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05/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45764

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2021, 45764


Tribunal administratif N° 45764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2021 3e chambre Audience publique du 5 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45764 du rôle et déposée le 9 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, insc

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Tribunal administratif N° 45764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2021 3e chambre Audience publique du 5 mai 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45764 du rôle et déposée le 9 mars 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Syrie), de nationalité syrienne, assigné à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, sise à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 février 2021 de le transférer vers l’Italie comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale et à « enjoindre au Ministre, à titre principal, de remettre au requérant une attestation de demande de protection internationale en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2021 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Marc-Olivier ZARNOWSKI, en remplacement de Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2021.

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Le 17 novembre 2020, Monsieur …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent de la Police Grand-Ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, ainsi que sur base de la comparaison des empreintes digitales de Monsieur … dans la base de données EURODAC, qu’il a franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 octobre 2020 et qu’il a fait l’objet d’une prise de ses empreintes dactyloscopiques en Italie le même jour.

Toujours le même jour, Monsieur … fut encore entendu par un agent du ministère des 1 Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 18 novembre 2020, l’autorité ministérielle luxembourgeoise adressa aux autorités italiennes une demande de prise en charge de Monsieur … sur base de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Par arrêté du 24 novembre 2020, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », ordonna l’assignation à résidence de Monsieur … à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, ci-après dénommée « SHUK », pour une durée de trois mois.

Par courrier électronique du 15 janvier 2021, les autorités italiennes acceptèrent la prise en charge de Monsieur ….

Par décision du 22 février 2021, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre informa Monsieur … de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie, sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit : « [ …] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 17 novembre 2020 au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 13(1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 17 novembre 2020 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 17 novembre 2020.

En mains également la télécopie de votre mandataire du 5 février 2021 nous transmettant un certificat médical.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 17 novembre 2020, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 octobre 2020.

2 Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 17 novembre 2020.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 18 novembre 2020 une demande de prise en charge aux autorités italiennes sur base de l'article 13(1) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités italiennes en date du 15 janvier 2021.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité de l'Italie est acquise suivant l'article 13(1) du règlement DIII en ce que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers et que cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité ne prend fin que douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière et ce laps de temps n'est pas écoulé dans le cas présent.

En application de l'article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII, il y a lieu d'analyser s'il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure de demande de protection internationale ou les conditions d'accueil des demandeurs de protection internationale présentent des défaillances systémiques susceptibles d'entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE ») ou de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »).

Un Etat n'est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert 3 En l'espèce, il ressort des résultats du 17 novembre 2020 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 octobre 2020.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté la Syrie en 2014 en direction de la Turquie où vous auriez vécu pendant six ans entre Istanbul et Urfa. Ensuite, vous vous seriez rendu en Italie par voie maritime. Vous auriez continué votre voyage après dix-huit jours en direction du Luxembourg où vous seriez arrivé en date du 16 novembre 2020.

Monsieur, vous indiquez ne pas avoir introduit de demande de protection internationale en Italie parce que le Luxembourg aurait toujours été la destination de votre voyage et vous ajoutez que vous auriez l'intention d'y revenir en cas de transfert vers l'Italie.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 17 novembre 2020, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

En date du 5 février 2021, vous avez remis par l'intermédiaire de votre mandataire un certificat médical attestant que vous êtes atteint d'une otorrhée chronique droite. À cet égard, il y a lieu de relever que l'Italie dispose de structures médicales semblables à celles existant au Luxembourg. Par conséquent, il peut être admis que l'Italie peut fournir des soins médicaux appropriés ainsi que l'accès aux soins urgents et nécessaires. Partant, il n'existe pas de raison d'admettre qu'en Italie, vous couriez un risque de traitement contraire à l'article 3 CEDH dû à votre état de santé.

Rappelons à cet égard que l’Italie est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l’Italie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l’Italie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. S’il est notoire que les autorités italiennes connaissent des problèmes quant à leurs capacités d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui peuvent être confrontés à d’importantes difficultés sur le plan de l’hébergement et des conditions de vie, il n’y a toutefois aucune sérieuse raison de croire qu’il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure de demandes de protection internationale et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte UE.

4 Par conséquent, en l’absence d’une pratique actuelle avérée en Italie de violation systématique de ces normes minimales de l’Union européenne, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv.

torture, de même que les conditions minimales d’accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la CourEDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l’Italie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Italie, d’introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités italiennes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes italiennes, notamment judiciaires.

Au vu de ce qui précède, l’application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII ne se justifie pas.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Italie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

5 Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Italie, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers l’Italie en informant les autorités italiennes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. […] ».

Suite à la disparition de Monsieur … de la SHUK depuis le 5 mars 2021, le ministre demanda, par courrier du 8 mars 2021, au directeur général de la Police Grand-Ducale de procéder à son signalement national aux fins de découvrir sa résidence et, en cas d’interception, d’en aviser le service de police judiciaire en vue d’un placement en rétention.

Le même jour, le ministre informa encore les autorités italiennes de la suspension du transfert de Monsieur … vers l’Italie conformément à l’article 29, paragraphes (1) et (2), du règlement Dublin III au vu de la disparition de celui-ci.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2021, inscrite sous le numéro 45764 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 8 décembre 2020 et à « enjoindre au Ministre, à titre principal, de remettre au requérant une attestation de demande de protection internationale en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ».

A l’audience publique du 28 avril 2021, le tribunal a soulevé d’office la question de sa compétence pour connaître de la demande d’« enjoindre au Ministre, à titre principal, de remettre au requérant une attestation de demande de protection internationale en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais », telle que figurant au dispositif de la requête introductive d’instance.

A ce titre et lors de l’audience publique, le demandeur a déclaré renoncer à ce volet de son recours, de sorte que cette même demande n’est pas à analyser par le tribunal de céans pour ne plus faire l’objet du recours sous examen.

Ensuite, et étant donné que l’article 35, paragraphe (3), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en annulation contre les décisions visées à l’article 28, paragraphe (1), de la même loi, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 22 février 2021, qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les forme et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur rappelle tout d’abord les faits et rétroactes à la base de la décision déférée.

En droit, il conclut en premier lieu à l’annulation de la décision litigieuse pour « motivation formelle inadéquate et insuffisante », le demandeur prétendant que la motivation de la décision ministérielle du 22 février 2021 ne lui permettrait pas de comprendre les « justifications » du ministre, eu égard à la circonstance que l’Italie ne respecterait pas la 6 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte), ci-après désignée par la « directive Accueil ». Il se base sur la jurisprudence1 de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après dénommée la « CourEDH », pour souligner que la motivation des décisions de transfert en application du règlement Dublin III devrait se faire avec soin, minutie et grande prudence, ce qui impliquerait dans le chef du ministre un examen complet, rigoureux et actualisé des informations sur lesquelles il se fonde pour prendre ses décisions.

Le ministre aurait ainsi un devoir de se livrer à un examen aussi minutieux et attentif que possible de toutes les données en sa possession, susceptibles d’induire un risque de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ci-après la « CEDH », respectivement de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte », en cas d’expulsion d’un demandeur de protection internationale hors de son territoire, ce qu’il n’aurait pas fait en l’espèce. En effet, les affirmations et conclusions du ministre dans la décision litigieuse seraient libellées en termes généraux et peu circonstanciés ne tenant pas compte de la dégradation actuelle des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, tel que cela ressortirait cependant de plusieurs rapports et articles publiquement disponibles.

Il cite dans ce contexte un rapport d’« Asylum Information Database », intitulé « Country Report : Italy, 2019 Update », un rapport de l’« Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) », intitulé « Conditions d’accueil en Italie » de janvier 2020, et un rapport de « Passerell », intitulé « Les conditions de reprise en charge par l’Italie des demandeurs d’asile transférés depuis le Luxembourg - Rapport de mission d’observation du 10 au 18 janvier 2019 – Analyse juridique de ces constats », du 28 janvier 2019, ainsi que deux articles publiés sur le site internet https://asile.ch les 21 janvier et 27 septembre 2020, intitulés « OSAR. Les personnes requérantes d’asile en Italie menacée de violation des droits humains » respectivement « OSAR. Italie une prise en charge toujours insuffisante » concernant l’accès aux procédures et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale transférés en Italie en vertu du règlement Dublin III. Il en conclut qu’au vu de tous ces éléments, le ministre n’aurait pas pu motiver sa décision par l’indication qu’il n’y aurait aucune raison sérieuse de croire qu’il existerait en Italie des défaillances systémiques dans la procédure des demandes de protection internationale et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale et qu’il n’aurait pas démontré que, dans son cas concret, ses conditions d’existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH.

Suivant le demandeur, il aurait appartenu au ministre de motiver sa décision de manière plus approfondie ou détaillée pour lui permettre de comprendre et « d’accepter » le contenu, de sorte que la décision ministérielle du 22 février 2021 devrait être annulée pour « motivation formelle inadéquate ou insuffisante ».

En deuxième lieu, le demandeur se prévaut d’une violation de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III. Il se base à cet égard sur les mêmes rapports et articles précités pour soutenir que le système d’accueil italien des demandeurs de protection internationale et en particulier des demandeurs transférés vers l’Italie en vertu du règlement Dublin III, serait défaillant en ce qui concerne l’accès et les conditions matériels d’accueil, comprenant le 1 CEDH, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse ; CEDH, 15 novembre 1996, Chahal c. Royaume-Uni ; CEDH, 11 juillet 2000, Jabari c. Turquie ; CEDH, 12 avril 2005, Shamayev c. Géorgie et Russie.

7 logement, la nourriture et l’habillement, en nature ou en espèces. Quand bien même l’Italie bénéficierait de la confiance mutuelle, le ministre serait toutefois resté en défaut d’établir, eu égard aux rapports et articles précités, qu’il bénéficierait, en cas de retour en Italie, des conditions d’accueil conformément aux garanties exigées par la directive Accueil, le demandeur soulignant dans ce contexte que le ministre ne se serait pas référé à un quelconque élément de preuve ou autre explication cohérente et pertinente. Il souligne encore qu’il aurait fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire italien, « assortie de la perte de l’accès au système d’accueil ». Son transfert l’exposerait donc certainement à un risque de violation de ses droits fondamentaux conformément aux principes retenues par la Cour de Justice de l’Union européenne2, ci-après la « CJUE ».

En troisième lieu, le demandeur s’empare d’une violation, par le ministre, de l’article 3 de la CEDH en ce que celui-ci aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des conditions minimales d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, ainsi que de sa situation personnelle. En se basant sur un arrêt de la CourEDH3, suivant lequel il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH, mais qu’eu égard à la situation particulière dans laquelle se trouvent souvent les demandeurs d’asile, il est fréquemment nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute pour apprécier la crédibilité de leurs déclarations et des documents qui les appuient, le demandeur fait valoir que les rapports et articles précités démontreraient la situation délicate en matière d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, de sorte qu’il existerait un risque sérieux et réel qu’il serait accueilli dans des conditions matérielles contraires à l’article 3 de la CEDH.

Finalement, le demandeur invoque une violation de l’article 17, paragraphe (1), du règlement Dublin III, en faisant valoir que le ministre aurait dû se déclarer compétent pour connaître de sa demande de protection internationale, compte tenu (i) du contenu des articles et rapports versés en cause, témoignant de son risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de transfert en Italie, (ii) de la circonstance que les autorités italiennes aurait indiqué qu’il ferait l’objet d’une décision portant ordre de quitter le territoire, décision assortie de la « perte d’accès au système d’accueil », ce qui constituerait une preuve qu’il risquerait d’être privé d’un accès rapide aux soins de santé alors qu’il souffrirait d’une otorrhée chronique droite et (iii) de sa vulnérabilité particulière en tant que réfugié et du risque de se retrouver à la rue sans aucune aide étatique alors qu’il dépendrait essentiellement de l’aide publique pour assurer sa survie en Italie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-

493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform. ;

CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt ; CJUE, 27 septembre 2012, C-

179/11, Cimade et Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) contre Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration ; CJUE, 7 juin 2016, C-63/15, Mehrdad Ghezelbash contre Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie ; CJUE, 7 juin 2016, C-155/15, George Karim c.

Migrationsverket.

3 CEDH, 12 janvier 2014, FG c. Suède.

8 S’agissant de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’un défaut de motivation voire d’une motivation insuffisante, le tribunal relève qu’en vertu de l’article 34, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, « […] Toute décision négative est motivée en fait et en droit […] ».

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce, la décision déférée est motivée tant en fait qu’en droit, en ce qu’elle indique, dispositions normatives à l’appui, les raisons ayant amené le ministre à prendre la décision de ne pas examiner la demande de protection internationale de Monsieur … et de le transférer en Italie, à savoir que le demandeur a franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 octobre 2020 et que l’Italie a accepté sa prise en charge, ladite décision étant, en droit, fondée sur les articles 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III. Le ministre a, en outre, retenu que le demandeur n’a pas fait mention de problèmes de santé ou autres qui pourraient empêcher son transfert, qu’il a remis un certificat attestant qu’il est atteint d’une otorrhée chronique droite, à l’égard de laquelle le ministre constata que l’Italie peut fournir des soins médicaux propres, qu’il ne lui a pas soumis d’informations pouvant permettre l’application des articles 8 à 11 du règlement Dublin III, qu’il ne lui a pas non plus soumis de raisons particulières ou humanitaires pouvant permettre l’application de l’article 17 du même règlement ou même d’autres raisons individuelles qui pourraient entraver sa remise aux autorités italiennes. Le ministre a également retenu que l’application de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III ne se justifie pas, alors qu’en l’absence d’une pratique actuelle avérée en Italie de violation systématique des normes minimales de l’Union européenne et en l’absence, par le demandeur, d’avoir démontré que, dans son cas concret, les conditions d’existence en Italie seraient contraires aux articles 3 de la CEDH et 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, l’Italie est présumée respecter l’article 33 de la Convention de Genève relative au principe de non-refoulement, l’article 3 de la CEDH et l’article 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels. Le ministre a également exclu l’application de l’article 16, paragraphe (1) du règlement Dublin III pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de la demande de protection internationale du demandeur.

Le tribunal est amené à retenir que cette motivation suffit à l’exigence de motivation inscrite à l’article 34, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, étant souligné qu’il ne résulte d’aucun élément soumis en cause que le ministre n’aurait pas procédé à un examen complet, rigoureux et actualisé des informations sur lesquelles il se fonde pour prendre la décision litigieuse, tel que le fait plaider le demandeur.

A cela s’ajoute que la motivation ministérielle a encore été complétée par le délégué du gouvernement en cours d’instance, lequel a plus particulièrement pris position quant aux rapports et articles avancés à l’appui de l’argumentation du demandeur, tout en soulignant que le ministre a pris en considération tant la situation générale régnant en Italie, que la situation particulière du demandeur et la jurisprudence nationale et internationale actuelle en la matière, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur les raisons ayant conduit le ministre de décider de le transférer vers l’Italie comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale, étant encore rappelé que la question du bien-fondé de la motivation ministérielle fera l’objet d’une analyse au fond.

Il s’ensuit que le moyen afférent du demandeur n’est pas fondé.

9 Quant à la légalité interne de la décision déférée, l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit ce qui suit : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités italiennes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur …, prévoit que : « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ».

Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur serait l’Italie, en ce qu’il aurait franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 octobre 2020 et que les autorités italiennes ont accepté sa prise en charge, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

Force est ensuite de constater que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe de l’Italie, respectivement l’incompétence de principe de l’Etat luxembourgeois, mais soutient qu’un transfert en Italie l’exposerait à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en violation des articles 3, paragraphe (2), alinéa 2 et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, respectivement des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, en raison des conditions d’accès et des conditions matériels d’accueil résultant des rapports et articles versés en cause.

Or, les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui 10 entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

L’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III prévoit ce qui suit :

« Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, respectivement de l’article 3 de la CEDH.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé4.

A cet égard, le tribunal relève que l’Italie est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard5. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des 4 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.

5 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-

493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

11 demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants6.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées7. Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile8, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte.

En effet, suivant la jurisprudence des juridictions administratives9, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE10, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 201711.

Quant à la preuve à rapporter par le demandeur à l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, le tribunal précise qu’il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 201912 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel ladite disposition du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de 6 Ibidem, point. 79 ; Voir également : Trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.ja.etat.lu.

7 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

8 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 95.

9 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.ja.etat.lu.

10 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

11 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

12 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

12 ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine13. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant14.

En l’espèce, le demandeur se prévaut des rapports d’« Asylum Information Database », intitulé « Country Report : Italy, 2019 Update », de l’« Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) », intitulé « Conditions d’accueil en Italie » de janvier 2020, et de « Passerell », intitulé « Les conditions de reprise en charge par l’Italie des demandeurs d’asile transférés depuis le Luxembourg - Rapport de mission d’observation du 10 au 18 janvier 2019 – Analyse juridique de ces constats » du 28 janvier 2019, ainsi que deux articles publiés sur le site internet https://asile.ch les 21 janvier et 27 septembre 2020, intitulés « OSAR. Les personnes requérantes d’asile en Italie menacée de violation des droits humains » et « OSAR. Italie une prise en charge toujours insuffisante » concernant l’accès aux procédures et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale transférés en Italie en vertu du règlement Dublin III.

Or, le tribunal ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant de conclure à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers ce pays.

En effet, il est certes exact qu’il ressort des documents invoqués par le demandeur que les autorités italiennes ont connu et connaissent toujours de sérieux problèmes quant à leur capacité d’accueil des demandeurs d’asile, impliquant que ceux-ci risquent de se voir confrontés à des difficultés plus ou moins importantes, suivant le cas de figure dans lequel ils se trouvent, au niveau de l’accès à l’hébergement et aux soins, ainsi que des conditions de vie en général, et que la situation régnant en Italie semble inquiétante. Il en ressort également que la politique migratoire italienne actuelle se caractérise par un certain durcissement, concrétisé par l’adoption, en date du 24 septembre 2018, d’un décret-loi mettant en place, notamment, une réorganisation du système d’accueil des demandeurs d’asile, qui seront regroupés dans de grands centres d’accueil, les efforts de répartition sur le territoire pour favoriser l’intégration étant désormais réservés aux mineurs isolés et aux réfugiés reconnus.

Cependant, si un tel durcissement peut être sujet à critique, force est de constater que les documents invoqués par le demandeur sont insuffisants pour permettre de retenir de manière générale l’existence de défaillances systémiques en Italie, à savoir que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, 13 Ibid., pt. 92.

14 Ibid., pt. 93.

13 indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH et par l’article 4 de la Charte.

Cette conclusion n’est pas énervée par la référence, faite par le demandeur, à l’analyse juridique figurant dans le rapport, précité, de l’association « Passerell », aux termes de laquelle « […] [l]e retrait systématique des mesures d’accueil condui[rait] inéluctablement à la situation anticipée par le règlement Dublin III dans son article 3 […] » et, dans le cadre de ce règlement, « […] [l]’absence de réactivation des conditions d’accueil entraîne[rait] automatiquement un dysfonctionnement général du système Dublin […] ». Force est, en effet, au tribunal de constater que cette argumentation repose sur le postulat d’une transposition incorrecte, par le décret législatif italien n° 142/2015 du 18 août 2015, des dispositions de l’article 20 de la directive Accueil, règlementant la limitation ou le retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil, au motif que le retrait des conditions d’accueil serait automatique pour les demandeurs d’asile ayant quitté leur foyer, qu’elle qu’en soit la raison, et que la législation en question prévoirait uniquement le retrait, et non pas de solution intermédiaire, telle qu’une simple limitation de l’accès aux conditions d’accueil, de sorte qu’il n’y aurait pas de proportionnalité de la mesure de retrait par rapport aux circonstances gisant à sa base et pas d’examen individuel de la situation de la personne concernée. Or, outre le fait qu’il ne se dégage pas de ce rapport, ni des autres éléments produits en cause que tout demandeur de protection internationale transféré en Italie se verrait privé des conditions d’accueil, l’Italie est liée par ladite directive Accueil et constitue – encore – un Etat de droit, où une personne, estimant être indûment privée de ses droits découlant de la directive en question, dispose de voies de recours idoines, dans le cadre de l’exercice desquelles elle peut se prévaloir d’une éventuelle transposition incorrecte de ladite directive.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que le moyen tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III encourt le rejet.

Néanmoins, dans ce cadre, si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable15.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce 15 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09 14 transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte16, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant17.

En l’espèce, si le demandeur explique ne jamais avoir voulu introduire de demande de protection internationale en Italie, il n’apporte pas la preuve que de manière générale, les droits des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale en Italie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Italie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités italiennes en usant des voies de droit adéquates18, étant encore relevé que l’Italie est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.

En ce qui concerne l’allégation suivant laquelle il aurait « perdu l’accès au système d’accueil » en raison du fait qu’il ferait l’objet d’un ordre de quitter en Italie, force est au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier sinon d’une lecture erronée du courrier électronique du 15 janvier 2021 des autorités italiennes que le demandeur aurait perdu un tel accès.

Au-delà, et même à admettre que tel serait le cas, il convient de relever que la directive Accueil, prévoit explicitement la faculté de « limiter les possibilités d’abus du système d’accueil en précisant les circonstances dans lesquelles le bénéfice des conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs peut être limité ou retiré, tout en garantissant un niveau de vie digne à tous les demandeurs19». L’article 20 de cette directive Accueil prévoit, pour sa part, explicitement la possibilité pour les Etats membres notamment de limiter, voire de retirer, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, notamment lorsqu’un demandeur « c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l’article 2, point q), de la directive 2013/32/UE », c’est-à-dire une nouvelle demande de protection internationale « présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la détermination a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1 ».

De même, si le 11ème considérant du règlement Dublin III stipule explicitement que la directive Accueil est applicable aux demandeurs d’asile soumis à une procédure Dublin, il admet également explicitement l’application des limitations figurant dans cette même directive Accueil.

16 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 65 et 96 17 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

88 18 Voir, pour les demandeurs de protection internationale : article 26 de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

19 Considérant 25.

15 Au regard des développements qui précèdent, le fait même de limiter ou de restreindre éventuellement totalement ou partiellement l’accès aux conditions matérielles d’accueil à des migrants ayant introduit une demande ultérieure après avoir essuyé un premier refus définitif à leur demande de protection internationale, est autorisé par la législation européenne.

Ainsi, même à admettre que l’Italie ait, le cas échéant, adopté une politique visant à restreindre l’accès au système d’accueil à certaines catégories de personnes et notamment à celles y ayant déjà été définitivement déboutées de leur demande de protection internationale, une telle circonstance ne peut pas per se être constitutive de défaillances contraires à l’interdiction de traitements inhumains et dégradants au sens de la jurisprudence de la CJUE.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, que le demandeur n’a pas soumis au tribunal des éléments suffisamment convaincants permettant de retenir qu’il aurait été confronté à une limitation de facto ou en vertu de dispositions légales ou réglementaires italiennes à des conditions d’accueil qui seraient contraires à l’article 3 de la CEDH, respectivement qu’ils encourent un risque de s’y voir confrontés, étant relevé qu’une limitation de l’accès aux conditions d’accueil ne constitue pas per se une violation de l’article 3 de la CEDH.

Dans ces circonstances et dans la mesure où le demandeur n’a pas fait état d’autres éléments dont il se dégagerait que compte tenu de sa situation personnelle, il serait exposé à un risque réel de subir des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, nonobstant le constat fait ci-avant de l’absence, en Italie, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, le tribunal retient que le moyen tiré de la violation desdits articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte encourt le rejet.

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au motif de la non-application de la clause discrétionnaire y inscrite, le tribunal relève que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […] ». A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres20, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201721. Si un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend certes pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge22, et s’il appartient au juge administratif de vérifier si les motifs invoqués ou résultant du dossier sont de nature à justifier la décision attaquée23, de sorte que lorsque l’autorité s’est méprise, à partir de données fausses 20 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

21 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.

22 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 55 et les autres références y citées.

23 CdE, 11 mars 1970, Pas. 21, p.339.

16 en droit ou en fait, sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu d’annuler la décision en question, encore faut-il que pareille erreur dans le chef de l’autorité administrative résulte effectivement des éléments soumis au tribunal.

En l’espèce, le demandeur invoque (i) les difficultés pour les demandeurs de protection internationale transférés en Italie d’accéder aux conditions minimales d’accueil et le risque de traitements inhumains et dégradants qui en découlerait, (ii) la circonstance que les autorités italiennes aurait indiqué qu’il ferait l’objet d’une décision portant ordre de quitter le territoire, décision assortie de la « perte d’accès au système d’accueil », ce qui constituerait une preuve qu’il risquerait d’être privé d’un accès rapide aux soins de santé alors qu’il souffre d’une otorrhée chronique droite et (iii) sa vulnérabilité particulière en tant que réfugié et le risque de se retrouver à la rue sans aucune aide étatique alors qu’il dépendrait essentiellement de l’aide publique pour assurer sa survie en Italie.

Or, étant donné qu’il vient de rejeter les moyens tirés d’une violation de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III et des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, le tribunal retient qu’il n’est pas établi qu’en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), précité, du règlement Dublin III, le ministre se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, étant encore souligné qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière, de sorte que ses allégations en ce sens sont à rejeter pour être dénuées de fondement.

Par ailleurs, en ce qui concerne la « perte d’accès au système d’accueil » en Italie, dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant dans le cadre de l’examen de la légalité de la décision attaquée par rapport aux articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH que le demandeur est resté en défaut d’établir qu’il risque de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens des articles 3 CEDH et 4 de la Charte et que c’est sur base de cette même argumentation que le demandeur semble estimer que le ministre aurait dû appliquer la clause discrétionnaire, il y a lieu de retenir qu’il ne saurait pas davantage être reproché au ministre de s’être mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation en ne faisant pas usage de la simple faculté discrétionnaire lui offerte par l’article 17 du règlement Dublin III d’examiner la demande de protection internationale du demandeur alors même que cet examen incombe aux autorités italiennes.

Au vu des développements qui précèdent, le tribunal retient que le moyen tiré de la violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation contre la décision ministérielle du 22 février 2021 en la forme ;

17 donne acte à Monsieur … qu’il renonce à sa demande tendant à « enjoindre au Ministre, à titre principal, de remettre au requérant une attestation de demande de protection internationale en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais » ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45764
Date de la décision : 05/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-05;45764 ?

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