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10/05/2021 | LUXEMBOURG | N°42210

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2021, 42210


Tribunal administratif N° 42210 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2019 1re chambre Audience publique du 10 mai 2021 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Schifflange, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42210 du rôle et déposée le 11 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Geo

rges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom...

Tribunal administratif N° 42210 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 janvier 2019 1re chambre Audience publique du 10 mai 2021 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Schifflange, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42210 du rôle et déposée le 11 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) de la décision du bourgmestre de la commune de Schifflange du 12 octobre 2018 portant autorisation de construire un immeuble résidentiel (20 unités) et commercial (3 unités) au L-… » et 2) de la décision du bourgmestre de la commune de Schifflange du 15 octobre 2018 autorisant la démolition de la maison n°… et la démolition partielle de l’immeuble sis au n°…, …, L-… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlo Calvo, demeurant à Luxembourg, du 21 janvier 2019 portant signification de ce recours à 1) la commune de Schifflange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-3801 Schifflange, 11, avenue de la Libération, et 2) à la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposée le 23 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif pour compte de la commune de Schifflange, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposée le 23 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2019 par Maître Serge Marx pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2019 par Maître Steve Helminger pour compte de la commune de Schifflange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2019 par Maître Georges Krieger pour compte de Madame …, préqualifée ;

1 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2019 par Maître Serge Marx pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2019 par Maître Steve Helminger pour compte de la commune de Schifflange, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Elie Dohogne en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Danira Mustafic en remplacement de Maître Steve Helminger et Maître Serge Marx en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 septembre 2020 ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 19 octobre 2020 informant les parties de la rupture du délibéré ;

Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre 2019 par Maître Serge Marx pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée;

Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 novembre par Maître Steve Helminger pour compte de la commune de Schifflange, préqualifiée ;

Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 décembre 2019 par Maître Georges Krieger pour compte de Madame …, préqualifiée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l'audience publique du 6 janvier 2021, et vu les remarques écrites de Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, de Maître Serge Marx et de Maître Steve Helminger des 4 et 5 janvier 2021 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience ;

Vu l’avis du tribunal du 26 janvier 2021 ;

Vu l’avis de rupture du délibéré du 4 mars 2021 à défaut de réponse à la suite de l’avis du 26 janvier 2021 ;

Vu la constitution de nouvel avocat de la société à responsabilité limitée Elvinger Dessoy Marx SARL, inscrite au barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B251584, représentée aux fins de la présente instance par Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposée le 23 mars 2021 au greffe du tribunal administratif pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire et vu les remarques écrites de Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger et de Maître 2Serge Marx du 23 mars 2021 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience, et Maîtres Elie Dohogne, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Ben Hubert, en remplacement de Maître Steve Helminger, et Maître Serge Marx en leurs plaidoiries orales respectives à l’audience publique du 24 mars 2021.

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En date du 12 octobre 2018, la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », se vit délivrer par le bourgmestre de la commune de Schifflange, ci-après désigné par « le bourgmestre », une autorisation de construire portant le numéro … en vue de la « construction d’un immeuble résidentiel (20 unités) et commercial (3 unités) » sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schifflange, section … de …, sous le numéro ….

Le 15 octobre 2018, la société … se vit encore accorder une autorisation, portant le numéro …, pour « la démolition N° … et démolition partielle N° … (Conservation de la façade avant de la grange et le volume de la maison) à …».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre du 12 octobre 2018 accordant l’autorisation de construire précitée et contre la décision du même bourgmestre du 15 octobre 2018 autorisant la démolition de la maison numéro … et la démolition partielle de la maison numéro … de la même rue.

A titre liminaire, le tribunal relève que si la commune de Schifflange demande dans ses réponses et duplique au tribunal de sursoir à statuer en attendant l’issue du litige pendant devant le Tribunal administratif inscrit sous le numéro 41097 du rôle, cette demande est devenue sans objet dans la mesure où cette affaire s’est soldée par jugement du 13 juillet 2020 n’ayant pas fait l’objet d’un appel.

1) Quant à la recevabilité du recours Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit.

S’agissant de la recevabilité du recours, le tribunal a, dans la mesure où en date du 4 septembre 2020, le bourgmestre a signé une autorisation de bâtir, référencée sous le numéro … et délivrée le 10 septembre 2020, portant « confirmation de l’autorisation de construction N° … sur base du PAP « quartier existant Centre-Ouest », approuvé le 17/07/ 2020 à … suivant plans annexés qui font partie intégrante de l’autorisation », prononcé la rupture du délibéré et a invité les parties à prendre position sur la question de la portée de cette autorisation par rapport à celle du 12 octobre 2018 et sur celle de l’incidence de cette autorisation sur l’objet du recours respectivement sur l’intérêt à agir de Madame ….

Dans son mémoire additionnel, la commune de Schifflange explique que la nouvelle autorisation du 4 septembre 2020 concernerait la même localisation, à savoir le numéro …, et le même gabarit de projet, tout en soulignant que l’objectif de cette autorisation serait de réitérer le caractère conforme de ce projet dans sa même configuration avec le nouveau projet d’aménagement particulier quartier existant, ci-après désigné par le « PAP QE », adopté à la suite de l’annulation partielle du précédent PAP QE par un jugement du tribunal administratif 3du 13 juillet 2020, inscrit sous numéro 41097a du rôle. La commune de Schifflange conclut que la nouvelle autorisation aurait dès lors la même portée que celle du 12 octobre 2018, tout en soulignant qu’elle mentionnerait qu’elle n’aurait aucun impact sur l’autorisation de démolir du 15 octobre 2018.

S’agissant de la question de l’intérêt à agir et du maintien de l’objet du recours, la commune de Schifflange déclare se rapporter à prudence du tribunal.

Dans son mémoire additionnel, la société … est d’avis que l’autorisation du 4 septembre 2020 aurait remplacé celle du 12 octobre 2018. En effet, d’après la société …, la deuxième autorisation constituerait une nouvelle autorisation de construire, la société … fondant son argumentation sur la jurisprudence des juridictions administratives à propos de l’agencement de deux projets successifs portant sur le même objet tout en renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 17 mars 2015, numéro 35461C du rôle. La société … conclut, par référence à des jugements du tribunal administratif du 10 juin 2009, inscrit sous le numéro 24789 du rôle et du 15 février 2017, inscrit sous le numéro 37894 du rôle, que le recours contre l’autorisation du 12 octobre 2018 serait devenu sans objet, une éventuelle annulation de cette autorisation n’ayant d’ailleurs aucun effet utile, puisque la nouvelle décision postérieure existerait dans l’ordonnancement juridique et produirait ses effets.

Le recours devrait dès lors être déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Madame …, pour sa part, est d’avis que l’autorisation du 4 septembre 2020 n’aurait pas pour effet de remplacer ou de faire disparaître l’autorisation initiale faisant l’objet du présent recours, tout en soulignant que la commune elle-même aurait admis qu’il n’y aurait pas retrait implicite de cette décision à travers celle du 4 septembre 2020. Elle souligne, par ailleurs, que la démolition, autorisée en 2018, ne serait pas couverte par l’autorisation du 4 septembre 2020.

Elle donne à considérer que dans la mesure où l’autorisation du 15 octobre 2018 subsisterait, le recours aurait toujours un objet.

S’agissant de son intérêt à agir, Madame … fait valoir, tout en admettant que l’annulation de l’autorisation numéro … ne ferait pas disparaître celle du 4 septembre 2020, que rien n’indiquerait a priori que cette seconde autorisation serait régulière. Elle estime que le fait de laisser subsister une autorisation irrégulière, à savoir celle portant le numéro …, ne serait pas dans l’intérêt général et n’apparaîtrait pas cohérent ni acceptable dans un Etat de droit.

S’y ajouterait que les annulations des juridictions administratives auraient un effet erga omnes et s’imposeraient au juge judiciaire, que Madame … déclare vouloir saisir d’une procédure en dommages et intérêts, de sorte qu’aucune faute ne serait à démontrer dans le chef de l’Etat. A contrario, un jugement du tribunal administratif déclarant le recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir risquerait d’avoir pour conséquence que le juge judiciaire se méprend en ce que, saisi d’une demande en indemnisation, il pourrait estimer ne pas être compétent pour analyser la régularité de l’autorisation litigieuse, voire pourrait considérer qu’aucun dommage n’a été causé puisque le recours avait été déclaré irrecevable.

Madame … souligne que si l’administration avait dû délivrer l’autorisation du 4 septembre 2020 ce serait parce que dans l’affaire portant le numéro 41097 du rôle, le tribunal 4avait annulé la décision du ministre de l’Intérieur du 7 juillet 2017 portant approbation de la délibération du conseil communal de Schifflange du 8 mai 2017 adoptant le projet de PAP QE « centre-ouest », décision sur laquelle serait fondée l’autorisation litigieuse.

Force est de constater que la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement.

Au regard des contestations de la société …, qui affirme que l’autorisation du 4 septembre 2020 aurait remplacé celle du 12 octobre 2018, il convient de prime abord d’examiner si l’autorisation de construire attaquée existe toujours dans l’ordonnancement juridique.

Force est de constater que l’autorisation du 4 septembre 2020 indique qu’elle porte « confirmation de l’autorisation de construction N° … sur base du PAP « quartier existant Centre-ouest », approuvé le 17 juillet 2020 », tout en précisant sub « conditions spéciales » que le bénéficiaire de l’autorisation est obligé « de respecter toutes les conditions de l’autorisation de construire … ».

Au regard de cette formulation, le tribunal ne saurait suivre l’interprétation de la société … suivant laquelle la nouvelle autorisation serait venue remplacer purement et simplement la première qui de la sorte aurait disparu de l’ordonnancement juridique.

En effet, s’il n’est certes pas contesté que l’autorisation du 12 octobre 2018 et celle du 4 septembre 2020 portent toutes les deux sur le même projet, aucune des parties n’alléguant qu’un changement ait été opéré aux plans, la commune affirmant, au contraire, qu’il s’agirait du même projet, il n’en reste pas moins que l’autorisation du 4 septembre 2020 ne mentionne nullement que la première autorisation serait annulée et remplacée par elle, mais, au contraire, la nouvelle autorisation précise qu’il y a lieu de respecter toutes les conditions de l’autorisation de construire ….

La conclusion s’impose dès lors que l’autorisation initiale n’a pas disparu de l’ordonnancement juridique par l’effet de celle du 4 septembre 2020, mais coexiste avec la nouvelle autorisation du 4 septembre 2020, cette dernière étant intervenue en raison de l’annulation de l’approbation par le ministre de l’Intérieur de la délibération du conseil communal du 8 mai 2017 portant adoption du projet de PAP QE « Centre-Ouest » couvrant le terrain visé par l’autorisation querellée, la nouvelle autorisation étant, en effet, d’après les explications des parties à l’instance, intervenue à la suite de la nouvelle approbation du ministre de l’Intérieur en date du 17 juillet 2020 de la même délibération.

S’agissant ensuite de la question de savoir si Madame … peut tirer de l’annulation de cette autorisation la satisfaction d’un intérêt personnel et certain, il convient de rappeler qu’en matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif1.

1 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°3 et les autres références y citées.

5En effet, pour justifier d’un intérêt à agir il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.2 Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences3.

La recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un acte de nature à faire grief et ayant produit cet effet sur la personne du demandeur. Or, l’intérêt à l’annulation d’un acte administratif doit non seulement exister au jour de l’introduction du recours, mais encore subsister jusqu’au prononcé du jugement. En cas de contestation de l’intérêt à agir au jour des plaidoiries et à défaut de justifier le maintien de l’intérêt à agir ayant existé au jour de la requête introductive, le recours doit être déclaré irrecevable4.

En l’espèce, si la qualité de voisin direct de Madame … n’est pas remise en question et si son intérêt à agir au moment de l’introduction du recours n’est pas non plus contesté, se pose toutefois la question de la subsistance de son intérêt à agir à partir du moment où elle était confrontée à la nouvelle autorisation du 4 septembre 2020.

Le tribunal constate que suivant le libellé de l’autorisation du 4 septembre 2020, le bourgmestre ne s’est pas limité à autoriser des éléments précis et limités du projet, de manière que les deux autorisations seraient à exécuter conjointement, mais qu’il a accordé une nouvelle fois son autorisation pour l’ensemble du projet. Si le bourgmestre a renvoyé aux conditions de l’autorisation du 12 octobre 2018, il n’en reste pas moins que la deuxième autorisation a une existence autonome, indépendante de l’existence, respectivement de la validité de la première autorisation, dont les conditions, par le renvoi opéré, sont censées faire partie intégrante de la deuxième. Autrement dit, le bourgmestre a autorisé le 4 septembre 2020, à travers une décision autonome, une nouvelle fois et sans aucune distinction le projet dans sa globalité, cette fois-ci sur base du PAP QE tel qu’approuvé par le ministre de l’Intérieur le 17 juillet 2020 à la suite de l’annulation, à travers le jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2020, n° 41097a du rôle, de la première approbation tutélaire du 7 juillet 2017 en raison d’une irrégularité formelle à caractère substantiel n’ayant toutefois, tel que le tribunal l’a relevé dans son jugement du 13 juillet 2020, pas eu de répercussion sur la légalité de la décision du conseil communal du 8 mai 2017 que la décision annulée est venue approuver.

Dans ces conditions, le constat s’impose que même en cas d’annulation de l’autorisation de construire du 12 octobre 2018, celle du 4 septembre 2020 subsiste dans l’ordonnancement juridique, qui est, à elle seule, une base suffisante permettant à la société … de réaliser le même projet, étant rappelé, tel que retenu ci-avant, que la commune et la société … confirment que les plans n’ont pas été modifiés et qu’il s’agit du même projet que celui qui est critiqué par Madame … à travers le présent recours. Dès lors, l’annulation de l’autorisation du 12 octobre 2018 à elle seule, sans l’annulation corrélative de celle du 4 septembre 2020, n’est pas de nature à procurer à Madame … la satisfaction d’un intérêt personnel et certain, 2 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.

3 En ce sens : Trib. adm. 7 novembre 2016, n° 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 13 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 26 novembre 2009, n° 25191 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 27.

6puisque celle-ci se trouverait toujours confrontée aux effets de l’autorisation du 4 septembre 20205.

Il convient dès lors d’examiner si cette deuxième autorisation a valablement été attaquée par Madame …, voire peut actuellement encore faire l’objet d’un recours.

Tel que Madame … l’a confirmé à travers la prise de position écrite de son litismandataire du 23 mars 2021, confirmée à l’audience des plaidoiries, aucun recours n’a été introduit par elle à l’encontre de l’autorisation du 4 septembre 2021.

S’agissant de la question de savoir si cette autorisation est encore susceptible de recours, il convient de relever qu’aux termes de l’article 13, paragraphe (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-

après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « Sauf dans les cas où les lois ou règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».

L’article 13, paragraphe (1) de la loi du 21 juin 1999 prévoit deux hypothèses alternatives dans lesquelles un recours est déclaré irrecevable faute d’avoir été introduit dans les délais, à savoir celle où le demandeur dépose son recours plus de trois mois après s’être vu formellement notifier la décision litigieuse, et celle où il introduit un recours plus de trois mois après avoir pu prendre connaissance de l’acte faisant grief, l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement du territoire et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », qui dispose que le délai de recours contre l’autorisation court à compter de la date d’affichage de l’autorisation, n’est, à cet égard, qu’une application concrète des deux hypothèses consacrées par l’article 13, paragraphe (1) de la loi du 21 juin 1999 selon lesquelles le délai court de facto à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse.

Force est de constater qu’en l’espèce, indépendamment de la question de son affichage, l’autorisation du 4 septembre 2020 a été portée à la connaissance de Madame … au plus tard au courant de la présente procédure contentieuse, et plus précisément par sa communication en annexe d’un courrier de Maître Helminger du 14 septembre 2020, de sorte que le délai de recours de trois mois a ainsi commencé à courir au plus tard à partir de cette communication. Il s’ensuit qu’actuellement, le délai de recours contre la décision du 4 septembre 2020 est expiré à l’égard de Madame …, de sorte que ladite décision est devenue définitive.

Il s’ensuit que dans la mesure où l’annulation de la seule autorisation de construire du 12 octobre 2018 n’est pas susceptible de procurer à Madame … la satisfaction d’un intérêt par rapport à la réalisation du projet immobilier critiqué et à défaut pour elle d’avoir introduit un recours contre l’autorisation du 4 septembre 2020 - permettant tel que cela a été retenu ci-

avant à elle seule de réaliser le projet critiqué -, devenue actuellement définitive, le tribunal est amené à retenir que la demanderesse reste en défaut de justifier un intérêt suffisant au 5 En ce sens : Trib. adm. 3 juin 2020, n° 42742 du rôle.

7maintien du recours pour autant qu’il est dirigé contre l’autorisation de construire numéro … délivrée le 12 octobre 2018.

Si dans son mémoire additionnel, Madame … entend justifier son intérêt à agir par la considération que « rien n’indique non plus a priori que cette seconde autorisation serait régulière » et qu’il ne serait pas dans l’intérêt général de laisser subsister la première autorisation qu’elle estime irrégulière, force est de constater, d’une part, qu’elle n’a justement pas introduit de recours contre la deuxième autorisation ayant autorisé le même projet, et, d’autre part, que, tel que cela a été retenu ci-avant, l’intérêt à agir doit correspondre à un intérêt personnel et direct et ne saurait se confondre avec l’intérêt général. Dès lors, Madame … ne saurait justifier son intérêt à agir par la défense de l’intérêt général pour faire disparaître de l’ordonnancement juridique une décision qu’elle estime irrégulière, si cette annulation n’est pas de nature à lui procurer la satisfaction d’un intérêt personnel et direct.

Ensuite, la référence à une potentielle action en dommages et intérêts devant le juge judiciaire dont le préalable nécessaire, d’après les dires de la demanderesse, serait une annulation de l’autorisation du 12 octobre 2018, est encore insuffisante en l’espèce, puisque l’intérêt allégué est purement hypothétique, la demanderesse restant en tout état de cause en défaut de justifier en quoi l’annulation de la seule autorisation du 12 octobre 2018, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, n’empêchera pas la réalisation du projet qui reste couvert par l’autorisation du 4 septembre 2020, ayant acquis autorité de chose décidée, puisse lui procurer la satisfaction d’un intérêt personnel et direct. A cet égard, le tribunal relève encore que l’argumentation de Madame … repose sur la prémisse que l’autorisation du 12 octobre 2018 serait nécessairement illégale du fait que la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 7 juillet 2017 a été annulée par le tribunal administratif en date du 13 juillet 2020. Or, indépendamment de la question de l’effet de l’annulation d’une délibération du conseil communal ayant approuvé un PAG ou un PAP sur base duquel une autorisation de construire a antérieurement été délivrée, le constat s’impose qu’en l’espèce, tel que cela se dégage du jugement du 13 juillet 2020 précité, ce n’est pas la délibération du conseil communal du 8 mai 2017 portant approbation du PAP QE qui a été annulée, mais uniquement la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 7 juillet 2017, en raison d’une irrégularité formelle, le tribunal ayant toutefois souligné expressément que cette annulation ne se répercute pas sur la légalité de la décision du conseil communal du 8 mai 2017 portant approbation du PAP QE. Dès lors, la demande en dommages et intérêts potentielle à laquelle Madame … aspire repose sur la prémisse purement hypothétique que l’annulation de l’approbation tutélaire en raison d’une irrégularité formelle, redressée par la suite, puisse entraîner l’annulation de l’autorisation querellée et qu’un quelconque préjudice ait, en raison de cette irrégularité, été causé dans le chef de Madame …. Si la réponse à l’existence d’un tel préjudice réparable civilement doit certes être donnée par les juridictions judicaires, le tribunal constate néanmoins qu’à ce stade la demanderesse reste en tout état de cause en défaut d’expliquer en quoi consisterait le préjudice pour lequel elle entend demander des dommages et intérêts devant les juridictions judicaires, Madame … faisant, en effet, uniquement vaguement allusion à une action en dommages et intérêts.

Au-delà de ce constat, le tribunal relève encore que si, effectivement, une décision d’annulation par les juridictions administratives peut permettre, sinon faciliter une demande d'indemnité devant le juge judiciaire, il ne s'agit que d'un aspect accessoire de l'intérêt, qui doit en premier lieu être celui de faire disparaître l'acte attaqué de l'ordre juridique, ce qui est la finalité du recours en annulation auprès des juridictions administratives.

8Or, en l’espèce, la situation est particulière en ce sens que l’annulation sollicitée ne tend pas à anéantir un acte éventuellement illégal et qui de la sorte empêcherait la réalisation d’un projet de construction dans la configuration telle qu’autorisée et qui, suivant la demanderesse, lui ferait grief, - étant rappelé que le projet critiqué pourra valablement être réalisé sur base de la seule autorisation du 4 septembre 2020 qui actuellement a acquis autorité de chose décidée à défaut par la demanderesse de l’avoir attaquée- mais à permettre, respectivement à faciliter à Madame …, grâce à une décision d’annulation, l’administration de la preuve d’une faute de la commune dans une action éventuelle fondée sur la responsabilité de cette dernière.

Or, la seule perspective invoquée par Madame … d’une action judiciaire en paiement de dommages et intérêts, à défaut d’indication de tout autre intérêt administratif, ne suffit pas à justifier qu’elle possède l’intérêt légal requis.

En effet, la thèse suivant laquelle une éventuelle action en responsabilité suffirait à elle seule, c’est-à-dire à défaut de tout autre intérêt administratif, à justifier l’existence d’un intérêt pour agir devant les juridictions administratives aboutirait à vider de sa substance la condition de recevabilité que constitue l’exigence d’un intérêt et à dénaturer le recours objectif en annulation devant les juridictions administratives6.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que Madame … n’a pas justifié à suffisance son intérêt à solliciter l’annulation de l’autorisation numéro … délivrée le 12 octobre 2018, de sorte que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre cette décision.

S’agissant ensuite du recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre l’autorisation de démolir du délivrée le 15 octobre 2018, dans la mesure où il n’est pas allégué que l’autorisation du 4 septembre 2020 délivrée le 10 septembre 2020 porterait également sur les travaux de démolition, la commune soulignant au contraire que tel ne serait pas le cas et que cette autorisation n’affecterait en rien la validité de l’autorisation de démolition du 21 septembre 2018, le tribunal est amené à retenir qu’à défaut d’autres contestations quant à la recevabilité du recours à cet égard, que le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable pour autant qu’il est dirigé contre l’autorisation de démolir.

2) Quant au fond A l’appui de son recours et à titre liminaire, la demanderesse fait valoir que l’autorisation de construire et l’autorisation de démolition seraient toutes les deux liées.

Ainsi, elle affirme qu’encore que la réglementation urbanistique ne prévoirait pas que ces autorisations doivent être demandées conjointement, il serait clair qu’en l’espèce, le projet litigieux prévoyant la démolition de la maison numéro … et la démolition partielle de celle portant le numéro … s’analyserait en une transformation, du moins concernant l’immeuble numéro …, et non pas en une démolition suivie d’une reconstruction. Dans cette optique, la démolition et la construction seraient interdépendantes pour constituer un projet de transformation, de sorte que l’annulation de l’un des deux actes emporterait, d’après la demanderesse, nécessairement l’annulation de l’autre.

6 Trib. adm. 16 janvier 2006, n° 19949 du rôle, Pas. adm 2020, V° Procédure contentieuse, n° 35.

9 La demanderesse invoque ensuite les moyens suivants :

- le bourgmestre aurait délivré un permis de construire sur base d’un acte réglementaire susceptible d’être annulé, la demanderesse renvoyant à cet égard à un procès en cours qui a finalement été tranché par un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2020, précité, n’ayant pas fait l’objet d’un appel ;

- violation du principe général de bonne collaboration entre l’administration et l’administré de même que des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », concernant la consultation du dossier à l’administration communale ;

- violation de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 en ce qui concerne l’accès à la voie publique et de l’article 52, point a) du règlement sur les bâtisses ;

- violation de l’article 52. 02, point g) du règlement sur les bâtisses concernant l’adossement au pignon de la maison de la demanderesse ;

- violation de l’article 52, point b) du règlement sur les bâtisses en ce qui concerne la profondeur de la construction.

La commune de Schifflange conclut au rejet de ces moyens, en soulignant plus précisément dans son mémoire en réponse qu’en réalité, le recours en annulation serait dirigé exclusivement contre l’autorisation de bâtir numéro … et qu’aucun moyen d’annulation ne serait développé contre l’autorisation de démolir.

La société … donne à considérer que l’autorisation de construire et l’autorisation de démolir seraient autonomes et indépendantes et que l’annulation de l’une n’aurait aucun effet sur l’autre, tout en rejoignant la commune de Schifflange dans son constat qu’aucun moyen d’annulation n’aurait été invoqué à l’égard de l’autorisation de démolir, de sorte que d’emblée le recours serait à rejeter pour autant qu’il est dirigé contre cette autorisation.

Dans sa réplique, Madame … insiste sur son argumentation suivant laquelle l’autorisation de démolition et l’autorisation de construire seraient liées et s’analyseraient comme un projet de transformation, cela d’autant plus que l’autorisation de démolition concernerait une démolition partielle de la maison située au numéro … de …, la façade avant et la grange étant conservées. Or, il serait évident qu’une telle démolition partielle n’aurait de sens que si elle est jumelée à l’autorisation de construire, la démolition ne s’envisageant pas seule. S’agissant dès lors d’une opération de transformation, la demanderesse est d’avis qu’il conviendrait d’apprécier les deux décisions dans leur ensemble. S’agissant du lien entre les deux décisions, la demanderesse en veut pour preuve qu’encore que le bourgmestre ait délivré l’autorisation de bâtir le 12 octobre 2018 et l’autorisation de démolition trois jours plus tard, soit le 15 octobre 2018, elle porterait un numéro antérieur à l’autorisation de construire qui, elle porterait le numéro … tandis que l’autorisation de démolition porterait le numéro …. Il apparaîtrait dès lors que l’autorisation de démolition aurait en fait été accordée après, bien que sollicitée avant, puisqu’elle n’aurait de raison d’être que du moment que l’autorisation de construire est accordée.

Dans sa duplique, la commune de Schifflange, rejointe par la société …, insiste sur la considération que les deux autorisations seraient indépendantes l’une de l’autre.

10La société … insiste plus particulièrement sur la considération que les deux autorisations ne pourraient correspondre à un ensemble de projets de transformation en soulignant que chaque autorisation administrative aurait sa vie propre. Elle souligne, à l’instar de la commune de Schifflange, qu’une démolition sans reconstruction pourrait parfaitement se concevoir, tout en réitérant que la demanderesse n’aurait invoqué aucun moyen d’annulation vis-à-vis de l’autorisation de démolition.

A titre liminaire, le tribunal relève que l’autorisation de démolir porte sur la démolition totale de la maison sise au numéro … de … et la démolition partielle, sous réserve de la conservation de la façade avant de la grange et du volume de la maison, de la construction sise au numéro …, …. à Schifflange. Si certes l’autorisation de démolition se réfère à la demande en autorisation de construire, elle précise encore se référer aux « plans afférents pour la démolition », le tribunal retient que l’autorisation de démolition est une décision administrative autonome et indépendante de l’autorisation de construire portant le numéro …, les deux autorisations ayant été signées le 21 septembre 2018 et délivrées l’une le 12 octobre 2018 au bénéficiaire et la deuxième le 15 octobre 2018.

Il est certes vrai qu’une autorisation de démolition est souvent le préalable d’une autorisation de construire et qu’en l’espèce, du moins l’immeuble sis au … ne sera que partiellement détruit, ce qui implique nécessairement que la démolition sera suivie d’une reconstruction. Le tribunal relève toutefois, d’une part, que de manière générale, une démolition peut parfaitement se concevoir sans être suivie d’un projet de construction et, d’autre part, qu’en l’espèce, la conservation de la façade avant de la grange et de la maison, de même que du volume de la maison n’implique pas pour autant que la légalité de l’autorisation de démolition délivrée en l’espèce ait une influence sur la légalité de l’autorisation de construire, par rapport à laquelle le tribunal vient de déclarer le recours irrecevable, lesdites décisions ayant, en effet, des objets différents, à savoir la démolition, d’une part, et la construction, d’autre part, et constituant des décisions autonomes susceptibles d’être annulées pour des causes d’annulation qui leur sont propres.

Il convient dès lors d’examiner en l’espèce la pertinence des moyens tels que présentés par la demanderesse par rapport à la seule autorisation de démolition, dont le seul objet est la démolition des constructions sises aux numéro … et … …, sous réserve du maintien de certaines parties de l’ancienne bâtisse, sans que cette autorisation ne porte sur un quelconque élément de construction future.

Force est toutefois de constater que les moyens fondés sur (i) une violation de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 52, point a) du règlement sur les bâtisses au motif qu’il n’y aurait pas d’accès à la voie publique ce qui empêcherait la délivrance d’une autorisation de construire, (ii) une violation de l’article 52. 02, point g) du règlement sur les bâtisses au motif que la construction à ériger ne prévoirait pas d’être adossée au pignon existant en attente de la propriété de la demanderesse et (iii) une violation de l’article 52, point b) du règlement des bâtisses en ce que la profondeur de la construction projetée dépasserait la bande de construction maximale autorisée, ont tous de manière évidente trait au projet de construction, pourtant non visé par l’autorisation de démolir, et non pas à la démolition. La conclusion nécessaire qui s’ensuit est celle que ces moyens n’ont aucune pertinence par rapport à l’autorisation de démolition, de sorte qu’ils sont d’emblée à rejeter.

S’agissant du moyen fondé sur l’existence d’une procédure en cours devant le tribunal administratif dirigée contre la modification du PAG et du PAP QE « centre Ouest » et de 11celui fondé sur une violation du principe général de bonne collaboration entre l’administration et l’administré et plus particulièrement des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, encore qu’à lire les développements de la demanderesse ces moyen semblent essentiellement être dirigés contre l’autorisation de construire, par rapport à laquelle le tribunal vient de déclarer le recours irrecevable, le tribunal est néanmoins amené à les examiner pour autant qu’ils seraient dirigés contre l’autorisation de démolir.

S’agissant du moyen fondé sur l’irrégularité de la modification du PAG respectivement de celle du PAP QE « Centre Ouest », par référence à une procédure en cours devant les juridictions administratives, le tribunal relève de prime abord que la demanderesse n’a invoqué, à l’appui du présent recours, aucune disposition réglementaire spécifique, jugée illégale, qui ait une influence concrète sur l’autorisation de démolition litigieuse, mais qu’elle s’est contentée de renvoyer au procès au cours, inscrit sous le numéro 41097 du rôle, alors qu’un tel renvoi est insuffisant.

D’autre part et surtout, le tribunal constate que par un jugement du 13 juillet 2020, qui à défaut d’appel est entre-temps coulé en force de chose jugée, le tribunal administratif a déclaré irrecevable le recours en annulation pour autant qu’il vise la délibération du conseil communal de Schifflange du 9 décembre 2016 portant adoption du projet de PAP QE « centre Ouest ». Il a certes déclaré le recours justifié pour le surplus, mais dans l’unique mesure où il vise la décision du ministre de l’Intérieur du 7 juillet 2017 ayant approuvé la délibération du conseil communal de Schifflange du 8 mai 2017 portant adoption dudit projet de PAP, tout en précisant expressément en termes de motivation que l’irrégularité constatée au niveau de la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur « ne se répercute pas sur la légalité de la décision du conseil communal du 8 mai 2017, de sorte à ne pas justifier l’annulation de cette dernière »7.

Dans ces conditions, le moyen fondé sur une annulation potentielle des délibérations du conseil communal portant sur la modification du PAG, respectivement sur l’adoption du projet de PAP QE « centre Ouest », et cela indépendamment de la question de l’incidence concrète d’une telle annulation sur les autorisations d’ores et déjà émises, ne saurait en tout état de cause fonder d’annulation de l’autorisation critiquée, le tribunal n’ayant justement pas annulé les décisions communales ayant adopté les projets de PAG et de PAP QE.

S’agissant ensuite du moyen fondé sur une violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la demanderesse reproche à la commune de n’avoir permis que la consultation du document intitulé « Bauantragergänzungsunterlage », sans que la commune ne lui ait laissé un délai supplémentaire pour le dépôt de remarques relatives aux documents n’ayant pas pu être consultés initialement.

A cet égard, la demanderesse affirme que les documents autres que le document intitulé « Bauantragergänzungsunterlage » n’auraient pu être consultés qu’à partir du lendemain de la date limite du dépôt des remarques et objections.

La demanderesse poursuit qu’elle n’aurait pas reçu une information appropriée, de sorte qu’elle n’aurait pas eu l’occasion de présenter ses observations de manière effective et n’aurait pas reçu directement une communication des décisions finales bien qu’ayant présenté préalablement ses objections.

7 jugement du 13 juillet 2020, inscrit sous le numéro 41097 du rôle, p. 28 12 A ces reproches, la commune répond que ces allégations seraient formellement contestées et non prouvées.

Elle fait valoir que, de toute manière, une omission par l’administration de donner aux tiers intéressés par la prise de décision la possibilité de présenter leurs observations préalables ne serait sanctionnée que si, du fait de cette inobservation, le tiers aurait subi un préjudice, ce qui ne serait pas le cas si l’ensemble des moyens auraient pu être présentés et s’il serait démontré que ces moyens permettraient la prise d’une décision différente de celle critiquée.

Or, aucun des moyens présentés ne serait pertinent et aurait pu conduire à une décision différente.

La société … conteste pareillement les affirmations de la demanderesse quant à un défaut d’avoir pu consulter le dossier administratif.

Elle soutient, à l’instar de l’argumentation de la commune, qu’un tel vice ne pourrait pas entraîner l’annulation de l’autorisation litigieuse, en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives à propos de la communication des éléments du dossier administratif. La transposition de ces principes en la présente matière impliquerait qu’une éventuelle absence de consultation du dossier administratif et une impossibilité de présenter des observations préalables ne pourrait porter à conséquence que si la participation du tiers intéressé aurait pu influer sur le contenu de la décision à prendre. Or, la demanderesse aurait eu la possibilité d’introduire utilement un recours en annulation et de présenter ses observations et, de plus, aucun des moyens présentés ne serait de nature à influer sur le contenu de l’autorisation de litigieuse.

Dans sa réplique, la demanderesse insiste sur la considération qu’il lui aurait été indiqué par téléphone qu’elle ne pourrait pas consulter l’intégralité du dossier avant le retour de Madame … le 16 août 2018 et donne à considérer que la commune pourrait aisément vérifier que l’agent communal en question aurait effectivement été en absent jusqu’au 16 août 2018. Dans la mesure où elle n’aurait pas pu prendre connaissance du dossier en temps utile, sauf le document intitulé « Bauantragergänzungsunterlage », elle n’aurait pas été informée de façon appropriée, de sorte que cette situation justifierait à elle seule sa demande d’indemnité de procédure.

Dans sa duplique, la commune maintient ses contestations, tout en soulignant que le fait que seul le document « Bauantragergänzungsunterlage » avait pu être consulté en temps utile tel que le soutient la demanderesse, n’aurait causé le moindre préjudice à celle-ci.

La société …, pour sa part, renvoie à ses explications antérieures.

Aux termes de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « Lorsqu'une décision administrative est susceptible d'affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l'autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.

Dans la mesure du possible, l'autorité administrative doit rendre publique l'ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.

13Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations.

La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations. ».

Aux termes de l’article 12 du même règlement grand-ducal : « Toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d'obtenir communication des éléments d'informations sur lesquels l'Administration s'est basée ou entend se baser. ».

S’il n’est pas contesté qu’une publicité a été donnée à la procédure aboutissant à l’autorisation attaquée, la demanderesse reproche en substance à la commune de ne pas avoir pu consulter l’intégralité du dossier administratif, au-delà du document intitulé « Bauantragergänzungsunterlage », avant le délai imparti suivant l’avis du 25 juillet 2018 pour présenter les observations écrites.

Or, la non communication intégrale des éléments du dossier administratif, à la supposer avérée, ne saurait se résoudre impérativement en une annulation de la décision administrative, étant donné que cette omission est indépendante du contenu même de la décision prise et que, dès lors, le seul grief susceptible d’affecter le destinataire de la décision ou le tiers intéressé est celui de ne pas avoir pu exercer utilement les voies de recours. Par conséquent, la sanction adéquate et conforme à la finalité de la prescription est la suspension des délais de recours jusqu’à due notification de la décision, respectivement jusqu’à la communication complète du dossier administratif, puisque la finalité de ces obligations est de permettre à l’administré de décider, en pleine connaissance de cause, au vu des éléments dont dispose l’administration et sur lesquels elle se base pour asseoir sa décision, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction8.

Or, en l’espèce, la demanderesse a valablement pu exercer un recours en temps utile.

De même, il se dégage des explications non contestées de la commune que les documents autres que le document intitulé « Bauantragergänzungsunterlage », ont pu être consultés par la demanderesse par la suite, certes le lendemain de la date limite du dépôt des remarques écrites, mais en tout état de cause avant le dépôt du présent recours, l’intégralité du dossier administratif ayant pareillement été déposée dans le cadre de la présente procédure.

En tout état de cause, la demanderesse reste en défaut d’expliquer en quoi une consultation, le cas échéant, lacunaire du dossier administratif avant qu’elle n’ait pris position à travers son courrier du 14 août 2018 par rapport à la délivrance projetée des autorisations de construire et de démolition, ait eu une incidence sur la légalité de l’autorisation litigieuse.

Il s’ensuit que le tribunal ne peut que jeter le moyen afférent.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’autorisation de démolir, délivrée le 15 octobre 2018, est rejeté pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

8 En ce sens Trib. adm. 24 septembre 2013, n° 31309 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure non contentieuse, n°141 et les autres références y citées.

14Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 3.000.- euros formulée par la demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi 21 juin 1999 est à rejeter, la seule circonstance avancée par la demanderesse qu’elle n’aurait reçu communication du dossier administratif que le lendemain de la date limite pour présenter les observation préalables étant insuffisante pour justifier son recours, puisqu’elle avait à sa disposition le dossier administratif au moment de déposer son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare sans objet la demande de la commune de Schifflange de sursoir à statuer en attendant ‘issue du recours inscrit sous le numéro 41097 du rôle ;

déclare irrecevable le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre l’autorisation de construire numéro … délivrée le 12 octobre 2018 ;

reçoit en la forme le recours en annulation en ce qu’il est dirigé contre l’autorisation démolir numéro … délivrée le 15 octobre 2018 ;

au fond, déclare ledit recours non justifié et en déboute ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulées par la demanderesse ;

condamne la demanderesse au paiement des frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mai 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Poiani s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 42210
Date de la décision : 10/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-10;42210 ?

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