à ces criminels qui auraient cambriolé votre maison en vous menaçant de quitter le « quartier … » dans lequel vous auriez vécu jusqu'en 2016. Ainsi, vous pourriez, en cas d'un retour au Venezuela, évidemment vous installer dans ce quartier plus « … » de votre ville, respectivement dans tout autre quartier ou toute autre ville qui serait réputés plus sûrs et où les « … » ne seraient pas actifs.
Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 17 juin 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 17 juin 2020, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie en substance aux faits et rétroactes tels qu’ils ont été retranscrits dans son rapport d’audition auprès de la direction de l’Immigration.
En droit, Monsieur … soutient qu’il serait persécuté dans son pays d’origine en raison de son appartenance à un certain groupe social, à savoir celui des joueurs sportifs professionnels.
A ce titre, il serait persécuté par un groupe criminel s’attaquant à toute personne disposant d’un certain niveau de vie et menant une vie publique. Les autorités vénézuéliennes n’auraient aucun contrôle sur la situation générale au Venezuela.
En ce qui concerne le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir avoir été victime « des atteintes graves, sous formes de menaces graves et individuelles à l’égard du requérant, personne publique, en raison d’un pauvreté et criminalité grandissante dans le pays ». Il rappelle à cet égard avoir fait l’objet d’un cambriolage au sein de sa maison et que cette ingérence violente et armée aurait un caractère grave et individuel. Il ressortirait de rapports internationaux récents que le « conflit politique se transforme[rait] en conflit interne armé alimenté par la crise humanitaire qui règne dans le pays ». Il verse à ce titre un article intitulé « Le Venezuela est désormais le pays le plus dangereux au monde », publié sur le site internet www.rfi.fr en date du 29 décembre 2018, un article intitulé « Venezuela : les gangs armés s’affrontent désormais pour imposer leur président », publié sur le site internet www.lefigaro.fr en date du 5 mai 2020, un article intitulé « Le Venezuela ne doit pas devenir un champ de bataille internationale », publié sur le site internet www.bastamag.net en date du 29 janvier 2019, un article intitulé « Le nombre de réfugiés et de migrants vénézuéliens atteint 4 millions : HCR et OIM », publié sur le site internet www.unhcr.org en date du 7 juin 2019, un article intitulé « Moins d’homicides en 2019 au Venezuela, mais la violence reste endémique », publié sur le site Internet www.lapresse.ca en date du 27 décembre 2019, ainsi qu’un communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères et européennes luxembourgeois du 27 mai 2020.
Le demandeur fait ensuite valoir qu’une fuite interne devrait être exclue et ce malgré le fait que sa mère n’aurait pas été inquiétée dans sa nouvelle maison.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé en se ralliant en substance aux développements contenus dans la décision ministérielle.
A titre liminaire, le tribunal est amené à constater que tant le ministre que le délégué du gouvernement ont émis des réserves quant à l’opportunité de la demande de protection internationale introduite par le demandeur. Or, s’il est vrai qu’en l’espèce il ne saurait être nié, compte tenu du rapport d’audition du demandeur1, que ce dernier semble avoir choisi son pays 1 « Je n’avais personne qui pouvait me soutenir en Belgique. La ligue de basket au Luxembourg s’est mieux que la ligue de Belgique. (…) », rapport d’audition, p.7.
« Je vous parlerai avec franchise. Parfois c’est compliqué à s’évader…j’ai dû réfléchir avant de faire la demande d’asile. Parce que si jamais ma mère arrive à décéder, je ne peux pas y aller assister. J’ai dû réfléchir si je ne voulais plus rentrer dans mon pays… je pensais à ma mère, par rapport à la situation dans le pays, ma mère n’est pas en très bonne santé, je me suis arrêté un peu, mais j’ai décidé de faire la demande parce que j’ai besoin de protection car ma vie là-bas est en danger comme celle de ma famille. C’est la vérité. », rapport d’audition, p. 8.
« Pour quelle raisons avez-vous décidé de venir en Europe à la fin ? Je crois ici je trouve mon avenir et l’avenir de ma famille. », rapport d’audition, p. 9.
« Mon avenir, ma vie, je crois que dans ces pays qui sont des pays corrects avec des lois où il n’y a pas de corruption, je crois que je pourrais avoir un meilleur avenir en tant que personne ainsi qu’en tant que sportif. », rapport d’audition, p.15.
« Quant avez-vous pris al décision de venir en Europe ? A un moment il y avait la sensation de la xénophobie, de l’autre côté le fait que … allait s’installer dans le pays, je ne me sentais pas trop bien, j’avais un ami dominicain, j’ai parlé souvent avec lui et un jour il m’a demandé si je voulais venir en Europe, il m’a dit que je pouvais avoir une chance mais que je devais me préparer avec les langues. Pour être bien vu dans la société. A ce moment-là j’ai pris ma décision de venir, c’est une décision qui m’a couté, ce n’était pas facile les dernier mois, et pas non plus difficile. Je parle des derniers mois au Pérou.
Quand avez-vous pris cette décision ? d’accueil en raison des possibilités lui offertes au niveau de sa carrière de sportif professionnel, il n’en reste pas moins qu’à partir du moment où le demandeur fait valoir des éléments qui sont susceptibles d’être qualifiés de persécution, respectivement d’atteinte grave dans le sens de la loi du 18 décembre 2015, un motif de refus ayant trait à un défaut d’opportunité n’est pas pertinent, d’autant plus que si le ministre avait été d’avis que les faits à la base de la demande de protection internationale de Monsieur … auraient été dénués de pertinence, il lui aurait appartenu de prendre une décision sur base de l’article 27, paragraphe 1, point a) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement s’il avait estimé qu’un autre pays aurait été responsable de la demande de protection internationale du demandeur, il lui aurait appartenu de prendre, le cas échéant, une décision sur base de l’article 28 de la loi du 18 décembre 2015, voire du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Les raisons autres que celles susceptibles d’être qualifiées de persécution, respectivement d’atteinte grave ayant amené Monsieur … à quitter son pays d’origine sont susceptibles d’être pris en compte dans l’appréciation du bien-fondé de la demande de protection internationale, mais ne sauraient être avancées en tant que motif de refus autonome.
Il s’ensuit que le moyen ayant trait à un défaut d’opportunité de la demande de protection internationale est à rejeter.
Quant au bien-fondé de la décision de refus d’une protection internationale, il convient de relever qu’aux termes de l’article 2, point b), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g), de la même loi comme tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays.
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des Mi-avril. J’avais fini mon contrat au Pérou, j’avais commencé à faire des analyses et je suis venu à la conclusion que j’allais venir.
Aviez-vous déjà quelque chose en vue quand vous avez quitté le Pérou ? Oui, mon ami dominicain habite ici, c’est lui qui m’avait parlé de l’équipe de … Etiez-vous déjà en contact avec l’équipe aussi ? Non, moi je parlais avec mon ami et lui parlait avec le président. Il était l’intermédiaire. Il a une position importante dans l’équipe, ils ont respecté son point de vue et ils m’ont ramené. », rapport d’audition, p. 16.
persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire. Particulièrement, si l’élément qui fait défaut touche à l’auteur des persécutions ou des atteintes graves, aucun des deux volets de la demande de protection internationale ne saurait aboutir, les articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 s’appliquant, comme relevé ci-avant, tant à la demande tendant à l’obtention du statut de réfugié qu’à celle de protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal est, dans ce contexte, amené à constater que le demandeur motive sa demande de protection internationale par sa crainte de faire l’objet de représailles de la part de membres du groupe … qui auraient été à l’origine du cambriolage dont il a été victime et se base sur un combat violent « qualifiable d’un conflit interne armé en sus d’être une crise humanitaire sans précédents » entre l’armée vénézuélienne et le groupe …, qui agirait non seulement au Venezuela, mais également dans les autres pays de la région.
S’agissant d’abord de l’argumentation du demandeur selon laquelle il appartiendrait au groupe social des sportifs professionnels, appartenance qui aurait conduit les membres du groupe … à le cambrioler, il échet de rappeler que selon l’article 43 (1), point d) de la loi du 18 décembre 2015 « un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier :
- ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce ; et - ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante. (…) ».
Ainsi, un certain groupe social est un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, et qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains2. Dans la mesure où Monsieur … n’établit pas que la caractéristique d’être sportif professionnel est essentielle pour son identité ou sa conscience, alors que l’exercice d’une profession constitue essentiellement un choix personnel, étant rappelé que les deux conditions de l’article 43 (1), point d) de la loi du 18 décembre 2015 doivent être remplies cumulativement3, les motifs à la base de sa demande de protection internationale ne sauraient être rangés parmi les critères de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est à juste titre que le ministre a refusé de lui accorder le statut de réfugié.
Quant au volet du recours ayant trait au statut conféré par la protection subsidiaire, il échet tout d’abord de constater que le cambriolage dont a été victime le demandeur est susceptible d’être qualifié d’atteinte grave au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il a été menacé avec une arme et menotté avant que les cambrioleurs vident sa maison.
Or, il n’en reste pas moins qu’il échet de relever qu’il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que le cambriolage ait un quelconque lien avec les membres du groupe …, le demandeur admettant lui-même qu’il tient cette information uniquement d’un policier prétendument corrompu interrogé à cet effet par sa mère, qui aurait prétendu que les cambrioleurs appartiendraient au groupe en question. Ensuite, et même si tel devait effectivement être le cas, il n’en reste pas moins que sa crainte d’être recherché et de faire 2 HCR, Principes directeurs sur la protection internationale no 2: « L’appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés, 7 mai 2002, doc. NU HCR/GIP/02/02.
3 CJUE, arrêt du 7 novembre 2013, Minister voor Immigratie en Asiel/X et Y, et Z/Minister voor Immigratie en Asiel, affaires jointes C-199/12 à C-201/12, EU:C:2013:720, point 45.
l’objet de représailles de la part de membres du groupe … n’est sous-tendue par aucun élément objectif tangible.
En effet, force est de constater que la mère du demandeur est restée au Venezuela pendant toute cette période, qu’elle a certes déménagé vers un quartier « plus « … » »4, mais qu’il ne lui est pas arrivé la moindre chose depuis le cambriolage ayant eu lieu vers la période de Pâques en 2016, période pendant laquelle le demandeur a eu des engagements auprès de clubs de basket en Argentine et au Pérou.
Ainsi, il se dégage de son récit auprès de la direction de l’Immigration qu’il n’a jamais été contacté personnellement par un membre du groupe …, qu’il n’a pas été menacé ou importuné d’une quelconque manière par ce groupe et que sa crainte trouve au final uniquement sa source dans l’information qu’il a reçue par le biais de sa mère d’un policier prétendument corrompu estimant que le cambriolage aurait été perpétré par ledit groupe.
Or, à défaut d’être soutenue par un quelconque autre élément concret, la seule affirmation d’un policier corrompu, qui par la force des choses n’a pas pu avoir d’information sur le cambriolage, alors que le demandeur n’a finalement pas déposé de plainte5, ne saurait justifier dans son chef une crainte réelle et sérieuse d’être en proie à des représailles en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, si, tel que le demandeur l’a affirmé lors de son audition auprès de la direction de l’Immigration, ce groupe a été et est toujours aussi influent dans toute l’Amérique du Sud, il y a lieu d’admettre que si des membres de cette organisation l’avaient effectivement recherché, ils auraient eu les moyens de le trouver également en Argentine ou au Pérou, où il a été engagé jusqu’à son départ pour l’Europe.
Le caractère hypothétique des craintes avancées par le demandeur au sujet du groupe … est encore confirmé tant par les articles cités par la partie gouvernementale selon lesquels les autorités vénézuéliennes combattraient activement les membres dudit groupe, contredisant ainsi les déclarations du demandeur selon lesquelles le gouvernement vénézuélien serait mêlé audit groupe, que par les autres raisons ayant conduit le demandeur à quitter son pays d’origine, respectivement le comportement que celui-ci a affiché après avoir quitté son pays d’origine.
En effet, il n’est pas contesté qu’il a traversé plusieurs pays de l’Union européenne avant de finalement déposer une demande de protection internationale au Luxembourg en septembre 2019. Plus particulièrement, le demandeur a expliqué être passé par l’Espagne et la Belgique où il aurait logé avant de pouvoir participer à un camp de basket organisé par un club de basket luxembourgeois, sans toutefois qu’il n’ait ressenti le besoin de déposer une demande de protection internationale dans l’un de ces pays. Or, il est raisonnable d’attendre d’une personne qui se sent réellement persécutée dans son pays d’origine, respectivement y ressent une crainte fondée de subir des atteintes graves, qu’elle dépose une demande de protection internationale dans le premier pays sûr dans lequel elle arrive, alors que le demandeur n’a, dans aucun des 4 Rapport d’audition, p. 6.
5 Avez-vous porté plainte auprès d’une autorité ? Vous êtes allé à la police après, mais avez-vous porté plainte finalement ou pas ? Ma mère était fâchée elle n’a pas voulu porter plainte car apparemment cela ne servait à rien, car sans la plaque d’immatriculation, ils ne pouvaient rien faire alors, elle n’a pas porté plainte. C’est avec la voisine qu’elle a parlé ensuite et elle a vu l’autre policier.
Et chez l’autre policier, elle a porté plainte ? Non, non, non, ils ont parlé à côté. Il n’a pas rédigé de plainte, il a seulement demandé de l’argent pour faire de recherches. Ils appellent cela de l’argent pour des faveurs. Des faveurs pour renseigner », rapport d’audition, p.
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pays qu’il a traversés, recherché une protection internationale, tout en laissant, qui plus est, passer un certain temps avant de déposer finalement une telle demande au Luxembourg.
Au vu de ces considérations, le tribunal est amené à conclure que le fait, tel que celui relaté par le demandeur, aussi condamnable qu’il soit, n’est pas de nature à justifier dans son chef un risque réel d’être victime de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Venezuela, de sorte qu’il ne remplit pas la condition prévue à l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.
Pour autant que le demandeur ait soutenu à travers ses références à « des atteintes graves, sous formes de menaces graves et individuelles à [son] égard (…), personne publique, en raison d’un pauvreté et criminalité grandissante dans le pays », respectivement à « des rapports récents de diverses organisations internationales que le conflit politique se transforme en conflit interne armé alimenté par la crise humanitaire qui règne dans le pays » risquer de faire l’objet d’atteintes graves sous forme de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, il échet tout d’abord de rappeler que cette disposition législative constitue la transposition de l’article 15 c) de la directive 2011/95/UE du Parlement et du Conseil européen du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ci-après désignée par « la directive 2011/95/UE ». Son contenu est distinct de celui de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée la « CEDH », et son interprétation doit, dès lors, être effectuée de manière autonome tout en restant dans le respect des droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la CEDH6.
Il ressort des articles versés par le demandeur que la majeure partie de la violence qui a lieu au Venezuela prend la forme d’une criminalité de droit commun. La plupart de ces crimes sont commis par des criminels agissant à titre individuel ou de petits gangs locaux. S’il est vrai que la violence criminelle est très répandue au Venezuela, il n’en reste pas moins que cette violence ne correspond pas à une situation de confrontation entre les forces armées régulières d'un Etat et des groupes armés, ou d’affrontements entre deux ou plusieurs groupes armés entre eux7.
S’agissant de la situation socio-économique et humanitaire précaire avancée par le demandeur, il échet de retenir que cette dernière ne tombe pas dans le champ d’application de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015. De plus, il ne ressort pas de la décision déférée, ni de la requête introductive d’instance, ni des informations soumis à l’appréciation du tribunal que la situation socio-économique et humanitaire précaire au Venezuela soit causée intentionnellement par les agissements ou les omissions d’un acteur, tel que visé par l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, la situation socio-économique tendue et la crise humanitaire qui en résulte est plutôt la conséquence d’une situation complexe conjuguant différents facteurs tels qu’une mauvaise gestion économique, des sanctions économiques lourdes, la chute de la production pétrolière et des prix pétroliers, l’hyperinflation et une contraction de l’économie, d’autant plus qu’il ne ressort pas de développements du 6 CJUE, 17 février 2009, Meki Elgafaji et Noor Elgafaji c. Staatssecretaris van Justitie, C-465/07, paragraphe 28.
7 Voir dans ce sens : Conseil du Contentieux des Etrangers belge, arrêt n° 231 410 du 17 janvier 2020.
demandeur dans sa requête introductive d’instance, respectivement de son audition auprès de la direction de l’Immigration qu’il serait à cet égard personnellement visé ou qu’il appartiendrait à un groupe de personnes visées, étant donné qu’il ne démontre pas qu’en cas de retour au Venezuela, il serait exposé d’une façon intentionnelle et personnelle à une pauvreté extrême dans laquelle il ne pourrait plus satisfaire à ses besoins vitaux 8, de sorte qu’il y a lieu de conclure, sur base des éléments soumis à l’appréciation du tribunal par le demandeur, qu’il n’y a actuellement pas de risque réel pour les citoyens du Venezuela de subir des atteintes graves contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.
2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.
Le demandeur fait valoir à cet égard qu’un retour au Venezuela, qui ne figurerait pas sur la liste de pays d’origine sûrs du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs, serait de nature à enfreindre le principe de non-refoulement et serait contraire à l’article 3 de la CEDH. Le demandeur se base encore sur une déclaration du ministre que le Venezuela traverserait depuis plusieurs années une grave crise politique, économique et humanitaire.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.
8 Voir dans ce sens : Conseil du Contentieux des Etrangers belge, arrêt n° 247 229 du 12 janvier 2021.
S’agissant des développements du demandeur au regard de l’article 3 de la CEDH aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. », il échet de retenir que si l’article 3 de la CEDH proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement - telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à son article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou à des traitements inhumains ou dégradants.
Cependant, dans ce type d’affaires, Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la CourEDH évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour Venezuela, le tribunal a conclu ci-avant que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de nature à justifier dans son chef l’existence d’une crainte actuelle et fondée de subir des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine et que, de ce fait, il ne saurait prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, de sorte que le tribunal actuellement ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH9, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi de la demanderesse en Colombie soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH.
Dans ces circonstances, une violation du principe de non-refoulement n’est pas non plus vérifiée en l’espèce.
Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.
9 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 17 juin 2020 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond le dit non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et prononcé à l’audience publique du 17 mai 2021 par le premier juge Hélène Steichen, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s.Lejila Adrovic s.Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 20