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21/04/2021 | LUXEMBOURG | N°43830

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 avril 2021, 43830


fTribunal administratif N° 43830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 21 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43830 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2019 par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur â€

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…, tendant principalement à la réformation, subsidiaire...

fTribunal administratif N° 43830 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 21 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43830 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2019 par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, salarié, demeurant à L-

…, tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 26 août 2019 suite à un recours gracieux du 21 mars 2019 et confirmant une décision de refus du 17 janvier 2019 de délivrer une autorisation « pour la restauration d’un abri de jardin » inscrit au cadastre de la commune de Weiswampach, section … de …, sous le numéro … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Laurent Thyes en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 mars 2021, et vu les remarques écrites de Maître Daniel Baulisch du 9 mars 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

En date du 13 août 2018, Monsieur … introduisit auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministère », une demande tendant à se voir accorder dans le cadre de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, entretemps abrogée par la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles modifiant 1° la loi modifiée du 31 mai 1999 portant institution d’un fonds pour la protection de l’environnement ; 2° la loi modifiée du 5 juin 2009 portant création de l’administration de la nature et des forêts ; 3° la loi modifiée du 3 août 2005 concernant le partenariat entre syndicats de communes et l’Etat et la restructuration de la démarche scientifique en matière de protection de la nature et des ressources naturelles, en abrégé « la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles », ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », entrée en vigueur le 9 septembre 2019, l’autorisation ayant l’objet suivant et visant un fonds inscrit au cadastre de la commune de Weiswampach, section … de …, sous le numéro …, au lieu-dit « … » :

« Genehmigung zur Restaurierung eines Geräteschuppens 1Vorherige Maße : L : 6m, B : 3 m, H : 3 m (Firsthöhe) Neue Maße : L : 5 m, B 2,70 m, H : 3 m (Firsthöhe) » A la suite d’un avis négatif du chef adjoint de l’Arrondissement de la Nature et des Forêts Nord du 20 décembre 2018, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », refusa le 17 janvier 2019 de faire droit à la demande, ledit refus étant libellé comme suit :

« En réponse à votre requête du 13 août 2018 par laquelle vous sollicitez ex-post l'autorisation pour la restauration d'un abri de jardin sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de WEISWAMPACH: section … de … (…, …), sous le numéro …, j'ai le regret de vous informer qu'en vertu de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne saurais réserver une suite favorable au dossier.

En effet, la construction a été démolie et reconstruite sans autorisation de ma part.

L'article 7, paragraphe 6 de la loi précitée indique que les constructions démolies ou démontées en zone verte ne peuvent être reconstruites qu'en respect des dispositions de la législation en vigueur.

Or, la construction érigée illégalement ne s'inscrit dans aucun des cas de figures autorisables en zone verte par l'article 6 de la loi précitée, à savoir des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques ou comportant la gestion des surfaces proches de leur état naturel, des constructions répondant à un but d'utilité publique ou un abri de jardin adjacent à une construction servant à l'habitation et ne se trouvant pas en zone verte. ».

Par un courrier de son litismandataire du 21 mars 2019, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre ce refus.

A la suite d’un avis négatif du chef adjoint de l’Arrondissement de la Nature et des Forêts Nord du 17 juin 2019, le ministre confirma le 26 août 2019 son refus à défaut de tout élément nouveau justifiant une autre décision, tout en invitant Monsieur … d’enlever toute construction illégale pour le 31 décembre 2019 au plus tard.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 26 août 2019 prise sur recours gracieux.

Force est de constater que le courrier du ministre du 26 août 2019 contient, outre la décision de refus sur recours gracieux d’autoriser les travaux litigieux, une invitation d’enlever toute construction illégale pour le 31 décembre 2019 au plus tard, invitation qui en tant que telle n’est pas à qualifier de décision susceptible de recours.

Encore que le demandeur ait dirigé son recours contre une décision du 26 août 2019, sans préciser autrement quel chef du courrier afférent du ministre il entend attaquer, de l’entendement du tribunal, le recours est dirigé contre la seule décision de confirmer sur recours gracieux le refus d’accorder une autorisation pour les travaux litigieux et non pas contre l’invitation d’enlever toute construction illégale, cette analyse étant confirmée par le fait que, 2suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, le demandeur entend principalement se voir accorder l’autorisation sollicitée et subsidiairement voir annuler la décision du 26 août 2019, sans qu’il n’ait formulé une quelconque critique contre l’invitation d’enlever toute construction illégale.

Dans la mesure où la loi du 18 juillet 2018 sur le fondement de laquelle la décision litigieuse a été prise ne prévoit pas de recours au fond en la présente matière, l’article 68 de la loi du 17 juillet 2018 prévoyant, au contraire, un recours en annulation, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

En revanche, le demandeur a valablement pu introduire le recours subsidiaire en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique, au-delà des faits et rétroactes repris ci-avant, être le propriétaire d'un abri pour outillage situé non loin de sa maison. Au courant de l'année 2017, après avoir procédé à la rénovation de sa maison, il aurait commencé à restaurer l'abri de jardin, qui se serait trouvé à ce moment dans un état pitoyable, le demandeur renvoyant à des photos avant et après ces travaux.

Il fait valoir que si l’Etat était d’avis que l'ancienne construction portait atteinte à la beauté et au caractère du paysage, tel ne serait plus le cas suite aux travaux entrepris.

Le demandeur explique encore que par peur que son enfant en bas âge ne se blesse en jouant autour de sa maison, voire dans l'ancien abri de jardin délabré qui serait utilisé comme entrepôt pour des outils de jardinage, tels une tondeuse à gazon, et afin de rendre l'abri plus beau et plus sécurisé, il aurait diminué le gabarit de l’abri - les dimensions avant la rénovation ayant été de 6 mètres de largeur et de 3 mètres de largeur, alors que les dimensions après la rénovation seraient de 5 mètres de longueur et de 2,70 mètres de largeur - tout en remplaçant la tôle entièrement rouillée par du bois.

Ce serait sur demande du garde forestier qu’il aurait introduit en date du 13 août 2018 une demande d'autorisation relative à son abri pour outillage, ce pour régulariser une prétendue irrégularité quant aux travaux entrepris.

En droit, le demandeur cite les articles 6, paragraphe (1) et 7 de la loi du 18 juillet 2018 en ce qui concerne les constructions existantes, et plus particulièrement son alinéa 7, et reproche au ministre d’avoir omis de se prononcer sur l'alinéa 1er de l’article 6, aux termes duquel « lorsqu'une construction existante située dans la zone verte compromet le caractère d'un site, le ministre peut ordonner que son aspect extérieur soit modifié de façon qu'elle s'harmonise avec le milieu environnant », tout en faisant valoir que l'ancienne construction aurait incontestablement compromis gravement la beauté et la sécurité du site.

Tout en admettant que l'article 7, paragraphe (1) de la loi du 18 juillet 2018 instaure une faculté pour le ministre de « donner une autorisation pour changer l'aspect extérieur de l'abri pour outillage », le demandeur estime que les conditions légales pour faire droit à une pareille demande se trouveraient toutes réunies dans la présente affaire, rien qu’à prendre en compte le critère de la beauté du paysage qu'il importerait de sauvegarder.

3Le refus du ministre serait dès lors à annuler pour excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés sinon pour violation de la loi Le demandeur se réfère ensuite aux paragraphes (2) et (5) de l'article 7 de la loi du 18 juillet 2018 à propos des constructions légalement érigées, et fait valoir qu’en l’espèce, l'abri pour outillage remontant dans les années 1920 aurait été érigé en toute légalité faute de législation contraignante en matière environnementale à cette époque.

Le demandeur en conclut qu’en refusant de faire droit à sa demande en application de l'article 7, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018, le ministre aurait encore manifestement commis un détournement de pouvoir, sinon un excès de pouvoir, sinon a fait une fausse application de la loi, de sorte que le refus serait à annuler.

En troisième lieu, le demandeur fait valoir que les travaux entrepris n'auraient pas porté préjudice à la beauté et au caractère du paysage, en se référant aux objectifs de la loi du 18 juillet 2018.

Il estime qu’il ne saurait être contesté que tant le caractère, que la diversité que l'intégrité de l'environnement naturel auraient été conservés, voire nettement améliorés suite aux travaux entrepris par lui.

En application de la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, entretemps abrogée, la jurisprudence aurait retenu que le ministre serait tenu d'opérer son contrôle par rapport aux dispositions des articles 1er et 56 de cette loi concernant ses objectifs, d'un côté, et de l'autre côté par rapport à la compatibilité du projet avec la beauté et le caractère du paysage, ainsi que son risque par rapport à l'environnement naturel y défini, ces critères devant être appliqués au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet et de son environnement et que les dispositions de la loi du 19 janvier 2004 ne devraient pas être appliquées comme interdisant ipso facto tout projet qui serait de nature à affecter à court terme l'environnement existant, sous peine de paralyser toute activité humaine. Le tribunal devrait dès lors vérifier l'existence d'un éventuel impact environnemental du projet, le législateur n'ayant pas entendu préserver, à travers la législation en matière de protection de la nature, le paysage de toute atteinte quelconque.

A partir de ces jurisprudences, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir pris en compte l'impact environnemental positif du projet litigieux pour le caractère et la beauté du paysage.

Enfin, le demandeur estime que la décision litigieuse serait contraire à la ratio legis de la loi sur la protection de la nature.

A cet égard, il fait valoir que le législateur luxembourgeois se serait doté d'une nouvelle loi alors que la situation environnementale au Luxembourg se serait fortement détériorée.

Déjà en 2016, une dégradation importante des habitats aurait été recensée avec une dégradation de l'ordre de 78 % de la surface des zones humides entre 1962 et 2007 ou encore une dégradation de l'ordre de 57 % des paysages semi-ouverts formés par des vergers à hautes tiges. Or, les habitats en déclin rendraient de nombreux services précieux voire essentiels aux humains et leur dégradation mettrait en péril le bien-être des hommes. Le Luxembourg se serait 4ainsi doté d'une nouvelle législation pour répondre encore mieux aux défis se posant actuellement en matière de protection de la nature.

Le demandeur poursuit que les objectifs de la nouvelle loi du 18 juillet 2018 n'auraient pas changé par rapport à la loi abrogée de 2004, de sorte que la ratio legis, la doctrine et la jurisprudence développées sous l’empire de la loi du 19 janvier 2004 seraient toujours d'application sans la moindre réserve.

Le demandeur affirme ensuite que « là où le droit écrit fait défaut, où l'interprète ne peut recourir à l'aequitas scripta, il doit découvrir l'équité ex solo dictamine naturalis rationis ».

Il poursuit que la notion d'équité pourrait être appliquée par le juge pour corriger une règle de droit, la loi invitant d'ailleurs le juge, d’après le demandeur, à statuer en équité.

Le demandeur fait ensuite valoir que le juge, sous le couvert de l'interprétation de la loi, s'octroierait en certaines occasions le pouvoir de corriger les lois iniques. De la sorte, l'équité ne serait rien d'autre que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge, optant pour celle des solutions possibles qui lui paraît la plus acceptable, sans effort de justification par un argument rationnel, comme une technique d'interprétation ou un argument juridique, comme un précédent jurisprudentiel.

Le demandeur donne à considérer qu’il n’aurait fait rien d'autre que de rendre l'abri pour outillage plus beau et plus sécurisé, de sorte que la décision litigieuse serait à annuler pour violation de la loi, sinon pour excès de pouvoir, sinon pour violation du principe de proportionnalité.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut, quant à elle, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Le tribunal relève de prime abord que la légalité d’une décision administrative s’apprécie dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, puisque le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de l’administration, doit se placer au même moment et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut substituer son appréciation à celle de l’administration. La légalité d’un acte administratif se trouve donc en principe cristallisée au moment où cet acte est pris et le juge se place exactement dans les mêmes conditions où se trouvait l’administration ; c’est la logique du procès fait à un acte1.

Il convient ensuite de rappeler que saisi d’un recours en annulation, le tribunal vérifie si les motifs sont de nature à justifier légalement la décision attaquée et contrôle si celle-ci n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents 1 Trib. adm. 20 mai 2019, n°39960 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n°18 et l’autre référence y fixée.

5ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2, étant relevé que ce contrôle est cependant limité aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité3.

En l’espèce, force est de constater qu’il n’est pas contesté que le fonds sur lequel est implanté l’abri litigieux se trouve classé en zone verte au sens de l’article 6, paragraphe (1), de la loi du 18 juillet 2018.

Il y a ensuite lieu de relever que la loi du 18 juillet 2018 poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « 1° la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ; 2° la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, 3° la protection et la restauration des biotopes, des espèces et de leurs habitats, ainsi que des écosystèmes, 4° le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques ; 5° la protection des ressources naturelles contre toutes dégradations, 6° le maintien et la restauration des services écosystémiques ; et 7° l’amélioration des structures de l’environnement naturel. ».

Pour assurer le respect de ces objectifs, le législateur a, à travers l’article 6, paragraphe (1), précité, de ladite loi, limitativement énuméré les constructions pouvant être érigées dans la zone verte, ledit article étant, en effet, libellé comme suit : « (1) Sont conformes à l'affectation de la zone verte, des constructions ayant un lien certain et durable avec des activités d'exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

Seules sont autorisables les constructions indispensables à ces activités d'exploitation, Il appartient au requérant d'une autorisation de démontrer le besoin réel de la nouvelle construction en zone verte.

Ne comptent pas comme activités d'exploitation au sens de la présente loi les activités économiques sans lien avec la production de matière première, notamment la location ou le prêt à usage de bâtiments, étables ou machines à des tiers.

Les activités d’exploitation visées à l’alinéa 1er et les constructions autorisables doivent répondre aux critères suivants :

2 Cour adm. 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 52.

3 Cour adm. 8 octobre 2002, n° 14845C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 54.

61° Les activités d'exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole sont opérées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Ne sont pas autorisables les installations et constructions en rapport avec la vente par les horticulteurs et pépiniéristes de produits accessoires de leur activité ou de produits végétaux qui ne sont pas issus de leur exploitation.

Ne constituent pas une activité d'exploitation agricole l'élevage ou la garde d'animaux domestiques de compagnie.

2° Par activités d’exploitation sylvicole, on entend les activités comportant les travaux et pratiques par lesquels est assurée la gestion durable d’une forêt ou d’un boisement dans un objectif soit de production de bois, soit de conservation au profit des générations futures, soit écologique.

Ne comptent pas comme activité sylvicole, les activités de transformation de bois en tant que matière première énergétique ou de construction.

Seules des constructions sylvicoles en rapport direct avec la forêt exploitée sont autorisables. Ne sont pas autorisables les dépôts et ateliers servant à l’entreposage de machines, d’outils et de matériels des entreprises exerçant leurs activités principalement sur des terrains appartenant à des tiers. […] ».

L’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 limite ainsi la possibilité d’ériger une construction en zone verte aux seules constructions « ayant un lien certain et durable avec des activités d’exploitation qui sont agricoles, horticoles, maraîchères, sylvicoles, viticoles, piscicoles, apicoles, cynégétiques, ou qui comportent la gestion des surfaces proches de leur état naturel » et étant « indispensables à ces activités d’exploitation », tout en imposant encore à travers son paragraphe (1), alinéa 4, point 1°, que les activités d’exploitation agricole, horticole, maraîchère et viticole soient exercées à titre principal au sens de la loi modifiée du 27 juin 2016 concernant le soutien au développement durable des zones rurales.

Il découle du libellé même de l’article 6, paragraphe (1), précité, que dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non-constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel.

Or, le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues. Ainsi, une construction ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance à l’une des activités limitativement énumérées à l’article 6, paragraphe (1), précité.

En l’espèce, l’autorisation sollicitée a été refusée au motif que les constructions démolies et reconstruites en zone verte ne peuvent être reconstruites qu’en respect de la loi du 18 juillet 2018 et que l’abri litigieux ne s’inscrirait dans aucun des cas de figure de constructions autorisables en zone verte.

7Le tribunal relève, de prime abord, qu’il n’est pas contesté que l’abri tel qu’il existait avant que les travaux incriminés ont été réalisés par le demandeur était légalement existant pour avoir été construit de manière non contestée à une époque où il n’existait pas de réglementation particulière visant les constructions en zone verte et il est encore constant en cause que l’affectation de l’abri, utilisé de manière non contestée avant et après la réalisation des travaux litigieux à des fins d’entreposage de matériel de jardin, n’a pas changée.

Ce constat à lui seul ne permet toutefois pas de conclure à l’illégalité du refus du ministre, tel que le demandeur semble l’affirmer, le seul fait que des travaux sont envisagés sur une construction légalement existante ne dispensant, en effet, pas respect des conditions imposées par l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018.

En effet, les conditions dans lesquelles les constructions existantes en zone verte sont susceptibles d’être rénovées, transformées matériellement ou agrandies sont régies par l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018, qui est libellé comme suit :

« (1) Lorsqu'une construction existante située dans la zone verte compromet le caractère d'un site, le ministre peut ordonner que son aspect extérieur soit modifié de façon qu'elle s'harmonise avec le milieu environnant.

(2) Les constructions légalement existantes situées dans la zone verte ne peuvent être rénovées ou transformées matériellement qu’avec l’autorisation du ministre. La destination est soit maintenue soit compatible avec l’affectation prévue à l’article 6.

Pour les constructions servant à l’habitation, aucune augmentation du nombre d’unités d’habitation n’est autorisée, sauf le cas du logement intégré pour les constructions servant à l’habitation au sens de l’article 6, paragraphe 2.

Les constructions agricoles couvertes par l'autorisation prévue à l'article 6, paragraphe 1er, à condition qu'elles ne changent pas de destination et ne changent pas leur aspect extérieur, ne nécessitent pas d'autorisation pour les rénovations à l'intérieur de ces constructions.

(3) Les constructions légalement existantes dans la zone verte ne peuvent être agrandies qu’avec l’autorisation du ministre et à condition que leur destination soit compatible avec l’affectation prévue à l’article 6. Aucune augmentation du nombre d’unités d’habitation n’est autorisée, sauf le cas de logement intégré pour les constructions servant à l’habitation au sens de l’article 6, paragraphe 2. Le ministre peut prescrire, en cas de demande d’augmentation de l’emprise au sol ou de la surface construite brute de la construction existante, une emprise au sol maximale ou une surface construire brute maximale du projet de construction à autoriser.

(4) Pour les constructions situées dans la zone verte aucun changement de destination ne sera autorisé s'il n'est pas compatible avec les affectations prévues par l'article 6.

(5) Par constructions légalement existantes dans la zone verte, on entend les constructions qui ont été autorisées par le ministre et qui ont fait l'objet d'exécution conforme à toutes les autorisations délivrées par le ministre, ou qui ont été légalement érigées avant toute exigence d'autorisation du ministre, et dont tous travaux postérieurs à la première érection ont été dûment autorisés et légalement effectués.

8Par destination d'une construction, on entend l'emploi déterminé de la construction dans son ensemble.

Une transformation matérielle comprend l'ensemble des travaux portant sur la distribution des locaux d'une construction, sans incidence sur l'aspect extérieur des volumes bâtis.

Une rénovation comprend les travaux consistant à remettre dans un bon état un volume bâti existant fonctionnel et peut comprendre un changement d'équipements vétustes ainsi que la modification des murs intérieurs non porteurs et de la distribution des locaux tout en maintenant l'ensemble des dalles, des murs extérieurs et de la toiture dans leurs dimensions actuelles.

Un agrandissement est une augmentation de l'emprise au sol, du volume bâti ou de la surface construite brute.

(6) Les constructions en zone verte qui ont été démolies ou démontées ne peuvent être reconstruites qu'en vertu des dispositions de la présente loi. […] ».

L’article 7 de la loi du 18 juillet 2018, visant les constructions existantes, distingue, au-

delà de l’hypothèse d’un changement de destination, non pertinent ici, entre, d’une part, les rénovations ou transformations matérielles suivant son paragraphe (2), et, d’autre part, les agrandissements suivant son paragraphe (3), étant relevé que les notions de transformation matérielle, rénovation et agrandissement sont définies au paragraphe (5), précité, dudit article 7. Si les rénovations et transformations matérielles sont autorisables soit si la destination de la construction est maintenue, soit si elle est compatible avec l'affectation prévue à l'article 6, il en est différemment des travaux d’agrandissement qui, eux, ne sont autorisables que pour autant que la destination de la construction est compatible avec l’une des affectations prévues à l'article 6, la destination existante ne pouvant alors pas être maintenue, si elle n’est pas compatible avec l’article 6. Enfin, suivant le paragraphe (6) de l’article 7, précité, en toute hypothèse du moment qu’une construction existante est démolie ou démontée, elle ne pourra être reconstruite qu'en vertu des dispositions de la loi du 18 juillet 2018, de sorte que dans ce cas de figure, une autorisation ne pourra en l’occurrence être accordée qu’à condition que l’affection est compatible avec celles visées à l’article 6, précité.

Le tribunal relève que certes conformément à la définition des travaux de transformation telle que prévue au paragraphe (5) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018, envisageant de manière alternative soit une augmentation de l’emprise au sol, soit une augmentation du volume bâti, soit une augmentation de la surface construite brute, des travaux ayant pour effet de réduire le volume bâti, l’emprise au sol et la surface construite brute ne répondent pas à la qualification de travaux d’agrandissement, de sorte que la condition tenant à la conformité de l’affectation ne joue a priori pas dans pareille hypothèse, l’autorisation n’étant toutefois susceptible d’être accordée que plus particulièrement sous la condition que l’affectation pour laquelle la construction avait été autorisée ne soit pas modifiée. Si, en l’espèce, le demandeur fait valoir que les travaux réalisés par lui auraient eu pour effet de réduire tant le volume que l’emprise au sol, que la surface brutte, il n’est toutefois pas fondé à en déduire que l’autorisation aurait dû être accordée de ce fait. La situation est, en effet, particulière en l’espèce dans la mesure où le demandeur est en aveu que les travaux d’ores et déjà réalisés, tel qu’en témoignent les photos produites en cause, l’ont été après que l’ancien abri avait été démoli. En effet, il se dégage tant de l’avis du chef adjoint de l’arrondissement 9de la nature et des forêts-Nord du 20 décembre 2018, que du refus du ministre du 17 janvier 2019 qu’il s’agit d’une démolition suivie d’une reconstruction, constat qui n’est pas contesté par le demandeur, ni à travers son recours gracieux, ni à travers le recours sous analyse, le litismandataire du demandeur ayant, au contraire, dans le recours gracieux du 21 mars 2019, qui certes fait, en introduction, référence à des travaux de « restauration », admis qu’il s’agit d’une « reconstruction de la ruine ».

Or, tel que cela a été relevé ci-avant, il se dégage sans équivoque possible du paragraphe (6) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 que dans l’hypothèse où la construction existante a été démolie ou démontée, elle ne peut être reconstruite qu'en vertu des dispositions de la loi du 18 juillet 2018, ce qui implique en l’occurrence que l’autorisation ne peut être accordée qu’à la condition que l’affectation de la construction est conforme à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, à savoir qu’elle corresponde à une affectation dans le cadre d’une activité agricole, horticole, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole, cynégétique, ou comportant la gestion des surfaces proches de leur état naturel.

Or, il n’est pas contesté que l’affectation de l’abri litigieux, à savoir celle de servir d’entreposage pour matériel de jardin, ne correspond à aucune des affectations envisagées par l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018.

Dès lors, si certes le demandeur avait le droit de maintenir l’affectation existante, même devenue non conforme à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, soit en l’absence de tous travaux, soit en envisageant uniquement des travaux de rénovation ou de transformation matérielle, dans la mesure où il n’est pas contesté que la construction existante a été démolie et reconstruite, les travaux afférents ne peuvent être autorisés qu’à condition que l’affectation est conforme à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le refus du ministre fondé sur le constat que le demandeur a réalisé des travaux de reconstruction non conformes à l’article 6 de la loi du 18 juillet 2018 n’est pas sujet à critique.

Cette conclusion n’est pas infirmée par la référence faite par le demandeur au paragraphe (1) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018. Cette disposition permet effectivement au ministre d’ordonner que l’aspect extérieur d’une construction qui compromet le caractère d’un site soit modifié. Le tribunal relève toutefois qu’il ne s’agit que d’une simple faculté pour le ministre. La simple existence de cette faculté ne permet néanmoins pas de retenir, et cela indépendamment de la question de savoir si la condition tenant au constat qu’une construction existante compromet le caractère du site est vérifiée, que le refus de l’espèce relève d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre. Certes, ce refus conduit à une situation dans laquelle le demandeur se trouve obligé d’enlever la reconstruction non autorisée et en l’état actuel du dossier non autorisable, alors que si l’abri n’avait pas été démoli, le ministre aurait, le cas échéant, pu ordonner la réalisation de travaux de nature à mettre l’abri en harmonie avec le milieu environnant s’il avait estimé que son aspect extérieur compromet le caractère du site, voire aurait pu autoriser des travaux de transformation matérielle ou de rénovation de l’abri existant, et si le tribunal conçoit que le demandeur puisse ressentir cette situation comme injuste, le fait est néanmoins que le demandeur lui-même s’est mis, par le fait de démolir l’abri existant, dans l’hypothèse justement visée par le paragraphe (6) de l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018 posant comme principe que les constructions en zone verte qui ont été démolies ou démontées ne peuvent être reconstruites qu'en vertu des dispositions de la même loi, partant en l’occurrence en conformité avec son article 6.

10 Le tribunal relève ensuite que dans la mesure où les travaux ne sont pas autorisables en application des articles 6 et 7, paragraphe (6) de la loi du 18 juillet 2018, il n’est pas nécessaire d’examiner l’impact des travaux litigieux sur la beauté et le caractère du paysage, le sol, le sous-sol, les eaux, l’atmosphère, la flore, la faune ou le milieu naturel en général au sens de l’article 62 de la loi du 18 juillet 2018, cet examen devenant surabondant dans la mesure où l’affectation envisagée n’est pas compatible avec l’article 6 précité. En conséquence, l’argumentation du demandeur quant à une absence d’impact environnemental, voire quant à une amélioration de l’impact par rapport à la situation antérieure, est à rejeter comme étant non pertinente.

S’agissant, enfin, du moyen suivant lequel le refus litigieux serait contraire à la ratio legis de la législation relative à la protection de la nature et suivant lequel le tribunal devrait « statuer en équité », le tribunal relève que cette argumentation est incomptable avec le pouvoir du tribunal statuant en tant que juge de l’annulation et tel que décrit ci-avant, le tribunal ne pouvant, en effet, sanctionner l’acte attaqué que pour l’une des causes d’annulation inscrites à l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, à savoir pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, voire dans le cadre du contrôle proportionnalité uniquement dans l’hypothèse où la décision est entachée d’une erreur d’appréciation qui doit être manifeste. Au-delà de ce constat, le tribunal relève encore que les principes invoqués par le demandeur ne permettent en tout état de cause pas au ministre de prendre une décision qui serait contraire à la lettre de l’article 7, paragraphe (6) et a fortiori ne permettent pas au tribunal de sanctionner une décision qui pourtant est conforme à la lettre des dispositions de la loi du 18 juillet 2018, le rôle du tribunal étant d’appliquer la loi et non point de la corriger comme l’entend le demandeur.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Le demandeur réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500.- euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qu’il y a lieu de rejeter au vu de l’issue du litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur au paiement des frais et dépens de l’instance.

11Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 avril 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Poiani s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43830
Date de la décision : 21/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-04-21;43830 ?

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