Tribunal administratif No 43167 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2019 4e chambre Audience publique du 27 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43167 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2019 par Maître Alain Gross, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 10 avril 2019 portant refus de sa demande d’attribution d’un supplément personnel de traitement en application de l’article 28, paragraphe (6) de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat ;
Vu le courrier parvenu au greffe du tribunal administratif en date du 7 août 2019, par lequel Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare se présenter pour la défense des intérêts de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Albert Rodesch pour l’Etat déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Alain Gross déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2019 pour le compte de son mandant ;
Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;
Vu la communication de Maître Alain Gross du 14 janvier 2021 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Vu la communication de Maître Albert Rodesch du 18 janvier 2021 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Vu les pièces versées en cause, et notamment la décision critiquée ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 26 janvier 2021, les parties étant excusées.
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Après avoir servi comme volontaire de l’armée, Monsieur … fut nommé, avec effet au 22 octobre 1987, au poste de brigadier de gendarmerie par un arrêté du ministre de la Force publique du 16 octobre 1987.
En date du 16 octobre 1990, Monsieur … fut nommé au grade de premier brigadier de police avec effet au 22 octobre 1990.
Par des arrêtés des 15 octobre 1993 et 30 juin 2016, Monsieur … fut nommé successivement maréchal des logis, puis inspecteur-chef de police, avec effet au 22 octobre 1993, respectivement au 1er octobre 2015.
En date du 27 septembre 2018, Monsieur … sollicita, par la voie hiérarchique, du ministre de la Fonction publique, dénommé ci-après « le ministre », l’attribution d’un supplément personnel de traitement sur base des articles 14, 28 et 51 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 ».
Cette demande fut rejetée par une décision du ministre du 10 avril 2019 aux motifs suivants :
« (…) Permettez-moi de revenir à votre courrier du 27 septembre 2018 relatif à l'objet émargé.
Votre demande initiale ne m'est jamais parvenue. Ce n'est que par un courrier de la CGFP du 14 mars 2019 que j'en ai eu connaissance.
Je constate que vous aviez déjà fait une première demande en 2016 qui a été refusée.
Contre ce refus, vous aviez introduit un recours devant les juridictions administratives.
Celui-ci a cependant été déclaré irrecevable par un jugement rendu par le Tribunal administratif en date du 16 août 2018.
Le fond de votre demande actuelle s'avère être le même que celui de votre demande initiale, à savoir l'obtention du supplément de traitement prévu à l'article 28, paragraphe 6 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat.
Or, le paragraphe 6 de l'article 28 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat précise que l'attribution d'un supplément personnel à l'âge de 55 ans est exclusivement réservée aux agents ayant passé avec succès l'examen de promotion, sauf si aucun examen n'est prévu ou si le sous-
groupe en a été dispensé. Cette condition essentielle ne se trouve pas affectée par les dispositions de l'article 14 de la même loi lesquelles prévoient que la condition de l'examen n'est pas requise pour l'accession à la première fonction du niveau supérieur à l'âge de 55 ans.
2Dans ce contexte, je voudrais profiter de l'occasion pour préciser que la mise en vigueur de la loi en question a amélioré avec effet immédiat le traitement de base de tous les agents en question. En effet, si, dans l'ancienne législation, les agents sans examen de promotion étaient bloqués au dernier échelon barémique du grade P4, à savoir 235 points indiciaires jusqu'à l'âge de 55 ans, le fait que les échelons en question ne sont plus liés à des conditions d'octroi a eu pour résultat que les agents ont pu y accéder immédiatement.
Au vu des explications qui précèdent, vous comprendrez que je suis dans l’impossibilité de réserver une suite favorable à votre demande. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 10 avril 2019.
Quant à la question de la nature du recours aux termes duquel le tribunal peut être saisi en cette matière, il échet au tribunal de préciser que Monsieur …, dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, conclut à se faire attribuer le bénéfice du supplément personnel de traitement avec effet au 1er octobre 2015, de sorte que le présent litige s’analyse en une contestation relative au traitement de ce dernier.
En vertu de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général », « Les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du Tribunal administratif, statuant comme juge du fond.
Ces recours seront intentés dans un délai de trois mois à partir du jour de la notification de la décision. Ils ne sont pas dispensés du ministère d’avocat. » Il en résulte qu’en application de l’article 26 précité du statut général, le tribunal de céans peut seulement être saisi d’un recours au fond contre une décision en matière de traitement.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Dans son mémoire en réponse, la partie gouvernementale s’est rapportée à prudence de justice quant à la « recevabilité de l'acte introductif d'instance (compétence « rationae materiae », compétence « rationae temporis » et intérêt à agir). ».
Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le délai d’introduction du recours n’aurait pas été respecté, ou que Monsieur … n’aurait pas d’intérêt à agir, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé 3que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office, étant relevé que dans la mesure où la décision déférée lui refuse un supplément de traitement, l’intérêt à agir de Monsieur … ne saurait être valablement contesté.
Il suit de ces considérations que le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur fait en substance passer en revue les rétroactes cités ci-avant.
En droit, le demandeur estime que le ministre aurait à tort considéré qu’il n'aurait pas droit au supplément de traitement prévu à l'article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015.
A cet effet, il fait rappeler qu’il aurait avancé du grade de premier inspecteur au grade d'inspecteur-chef de la Police grand-ducale avec effet au 1er octobre 2015, de sorte qu’il aurait ainsi accédé du niveau général au niveau supérieur de son groupe de traitement.
S’il concède ne pas avoir pu réaliser un tel avancement sous l’égide de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « la loi du 22 juin 1963 », alors que l'accès au cadre fermé de la carrière de l'inspecteur de police aurait été subordonné à la réussite de l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, tel ne serait plus le cas depuis l'entrée en vigueur, en date du 1er octobre 2015, de la loi du 25 mars 2015, celle-ci permettant désormais à des fonctionnaires de l'Etat ayant atteint un certain âge - en principe 55 ans et par exception en l'espèce 50 ans - d'avancer de l'ancien cadre ouvert, actuel niveau général, à l'ancien cadre fermé, actuel niveau supérieur, sans devoir passer ou réussir un examen de promotion.
Pour les policiers de l'ancienne carrière de l'inspecteur de police, l'article 14 de la loi du 25 mars 2015 disposerait notamment que la condition d'avoir passé avec succès un examen de promotion ne serait pas requise pour accéder à la première fonction du niveau supérieur lorsque le fonctionnaire serait âgé de cinquante ans au moins.
De son côté, le paragraphe (6) de l'article 28 de la loi du 25 mars 2015 préciserait notamment que le fonctionnaire de la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police » qui est classé à une fonction du niveau supérieur défini à l'article 14 de la même loi, bénéficierait d'un supplément de traitement à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire. Or, à moins que la loi ne prévoie pas d'examen de promotion pour son sous-groupe ou qu'il en ait été dispensé en vertu d'une disposition légale, le bénéfice du supplément de traitement serait réservé au fonctionnaire ayant passé avec succès l'examen de promotion dans son sous-groupe.
Finalement aux vœux de l'article 51, paragraphe (5) de la loi du 25 mars 2015 et par dérogation à l'article 28, paragraphe (7) de la même loi, les fonctionnaires de la rubrique de traitement « Armée, Police et Inspection générale de la Police » tombant sous le champ d'application de la loi du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des 4chemins de fer luxembourgeois, l'âge donnant droit au supplément en traitement y visé serait fixé à cinquante ans.
Ainsi, le demandeur fait plaider que du fait qu’il tomberait sous le champ d'application de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des Communes, il serait valablement en droit de bénéficier du supplément personnel de traitement prévu à l'article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015 dès l'âge de 50 ans.
Le demandeur estime dès lors qu’en retenant que l'attribution d'un supplément personnel à l'âge de 55 ans serait exclusivement réservée aux agents ayant passé avec succès l'examen de promotion et en refusant de reconnaître qu’il rentrerait dans une des deux exceptions prévues à l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015, la décision déférée serait empreinte d’une erreur manifeste d'appréciation, sinon d’une violation de la loi.
En ce qui concerne plus spécialement l'exception litigieuse relative à la dispense de la réussite d'un examen de promotion, le demandeur donne à considérer que, contrairement à ce qu’indiquerait la décision déférée, ce ne devrait pas être le « sous-groupe » qui doit en avoir été dispensé, mais « le fonctionnaire », tel que cela ressortirait clairement de l'article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015.
Le demandeur fait encore relever, dans ce contexte, que l'article 14, paragraphe (2) de la loi du 25 mars 2015 prévoyant que la condition d'avoir passé avec succès un examen de promotion ne serait pas requise pour l'accès à la première fonction du niveau supérieur constituerait une dispense légale de la réussite d'un examen de promotion au sens de l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015, de sorte qu’il devrait bénéficier du supplément y prévu avec effet au 1er octobre 2015, date à laquelle il aurait avancé au grade d'inspecteur-chef, s'agissant de l'antépénultième grade de la carrière de l'inspecteur de police.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser, quant à son accession au grade d'inspecteur-chef, que la partie gouvernementale expliquerait elle-même qu’il aurait été nommé au grade d'inspecteur-chef avec effet au 1er octobre 2015, sans avoir dû passer l'examen de promotion, de sorte qu’il ne saurait être contesté qu’il aurait été, par la loi, dispensé de la réussite de l'examen de promotion pour accéder au niveau supérieur de son groupe de traitement.
Le demandeur estime d’ailleurs remplir les conditions énumérées par la partie gouvernementale, à savoir être classé à l'antépénultième grade du niveau supérieur, avoir atteint l'âge de 50 ans le 28 août 2015 et avoir accédé au 1er octobre 2015 au grade d'inspecteur-chef, soit à une fonction du niveau supérieur de son groupe de traitement en vertu d’une dispense, en application de l'article 14 de la loi du 25 mars 2015.
Il s’oppose à l’argumentation de la partie gouvernementale selon laquelle l’article 14 de la loi modifiée du 25 mars 2015 ne prévoirait qu’une dispense « générale » et que seule une dispense « spécifique » pourrait le qualifier pour obtenir le supplément personnel de traitement, alors qu’une telle distinction ne serait pas pertinente au vu des termes employés par l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015 qui ne parlerait que d’une dispense en vertu d'une disposition légale, sans autre précision.
5 De même, la partie gouvernementale ne saurait prétendre que la dispense de l'examen de promotion, prévue à l'article 14 de la loi du 25 mars 2015, serait « spécifique » à l'accès au premier grade du niveau supérieur, de sorte à ne pas pouvoir s'appliquer au bénéfice du supplément personnel de traitement.
En effet, les deux articles cités à titre d'exemple par la partie gouvernementale dans son mémoire en réponse (article 30, paragraphe (3) point (h) de la loi modifiée du 25 juin 2004 portant réorganisation des instituts culturels de l'État et article 8, paragraphe (7) de la loi modifiée du 3 août 2010 portant réorganisation de l'Administration des Ponts et Chaussées) prévoiraient également des dispenses d'examen de promotion pour l'accès à une fonction, respectivement pour l'accès à une carrière de sorte à viser, tout comme la dispense prévue à l'article 14 de la loi du 25 mars 2015, des dispenses relatives à l'avancement en grade d'un fonctionnaire de l'Etat et ne pourraient pas être considérés comme « spécifiques » au bénéfice d'un supplément personnel de traitement, le demandeur rappelant que le paragraphe 6 de l'article 28 de la loi du 25 mars 2015 relatif au supplément personnel de traitement ne mentionnerait de façon expresse que la dispense d'examen de promotion « en vertu d'une disposition légale ».
Tout autre solution violerait non seulement la loi du 25 mars 2015, mais également, par comparaison aux deux exemples de dispenses fournis par la partie gouvernementale, le principe d'égalité devant la loi prévue par l'article 10bis de la Constitution.
Quant à l’argumentation gouvernementale selon laquelle la dispense prévue à l'article 14 de la loi du 25 mars 2015 ne permettrait au fonctionnaire, âgé de 50 ans au moins, que d'accéder au premier grade du niveau supérieur, soit le grade F5, et non pas aux grades F6 et F7 pour lesquels l'accès resterait exclusivement réservé aux fonctionnaires ayant réussi avec succès à l'examen de promotion, le demandeur relève que cette analyse ne serait pas concluante en l’espèce, alors que l'article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015 viserait tant le fonctionnaire de l'Etat « classé au dernier ou l'avant-dernier grade du niveau supérieur » que celui « classé à l'antépénultième grade du niveau supérieur », ce qui serait son cas, alors que le grade d'inspecteur-chef (F5) serait l'antépénultième grade du niveau supérieur de la carrière de l'inspecteur de police.
En ce qui concerne le renvoi par la partie gouvernementale aux travaux parlementaires de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d'avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l'Etat pour décrire le supplément personnel de traitement comme visant à « accorder, à un âge proche de la retraite, aux agents remplissant les conditions pour accéder l'avant-dernier ou au dernier grade de la carrière le niveau de rémunération y correspondant », le demandeur souligne que cette dernière omettrait de préciser que le même projet de loi n° 3010 indiquerait, à sa page 73, également que « le projet pose une condition bien précise à l'octroi de la mesure projetée, condition tendant à éviter les situations extrêmes qui conféreraient un avantage démesuré à certains fonctionnaires: pour pouvoir bénéficier du supplément de traitement, l'agent concerné doit être classé dans l'un des grades du cadre fermé de sa carrière, ou encore, dans la mesure où la carrière en question ne prévoit pas de cadre fermé, l'avant-dernier ou à l'antépénultième grade de sa carrière ».
6Or, au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d'avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l'Etat, la limitation du bénéfice du supplément personnel de traitement aux fonctionnaires de l'Etat qui, sauf dispense, auraient passé avec succès au moins un examen de promotion (art 16bis de la loi modifiée du 28 mars 1986) n'aurait cependant pas encore été prévue, alors que la rajoute de la condition relative à la réussite de l'examen de promotion n'aurait été faite qu'avec la loi du 1er avril 1987 portant modification de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat.
Ainsi, le demandeur fait expliquer qu’étant donné que depuis l'entrée en vigueur de cette modification législative, il aurait toujours été exclu du bénéfice du supplément personnel de traitement, à défaut d'avoir passé l’examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police, jusqu’à ce que la loi du 25 mars 2015 lui aurait ouvert, par la voie d’une dispense légale, la possibilité d'accéder à 50 ans, au cadre fermé (donc au nouveau niveau supérieur) de la carrière de l'inspecteur de police et ce, même sans avoir participé, respectivement avoir réussi à un examen de promotion.
Tel que l'aurait cité la partie gouvernementale, le projet de loi n° 4659 aurait souligné que les agents concernés, comme lui, devraient pouvoir « bénéficier […], à partir de l'âge de cinquante-cinq ou de cinquante ans, d'un supplément personnel de traitement destiné à compenser jusqu'à un certain degré des retards en évolution du traitement ».
Le demandeur en conclut qu’il ne saurait lui être reproché « après-coup » un prétendu non-succès à l'examen de promotion du fait que la loi n'imposerait pas le respect d’une telle condition.
Finalement, le demandeur s’oppose à l’affirmation de la partie gouvernementale suivant laquelle l'article 28, paragraphe 6, de la loi du 25 mars 2015 ne lui serait pas applicable, alors qu’il aurait atteint l'âge de cinquante ans le 28 août 2015, serait classé à l'antépénultième grade du niveau supérieur du groupe de traitement D1, à savoir au grade d'inspecteur-chef (F5), depuis le 1er octobre 2015 et qu’il n'aurait pas eu besoin de passer l'examen de promotion de la carrière de l'inspecteur de police en vertu d'une dispense légale.
La partie gouvernementale, quant à elle, conclut au rejet du recours en faisant préciser qu’en application de l'article 14, paragraphe 2, alinéa 4 de la loi du 25 mars 2015, le demandeur, ayant été âgé de 50 ans au moment de l'entrée en vigueur des réformes dans la fonction publique, aurait été nommé au grade d'inspecteur-chef avec effet au 1er octobre 2015, sans avoir dû passer l'examen de promotion.
Quant aux conditions d’octroi d'un supplément personnel de traitement au sens du paragraphe 6 de l'article 28 de la loi du 25 mars 2015, la partie gouvernementale fait plaider que le fonctionnaire de la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police », classé à une fonction du niveau supérieur tel que défini à l'article 14, bénéficierait notamment à partir du premier jour du mois qui suit son 55e anniversaire d'un supplément personnel de traitement s’il est classé à l'antépénultième grade du niveau supérieur, équivalent à la différence entre le dernier échelon barémique de l'avant-dernier grade de sa carrière et son traitement actuel.
7 Or, le bénéfice de ce supplément personnel de traitement serait réservé au fonctionnaire ayant passé avec succès l'examen de promotion dans son sous-groupe, sauf si la loi ne prévoit pas d'examen de promotion pour son sous-groupe ou qu'il en a été dispensé en vertu d'une disposition légale, telle qu’elle serait notamment prévu à l’'article 30, paragraphe (3), point h) de la loi modifiée du 25 juin 2004 portant réorganisation des instituts culturels de l'État prévoyant que :
« le premier surveillant dirigeant, âgé de plus de cinquante-sept ans, au service de l'État depuis le 1er avril 1978, pouvant se prévaloir d'études reconnues équivalentes à un certificat d'aptitude technique et professionnelle, peut obtenir une nomination à la fonction d'artisan principal avec dispense de l'examen d'admission au stage, du stage, de l'examen de fin de stage et de l'examen de promotion, la reconstitution de sa carrière étant faite par la prise en considération du grade de premier artisan », respectivement à l’article 8, paragraphe (7) de la loi modifiée du 3 août 2010 portant réorganisation de l'Administration des Ponts et Chaussées prévoyant qu’ « À condition d'avoir accompli au moins dix années de service, à temps plein ou à temps partiel et d'avoir réussi à l'examen de carrière, l'employé de la carrière de l'ingénieur technicien engagé à l'Administration des Ponts et Chaussées à partir du 1er mai 2002 est admissible à la carrière de l'ingénieur technicien. Il est dispensé de l'examen d'admission au stage, de l'examen d'admission définitive et de l'examen de promotion, à condition de réussir à l'examen spécial dont l'organisation et la matière sont déterminées par règlement grand-ducal ».
La partie gouvernementale fait plaider que, contrairement à ce que prétendrait le demandeur, la dispense de passer avec succès l'examen de promotion prévue à l'article 14 de la loi du 25 mars 2015 ne serait pas générale, mais spécifique et ne serait dès lors pas à confondre avec celle ouvrant droit au bénéfice du supplément personnel de traitement prévu à l'article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015.
La partie gouvernementale fait relever que le supplément personnel de traitement aurait été introduit par la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d'avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l'État et aurait été repris par la loi du 25 mars 2015 après adaptation à la nouvelle terminologie des carrières.
Elle se réfère encore aux travaux parlementaires n°3010, respectivement n°6459 selon lesquels le projet de loi en question se bornerait notamment à accorder à l'âge de 55 ans (50 ans dans l'Armée) un supplément de traitement pensionnable égal entre l'échelon normal dans ce grade et le dernier échelon barémique actuel de l'avant-dernier grade pour l'agent classé à l'antépénultième grade de sa carrière. Ainsi, l'objectif du supplément personnel de traitement aurait été de ne pas pénaliser les agents affectés à des administrations avec des rythmes de recrutement moins réguliers et donc avec des pyramides d'âge moins homogènes et dont l'application des pourcentages fixés par la loi d'harmonisation aurait freiné des promotions pour conduire à de véritables blocages pendant de longues années, voire même rendre impossible l'accès aux derniers grades de la carrière avant la mise à la retraite.
Or tel ne serait pas le cas en l'espèce, alors que le demandeur pourra accéder aux derniers grades du niveau supérieur (grades F6 et F7) à condition qu'il en remplisse les exigences légales.
En ce qui concerne l'article 51, paragraphe 5 de la loi du 25 mars 2015, la partie gouvernementale fait remarquer que si l'article 28, paragraphe 6 de la loi du 25 mars 2015 était 8applicable au demandeur, ce dernier aurait effectivement eu droit au supplément personnel de traitement à l'âge de 50 ans au lieu de 55 ans, or ce ne serait cependant pas le cas en l’espèce pour les raisons précitées.
Aux termes de l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015, « Le fonctionnaire des rubriques «Administration générale», «Enseignement» et «Douanes», classé au dernier ou à l’avant-dernier grade définis aux articles 12, 13, et 15, bénéficie à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire d’un supplément de traitement personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière, y compris les allongements de grade prévus à l’annexe B, sous B2) Allongements, et son traitement actuel.
S’il est classé à l’antépénultième grade, le supplément de traitement est égal à la différence entre le dernier échelon barémique de l’avant-dernier grade de sa carrière et son traitement actuel. Le supplément de traitement personnel diminue au fur et à mesure que le traitement augmente par l’effet d’avancement en échelon ou d’avancement en grade.
Le fonctionnaire de la rubrique « Armée, Police et Inspection générale de la Police » qui est classé à une fonction du niveau supérieur défini à l’article 14, bénéficie d’un supplément de traitement identique à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire. Au sens des dispositions du présent article, ne sont pas à considérer comme grades de fin de carrière, les fonctions créées en vertu de l’article 76 de la Constitution ainsi que les fonctions visées à l’article 17.
Toutefois, et à moins que la loi ne prévoit pas d’examen de promotion pour son sous-
groupe ou qu’il en a été dispensé en vertu d’une disposition légale, le bénéfice du supplément de traitement est réservé au fonctionnaire ayant passé avec succès l’examen de promotion dans son sous-groupe. ».
Force est d’abord de retenir qu’il n’est pas contesté en cause que du fait, pour le demandeur, de rentrer dans le champ d’application de la loi du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois, l'âge donnant droit au supplément en traitement visé à l’article 28 de la loi du 25 mars 2015 est fixé à cinquante ans aux vœux de l'article 51, paragraphe (5) de cette dernière loi.
Il est encore constant qu’en application de l'article 14, paragraphe 2, alinéa 4 de la loi du 25 mars 2015, le demandeur, ayant été âgé de plus de 50 ans au moment de l'entrée en vigueur des réformes dans la fonction publique, a été nommé au grade d'inspecteur-chef avec effet au 1er octobre 2015, sans avoir dû passer un examen de promotion.
En effet, aux termes de l’article 14, paragraphe (2) de la loi du 25 mars 2015 « Dans la « catégorie de traitement C, groupe de traitement C1, il est créé trois sous-groupes: (…) b) un sous-groupe policier avec un niveau général et un niveau supérieur; (…) Pour le sous-groupe sous b), le niveau général comprend les grades F2, F3 et F4 et les avancements en traitement aux grades F3 et F4 se font après respectivement trois et six années de grade à compter de la première nomination. Pour bénéficier des avancements en grade 9ultérieurs de son sous-groupe, le fonctionnaire doit avoir passé avec succès un examen de promotion.
Toutefois, la condition d’avoir passé avec succès un examen de promotion n’est pas requise pour accéder à la première fonction du niveau supérieur lorsque le fonctionnaire est âgé de cinquante ans au moins.
Dans ces sous-groupes, l’accès au niveau supérieur se fait par promotion et est subordonné à l’accomplissement d’au moins douze années de grade passées au niveau général. (…) Pour le sous-groupe sous b), le niveau supérieur comprend les grades F5, F6 et F7, les promotions aux grades F5, F6 et F7 interviennent, sous réserve que toutes les conditions prévues par la loi soient remplies après chaque fois trois années de grade à compter du dernier avancement en grade, sans que la promotion au dernier grade du sous-groupe ne puisse intervenir avant d’avoir accompli vingt années de grade à compter de la première nomination. (…) ».
Le demandeur ayant déjà été âgé de 50 ans au jour de sa nomination au grade F5, soit l’antépénultième grade de sa carrière, il est a priori susceptible de pouvoir bénéficier du supplément de traitement égal à la différence entre le dernier échelon barémique de l’avant-
dernier grade de sa carrière et son traitement actuel, tel que visé par l’article 28, paragraphe (6) alinéa 2 de la loi du 25 mars 2015, sous réserve de remplir la condition prévue à l’alinéa 6 du même paragraphe, soit d’avoir « passé avec succès l’examen de promotion dans son sous-
groupe », « à moins que la loi ne prévoit pas d’examen de promotion pour son sous-groupe ou qu’il en a été dispensé en vertu d’une disposition légale ».
Force est de relever qu’en l’espèce les parties sont en litige quant à la question de savoir si le fait pour le demandeur d’avoir accédé à l’antépénultième grade de son sous-groupe de traitement sans avoir dû passer un examen de promotion vaut dispense légale au sens de l’article 28, paragraphe (6) alinéa 6 de la loi du 25 mars 2015, tel que précité.
Si le demandeur a effectivement profité d’une dispense légale lui ayant permis d’accéder à l’antépénultième grade de sa carrière sans avoir dû passer et réussir un examen de promotion, force est cependant de retenir que la dispense légale dont il est question à l’alinéa 6 du 6e paragraphe de l’article 28 de la loi du 25 mars 2015 vise nécessairement les promotions que le fonctionnaire ne pourra plus faire, en raison de son âge avancé et au vu de la pyramide d'âge au sein de sa carrière, et que le supplément de traitement est censé compenser.
Or, l’article 14, paragraphe (2) de la loi du 25 mars 2015 tel que précité prévoit expressément que « Pour bénéficier des avancements en grade ultérieurs de son sous-groupe, [soit les grades F5, F6 et F7,] le fonctionnaire doit avoir passé avec succès un examen de promotion. ».
Si « la condition d’avoir passé avec succès un examen de promotion n’est pas requise pour accéder à la première fonction du niveau supérieur lorsque le fonctionnaire est âgé de 10cinquante ans au moins », soit au grade F5, cela ne change rien au fait que la loi exige, en tout état de cause, la réussite d’un examen de promotion pour accéder aux grades F6 et F7.
Etant donné que le supplément de traitement visé par le demandeur vise justement à compenser son manque à gagner du fait qu’il n’ait pas déjà eu l’occasion, à l’âge de 50 ans, d’avoir été promu au grade F6, en ce que l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015 lui accorderait la différence entre le dernier échelon barémique de l’avant-dernier grade de sa carrière, c’est-à-dire le grade F6, et son traitement actuel au grade F5, il ne saurait cependant être traité de manière plus favorable que ses collègues de travail qui, en ayant eu l’opportunité d’obtenir une promotion au grade F6 avant leur mise à la retraite, ont, quant à eux, dû passer un examen de promotion pour accéder au même niveau de traitement.
Il est renvoyé à ce titre aux travaux parlementaires relatifs à la loi du 1er avril 1987 portant modification de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat - qui, dans son article II, paragraphe B, point c) avait introduit à la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat la disposition reprise actuellement à l’alinéa 6 de l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015-, où il est retenu à la page 11, que « le principe du supplément personnel ne doit pas avoir pour but (…) de désavantager ceux qui au prix d’un effort personnel ont réussi aux examens requis pour l’accession aux grades supérieurs. »1.
Il s’ensuit que c’est à bon droit, sans violer la loi et sans procéder à une erreur manifeste d’appréciation des faits, que le ministre, par le biais de la décision déférée, a rejeté la demande litigieuse en allocation d’un supplément de traitement au motif que le demandeur n’a pas rempli la condition relative à la réussite de l’examen de promotion conditionnant l’accès au grade relatif au traitement dont il entend bénéficier en application de l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015.
Le demandeur n’établissant pas bénéficier d’une dispense légale relative à l’examen de promotion du grade F5 au grade F6, son recours est à rejeter, sans que cette conclusion ne soit énervée par le moyen relatif à une éventuelle violation de l’article 10bis de la Constitution, étant donné que c’est tout au plus l’interprétation de l’article 28, paragraphe (6) de la loi du 25 mars 2015, telle qu’effectuée par le demandeur, qui serait susceptible de causer une discrimination par rapport aux fonctionnaires ayant dû passer avec succès un examen de promotion.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000,- euros, telle que formulée par le demandeur.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare compétent pour connaître du recours principal en réformation ;
1 Trav. Parl. N° 3068, commentaire des articles, page 11.
11déclare le recours principal en réformation recevable en la forme ;
au fond, le dit non justifiée et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 avril 2021 par :
Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 12