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05/05/2021 | LUXEMBOURG | N°43572

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2021, 43572


Tribunal administratif N° 43572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2019 1re chambre Audience publique du 5 mai 2021 Recours formé par la société anonyme X et consort, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Beckerich, en présence de la société à responsabilité limitée Y, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43572 du rôle et déposée le 19 septembre 2019 au greffe du tribunal administ

ratif par Maître Claude Collarini, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc...

Tribunal administratif N° 43572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 septembre 2019 1re chambre Audience publique du 5 mai 2021 Recours formé par la société anonyme X et consort, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Beckerich, en présence de la société à responsabilité limitée Y, …, en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43572 du rôle et déposée le 19 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude Collarini, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société anonyme X, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et de Monsieur …, administrateur de sociétés, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) d’une décision du bourgmestre de la commune de Beckerich du 25 mars 2019, référencée sous le numéro …, portant autorisation à la société à responsabilité limitée Y, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, de transformer une maison unifamiliale sur la parcelle sise à L-…, et 2) de la décision confirmative du même bourgmestre du 19 juin 2019 intervenue sur recours gracieux ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 26 septembre 2019, portant signification de ce recours à la commune de Beckerich, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en sa maison communale à L-8523 Beckerich, 6, Dikrecherstrooss, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2019 par la société anonyme Elvinger Hoss Prussen SA, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, Place Winston Churchill, inscrite au barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie Prüm-Carré, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la commune de Beckerich, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2019 par Maître Nathalie Prüm-Carré, au nom de la commune de Beckerich, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2019 par Maître Pierrot Schiltz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2019 par Maître Pierrot Schiltz, au nom de la société à responsabilité limitée Y préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2020 par Maître Claude Collarini, au nom de la société anonyme X et de Monsieur …, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2020 par Maître Nathalie Prüm-Carré, au nom de la commune de Beckerich, préqualifiée ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2020 par Maître Stéphanie Starowicz, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée Y, préqualifiée, en remplacement de Maître Pierrot Schiltz, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 6 janvier 2021, et vu les remarques écrites de Maître Claude Collarini, de Maître Nathalie Prüm-Carré et de Maître Stéphanie Starowicz des 4 et janvier 2021 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

Par décision du 25 mars 2019, référencée sous le numéro …, le bourgmestre de la commune de Beckerich, ci-après désigné par « le bourgmestre », autorisa la société à responsabilité limitée Y, ci-après désignée par « la société Y », de transformer une maison unifamiliale sise à L-…, sur des fonds inscrits au cadastre de la commune de Beckerich, section … d’… et de …, sous les numéros … et ….

Par un courrier recommandé du 3 juin 2019, la société anonyme X, ci-après désignée par « la société X », et Monsieur …, ensemble désignés ci-après par « les requérants », informèrent le bourgmestre de leur opposition quant à la délivrance de l’autorisation de construire, précitée, du 25 mars 2019, au motif notamment que l’accès au garage à construire derrière la maison se ferait à travers un chemin privé latéral faisant partie intégrante de leur propriété sise à l’adresse ….

Par un courrier du 19 juin 2019, le bourgmestre prit position quant au courrier précité des requérants comme suit :

« Tout comme relevé lors d'un entretien avec Monsieur … et suivant votre courrier repris sous rubrique, nous avons bien entendu entamé toutes les démarches pour vérifier le titre de propriété au niveau dudit chemin.

Comme le mesurage effectué pour le compte de Yy a été effectué par le bureau …, bureau de géomètres officiels, nous avons d'abord pris des renseignements auprès du responsable de projet, Madame (…).

Ensuite, il nous semblait utile de demander en plus une confirmation respectivement une vérification auprès du responsable géomètre, Monsieur (…) de l’Administration du 2cadastre.

Des recherches ont en plus fait découvrir un document dont copie en annexe, de 1896.

ll en résulte que le chemin n'est pas à considérer comme un chemin privé. En effet l'indication « chemin privé » sur le plan de mesurage du 24 mai 1962 ne relève pas qu'il s'agit d'un chemin privé appartenant à (…) vu que dans ce cas il aurait fallu retrouver une délimitation d'un lot séparé sur cette partie de chemin, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence.

Il faut donc forcément en conclure qu'il s'agit d'un chemin privé ou public communal. Dans ce cas, nous considérons que le mur fait partie de la propriété privé de l'entreprise Y.

Vous pourriez reprendre ces confirmations dans le courrier joint en annexe.

En guise de conclusion, et comme aucun document ne fait valoir que ce chemin vous a appartenu ou vous appartient, nous considérons l'autorisation de bâtir délivrée à la société Y comme valable et conforme. Dès lors, l'arrêt de bâtir temporairement déclaré à la société Y est levé. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 septembre 2019 et inscrite sous le numéro 43572 du rôle, les requérants ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) de la décision du bourgmestre du 25 mars 2019, référencée sous le numéro …, portant autorisation à la société Y à transformer la maison unifamiliale sise à L-…, et 2) de la décision confirmative du même bourgmestre du 19 juin 2019 intervenue sur recours gracieux.

Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du bourgmestre, précitées, des 25 mars et 19 juin 2019.

Il est, par contre, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation dirigé contre les mêmes décisions.

Quant à la recevabilité du recours Dans leur requête introductive d’instance, les requérants justifient d’abord leur intérêt à agir en faisant valoir que la jurisprudence administrative retiendrait que les voisins directs par rapport à un établissement projeté pourraient légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux d’un projet de construction. Ils auraient dès lors un intérêt à voir respecter les règles applicables en matière de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-

observation éventuelle de ces règles serait susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé, à savoir, en l’espèce, une atteinte à leur droit de propriété.

Ils précisent que l’objet du recours sous analyse ne serait pas de solliciter l’annulation de l’autorisation de construire litigieuse au motif qu’elle serait de nature à leur causer un préjudice en entravant l’exercice de leur droit de propriété sur le chemin longeant les deux parcelles dont elles sont propriétaires. En effet, indépendamment de ces aspects qui feraient l’objet d’une action en justice intentée devant le juge civil, l’autorisation de bâtir litigieuse ne serait pas sans poser problème d’un point de vue administratif.

Ils soutiennent, à cet égard, que l’autorisation de bâtir aurait été délivrée, d’une part, sur base de plans de construction qui ne respecteraient pas les prescriptions du règlement sur 3les bâtisses de la commune de Beckerich (RB), et, d’autre part, au mépris des règles de sécurité qui commanderaient, en l’espèce, de refuser de délivrer pareille autorisation au regard du fait qu’elle impliquerait, pour pouvoir accéder au garage qui serait construit à l’arrière du futur immeuble, l’obligation d’emprunter un chemin privé dont l’étroitesse ne permettrait pas le croisement de deux véhicules.

Compte tenu du fait qu’ils n’auraient pas d’autre possibilité pour pouvoir accéder à leur propriété que d’emprunter ce chemin privé, l’autorisation de bâtir délivrée par le bourgmestre serait, notamment à cet égard, de nature à leur causer grief.

Dans son mémoire en duplique, la commune de Beckerich, ci-après désignée par « la commune », soulève, quant à elle, l’irrecevabilité du recours sous analyse pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des requérants.

Elle fait valoir que si un voisin proche avait un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constituerait un indice pour établir son intérêt à agir, mais ne suffirait pas à elle seule à le fonder. Il faudrait, de surcroît, que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin dans le sens que la construction litigieuse devrait affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien du demandeur, lequel devrait ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement.

En l’espèce, les requérants ne démontreraient aucune aggravation concrète de leur situation de voisin, ce d’autant plus que la décision entreprise porterait uniquement sur la transformation de la maison unifamiliale sise à ….

La commune fait valoir que pour justifier leur intérêt à agir, les requérants ne feraient état que de la prétendue violation de leur droit de propriété, qui ne serait pas méconnu car le chemin prétendument « privé » serait un chemin communal, tout en soulignant que le tribunal serait, en tout état de cause, incompétent pour connaître de cette question. Elle soutient que, pour le surplus, les requérants ne démontreraient aucune atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur propriété.

Le tribunal relève que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux.

En matière de contentieux administratif portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif1.

Ainsi, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir leur intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin2.

1 cf. Cour adm. 14 juillet 2009, n°ˢ 23857C et 23871C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

2 cf. Cour adm. 26 mai 2005, n° 19208C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 76 et les autres références y citées.

4Le requérant doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt.

En l’espèce, force est de constater que les requérants se prévalent plus particulièrement de contraintes et de désagréments que causerait le prétendu emplacement du garage à l’arrière de l’immeuble litigieux qui entraînerait pour eux, à côté d’une atteinte à leur droit de propriété en ce que les occupants de l’immeuble seraient obligés d’emprunter un chemin leur appartenant pour pouvoir accéder audit garage, également des problèmes de sécurité de la circulation, dans la mesure où ils n’auraient pas d’autre choix que d’emprunter ledit chemin pour accéder à leur propriété et que celui-ci serait trop étroit pour permettre le croisement de deux véhicules.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que les explications ainsi mises en avant sont suffisantes pour justifier à suffisance un intérêt à agir dans le chef des requérants, cela indépendamment du caractère justifié quant au fond des reproches soulevés qui sera examiné ci-après.

Il s’ensuit que le moyen afférent tenant à un défaut d’intérêt à agir dans le chef des requérants est à rejeter.

Au vu de ce qui précède et à défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond Arguments des parties A l’appui de leur recours et en fait, les requérants expliquent qu’ils seraient les propriétaires en indivision d’un immeuble sis à L-…, inscrit au cadastre de la Commune de Beckerich, Section … d’… et de …, sous le numéro …, ainsi que de la parcelle voisine inscrite au même cadastre sous le numéro ….

Ils expliquent qu’au courant du mois de mai 2019, ils auraient pris connaissance d’un certificat apposé par la commune aux abords de la propriété voisine sise au n°… le 7 mai 2019, renseignant qu’une autorisation de bâtir avait été délivrée en date du 25 mars 2019 permettant la transformation d’une maison unifamiliale sur la parcelle voisine, inscrite au cadastre de la Commune de Beckerich, Section … d’… et de … sous le numéro …, correspondant aux parcelles anciennement référencées sous les numéros … et ….

Après avoir pris inspection des plans de construction sur base desquels a été délivrée la prédite autorisation de bâtir, ils auraient constaté que plusieurs problèmes se poseraient en relation avec celle-ci.

Ils précisent, à cet égard, que leur immeuble serait situé en bas d’un chemin privé longeant, d’un côté, la parcelle n° … ayant fait l’objet de l’autorisation de bâtir litigieuse, ainsi que la parcelle n° … leur appartenant, et, de l’autre côté, la parcelle n° … leur appartenant également.

Ils mettent en avant que ce chemin privé se terminerait en impasse sur leur propriété et qu’il n’aurait été créé que pour assurer la desserte du fonds en question, tel que cela se 5dégagerait du plan dressé en date du 24 mai 1962 par le géomètre de l’administration du Cadastre indiquant que ledit chemin serait un chemin privé rattaché à leur propriété sise au n° ….

Ils expliquent qu’ils auraient depuis d’innombrables années eu la jouissance privative de ce chemin qui, depuis plus de 60 ans, serait séparé du domaine public par un portail, tout en soulignant que ledit chemin n’aurait jamais fait l’objet d’un quelconque entretien de la part de de la commune, mais qu’il aurait été exclusivement entretenu par les propriétaires du fonds auquel il serait rattaché, à savoir leur propriété.

Ils font valoir qu’il résulterait des plans de construction versés à l’appui de la demande d’autorisation de bâtir litigieuse que, pour pouvoir accéder au garage situé à l’arrière du futur immeuble sis au n° …, il serait nécessaire d’emprunter le chemin privé rattaché à leur propriété, ce qui entraînerait, selon eux, également une obligation de démolir le muret qui serait rattaché à leur propriété.

Les requérants relèvent ensuite que les plans de construction versés à l’appui de la demande d’autorisation de bâtir et approuvés par le bourgmestre violeraient le RB en ce qu’ils mentionneraient, pour le pignon droit de l’immeuble, une implantation en limite de propriété.

Ils mettent en exergue que ceci aurait également été exposé dans le cadre d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la commune le 3 juin 2019, qui aurait toutefois estimé dans sa réponse du 19 juin 2019 que l’autorisation de bâtir délivrée serait valable et conforme.

En droit, après avoir précisé que la construction litigieuse se situerait en zone mixte à caractère rural, ils invoquent de prime abord une violation par l’autorisation déférée de l’article 6.2 du PAG dans la mesure où les plans de construction approuvés renseigneraient une implantation du pignon droit du bâtiment en limite de propriété tandis que, suivant la disposition précitée, il aurait fallu respecter un recul d’au moins deux mètres.

Ils se prévalent ensuite d’une violation par le bourgmestre de son devoir de veiller à la sûreté et à la commodité du passage.

En s’appuyant sur les articles 3 du décret des 16 à 24 août 1790 sur l’organisation judicaire, ci-après désigné par « le décret des 16 à 24 août 1790 », et 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après désignée par « la loi communale du 13 décembre 1988 », ils font valoir que l’obligation de veiller à la sécurité ainsi qu’à la commodité du passage s’imposerait au bourgmestre en toutes circonstances, y compris lorsqu’il serait amené à examiner une demande en obtention d’une autorisation de bâtir, tel que cela serait le cas en l’espèce, où il devrait s’assurer que la construction qui serait réalisée en conformité avec l’autorisation accordée ne soit pas de nature à créer une situation de danger.

Ils avancent qu’en l’espèce, les impératifs de sécurité ne seraient pas respectés dès lors que, sur base des plans approuvés, il serait nécessaire d’emprunter le chemin privé leur appartenant en vue d’accéder au garage situé à l’arrière du futur bâtiment sis au n° …, tout en donnant à considérer que ledit chemin ne serait pas adapté à un tel cas de figure, alors que son étroitesse empêcherait le croisement de deux véhicules.

6Ils insistent sur le fait qu’ils n’auraient pas d’autre possibilité que d’emprunter ce chemin pour pouvoir accéder à leur propriété qui serait enclavée, de sorte que des croisements seraient inévitables entre les occupants des immeubles situés sur les parcelles sises aux n° … et ….

Il serait dès lors étonnant qu’une autorisation de construire ait été délivrée sur base de plans prévoyant la mise en place d’un garage à l’arrière de la future construction, alors que, suivant les requérants, la situation de danger créée de ce fait aurait très bien pu être évitée si l’octroi de l’autorisation de construire avait été subordonné à l’élargissement du chemin, de telle sorte à permettre le croisement de deux véhicules.

Ils mettent en avant que la société Y aurait tout aussi bien pu éviter cette situation en prévoyant d’installer le garage à l’avant de la future construction, ce qui aurait permis aux futurs occupants de la maison d’accéder directement à leur propriété depuis la voie publique, sans avoir besoin d’emprunter un chemin privé exigu.

Les requérants soutiennent encore que l’autorisation de bâtir entreprise serait contraire à l’article 4 du PAG en ce que le fonds sis au n° … ne bénéficierait pas d’un accès à la voirie publique d’une largeur minimale de 5 mètres étant donné que la largeur du chemin qu’il faudrait obligatoirement emprunter pour accéder à partir de la voie publique au fonds en question ne serait que de 3,70 mètres.

Ils concluent que le bourgmestre aurait dû, sur base du constat inéluctable que le chemin d’accès censé mener à la construction projetée serait trop étroit pour permettre la circulation en toute sécurité des véhicules, refuser la délivrance de l’autorisation de bâtir litigieuse.

Dans son mémoire en réponse et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, la commune explique que le 21 novembre 2018, la société Y aurait formulé une demande en obtention d’une autorisation de bâtir pour des parcelles sises aux numéros … et …, à …, enregistrées à l’époque au cadastre de la commune de Beckerich, section … d’… et de …, sous les numéros … et …. Une nouvelle demande ou une modification de la demande d’autorisation initiale relative à la construction d’une maison unifamiliale au n° … aurait été finalisée le 22 mars 2019.

Sur base de ces demandes, deux autorisations de bâtir auraient été délivrées par le bourgmestre en date du 25 mars 2019, à savoir une autorisation, référencée sous le numéro … et portant autorisation pour la transformation d’une maison unifamiliale à l’adresse … à …, et une autorisation, référencée sous le numéro … et portant autorisation pour la construction d’une maison unifamiliale à l’adresse … à ….

Elle précise que la configuration des parcelles … et … aurait ultérieurement été modifiée, tel que cela ressortirait du plan G.0.3.14 dressé par la société …, validé par le géomètre officiel de l’administration du Cadastre et de la Topographie le 27 juin 2019, ce qui aurait eu pour conséquence qu’à partir des parcelles … et …, deux nouvelles parcelles auraient été constituées, portant les numéros … et ….

La commune relève, à cet égard, les points suivants : d’une part, elle donne à considérer qu’antérieurement au projet de la société Y, les deux parcelles cadastrales initiales (… et …) auraient été couvertes par une seule et même bâtisse, tel que cela ressortirait notamment du plan n° 2 intitulé « Carport, coupes et façades » montrant la façade principale existante, tout en soulignant que cette bâtisse unique, a priori une ancienne ferme, aurait constitué le n° ….

7D’autre part, elle souligne que le projet de construction litigieux aurait pour finalité de créer deux unités d'habitation, à savoir (i) une maison implantée sur la parcelle … s’appuyant sur le mur de la maison sise au n° … et faisant l’objet de l’autorisation de bâtir n° … portant « autorisation pour la construction d’une maison unifamiliale à l’adresse …, L- … », et (ii) une maison occupant la parcelle d’angle, sise sur la parcelle n° … et faisant l’objet de l’autorisation de bâtir n° …, autorisant « la transformation d’une maison unifamiliale à l’adresse …, L- … ».

Elle insiste, par ailleurs, sur le fait qu’il ressortirait des plans 1 et 2 annexés à l’autorisation de bâtir que, pour ce qui est de la parcelle n° …, ce qui serait autorisé serait bien une transformation dans la mesure où la structure de ce qui aurait été « l’habitation » serait conservée dans son intégralité.

En droit, la commune précise, à titre principal, que la présente instance porterait sur l’autorisation de bâtir n° … ayant pour objet la transformation d’une maison unifamiliale à l’adresse … à …, sise sur la parcelle portant le n° cadastral … et constituant la parcelle d’angle entre la … et le chemin litigieux.

Elle avance que les plans faisant partie intégrante de l’autorisation de bâtir montreraient sans discussion possible que le projet de construction d’une maison individuelle sur cette parcelle ne comporterait aucun garage à l’arrière du bâtiment, tel que le soutiendraient à tort les requérants, mais qu’un garage serait intégré à la construction auquel on accèderait directement par la ….

Elle donne, à cet égard, à considérer que le « plan 1 » montrerait au moyen de pointillés rouges la séparation de propriété entre les deux maisons unifamiliales projetées et donc les parcelles … et ….

Ce serait donc manifestement en raison d’une mauvaise lecture des plans que les requérants ont introduit le recours sous analyse, erreur que les parties requérantes auraient tenté de corriger en déposant un deuxième recours.

Il s’ensuivrait que les moyens invoqués en l’espèce trouvant tous leur fondement dans le prétendu passage par le chemin litigieux seraient dénués de fondement.

A titre subsidiaire, et quant au caractère prétendument privé dudit chemin, elle avance, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 26 mars 20033, que ce moyen, tiré d’une lésion alléguée des droits de propriété, relèverait du domaine du droit civil et échapperait à la compétence des juridictions administratives.

Quant au moyen fondé sur une violation de l’article 6.2 du PAG, elle insiste sur le fait, en se basant sur les alinéas 3 et 4 de cette disposition, que l’autorisation en cause porterait sur la transformation d’une maison existante dont l’implantation serait établie depuis des dizaines d’années.

En ce qui concerne la violation alléguée des articles 3, 1° du titre XI du décret des 16 et 24 août 1790, 67 de la loi communale du 13 décembre 1988 et 4, alinéa 3, du PAG, elle avance que l’autorisation déférée ne serait pas concernée par cette argumentation alors qu’elle porterait sur une construction longeant la ….

3 Trib. adm. 26 mars 2003, inscrit sous le numéro 15115 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

8Il s’ensuivrait que l’ensemble des moyens invoqués serait à rejeter.

La société Y déclare se rallier purement et simplement au mémoire en réponse de la commune.

Dans leur réplique, les requérants mettent en avant leur étonnement lorsqu’ils auraient pris connaissance des moyens invoqués, ainsi que des plans censés avoir été approuvés par le bourgmestre et versés en pièce 2 par la commune.

Ils expliquent, à cet égard, que, peu de temps après l’apposition du certificat en date du 7 mai 2019 renseignant la délivrance de l’autorisation de bâtir litigieuse, Monsieur … se serait rendu en les bureaux de la commune où il aurait pu prendre inspection des plans de construction ayant fait l’objet de l’autorisation de bâtir délivrée à la société Y. Or, à l’examen desdits plans, Monsieur …, disposant de compétences techniques lui permettant aisément de lire un plan, aurait constaté qu’il aurait été prévu de construire un garage à l’arrière de l’immeuble sis au numéro …, tout en insistant sur le fait que cela aurait constitué la base de l’argumentaire qui aurait été développé par Monsieur … dans sa lettre adressée en date du 3 juin 2019 à la commune.

Il serait dès lors tout à fait étonnant que la commune n’ait pas contredit ces explications dont elle explique à présent qu’elles seraient erronées.

Ils soulignent que la commune aurait, au contraire, dans sa lettre du 19 juin 2019, expliqué avoir entrepris des démarches auprès de l’administration du Cadastre et de la Topographie afin que soient effectuées de plus amples recherches concernant le caractère privé ou public du chemin litigieux pour venir à la conclusion qu’il s’agirait, selon elle, d’un « chemin privé ou public communal ».

S’agissant de la question de l’implantation du pignon en limite de propriété, point qui aurait également été relevé dans leur recours gracieux, ils font valoir que là encore, il serait tout à fait improbable qu’une confusion ait pu être opérée sur ce point, alors qu’il n’y aurait manifestement aucune difficulté à constater que sur le plan n°1 versé en pièce 2, le pignon du garage serait conservé, ce mur étant représenté par une couleur verte correspondant, suivant la légende du plan, aux constructions existantes.

Il serait encore étonnant que la commune n’ait pas contredit leurs affirmations et qu’elle n’ait aucunement fait mention de la condition de devoir maintenir le mur pignon existant dans le garage, tel que cela résulterait toutefois de l’indice 3 daté du 23 avril 2019 et mentionné sur les plans déposés dans le cadre de l’autorisation de bâtir.

Ils contestent, par conséquent, que les plans ayant été produits par la commune à l’appui de son mémoire en réponse correspondent à ceux ayant fait l’objet de l’autorisation de bâtir déférée.

Ainsi, à la lecture du plan 1 versé en pièce 2, il apparaîtrait que ce plan aurait été réalisé par la société Z en date du 16 novembre 2018 et qu’il comporterait 3 indices :

- le 1er en date du 5 février 2019 avec comme remarque l’intitulé « divers » ;

- le 2ème en date du 15 mars 2019 mentionnant à titre de remarque « adaptations des plans d’après le mesurage géomètre ; local technique dans les combles », et 9- le 3ème en date du 23 avril 2019 comportant la remarque « maintient du mur pignon existant dans le garage du LOT 1 ».

Au vu du fait que le plan n° 1 versé en pièce 2 ferait état de l’indice 3 daté du 23 avril 2019, il serait dès lors impossible que ce plan ait été approuvé par le bourgmestre en date du 25 mars 2019.

Ils font valoir qu’il semblerait qu’on ait en l’espèce tenté de redresser a posteriori des irrégularités qui auraient existé au niveau des plans déposés dans le cadre de la demande en obtention d’une autorisation de bâtir et ce, tout en se dispensant de procéder par voie de demande modificative.

Il s’ensuivrait qu’il serait utopique de maintenir en vigueur une autorisation de bâtir dont on ignorerait sur base de quels plans elle a été délivrée puisqu’il serait, dans ces conditions, impossible de vérifier notamment sa conformité avec les dispositions écrites du PAG, respectivement avec celles du RB.

En ordre purement subsidiaire, ils précisent que, s’agissant de la question du caractère privé ou non du chemin, ils auraient expressément indiqué dans leur requête introductive d’instance que l’objet de leur recours ne serait pas de requérir l’annulation de l’autorisation de bâtir déférée au motif que celle-ci serait de nature à entraver leur droit de propriété sur le chemin litigieux.

Quant au moyen fondé sur une violation de l’article 6.2 du PAG, ils relèvent que la question du respect du recul latéral d’au moins 2 mètres serait directement liée à la modification ayant donné lieu à l’indice 3 du plan réalisé en date du 16 novembre 2018 par la société Z, à savoir le « maintien du mur pignon existant dans le garage du LOT 1 ».

S’il résultait, en effet, de ce plan que le pignon extérieur gauche de l’immeuble sis au n°15 devrait, sur toute la longueur du garage, être conservé, les requérants estiment que l’intérêt de cette façon de procéder serait de pouvoir conserver les limites d’implantation actuelles du bâtiment, ce qui serait, selon eux, impossible si l’on procédait à la démolition de ce pignon car, dans ce cas, il faudrait alors respecter le recul latéral de 2 mètres avec les pertes de surface constructible que cela impliquerait.

D’un point de vue technique, ceci représenterait une « véritable prouesse » de pouvoir conserver ce mur pignon qui serait dans un état de délabrement avancé, les requérants avançant qu’il serait techniquement très difficile voire même impossible de conserver ledit mur pignon qui, à un moment ou à un autre, ne manquerait pas de s’effondrer. Ceci poserait dès lors un problème au niveau du respect de l’autorisation de bâtir prévoyant comme condition notamment celle de maintenir le mur pignon litigieux.

Ils donnent ensuite à considérer que pour ce qui est de la partie de l’immeuble érigée à l’arrière du garage, à savoir le living et la salle à manger, il n’y aurait, sauf erreur de leur part, aucune disposition du PAG qui permettrait de s’affranchir du respect des dispositions de l’article 6.2. du PAG.

Par conséquent, cette nouvelle construction devrait respecter le recul latéral d’au moins 2 mètres par rapport à la limite de propriété, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, les requérants ajoutant que ceci vaudrait a fortiori également pour la construction érigée à l’arrière du 10bâtiment, à savoir la zone hachurée par des lignes horizontales et qui semblerait être une terrasse.

S’agissant, enfin, du devoir du bourgmestre de veiller à la sûreté et à la commodité du passage, ils font valoir que dans l’hypothèse où le tribunal serait amené à considérer que les plans actuels produits par la commune dans leur version indice 3 datée du 23 avril 2019 seraient bien ceux qui ont été approuvés dans le cadre de l’autorisation de bâtir n°… délivrée en date du 25 mars 2019, il en résulterait, du fait de l’emplacement actuel du garage à l’avant de l’immeuble sis au n° …, qu’il ne serait plus nécessaire pour rejoindre ce garage d’emprunter le chemin privé dont la taille ne serait guère adaptée pour assurer le croisement de deux véhicules.

Ils admettent que, dans ce cas, l’argument présenté par eux en relation avec le devoir dont serait investi le bourgmestre de veiller à la sûreté et la commodité du passage ne serait plus relevant dans le cadre du présent recours.

Ils précisent, à cet égard, que les développements par la commune sur ce point seraient toutefois erronés alors que, s’il était certes vrai que la question du droit de propriété allégué par des tiers serait une question de droit civil ne relevant pas de la sphère de compétences du juge administratif, tel ne serait en revanche pas le cas en ce qui concerne les questions de sûreté et de commodité du passage auxquelles devrait avoir égard le bourgmestre lorsqu’il délivre des autorisations de bâtir dans la mesure où de telles questions feraient bel et bien l’objet d’un contrôle de la part des juridictions administratives.

La même conclusion devrait être tirée concernant le dernier moyen fondé sur une violation par l’autorisation de bâtir déférée de l’article 4 du PAG qui, s’il fallait admettre que les plans actuellement versés en cause par la commune seraient ceux qui ont été approuvés par le bourgmestre, ne serait dès lors plus pertinent dans le cadre du présent recours.

Dans sa duplique, la commune remet en cause les allégations telles que soutenues dans le mémoire en réplique suivant lesquelles les plans qui auraient été montrés à Monsieur … entre le 7 mai et le 3 juin 2019 ne correspondraient pas aux plans faisant partie intégrante de l’autorisation de bâtir déférée en ayant en quelque sorte été supprimés ou enlevés et qu’un autre plan intitulé « Vue en plans » leur aurait été substitué.

Face à ces allégations, la commune insiste sur le fait que les plans versés en cause seraient bien ceux sur base desquels l’autorisation n° … aurait été délivrée. Elle réitère, à cet égard, que par dossier déposé le 21 novembre 2018, la société Y aurait introduit une demande d’autorisation de bâtir et qu’à sa demande, les plans versés à l’appui de la demande d’autorisation initiale auraient dû être modifiés à plusieurs reprises. Comme l’indiquerait, en toute transparence, le cartouche des deux plans versés en cause, ceux-ci auraient été modifiés par le cabinet d’architectes Beng, le 5 février 2019, le 15 mars 2019 et, enfin, le 23 avril 2019.

Elle souligne que bien que datée du 25 mars 2019, l’autorisation de bâtir n° … n’aurait été délivrée à la société Y que postérieurement au 23 avril 2019, ce qui serait encore confirmé par la facture relative au forfait à payer pour toute délivrance d’une autorisation de bâtir qui n’aurait été émise que le 7 mai 2019 et payée le 15 mai 2019. De plus, comme le reconnaîtraient les requérants, l’affichage du certificat correspondant n’aurait eu lieu que le 7 mai 2019, c’est-à-

dire bien postérieurement à la dernière modification du plan « Vue en plans ».

La commune soutient, à cet égard, que les actes administratifs individuels bénéficieraient d’une présomption de légalité, tout en soulignant que, tel que le retiendrait la 11jurisprudence des juridictions administratives, aucune disposition légale ne prévoirait de formalité particulière pour une autorisation de construire qui, en substance, consisterait en la constatation officielle par l’autorité compétente de la conformité d’un projet de construction par rapport aux dispositions réglementaires urbanistiques applicables. Elle fait valoir que cette constatation s’exprimerait par un visa accordé par le bourgmestre à des plans déterminés, constituant la partie graphique de l’autorisation de construire, ce visa pouvant le cas échéant être assorti de conditions constituant la partie écrite de ladite autorisation.

Il s’ensuivrait que l’autorité compétente serait toujours appelée à se prononcer par rapport à un projet déterminé, concrétisé par des plans et que le caractère décisionnel se rapporterait toujours à des plans déterminés.

Il en découlerait également que des plans pourraient être postérieurs à une autorisation de bâtir tout en faisant partie intégrante de celle-ci, ceci plus particulièrement dans la mesure où ils abrogeraient nécessairement et implicitement les plans antérieurs.

Il devrait dès lors être conclu que les plans datés du 23 avril 2019 feraient partie intégrante de l’autorisation de bâtir n° … du 25 mars 2019 quand bien même ils seraient postérieurs à la date portée sur cette autorisation, délivrée vraisemblablement le 7 mai 2019.

La commune donne ensuite à considérer que, dans les faits, il y aurait eu, au plus tard le 25 mars 2019, un accord entre le bourgmestre, les services techniques et le représentant de la société Y sur les travaux de transformation à effectuer pour la maison sise …. Sur base de cet accord, le bourgmestre aurait signé l’autorisation de bâtir qui n’aurait toutefois été délivrée qu’une fois que le plan « Vue en plans » aurait été modifié conformément aux termes de l’accord intervenu.

Elle avance qu’il conviendrait, pour le surplus, de constater qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’imposerait au bourgmestre d’informer Monsieur … que sa lecture des plans était erronée, alors qu’en la matière, la seule obligation légale serait celle de permettre au public la consultation des plans à la maison communale.

Elle conclut que le bourgmestre ne serait donc pas tenu de répondre à tous les arguments du recours gracieux de Monsieur ….

La commune déclare ensuite prendre acte de l’affirmation des requérants suivant laquelle ils n’auraient formulé aucun moyen tiré d’une lésion alléguée de leur droit de propriété et rappelle qu’en tout état de cause il s’agirait d’un moyen d’ordre public. Elle conteste, en outre, formellement le caractère privé dudit chemin.

S’agissant de l’argumentation des requérants que le mur du salon, construit dans le prolongement du mur du garage le long de la limite de propriété devrait avoir un recul de deux mètres par rapport à la limite de propriété, elle donne à considérer, en rappelant que le terrain en cause serait situé en zone mixte à caractère rural, de sorte que les dispositions de l’article 6.2, alinéa 3 et 4 du PAG seraient applicables, que le mur existant du garage et le mur du salon, construit dans le prolongement, borderaient le chemin communal et qu’il n’existerait le long de ce chemin communal, aucune autre construction jouxtant l’extension projetée.

Il s’ensuivrait que seules les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 6.2 du PAG pourraient s’appliquer en l’espèce, qui imposeraient que les constructions devraient être implantées en 12ordre contigu, la commune avançant, en s’appuyant sur un arrêt de la Cour administrative du 9 janvier 20144 ayant tranché un cas d’espèce impliquant l’application de dispositions réglementaires similaires à celle pertinentes dans le présent litige, qu’aucune construction n’existerait sur le terrain attenant, de sorte que la question d’un éventuel recul latéral ne se poserait pas.

Quant au moyen fondé sur une violation alléguée du devoir du bourgmestre de veiller à la sûreté et à la commodité du passage respectivement celui fondé sur l’article 4, alinéa 3, du PAG, la commune relève que les requérants auraient indiqué dans leur réplique que ces moyens ne seraient plus pertinents en l’espèce.

Remarques préliminaires A titre liminaire, et quant au contrôle à opérer par le bourgmestre lors de la délivrance d’une autorisation de construire et par la suite par le tribunal administratif saisi d’un recours contre une autorisation de construire, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », « […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites.[…] ».

La finalité de l’exigence légale de l’obtention d’une autorisation de construire consiste à vérifier si un projet de construction est conforme aux règles d’urbanisme applicables, à savoir essentiellement les plans d’aménagement général et particulier et le règlement sur les bâtisses, et une autorisation de construire s’analyse partant en la constatation officielle par l’autorité compétente, en l’occurrence le bourgmestre, de la conformité d’un projet de construction aux dispositions d’urbanisme applicables, ce principe étant rappelé par l’article 37, précité de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise sur base du plan d’aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune5, textes d’interprétation stricte.

Le bourgmestre, appelé à statuer sur une demande de permis de construire, agit dès lors en organe d’exécution et s’il refusait un permis de construire pour une construction dont la mise en place ne serait point empêchée par la réglementation communale d’urbanisme existante, il suspendrait de ce fait l’exécution même de ladite réglementation, sinon encore rendrait de fait non constructible une parcelle ayant vocation à recevoir des constructions, pareille façon de procéder n’étant pas seulement prohibée par la loi, mais encore contraire à l’essence même des attributions exécutives du bourgmestre en la matière6.

Le tribunal relève ensuite qu’il est en l’espèce saisi d’un recours en annulation dirigé contre l’autorisation de bâtir n°… délivrée par le bourgmestre le 25 mars 2019 et ayant pour objet la transformation d’une maison unifamiliale à l’adresse … à …, ainsi que contre la décision confirmative du même bourgmestre du 19 juin 2019 intervenue sur recours gracieux. Il s’ensuit 4 Cour adm., 9 janvier 2014, n°ˢ 33232C et 33241C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

5 Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

6 Idem.

13que seuls les moyens en relation avec cette autorisation sont susceptibles d’être pertinents dans la présente affaire.

En ce qui concerne ensuite, toujours à titre liminaire, les contestations quant aux plans effectivement autorisés par le bourgmestre, le tribunal relève que l’examen de la conformité d’une autorisation de construire à la réglementation urbanistique en vigueur se fait sur base des seuls plans soumis et tel qu’autorisés par le bourgmestre et non pas par rapport à des plans éventuellement soumis au bourgmestre mais non revêtus d’une autorisation formelle.

Par ailleurs, force est de constater qu’aucune disposition en matière d’urbanisme ne prévoit de formalité particulière pour une autorisation de construire qui, tel que cela a été retenu ci-avant, consiste, en substance, en la constatation officielle par l’autorité compétente de la conformité d’un projet de construction par rapport aux dispositions réglementaires applicables.

Cette constatation s’exprime par un visa accordé par le bourgmestre à des plans déterminés, constituant la partie graphique de l’autorisation de construire, visa le cas échéant assorti de conditions constituant la partie écrite de l’autorisation, étant précisé que l’autorité compétente est toujours appelée à se prononcer par rapport à un projet déterminé concrétisé par des plans, de sorte que le caractère décisionnel se rapporte toujours à des plans déterminés7.

Appréciation du tribunal En l’espèce, s’agissant de prime abord du reproche que le plan versé en cause ne serait pas celui autorisé, il est certes vrai que, tel que l’a reconnu la commune et tel que cela ressort des indices dudit plan, le plan intitulé « Vue en plans » établi le 16 mai 2018 a été modifié plusieurs fois, la dernière fois étant le 23 avril 2019, partant postérieurement à la date du 25 mars 2019 qui correspond à celle figurant sur la partie écrite de l’autorisation litigieuse. Le tribunal constate néanmoins que ce plan, y compris la modification y apportée, porte la signature du bourgmestre avec la mention « vu et approuvé ». Si certes le cachet apposé à côté de la signature du bourgmestre porte la date du 25 mars 2019, donc une date antérieure à la dernière modification du plan et encore qu’il aurait été plus judicieux de faire figurer sur le plan en question la date de la signature effective de ce plan par le bourgmestre, le tribunal relève que c’est ce plan modifié qui a fait l’objet de l’autorisation du bourgmestre, l’incohérence des dates s’expliquant, suivant la commune, par le fait que le bourgmestre aurait donné son accord le 25 mars 2019 sous réserve de la modification apportée par la suite et qu’en réalité, l’autorisation n’aurait été délivrée qu’après réception de la dernière modification.

En conséquence, il y a lieu d’admettre que ce plan fait partie intégrante de l’autorisation attaquée, signée le 25 mars 2019, et qu’il représente le projet tel qu’autorisé.

Il s’ensuit et en l’absence d’une inscription en faux du plan intitulé « Vue en plans » produit en cause, les contestations des requérants fondées sur l’affirmation que ce plan ne correspondrait pas à celui qui aurait été soumis à Monsieur … lors de sa visite auprès du bureau technique de la commune, voire à celui ayant été autorisé sont à rejeter.

Il s’ensuit encore que l’ensemble des moyens fondés sur la prémisse que les plans dont la dernière modification date du 23 avril 2019 et versés en cause ne seraient pas ceux faisant 7 Trib. adm. 15 décembre 2004, n° 17971 du rôle, confirmé par Cour adm. 9 juin 2005, n° 19200C du rôle, Pas.

adm. 2020, V° Urbanisme, n° 793 et les autres références y citées.

14partie intégrante de l’autorisation attaquée sont d’emblée à rejeter, tel que les requérants l’admettent eux-mêmes dans leur réplique.

Le tribunal constate que dans leur requête introductive d’instance, les requérants mettent en avant des problèmes qui seraient liés à l’accès au « garage de la future construction » en avançant que non seulement le futur occupant devrait, pour pouvoir accéder audit garage, emprunter un chemin privé leur appartenant, mais que ce chemin serait encore largement trop étroit pour permettre simultanément le passage de deux véhicules, ce qui entraînerait une situation d’insécurité que le bourgmestre n’aurait pas pu tolérer au vu de ses obligations en matière de sûreté et de commodité du passage telles que prescrites aux articles 3 du décret des 16 à 24 août 1790 et 67 de la loi communale du 13 décembre 1988. Ils avancent que cette situation serait encore contraire à l’article 4 du PAG aux termes duquel : « Seuls peuvent recevoir des constructions, les fonds ayant un accès direct à la voirie publique, d’une largeur minimale de 5,00 mètres, et reliés à tous les réseaux des infrastructures. Ces dispositions ne valent pas pour les annexes ou dépendances non destinées au séjour de personnes. », dans la mesure où le fonds sis au n° … ne bénéficierait pas d’un accès direct à la voirie publique d’une largeur minimale de 5 mètres, étant donné que le chemin qu’il faudrait obligatoirement emprunter pour accéder à partir de la voie publique au garage ne serait que de 3,70 mètres.

S’agissant tout d’abord de la question du caractère privé ou non du chemin litigieux, force est de constater que les requérants ont déclaré dans leur requête introductive d’instance et réitéré dans leur mémoire en réplique que l’objet de leur recours ne serait pas de requérir l’annulation de l’autorisation de bâtir déférée en ce que celle-ci serait de nature à entraver leur droit de propriété sur le chemin litigieux. Il y a dès lors lieu de leur en donner acte.

S’agissant ensuite de la question de l’accès au « garage de la maison sise au n° … », force est de constater que le plan intitulé « Vue en plans » porte sur la « construction de 2 maisons familiales » : le premier projet se situe, conformément au plan établi par l’administration du Cadastre et de la Topographie le 28 juin 2019 et tel que cela se dégage des explications non contestées de la commune, sur la parcelle … et concerne la transformation de la maison unifamiliale sise au numéro …, tandis que le second projet, se situant sur la parcelle …, concerne la construction d’une maison unifamiliale sise au numéro … ayant fait l’objet d’une autorisation de bâtir n° … de la part du bourgmestre en date du 25 mars 2019 contre laquelle un recours contentieux séparé a été introduit par les requérants auprès du tribunal administratif en date du 12 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43774 du rôle.

Or, si les requérants mettent en avant des problèmes qui seraient liés à l’accès direct au garage situé à l’arrière de la maison n° …, respectivement en termes de sûreté et de commodité du chemin menant audit garage au vu de son caractère étroit, force est de constater que cette argumentation n’est pas pertinente en l’espèce dans la mesure où, tel que cela ressort du plan intitulé « Vue en plans », ainsi que des explications non contestées de la commune, aucun « garage » à l’arrière de la maison n°… n’est ni prévu ni autorisé par le biais de l’autorisation attaquée à travers le présent recours.

Il s’ensuit que les moyens fondés sur une violation par l’autorisation de bâtir déférée des articles 3 du décret des 16 à 24 août 1790 et 67 de la loi communale du 13 décembre 1988, indépendamment de la question de leur pertinence en matière de délivrance d’une autorisation de construire, respectivement de l’article 4 du PAG en ce qu’ils s’appuient sur la prémisse 15erronée de l’existence d’un tel garage à l’arrière de la maison auquel il faudrait accéder par le biais du chemin litigieux sont à rejeter pour être non pertinents en l’espèce.

En ce qui concerne ensuite le moyen fondé sur une violation de l’article 6.2 du PAG, seul moyen pertinent par rapport à l’autorisation n° …, déférée en l’espèce, celui-ci dispose en ses alinéas 3, 4 et 5 que : « L’implantation des constructions en ordre contigu est à rechercher.

L’implantation des bâtiments sur la limite de propriété est obligatoire si une construction existante sur le terrain attenant n’accuse pas un recul sur ladite limite latérale, sinon le recul latéral aura au moins 2 mètres. Si la construction existante (adjacente à la construction projetée) a un recul de moins de 2,00 m, le recul pour la construction projetée pourra avoir entre 0,00 et 2,00 m à condition qu’il n’y a pas de fenêtre dans la façade latérale devant accuser ce recul.

Tout pignon nu oblige le constructeur d’adosser la nouvelle construction au pignon existant. Ce pignon ne doit pas être percé d’ouvertures servant à l’éclairage ou à l’aération de la construction existante ni avoir des saillies. ».

A cet égard, le tribunal relève qu’il ressort du plan intitulé « Vue en plans » et plus particulièrement de l’indice n° 3 du 23 avril 2019 mentionné sur ledit plan, ainsi que des explications de la commune que « le mur pignon existant dans le garage LOT 1 », c’est-à-dire le mur pignon gauche de la maison sise au n°…, litigieux en l’espèce, sera maintenu. Il s’ensuit que l’argumentation telle qu’invoquée par les requérants dans leur requête introductive d’instance et suivant laquelle le mur pignon aurait dû respecter un recul d’au moins deux mètres par rapport à la limite de propriété conformément à l’article 6.2. du PAG est à rejeter, dans la mesure où elle s’appuie sur la prémisse erronée d’un déplacement du mur pignon gauche qui, au contraire, tel que cela a été retenu ci-avant, sera conservé.

Si les requérants font encore valoir que la conservation de ce mur pignon représenterait, d’un point de vue technique, un problème au niveau du respect des conditions prévues dans l’autorisation de bâtir déférée au vu de l’état de délabrement avancé dudit mur qui ne manquerait pas de s’effondrer à un moment ou un autre, force est de constater que ce moyen a trait à l’exécution de l’autorisation de bâtir entreprise et ne relève pas de la compétence du tribunal administratif qui n’est, en effet, compétent que pour vérifier la légalité des décisions attaquées et non pas pour vérifier si les constructions érigées sur base desdites décisions y sont conformes8.

En ce qui concerne, enfin, l’argumentation développée dans le mémoire en réplique suivant laquelle les constructions projetées à l’arrière du garage, à savoir le living et la salle à manger, d’une part, ainsi que « la zone hachurée par des lignes horizontales et qui semble être une terrasse », d’autre part, devraient respecter un recul latéral d’au moins 2 mètres par rapport à la limite de propriété conformément à l’article 6.2, précité, du PAG, force est de relever que l’on ne se trouve pas en l’espèce dans le cas de figure, tel que visé à l’article 6.2., alinéa 4 du PAG, d’une construction nouvelle adjacente à une construction existante et où cette nouvelle construction devra soit s’implanter en limite de propriété, soit accuser un recul latéral d’au moins 2 mètres selon que la construction existante sur le terrain attenant accuse ou n’accuse pas un recul sur ladite limite latérale.

8 Trib. adm. 27 novembre 2002, n°11810 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 22 mai 2003, n°ˢ15754C et 15827C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n° 908 et les autres références y citées.

16 En effet, dans le cas sous analyse, l’extension projetée de la maison concernée borde sur toute sa longueur un chemin sur lequel n’est implantée aucune construction, de sorte que, la construction projetée ne doit pas se conformer au recul latéral d’une construction adjacente existante.

Par conséquent, le fait que l’extension de la maison existante se situe en limite de propriété n’est pas sujet à critique.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 6.2 du PAG est rejeté.

Au vu de tout ce qui précède, et à défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est rejeté pour être non fondé.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande en condamnation de la commune de Beckerich à payer à chacun des requérants une indemnité de procédure d’un montant de 2.000.-

euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, augmentée dans le mémoire en réplique à un montant de 5.000.- euros, est à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne les demandes en condamnation de chacun des requérants à une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros, telles que sollicitées par la commune, d’une part, et par la société Y, d’autre part, alors qu’il n’est pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à leur seule charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation contre la décision du bourgmestre du 25 mars 2019, référencée sous le numéro …, portant autorisation à la société Y de transformer la maison unifamiliale sise à L-…, et 2) de la décision confirmative du même bourgmestre du 19 juin 2019 intervenue sur recours gracieux ;

au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette les demandes en obtention d’une indemnité de procédure telles que formulées par requérants, d’une part, et par la commune de Beckerich et la société Y, d’autre part ;

condamne les requérants aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

17 s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43572
Date de la décision : 05/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-05;43572 ?

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