Tribunal administratif N° 43790 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 17 mai 2021 Recours formé par Monsieur A et consort, Echternach, contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Echternach en présence de Madame C et de Monsieur D, Echternach, en matière d’autorisation de raccordement à la canalisation
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43790 du rôle et déposée le 14 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Modert, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A et de son épouse, Madame B, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville d’Echternach du 27 mai 2019, référencée sous le numéro …, portant autorisation à Madame C, demeurant à L-…, de débrancher « la canalisation d’eau mixte de la maison … sur le terrain de la maison … immatriculée au N° cadastral … » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 21 novembre 2019, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville d’Echternach, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à L-6460 Echternach, 2, place du Marché, ainsi qu’à Madame C, préqualifiée, et « pour autant que de besoin » à Monsieur D, demeurant à L- … ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2019 par Maître Marc Lentz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame C et de Monsieur D, préqualifiés ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2019 par Maître Trixi Lanners, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la Ville d’Echternach, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2020 par Maître Marc Lentz, au nom de Madame C et de Monsieur D, préqualifiés ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2020 par Maître Trixi Lanners, au nom de la Ville d’Echternach, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2020 par Maître Marc Modert, au nom de Monsieur A et de Madame B, préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2019 par Maître Trixi Lanners, au nom de la Ville d’Echternach, préqualifiée ;
1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2020 par Maître Marc Lentz, au nom de Madame C et de Monsieur D, préqualifiés ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc Modert en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 janvier 2021, et vu les remarques écrites de Maître Trixi Lanners du 6 janvier 2021, de Maître Marc Lentz des 8 et 20 janvier 2021 et de Maître Marc Modert du 19 janvier 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.
En date du 27 mai 2019, le bourgmestre de la Ville d’Echternach, ci-après désigné par « le bourgmestre », délivra à Madame C une autorisation, référencée sous le numéro …, « concernant le débranchement de la canalisation d’eaux mixte de la maison … sur le terrain de la maison … », inscrit au cadastre de la Ville d’Echternach sous le numéro …, section ….
Par courrier recommandé de leur mandataire du 14 août 2019, Madame B et Monsieur A, ci-après désignés par « les consorts B-A », firent introduire un recours gracieux contre la décision du 27 mai 2019.
Par courrier recommandé du 30 août 2019, le bourgmestre invita les consorts B-A à introduire une demande d’autorisation de raccorder leur maison au réseau de la canalisation dans un délai d’un mois à partir de la réception du courrier du 30 août 2019, et ce afin de se mettre en conformité avec le plan d’aménagement général en vigueur de la Ville d’Echternach (PAG).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 novembre 2019 et inscrite sous le numéro 43790 du rôle, les consorts B-A ont fait introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à l’annulation de la décision du bourgmestre du 27 mai 2019, précitée.
Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, la Ville d’Echternach, rejoint sur ce point par Madame C et Monsieur D, ci-après désignés par « les consorts C-D », soulève l’incompétence rationae materiae du tribunal administratif au motif que les questions de servitude, se dégageant de l’article 686 du Code civil, telles qu’invoquées par les requérants, relèveraient de la compétence d’attribution du juge de paix et échapperaient de la sorte à la compétence du tribunal administratif.
Les demandeurs n’ont pas pris position dans leur réplique par rapport à ce moyen d’ordre public ayant trait, en substance, à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
En vertu de l’article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l’article 95 bis, paragraphe (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives. La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les 2juridictions administratives s’opère, non pas en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives -, mais en fonction de l’objet du droit qu’engendre une contestation portée devant le juge1. Au niveau de l’examen de sa compétence, le tribunal est amené à analyser le recours porté devant lui de façon globale par rapport à la décision administrative déférée, au-delà des droits spécifiquement visés par les différents moyens invoqués à l’appui de la demande.
Autrement dit, la compétence du tribunal administratif ne s’analyse pas par rapport aux moyens soulevés devant lui, mais par rapport à l’objet du litige, à savoir l’acte lui déféré.
Or, si en l’espèce les demandeurs formulent leurs moyens en prenant appui sur une servitude alléguée, l’acte déféré au tribunal n’en est pas moins une décision administrative, à savoir un acte décisionnel à portée individuelle susceptible de faire grief aux demandeurs, de sorte que le tribunal est, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, compétent pour en connaître, de sorte que le moyen d’incompétence soulevé par la Ville d’Echternach et par les consorts C-D est à rejeter.
En ce qui concerne ensuite la portée du recours, étant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre l’autorisation de bâtir litigieuse.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Quant au fond A l’appui de leur recours et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, les demandeurs expliquent qu’au début des années 1970, la maison sise au numéro … à Echternach, aurait eu pour propriétaires les époux F-G qui auraient été également propriétaires de la place à bâtir « supérieure » contigüe qu’ils auraient vendue par acte notarié du 18 février 1974 à l’un de leurs deux fils, Monsieur E, et à son épouse, Madame B, ci-après désignés par les « époux E-B ».
Ils mettent en avant que les époux F-G et les époux E-B auraient opté en 1974 d’un commun accord pour une jonction souterraine des deux conduites privatives d’évacuation des eaux usées sous le jardinet antérieur du numéro … avec à la clef une tuyauterie commune sur deux ou trois mètres avant de rejoindre la canalisation publique.
Les demandeurs, en se basant sur les articles 686 et suivants du Code Civil, font valoir que le tronçon de canalisation commune constituerait un acquis ne pouvant plus être mis en cause, alors qu’aucune réclamation n’aurait été soulevée.
En s’appuyant plus particulièrement sur l’article 690 du Code Civil, les demandeurs concluent que les servitudes dites continues et apparentes, puisque matérialisées par un ouvrage construit, s’acquéraient par la possession de trente ans, de sorte qu’ils seraient bénéficiaires et titulaires légitimes d’un droit de servitude grevant le fonds servant, c’est-à-
dire l’immeuble sis au numéro ….
1 Trib. adm. 15 décembre 1997, n° 10282 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Compétence, n° 34.
3Ils soutiennent que l’ouvrage serait une réalisation régie exclusivement par le droit privé et ne serait pas en relation avec l’autorité publique.
Ils donnent ensuite à considérer que dans la mesure où le raccordement au réseau public aurait, d’une part, fait l’objet d’une intervention active de l’autorité communale et de ses services techniques dans les années 1970 et, d’autre part, que cet aménagement existerait depuis lors sans avoir soulevé de la part de l’autorité communale la moindre objection, celle-
ci serait actuellement malvenue d’ordonner une suppression à leur détriment.
Les demandeurs expliquent ensuite que la Ville d’Echternach se serait limitée à accuser réception de leur recours gracieux du 14 août 2019 sans y répondre et sans indiquer les voies de recours à leur disposition à admettre qu’une décision sur recours gracieux aurait été prise.
En droit, les demandeurs invoquent de prime abord une « irrégularité formelle » de la décision litigieuse au motif qu’elle ne serait pas « précédée d’une demande susceptible de lui servir de support ».
A cet égard, les demandeurs expliquent que le dossier administratif, tel que communiqué sur demande à leur litismandateire par un courrier de la Ville d’Echternach daté au 17 juillet 2019, n’aurait comporté aucune demande introduite dans ce contexte.
A cela s’ajouterait que la consultation subséquente du dossier administratif par leur litismandateire au siège de la Ville d’Echternach le 26 juillet 2019 n’aurait pas non plus permis de prendre connaissance d’une demande d’autorisation de la part de Madame C, les demandeurs insistant sur le fait qu’un fonctionnaire de la Ville d’Echternach leur aurait confirmé qu’une telle demande n’existerait pas.
Ils reprochent encore à Madame C de ne pas avoir fait usage du formulaire spécifique en relation avec une demande « d’autorisation de construire » qui serait mis à la disposition des administrés intéressés par la Ville d’Echternach.
Ils donnent ensuite à considérer que par courrier daté au 7 août 2019, la Ville d’Echternach aurait transmis à leur litismandataire une lettre signée par Madame C, qui renseignerait un tampon « pratiquement illisible d’entrée à la Commune revêtu d’une date au tampon supposée correspondre au 13 mai […] ».
Ils estiment que même à admettre que cette pièce ait réellement existé à la date y renseignée et qu’elle ait été à la connaissance du bourgmestre le 27 mai 2019, il n’en demeurerait pas moins que la décision entreprise serait entachée d’une « irrégularité formelle », alors que le bourgmestre n’aurait pas pu, au vu de la formulation vague de la demande de Madame C, aux termes de laquelle celle-ci aurait sollicité « [l’]accord [du bourgmestre] d’effectuer des travaux de canalisation sur [s]on terrain sis … à Echternach », décider que « Le raccordement existant de la maison … est maintenu. Le raccordement existant de la maison … est à supprimer. ».
Par rapport à cette lettre, le litismandataire des demandeurs a fait état, par un courrier électronique adressé au tribunal administratif en date du 19 janvier 2021 et déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2021, d’une plainte avec constitution de partie civile dirigée à l’encontre de Madame C du chef de faux en écritures privées et usage de faux et a demandé 4« l’ajournement de la prise en délibéré du procès administratif », demande à laquelle le litismandataire des consorts C-D s’est opposé.
Dans un deuxième temps, les demandeurs font valoir, en substance, que la décision déférée serait entachée d’un dépassement, sinon d’un excès de pouvoir en ce que le bourgmestre aurait pris une décision les concernant à leur insu.
En troisième lieu, les demandeurs soulèvent des moyens tirés de la violation des articles 6, 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l´Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 », en ce que la décision attaquée ne serait pas motivée et en ce que le bourgmestre aurait porté atteinte à des droits antérieurs reconnus.
Ils font ensuite valoir que la décision litigieuse aurait rendu inhabitable leur habitation sise au numéro …, dans la mesure où ils auraient été privés de l’évacuation de leurs eaux usées, de même que de l’utilisation de leurs commodités, et ce en contradiction avec les dispositions de l’article 2.1 de l’autorisation même, qui auraient été édictées dans l’intérêt de la sauvegarde de leur bien immeuble.
Les demandeurs estiment finalement qu’à supposer qu’un raccordement particulier au réseau de canalisation publique de la Ville d’Echternach soit à supprimer, aucune autorité communale ne pourrait toutefois abandonner ni déléguer une telle tâche à un voisin quelconque, en l’espèce Madame C, de sorte qu’une telle autorisation par délégation relèverait d’un dépassement, sinon excès de pouvoir du bourgmestre et serait dépourvue de toute base légale ou réglementaire.
Dans son mémoire en réponse et quant aux faits, la Ville d’Echternach précise que Monsieur E-B aurait sollicité le 19 mars 1974, auprès du bourgmestre de la Ville d’Echternach de l’époque, la délivrance d’une autorisation de construire une maison unifamiliale à Echternach au numéro …, autorisation qui lui aurait été délivrée le 26 mars 1974 et selon laquelle Monsieur E-B devait accoler sa maison à la maison voisine, préexistante, appartenant aux époux F-G.
La Ville d’Echternach soutient, d’une part, qu’au niveau des raccordements à la canalisation, l’autorisation de construire délivrée à Monsieur E-B aurait imposé à celui-ci « de se munir encore des permissions de cours d’eau à établir par Monsieur le Ministre de l’Agriculture, ceci en ce qui concerne la construction du pont et de l’exécution des raccordements à la conduite d’eau, à la canalisation et au câble électrique souterrain existants dans la … » de même que « d’établir deux canalisations séparées, l’une pour les eaux usées et fécales, l’autre pour les eaux de pluie », et, d’autre part, qu’en vertu de l’autorisation de raccordement délivrée le 26 mars 1974, il aurait été autorisé « d’établir un raccordement de 3/4 à la conduite d’eaux aux abords de la … No. … à Echternach ».
Tout en se référant aux plans autorisés à l’époque, la Ville d’Echternach fait valoir que Monsieur E-B aurait été autorisé à aménager des tuyaux en ligne droite, menant de son garage vers la canalisation publique et non pas à la tuyauterie de la maison numéro …, tel que cela aurait finalement été réalisé.
Actuellement, ce serait afin d’éviter le risque d’inondations que Madame C aurait présenté une demande en obtention d’une autorisation en vue de modifier le raccordement de 5sa maison à la canalisation, de façon que seules les eaux usées et de pluie émanant de sa propriété soient encore évacuées par sa tuyauterie et non plus celles émanant de la propriété des consorts B-A, autorisation qui aurait été délivrée à Madame C le 27 mai 2019.
En droit, la Ville d’Echternach réfute l’argumentation des demandeurs reposant sur les articles 686 et suivants du Code civil au motif que les servitudes non apparentes ne pourraient s’établir que par un titre, qui ferait toutefois défaut en l’espèce Elle donne ensuite à considérer que selon l’article 7.2 de son règlement sur les bâtisses « un seul raccord au réseau » serait accordé « par parcelle ». Or, étant donné que les consorts B-A déverseraient leurs eaux dans la tuyauterie des consorts D-C, la parcelle de ceux-ci évacuerait en réalité les eaux de deux parcelles, ce qui serait, dès lors, contraire au règlement sur les bâtisses, la Ville d’Echternach insistant sur le fait qu’il ne saurait être reproché à Madame C de vouloir régulariser sa situation, ni au bourgmestre d’avoir délivré une autorisation à cette même fin.
La Ville d’Echternach conteste ensuite les développements des demandeurs selon lesquels aucune demande n’aurait été présentée par Madame C préalablement à la délivrance de l’autorisation litigieuse du 27 mai 2019.
Elle soutient ensuite que ce serait à tort que les demandeurs soulèvent une violation des articles 6, 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tout en insistant sur le fait que les conditions spéciales figurant aux numéros 1.3.2 et 2.1. de la décision litigieuse seraient, contrairement à l’argumentaire adverse, légales, respectivement compatibles avec l’autorisation elle-même.
Elle avance en outre que le reproche soulevé par les demandeurs selon lequel ils auraient été placés « du jour au lendemain » devant un fait accompli ne correspondrait pas à la réalité alors qu’ils auraient été en mesure de réagir et de faire valoir leurs droits au plus tard depuis l’affichage du « point rouge » sur le terrain des époux C-D. A cela s’ajouterait que par un courrier du 30 août 2019, les demandeurs auraient été rendus attentifs au fait qu’ils devraient présenter une demande en vue du raccordement de leur maison à la canalisation publique.
Dans leur mémoire en réponse, les consorts C-D font valoir que ni les conditions de l’article 686 du Code civil, ni celles de l’article 690 de ce même Code, tels qu’invoqués par les demandeurs, ne seraient remplies en l’espèce.
A cela s’ajouterait que les conditions de la prescription acquisitive ne seraient pas remplies, alors que les demandeurs ne pourraient pas faire état d’une possession exempte de vices en relation avec le raccordement litigieux.
Ils expliquent, à cet égard, que si le bourgmestre de la Ville d’Echternach avait accordé le 26 mars 1974 aux époux E-B une autorisation d’établir un raccordement à la conduite d’eau aux abords de la …, il n’en résulterait toutefois pas qu’ils aient été autorisés à raccorder leur réseau d’évacuation des eaux au réseau des propriétaires du numéro … de la même rue, ce qui ne serait, par ailleurs, pas conforme à la réglementation communale de la Ville d’Echternach et plus particulièrement à l’article 9 du « Reglement über die Entwässerung der Grundstücke und den Anschluss an die öffentliche Abwasseranlage » du 26 avril 2002.
Ils ajoutent que les demandeurs ne pourraient, par ailleurs, pas se prévaloir d’une 6tolérance administrative, les consorts C-D se référant, à cet égard, à des jugements du tribunal administratif des 26 mars 1997 et 7 juillet 2008, inscrits sous les numéros 9558 et 23873 du rôle, et à un arrêt de la Cour administrative du 13 juillet 2004, inscrit sous les numéro 17811C du rôle.
Ils estiment finalement que la Ville d’Echternach, respectivement son bourgmestre, ne seraient pas obligés de suivre les prescriptions édictées par les articles 6, 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979.
Dans leur réplique, les demandeurs affirment vouloir maintenir leurs moyens tels que développés à travers leur requête introductive, tout en contestant l’argumentation développée par les parties défenderesse et tierce intéressée dans leur mémoire en réponse respectifs.
Ils insistent sur le fait que le bourgmestre se serait immiscé dans un litige strictement privé entre voisins et riverains, ne regardant toutefois pas l’autorité publique.
Ils expliquent, à cet égard, qu’un éventuel préjudice ou dommage qui serait accru à un immeuble du fait d’un autre immeuble relèverait du droit civil et notamment de l’article 544 du Code civil, mais que l’autorité publique qui « par sympathie, altruisme ou pour d’autres motifs » viendrait au secours de l’immeuble préjudicié en prenant une décision administrative commettrait un abus ou excès de pouvoir, respectivement un dépassement de compétence.
Les demandeurs sollicitent finalement qu’il soit ordonné à la Ville d’Echternach de déposer l’original du courrier introduit le 13 mai 2019 par Madame C conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ». Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ils sollicitent que la date d’entrée de ce courrier au secrétariat de la Ville d’Echternach soit certifiée par le fonctionnaire communal et sous la signature du fonctionnaire communal appelé à cette tâche.
Dans leurs mémoires en duplique respectifs, la Ville d’Echternach et les consorts C-
D maintiennent leur argumentation telle que développée à travers leurs mémoires en réponse respectifs, tout en insistant sur le fait qu’il ne s’agirait pas de justifier la suppression d’un raccordement privé au réseau communal tel que sembleraient le prétendre les demandeurs, mais qu’il y aurait lieu de constater que seule la parcelle appartenant aux consorts C-D serait correctement raccordée à la canalisation publique, tandis que la maison des consorts B-A serait simplement connectée au tuyau de la canalisation des consorts C-D et ceci sur le terrain de ceux-ci et sans leur autorisation.
S’il est de principe que la juridiction administrative n'est pas tenue de suivre l'ordre dans lequel plusieurs moyens au fond lui ont été proposés, il n’en reste pas moins que la logique juridique impose que les questions de légalité externe soient traitées avant celles de légalité interne2.
Quant à la légalité externe, les demandeurs sollicitent en premier lieu l’annulation de la décision litigieuse au motif qu’elle n’aurait pas été précédée d’une demande circonstanciée de 2 Cour adm. 12 octobre 2006, n° 20513C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 923 et les autres références y citées.
7la part des consorts C-D, tout en mettant en question le caractère probant du courrier de Madame C du 19 mai 2019 produit par la Ville d’Echternach.
Or, indépendamment de l’existence ou non d’une demande formelle écrite de la part des consorts C-D, respectivement de la question de savoir si Madame C avait sollicité à tort ou à raison une autorisation afin de réaliser les travaux litigieux sur son terrain, il échet de constater que le bourgmestre a pris une décision en accordant le 27 mai 2019 à Madame C l’autorisation de débrancher la canalisation d’eau mixte de la maison … sur son terrain sis au …, décision qui est déférée en l’espèce.
Dans la mesure où il importe peu que cette décision est intervenue à la suite d’une demande écrite ou d’une demande orale des consorts C-D, étant relevé que ceux-ci ne contestent pas avoir sollicité une autorisation, et dans la mesure où, par ailleurs, les demandeurs se limitent à faire état d’une irrégularité formelle, sans toutefois soustendre cette contestation par une quelconque disposition légale ou règlementaire que le bourgmestre aurait violée, leurs contestations ne permettent pas de remettre utilement en cause la légalité de la décision litigieuse Le moyen afférent est dès lors rejeté pour être non fondé.
Dans la mesure où le tribunal vient de rejeter le moyen afférent indépendamment de l’analyse du courrier du 13 mai 2019, la demande formulée par les consorts B-A et tendant à la communication par la Ville d’Echternach de l’original du courrier introduit par Madame C le 13 mai 2019 est également rejetée pour manquer de pertinence, de même qu’il convient de rejeter la demande de sursis à statuer formulée suivant le courrier du 19 janvier 2021, l’issue de la plainte pénale déposée en relation avec la demande du 13 mai 2019 n’influant pas sur l’examen du présent recours.
Les demandeurs reprochent ensuite en substance au bourgmestre d’avoir commis un excès de pouvoir du fait que celui-ci se serait immiscé dans une pure problématique de droit civil.
A cet égard, le tribunal relève de prime abord qu’aux termes de l’article 37, alinéas 1er et 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre.
L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites. ».
La finalité de l’exigence légale de l’obtention d’une autorisation de construire consiste à vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général et particulier et le règlement sur les bâtisses, et une autorisation de construire s’analyse partant en la constatation officielle par l’autorité compétente, en l’occurrence le bourgmestre, de la conformité d’un projet de construction aux 8dispositions d’urbanisme applicables3, ce principe étant rappelé par l’article 37, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise sur base du plan d'aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune4, textes d’interprétation stricte. Le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit dès lors en organe d’exécution et s’il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d’urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l’exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de ce fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, pareille façon de procéder n’étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l’essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière5.
Le bourgmestre commettrait, par ailleurs, un excès de pouvoir en accordant ou refusant l’autorisation pour la réalisation de travaux au-delà des compétences lui attribuées.
En l’espèce, force est tout d’abord de constater que l’ancien propriétaire de la maison sise au … à Echternach s’est vu accorder le 26 mars 1974 une autorisation de construire une maison d’habitation avec garage aux abords de ladite rue, ainsi qu’une autorisation de raccordement à la canalisation et qu’il se dégage des plans à la base de la demande d’autorisation introduite en 1974 et qu’il n’est, par ailleurs, pas contesté par les demandeurs, que les tuyaux auraient dû être aménagés en ligne droite, menant du garage vers la canalisation publique, ce qui toutefois n’a pas été fait, dans la mesure où les tuyaux d’évacuation des eaux usées de la maison numéro … ont été de facto raccordés à la tuyauterie de la maison voisine sise au …, appartenant actuellement aux consorts C-D, qui elle seule était raccordée à la canalisation publique.
Suivant la décision attaquée, le bourgmestre a autorisé ce qui suit : « accorde à Madame C l’autorisation concernant le débranchement de la canalisation d’eaux mixte de la maison … sur le terrain de la maison … immatriculée au N° cadastral … ».
Aux termes de l’article 9.1.2. du plan d’aménagement général, partie écrite et règlement sur les bâtisses de la Ville d’Echternach, une « autorisation de bâtir » est requise notamment « pour le raccordement aux réseaux d’approvisionnement et d’assainissement ».
Si l’article 9.1.2. précité requiert ainsi la délivrance d’une autorisation pour les travaux de raccordement à la canalisation et au réseau d’eau potable publics, force est toutefois de constater qu’en l’espèce, l’autorisation litigeuse ne porte pas sur un raccordement, respectivement un débranchement de la canalisation de la maison … à la canalisation publique, mais accorde à Madame C l’autorisation de débrancher de sa propre tuyauterie privée la tuyauterie d’écoulement des eaux des consorts B-A - qui eux ne disposent pas d’un accès direct à la canalisation publique.
Or, si la commune a raison de critiquer le fait que les consorts B-A ne disposent pas d’un raccordement à la canalisation publique, force est de constater que le fait que les consorts B-A ont raccordé leur tuyauterie d’évacuation des eaux à celle des consorts C-D, situation que le bourgmestre semble avoir voulu résoudre à travers la décision attaquée, relève dans un 3 Trib. adm. 6 octobre 2008, n° 23416 du rôle, confirmé par Cour adm. 19 février 2009, n° 24960C du rôle, Pas.
adm. 2020, V° Urbanisme, n° 752 et les autres références y citées.
4 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
5 Idem.
9premier temps d’un litige entre parties privées qui se meut sur le terrain des troubles de voisinage, voire des suites à donner à une exécution non conforme de l’autorisation délivrée en 1974 dont la compétence échappe au bourgmestre qui devient éventuellement seulement compétent dans une seconde étape afin d’accorder, le cas échéant, une autorisation de raccordement à la canalisation publique aux consorts B-A qui n’en disposent pas.
Ainsi, en accordant à Madame C l’autorisation pour débrancher de sa propre tuyauterie privée la tuyauterie d’évacuation des eaux usées et pluviales provenant de la maison numéro …, donc pour des travaux ne tombant pas dans le champ d’application de l’article 9.1.2. du règlement sur les bâtisses de la Ville d’Echternach qui confère uniquement un pouvoir de décision au bourgmestre en cas de raccordement à la canalisation publique, celui-ci a commis un excès de pouvoir et la décision attaquée est à annuler de ce chef.
En ce qui concerne les demandes de la Ville d’Echternach et des consorts C-D de condamner les consorts B-A au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de respectivement 3.500.- euros et 1.000.- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, celles-ci sont à rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant annule la décision du bourgmestre de la Ville d’Echternach du 27 mai 2019, référencée sous le numéro …, portant autorisation à Madame C, demeurant à L-…, de débrancher « la canalisation d’eau mixte de la maison … sur le terrain de la maison … » ;
rejette les demandes en obtention d’une indemnité de procédure formulées par la Ville d’Echternach, d’une part, et par les consorts C-D, d’autre part ;
condamne la Ville d’Echternach aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mai 2021, par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 10