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04/05/2021 | LUXEMBOURG | N°43063

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mai 2021, 43063


Tribunal administratif Numéro 43063 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2019 4e chambre Audience publique du 4 mai 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat en matière de pension d’orphelin

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43063 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2019 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, éducatrice,...

Tribunal administratif Numéro 43063 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2019 4e chambre Audience publique du 4 mai 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du directeur du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat en matière de pension d’orphelin

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43063 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2019 par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, éducatrice, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur du Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat du 13 mars 2019 rejetant sa demande en obtention d’une pension d’orphelin ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 18 juin 2019 au greffe du tribunal administratif pour compte de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 novembre 2019 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, au nom et pour le compte de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 décembre 2019 par Maître Jean-Paul Noesen, préqualifié, au nom et pour le compte de Madame …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2020 par Maître Albert Rodesch, préqualifié, au nom et pour le compte de l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;

Vu l’information de Maître Jean-Paul Noesen et de Maître Albert Rodesch suivant laquelle ceux-ci marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 12 janvier 2021, les parties étant excusées.

Par contrat de travail à durée déterminée du 16 août 2018, Madame … fut engagée dans le groupe d’indemnité B1 sous-groupe éducatif et psychosocial à raison de 20 heures par semaine auprès du … pour la période du 1er septembre 2018 au 8 août 2019.

Suite au décès de sa mère le … 2018, Madame … introduisit une demande de bénéfice d’une pension d’orphelin auprès du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat, demande qui fut rejetée par une décision du 13 mars 2019 du directeur du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat, ci-après désigné par « le directeur », dans les termes suivants :

« (…) Suite au décès de votre mère à la date du … 2018, vous aviez fait une demande de bénéfice d'une pension d'orphelin auprès du Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l'État (CGPO) à la date du 15 décembre 2018.

La loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois prévoit dans son article 22 les conditions de droit à une pension d'orphelin au-delà de l'âge de dix-huit ans :

« (…) Le droit à la pension d'orphelin est étendu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans accomplis si l'orphelin est empêché de gagner sa vie par suite de la préparation scientifique ou technique à sa future profession. (…) » Dans votre demande, vous aviez annexé une attestation d'inscription à l'établissement « cours pour éducateurs en fonction » organisé par l'asbl … à …. Il découle du site internet de cet établissement que :

« Le … est accessible aux travailleurs et aux demandeurs d'emploi souhaitant poursuivre une formation pédagogique, sociale ou paramédicale. Son organisation en cours de jour (à raison d'un à deux jours de cours par semaine) permet à chaque étudiant d'intégrer sa formation dans un parcours personnel et professionnel. » Notre administration constate donc que vous participez à une formation continue qui est destinée aux personnes en activité de service et qui ne comprend qu'un faible nombre d'heures de leçons hebdomadaires. Ainsi, vous n'êtes pas à considérer comme « empêchée de gagner votre vie par suite de la préparation scientifique ou technique à votre future profession » comme prévu dans l'article 22 précité et en conséquence, le CGPO a décidé de rejeter votre demande de bénéfice de pension d’orphelin.

L’article 34 de la loi précitée du 25 mars 2015 prévoit les voies de recours contre les décisions du CGPO en matière de pension :

« Le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions, y compris celles émises par la Commission des pensions, relatives aux pensions et autres prestations prévues par la présente loi.

2 Les recours sont intentés dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision. » (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du directeur du 13 mars 2019 rejetant sa demande en obtention d’une pension d’orphelin.

Etant donné qu’aux termes de l’article 42 de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, ci-après désignée par « la loi du 25 mars 2015 », le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions relatives aux pensions et autres prestations prévues par ladite loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision précitée du 13 mars 2019, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base du présent litige, conclut à la réformation de la décision litigieuse du 13 mars 2019, sur base de l’article 22 de la loi du 25 mars 2015, en contestant l’analyse directoriale selon laquelle elle pourrait facilement gagner sa vie, tout en suivant une formation auprès de l’association sans but lucratif belge … à …, ci-après désignée par « le … », dans la mesure où ladite formation, accessible aux travailleurs, ne prévoirait qu’un faible volume d’heures hebdomadaires. Elle explique, dans ce cadre, que le … imposerait, comme condition d’admission, la preuve de l’exercice d’une activité professionnelle, tout en précisant que son projet professionnel, après avoir accompli une formation d’éducatrice graduée, aurait été de suivre une formation d’éducatrice diplômée. Or, il ne lui aurait été pas possible de suivre une telle formation à temps plein suite au décès de sa mère, raison pour laquelle elle se serait fait engager à mi-temps comme éducatrice au … de … tout en suivant une formation auprès du …, laquelle serait un cursus complet consistant en des cours obligatoires dispensés pendant deux jours par semaine, impliquant deux déplacements par semaine, des travaux à préparer et des révisions à faire. Madame … se prévaut encore du montant de sa rémunération nette d’environ 1.500 euros, pour insister sur la nécessité de se voir octroyer la pension d’orphelin afin de pouvoir subvenir à ses besoins quotidiens, alors que sa rémunération n’atteindrait pas le niveau du salaire social minimum et qu’elle devrait, pour le surplus, supporter des dépenses de trajet élevées. Elle compare finalement sa situation à celle d’un étudiant habitant à proximité du centre de formation, qui, lui, aurait la possibilité de pouvoir suivre la formation auprès du … tout en pouvant accepter un poste de nuit à temps plein dans le secteur socio-éducatif, ce qui ne serait pourtant pas son cas.

L’Etat, dans son mémoire en réponse, expose que le contrat de travail à durée déterminée de Madame … serait devenu un contrat à durée indéterminée à partir du 3 juillet 2019 et qu’à partir du 1er octobre 2019, sa tâche hebdomadaire aurait été augmentée de 20 à 30 heures par semaine. En se fondant sur l’article 22 de la loi du 25 mars 2015, ainsi que sur des informations publiées sur le site internet du …, l’Etat donne à considérer, au regard du fait que le … serait un établissement de formation pour adulte et au regard de la situation professionnelle de Madame …, caractérisée par la signature d’un contrat de travail à duréeindéterminée, ainsi que par l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail à partir du 1er octobre 2019, que Madame … ne pourrait pas être considérée comme étant dans l’impossibilité de pouvoir subvenir à ses besoins quotidiens en raison de l’accomplissement d’une formation continue, de sorte que la décision directoriale déférée du 13 mars 2019 serait à confirmer. A cela s’ajouterait que le volume horaire hebdomadaire de la formation serait d’un jour par semaine, respectivement de deux jours toutes les deux semaines, ce qui laisserait aux candidats la possibilité d’exercer une activité professionnelle pendant vingt, voire trente heures par semaine, tel que cela serait le cas en l’espèce. Par ailleurs, la partie gouvernementale conteste l’argumentation de Madame … selon laquelle sa rémunération nette d’environ 1.500 euros aurait été insuffisante, dans la mesure où cette dernière, d’une part, du vivant de sa mère, aurait parfaitement su subvenir à ses besoins, tout en suivant une formation, sans avoir recours à une pension d’orphelin, et, d’autre part, suite au décès de sa mère, aurait augmenté son temps de travail hebdomadaire de 20 à 30 heures. L’Etat réfute finalement la comparaison opérée par Madame … entre sa situation et celle d’un étudiant habitant à proximité de son centre de formation en relevant que cela aurait été le choix de la partie demanderesse de suivre une formation auprès du …, formation qui n’aurait pas été nécessaire ni imposée, alors qu’elle aurait déjà été engagée comme employée de l’Etat du groupe d’indemnité B1.

Dans son mémoire en réplique, Madame … conteste l’argumentation de la partie gouvernementale en insistant sur la circonstance que sa mère aurait notamment pris en charge ses frais de voiture et d’assurance et d’alimentation, de sorte qu’au décès de cette dernière, elle n’aurait plus bénéficié de ce soutien financier et aurait dû solliciter une pension d’orphelin. Par ailleurs, le fait de suivre une formation supplémentaire serait un choix judicieux et raisonnable, alors qu’il en résulterait une différence de rémunération d’environ 2.000 euros bruts par mois sur 40 ans de carrière. Son choix de suivre une formation auprès d’un établissement en Belgique lui aurait été dicté par un manque d’offres scolaires adéquates au Luxembourg, la seule alternative au Luxembourg ayant été une formation d’éducatrice graduée auprès de l’Université du Luxembourg dont les conditions d’admission auraient été une expérience professionnelle de 6 ans et le paiement de frais d’inscription de 6.000 euros par an.

La partie gouvernementale, dans son mémoire en duplique, maintient l’intégralité de ses arguments et conclut à la confirmation de la décision directoriale déférée du 13 mars 2019 en relevant que les affirmations de Madame …, dans son mémoire en réplique, ne seraient que des assertions sans fondement pour ne pas être étayées par des éléments probants.

Aux termes de l’article 22 de la loi du 25 mars 2015, « L’enfant légitime, l’enfant légitimé, l’enfant naturel reconnu et l’enfant adoptif du fonctionnaire décédé en activité de service ou en retraite ainsi que l’enfant du conjoint ou du partenaire ayant été à charge du défunt, ont droit à une pension d’orphelin jusqu’à l’âge de dix-huit ans accomplis.

La condition de la charge visée à l’alinéa qui précède se trouve remplie s’il n’existe pas d’autre parent ayant une obligation légale envers l’enfant en vertu de l’article 303 du Code civil ou si le décès de ce parent n’a pas donné lieu à allocation d’une pension d’orphelin.

Le droit à la pension d’orphelin est étendu jusqu’à l’âge de vingt-sept ans accomplis si l’orphelin est empêché de gagner sa vie par suite de la préparation scientifique ou technique à sa future profession.

4 Le droit à pension d’orphelin cesse lorsque le bénéficiaire contracte mariage ou partenariat, sauf si le bénéficiaire s’adonne encore à des études. » Il ressort de la disposition légale qui précède qu’un enfant d’un fonctionnaire décédé, fait qui n’est pas contesté en l’espèce, a d’office droit à une pension d’orphelin jusqu’à l’âge de 18 ans, ce droit pouvant être étendu au maximum jusqu’à l’âgé de 27 ans, si le bénéficiaire de ladite pension poursuit des études l’empêchant de toucher une rémunération lui permettant de subvenir à ses besoins élémentaires. Dans la mesure où ni la loi ni les travaux parlementaires ne précisent la notion de l’impossibilité de gagner sa vie, il y a lieu de retenir que le bénéfice d’une pension d’orphelin ne saurait être refusé sur base du seul constat que le bénéficiaire occupe un travail rémunéré à côté de sa formation, mais il faut que ce travail leur offre une rémunération supérieure au salaire social minimum.

Cette conclusion est corroborée par l’article 33, paragraphe (9) de la loi du 25 mars 2015 en vertu duquel « Le paiement de la pension d’orphelin est suspendu lorsque l’enfant occupe, après l’âge de dix-huit ans et pendant plus de trois mois consécutifs, un emploi dont la rémunération mensuelle brute dépasse le salaire social minimum. ».

Dans la mesure où il est constant en cause pour ressortir des documents non contestés soumis à l’analyse du tribunal, et plus particulièrement des fiches de salaire de Madame … des mois de janvier à mars 2019, que celle-ci a touché une rémunération brute d’environ 1.500 euros pour son travail à mi-temps, du 1er septembre 2018 jusqu’au 31 septembre 2019, soit une rémunération inférieure au salaire social minimum s’élevant, pour l’année 2019, à 2.089,75 euros, tout en suivant pendant cette même période une formation, elle pouvait, à juste titre prétendre à une pension d’orphelin au sens de l’article 22 de la loi du 25 mars 2015 à partir du décès de sa mère le 26 novembre 2018.

Le recours de Madame … est partant justifié et la décision du directeur du 13 mars 2019 encourt la réformation en ce sens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision du directeur du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat du 13 mars 2019, accorde à Madame … une pension d’orphelin conformément à l’article 22 de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois à partir du 26 novembre 2018 ;

renvoie le dossier au directeur du Centre de Gestion du Personnel et de l’Organisation de l’Etat en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mai 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43063
Date de la décision : 04/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-04;43063 ?

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