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20/04/2021 | LUXEMBOURG | N°43157

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 avril 2021, 43157


Tribunal administratif N° 43157 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2019 4e chambre Audience publique du 20 avril 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de l’Université du Luxembourg en matière de statut

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43157 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2019 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Madame …, chargée de cours, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation...

Tribunal administratif N° 43157 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2019 4e chambre Audience publique du 20 avril 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision de l’Université du Luxembourg en matière de statut

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 43157 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2019 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, chargée de cours, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de l’Université du Luxembourg du 22 mars 2019 lui ayant refusé le titre/statut de professeur assistant ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Luxembourg, du 26 juin 2019, portant signification de ce recours à l’établissement public Université du Luxembourg, établi et ayant son siège à L-4365 Esch-sur-Alzette, 2, avenue de l’Université, représenté par son comité de direction actuellement en fonctions et inscrit au registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro J20 ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2019 par Maître Romain Adam, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’Université du Luxembourg, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 octobre 2019 par Maître Romain Adam, préqualifié, pour le compte de l’Université du Luxembourg, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 novembre 2019 par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, pour le compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 décembre 2019 par Maître Romain Adam pour le compte de l’Université du Luxembourg :

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, et Maître Romain Adam en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique des plaidoiries du 15 décembre 2020.

Par un contrat à durée indéterminé signé en date du 8 août 2006, Madame … fut engagée par l’établissement public Université du Luxembourg, dénommé ci-après « l’Université », en qualité d’enseignant-chercheur « portant le titre Chargée de Cours », avec effet au 1er septembre 2006.

Par un courrier du 24 juillet 2018, le recteur de l’Université de Luxembourg informa Madame … que suite à l’entrée en vigueur, en date du 1er août 2018, de la loi du 27 juin 2018 ayant pour objet l’organisation de l’Université du Luxembourg, ci-après dénommée « la loi du 27 juin 2018 », son titre dans la nouvelle structure des carrières à l’Université de Luxembourg serait celui du « Senior lecturer », correspondant au titre de chargée de cours, dans la catégorie « Academic staff professors ».

Par un courrier collectif du 19 septembre 2018, six chargés de cours, dont Madame …, adressèrent au recteur de l’Université du Luxembourg un courrier aux termes suivants :

« (…) Dans le souci de sauvegarder la transparence et le dialogue et avec la sincère volonté de continuer à nous engager dans et pour un climat de confiance à l'Université du Luxembourg, nous vous adressons ce courrier.

Nous vous prions de trouver ci-après, en résumé, l'objet de nos préoccupations.

Au regard des articles 60, paragraphe 3, sous 3, et 23, paragraphe 4 de la nouvelle loi de l'Université, les critères de reclassement du chargé de cours en professeur assistant sont clairs et vérifiables. C'est donc avec une certaine stupéfaction et non sans dépit que nous avons pris connaissance du contenu de la lettre du 24 juillet 2018 nous informant sur notre 're-situation dans les nouvelles catégories'.

En effet, détenant tous le grade de docteur, étant en plus enseignants et chercheurs, nous étions et nous sommes fortement interpelés par nos re-situations respectives en chargés de cours tout en interrogeant la nature voilée d'un processus déclaré comme purement technique.

Apparemment, selon ouï-dire, les auteurs de la décision qui nous concerne considéreraient que l'autorisation à diriger des recherches (ADR) serait elle aussi une condition au reclassement du chargé de cours en professeur assistant ?! Nous déplorons le manque de communication et de clarté perçu comme tranchant voire dénigrant tant par rapport à notre position sur un plan administratif et hiérarchique que par rapport à la qualité de notre travail d'enseignants et de chercheurs.

Voilà pourquoi, dans l'espoir de pouvoir recevoir de votre part des informations précises et éclairantes, au moins rétrospectivement, nous vous serions très reconnaissants de nous accorder une entrevue au cours de laquelle nous pourrions vous exposer en détails nos considérations. (…) ».

En date du 18 décembre 2018, le recteur de l’Université répondit comme suit à la lettre collective :

« (…) Par cette lettre, je souhaite répondre officiellement à votre demande d'explication quant au reclassement dont vous avez fait l'objet lors de la mise en application de la Loi du 27 juin 2018 sur l'organisation de l'Université du Luxembourg. La Loi, dans son article 60(3)3 précise que « le chargé de cours est reclassé en professeur assistant s'il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l'article 23, paragraphe 4 ». Ces conditions de qualifications s'établissent comme suit : « enseignant-chercheur titulaire d'un grade de docteur et (…) auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou peut se prévaloir de compétence d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle équivalentes par le comité de recrutement ».

Le professeur assistant est aussi, en vertu de l'article 21 de la Loi, titulaire d'une autorisation à diriger des recherches (ADR).

Je considère que votre questionnement est légitime puisque vous êtes tous titulaires d'un grade de docteur. Pour valider si vous satisfaites aux conditions relatives à l'activité en recherche, une évaluation s'avère nécessaire. Celle-ci se fera par la voie d'une procédure de demande d'ADR. Au terme de cette procédure, si cette évaluation est positive, vous serez reclassé comme professeur assistant. Vous resterez chargé de cours dans le cas contraire.

Je vous remercie de votre patience dans ce dossier difficile de l'ajustement de nos modes de fonctionnement à la nouvelle loi et vous prie d'agréer, cher collègue, chère collègue, l'expression de mes sentiments les meilleurs. (…) ».

Par un courrier de son litismandataire du 15 février 2019, adressé à l’Université, Madame … sollicita l’attribution du titre/statut de professeur assistant conformément à l’article 60 de la loi du 27 juin 2018.

Suite à cette demande, l’Université, par le biais de son litismandataire, prit, en date du 22 mars 2019, la décision qui suit :

« (…) Je suis le mandataire de l'Université du Luxembourg, (ci-après « l'Université ») établie à L-4365 ESCH-SUR-ALZETTE, 2, avenue de l'Université, qui m'a remis une copie de votre courrier du 15 février 2019, adressé à Monsieur le Recteur ….

Par votre prédit courrier vous avez, au nom et pour compte de votre partie, demandé à l'Université d'accorder à votre mandante le statut de professeur assistant en vous référant aux dispositions de l'article 60 de la loi du 27 juin 2018 ayant pour objet l'organisation de l'Université, (ci-après « La Loi »).

Selon votre analyse votre mandante, qui jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi et jusqu'à ce jour, possède le statut de chargé de cours sous lequel il avait été engagé, remplirait toutes les conditions pour se voir accorder le statut de professeur assistant aux termes des dispositions transitoires de la Loi, c'est-à-dire de l'article 60 (3) 3°.

Dans votre prédite lettre vous avez cité le courrier de Monsieur … du 18 décembre 2018 duquel il résulte que l'Université fait une analyse différente des dispositions transitoires précitées, à savoir que pour l'Université il y a lieu de vérifier pour chaque chargé de cours qui dispose d'un grade de docteur s'il satisfait également aux conditions nécessaires pour diriger des activités de recherche, avant qu'il puisse être reclassé sous le statut de professeur assistant.

Par son courrier du 18 décembre 2018 le recteur avait en effet informé les chargés de cours concernés que cette vérification se ferait par la voie d'une procédure de demande pour une autorisation à diriger des recherches (ADR), procédure prévue à l'article 21 de la Loi, en indiquant que si au terme de cette procédure l'évaluation était positive la personne serait reclassée comme professeur assistant et que dans le cas contraire elle restait engagée sous le statut de chargé de cours.

Dans votre courrier du 15 février 2019 vous vous basez sur l'article 60 de la Loi qui lui renvoie à l'article 23 paragraphe 4 de la Loi, afin d'en tirer la conséquence que la combinaison de ces deux articles aurait pour effet que le statut de professeur assistant devrait être reconnu à votre mandante et que l'ADR ne serait pas une condition d'accès audit statut de professeur assistant, mais en serait une conséquence.

Vous estimez que toute interprétation contraire aboutirait à ajouter une condition supplémentaire aux conditions légales et vous vous référez pour appuyer votre interprétation de la Loi d'une part sur l'article 21 (1) de la Loi et d'autre part sur un extrait des travaux parlementaires, relatif à ce même article 21 que vous citez dans votre courrier.

Au nom et pour compte de l'Université je me permets de vous informer que l'Université, ainsi que moi-même, faisons une autre interprétation des textes et que je me vois partant obligé de vous informer que l'Université maintient sa position exprimée dans la lettre du recteur du 18 décembre 2018 et n'accordera le statut de professeur assistant à votre mandante qu'à condition que ce dernier ait obtenu l'ADR au terme d'une évaluation positive des travaux de recherche effectués par votre mandant, tel que cela est prévu par l'article 21 (2) de la loi.

En effet ma mandante est d'avis que c'est clairement la volonté du législateur de veiller à ce que le passage du statut de chargé de cours vers celui de professeur assistant, ne se fasse pas sans vérification des travaux de recherche de la personne concernée par la commission visée à l'article 21 (2) de la Loi.

Pour aboutir à cette conclusion ma partie se base principalement sur l'avis du Conseil d'Etat rendu en date du 28 novembre 2017 dans le cadre de l'élaboration de la Loi et notamment sur les développements faits par le Conseil d'Etat aux pages 20 et 21 de son avis à propos justement de la disposition transitoire, pour laquelle le Conseil d'Etat avait émis une opposition formelle à la première mouture du projet de loi.

Le Conseil d'Etat avait à l'époque en effet retenu ce qui suit :

« A la lecture de la disposition sous avis, le Conseil d'Etat constate que les auteurs entendent reclasser les chargés de cours et les chargés d'enseignement actuels en professeurs assistants, et ceci même dans le cas où ils ne remplissent pas les conditions en termes de qualification de base pour accéder à ces fonctions. En effet, à l'article 24, paragraphe 4, le projet de loi réserve l'accès à la fonction de professeur assistant aux personnes qui peuvent se prévaloir d'un grade de docteur et qui sont auteurs de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus, ou peuvent se prévaloir de compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement. Faire accéder à cette nouvelle catégorie de professeur assistant des personnes qui ne peuvent pas faire preuve du niveau minimal de qualification requis, va à l'encontre de l'esprit et de la lettre du projet de loi sous avis, y compris en relation avec les possibilités de promotion ultérieure prévues et n'est pas sans poser de problèmes à l'égard de l'égalité devant la loi. Le Conseil d'Etat doit dès lors s'opposer formellement à la disposition sous avis au vu du principe de l'égalité de traitement des candidats au sens de l'article 10bis de la Constitution et exige que les auteurs prévoient une disposition transitoire qui maintiendrait les chargés de cours et les chargés d'enseignement dans leurs fonctions actuelles, au cas où ils ne pourraient pas se prévaloir des qualifications minimales nécessaires pour accéder à la nouvelle catégorie de professeurs assistant. » Sur base de cette opposition formelle, la disposition transitoire de l'ancien article 61 du projet de loi, devenu l'article 60 de la Loi, a été modifiée afin de tenir compte des observations précitées et il fût ajouté à la mouture initiale que le chargé de cours est reclassé en professeur assistant s'il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l'article 23, paragraphe 4.

Il est ensuite important de renvoyer aux commentaires du Conseil d'Etat à propos de l'ancien article 24 du projet de loi, devenu l'article 23 de la Loi, que l'on retrouve à la page 12 de l'avis du Conseil d'Etat et où l'on peut lire :

« Pour ce qui est des paragraphes 2 et 4, le Conseil d'Etat s'interroge sur le contenu des notions, respectivement de « réputation et expertise internationalement reconnues sur base de la qualité de ses travaux de recherche […]» et de « réputation fondée sur la qualité ses travaux de recherche […]».

Il appartiendra à la commission de recrutement prévue par l'article 26 d'apprécier et d'appliquer ces critères ».

En d'autres termes le Conseil d'Etat a également exigé que pour le recrutement des professeurs assistants la commission de recrutement vérifie et apprécie les critères énumérés à l'article 24 du projet, respectivement à l’article 23 de la Loi et notamment qu'elle vérifie la qualité des travaux de recherche.

Or ce qui doit s'appliquer pour le recrutement d'un nouveau professeur assistant doit manifestement également s'appliquer au reclassement d'un chargé de cours en professeur-

assistant suivant les termes de l'article 60 de la Loi et ceci dans la même logique que celle exprimée dans l'avis du Conseil d'Etat, afin de garantir le principe de l'égalité de traitement des candidats aux sens de l'article 10 bis de la Constitution.

Il est partant, au vu des développements qui précèdent, parfaitement légitime et conforme aux intentions du législateur que l'Université exige une évaluation des travaux de recherche dans le cadre d'une procédure de demande d'ADR, avant de procéder à un reclassement.

Permettez-moi de souligner que c'est à mon avis à tort que vous citez dans votre courrier du 15 février 2019 l'article 21 de la loi, respectivement les travaux parlementaires y relatifs, qui prévoit que les professeurs et les professeurs affiliés se voient conférer d'office ce droit (à diriger des recherches) au moment de leur nomination à l'Université.

Cet article vise bien évidemment les professeurs nouvellement engagés à l'Université et qui seront forcément passés par la procédure de recrutement, de sorte à ce que leur capacité à diriger des recherches et la qualité de leurs travaux de recherches auront été vérifiées avant leur engagement.

Or cette disposition, c'est-à-dire celle qui prévoit que les professeurs se voient conférer d'office le droit de diriger des recherches ne peut pas s'appliquer à ceux qui d'après la Loi peuvent sous certaines conditions être reclassés, en l'occurrence les chargés de cours, puisque pour eux l'évaluation de leurs travaux de recherche n'a pas été effectuée à leur engagement.

Il est partant tout à fait normal et dans l'esprit de la loi que cette évaluation se fasse à travers d'une demande d'ADR, ceci notamment afin de sauvegarder le principe de l'égalité devant la loi.

C'est bien d'une part pour respecter ce principe qui se dégage clairement de la Loi et des travaux parlementaires et d'autre part pour garantir la qualité de la recherche, que l'Université exige que la reconnaissance du statut de professeur assistant à un chargé de cours, ne se fasse qu'après une évaluation positive des travaux de recherche dans le cadre d'une procédure de demande d'ADR, telle que prévue à l'article 21 de la loi.

Ma mandante ne saurait donc faire droit à votre demande du 15 février 2019.

La présente est officielle. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée de l’Université du 22 mars 2019 portant refus de lui accorder le titre/statut de professeur assistant.

Dans son mémoire en réponse et à titre liminaire, l’Université fait tout d’abord soulever l’incompétence ratione materiae du tribunal administratif au motif que le litige porterait sur le contrat de travail conclu entre les parties en cause et ne serait, a fortiori, pas relatif à une décision administrative.

En effet, Madame … aurait été engagée en qualité d'enseignant-chercheur suivant contrat de travail à durée indéterminée, signé en date du 8 août 2006 et prenant effet le 1er septembre 2006 de sorte que conformément à l'article 25 du Nouveau code de procédure civile, ci-après dénommé « NCPC », toute contestation née du contrat de travail de droit privé devrait être portée devant les juridictions judiciaires, et plus précisément devant le tribunal du travail.

Elle relève, dans ce contexte, qu’il ressortirait de deux jugements du tribunal administratif du 14 juillet 2004, inscrits respectivement sous les n°17633 et n°17637 du rôle, que les employés au service de l'Etat, qui ne rempliraient pas toutes les conditions pour accéder au régime de l'employé de l'Etat seraient à qualifier d'employés privés, de sorte que ce seraient les juridictions judiciaires et plus particulièrement les tribunaux du travail qui seraient compétents en matière d'employés privés, encore que leur employeur soit l'Etat.

De plus, la loi modifiée du 27 juin 2018 énoncerait en son article 18, paragraphe (2), concernant le statut du personnel, que les engagements du personnel de l'Université seraient soumis au régime de droit privé et régis par les dispositions du Code du travail, l’Université relevant qu’aux vœux du premier paragraphe de ce même article, en son point 1, le personnel enseignant-chercheur serait à considérer comme faisant parti de son personnel.

L'Université fait encore relever que la jurisprudence luxembourgeoise et notamment les jugements du tribunal administratif précités du 14 juillet 2004 admettraient à leur tour que le contentieux des contrats conclus par l'administration, impliquant des actes unilatéraux accomplis par l'administration relatif à la conclusion, l'exécution ou la résiliation des contrats, relèverait en principe des juridictions judiciaires, non seulement dans la mesure où l'article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », viserait uniquement des manifestations unilatérales de volonté, alors que les contrats, produits d'un concours plus ou moins réel de consentements, n'en feraient pas partie, mais encore dans la mesure où un contrat donnerait naissance, dans le chef des parties, à des droits subjectifs dont le juge serait celui de l'ordre judiciaire. Ainsi, lorsqu'un litige porterait sur le respect ou le non-respect d'un contrat, respectivement sur sa résiliation, l'objet du litige consistant alors respectivement en la réformation ou l'annulation d'une décision par laquelle un particulier reproche à une autorité administrative d'avoir méconnu des obligations contractuellement assumées par elle, respectivement d'avoir procédé à une résiliation abusive d'un contrat, la connaissance de pareil litige relèverait des tribunaux judiciaires lesquels, dans ce cas, en imposant le respect du contrat, respectivement en accordant des dommages et intérêts, auraient le pouvoir de procurer au particulier un résultat pratique équivalant à l'annulation de l'acte incriminé.

La Cour Supérieure de Justice confirmerait d'ailleurs la compétence exclusive des tribunaux du travail pour trancher les différends nés entre l'Université et ses salariés, la partie défenderesse citant, dans ce contexte, une affaire « Université du Luxembourg c/ Madame …, n° 38046 du rôle ». Il en serait de même de la doctrine luxembourgeoise, qui, en la personne d’un des professeurs de l’Université, admettrait, dans le cadre d’un contrat passé entre une personne publique et une personne privée, que même si le contrat ne serait pas le mode d'action premier de l'administration - qui agirait principalement par voie d'actes juridiques unilatéraux - il serait souvent utilisé pour servir de multiples fins de l'action publique, ledit auteur citant comme exemple les contrats de travail que l'Université du Luxembourg, en tant qu’établissement public, passerait avec ses employés et relevant qu’en dehors de réglementations spéciales, comme celle relative aux marchés publics, il n'existerait pas de régime juridique général propre aux contrats administratifs, qui seraient soumis, par principe, aux règles du Code civil, et qui relèveraient, en cas de litige, de la compétence des juridictions judiciaires.

Etant donné qu'il serait incontestable que Madame … ferait partie du personnel de l'Université sous contrat privé et vu que le litige concernerait son reclassement de chargé de cours en professeur assistant, soit la conclusion d'un nouveau contrat de travail, sinon la modification de son contrat de travail actuel, le litige devrait être porté devant les juridictions judiciaires, seules compétentes et le tribunal administratif devrait en conséquence se déclarer incompétent ratione materiae.

Dans son mémoire en duplique, l’Université fait préciser que, contrairement à ce qui serait affirmé par Madame … dans son mémoire en réplique, le courrier adressé par le mandataire de l'Université à cette dernière en date du 22 mars 2019, tel que déféré, fournirait les motifs à la base du refus de la demande de reclassement de chargé de cours en professeur assistant, en se basant sur les dispositions de la loi du 27 juin 2018 et ne consisterait dès lors en rien dans « une mesure unilatérale réglementaire d'exécution d'une loi ».

Etant donné que l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 prévoirait une condition objective, à savoir le reclassement d'un chargé de cours en professeur-assistant « s'il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l'article 23, paragraphe 4 », il ne laisserait donc aucune marge d'appréciation à l’Université sur la décision à prendre lorsque les conditions prévues à l'article 23, paragraphe 4 de la loi du 27 juin 2018 ne se trouveraient pas données, comme en l'espèce.

La possibilité d'être reclassé en professeur assistant constituant également un droit subjectif dans le chef des seuls chargés de cours, alors qu'il s'agirait d'une prérogative, d'un titre qui appartiendrait à ce groupe de personnes dans le but de s'en prévaloir dans l'exercice de leur activité, une appréciation au cas par cas des conditions de l'article 23, paragraphe 4 de la loi du 27 juin 2018, auxquelles renverrait l'article 60, paragraphe (3), point 3 de la même loi, ne serait pas seulement requise mais également justifiée.

Etant donné qu'un éventuel reclassement aboutirait nécessairement à la conclusion d'un nouveau contrat de travail, sinon à la modification du contrat de travail actuel de Madame …, celle-ci chercherait, à travers le présent recours, la revendication d'un droit subjectif, à savoir le changement de statut, lequel serait personnel en ce qu'il y aurait évaluation en fonction des qualités de chaque candidat.

Si l’Université concède que la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opérerait en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge, il n'en resterait pas moins que dès que la contestation porterait sur un droit subjectif, le juge administratif serait prima facie incompétent, tel que ce principe aurait été repris par le tribunal administratif dans son jugement du 3 juin 2019 inscrit sous le numéro 40914 du rôle.

Vu qu'en l'espèce, l’on serait en présence d'une contestation quant au refus d'application d'un statut différent revendiqué dans le cadre d'une relation de travail d'un employé de droit privé, la juridiction administrative devrait se déclarer incompétente ratione materiae, alors même que la décision déférée serait similaire sur la forme et sur le fond à celles adressées à des chargés de cours ayant un statut de droit public, alors que cette seule circonstance ne pourrait pas avoir pour effet de soustraire certains contentieux à la juridiction qui serait compétente pour en connaitre.

Madame … fait répliquer à ce sujet que ce serait manifestement à tort que l’Université arguerait que le litige porterait sur le contrat de travail conclu entre les parties en cause, alors qu’il s’agirait, en l’espèce, du contentieux administratif au sens de l'article 95bis, paragraphe 1er de la Constitution, qui serait un contentieux objectif consistant en un procès fait non pas à une partie défenderesse, mais à un acte en vue de contester sa conformité au droit objectif.

En effet, il ne s'agirait, en l’espèce, pas d'un contentieux relatif au contrat de travail, mais à une contestation dont l'objet serait la légalité d'une décision individuelle unilatérale, faisant grief et qui aurait été prise par une autorité administrative.

Elle fait d’ailleurs relever dans ce contexte que le tribunal serait actuellement saisi de plusieurs recours visant des décisions similaires sur la forme et sur le fond et ce indépendamment des statuts de droit privé ou de droit public des différents requérants.

Madame … estime que l'Université, en tant qu’établissement public, serait sans équivoque une autorité administrative investie d'une mission de service public et disposant de prérogatives de puissance publique. D'ailleurs, la décision initiale de soumettre l'ensemble des chargés de cours « à la procédure d'ADR » pour les reclasser comme professeurs assistants serait sans conteste l'émanation d'un pouvoir exorbitant du droit commun, à savoir de prendre « une mesure unilatérale réglementaire d'exécution d'une loi ».

De plus, les actes sous examen auraient sans équivoque un caractère décisoire faisant grief.

Contrairement à l'assertion de l’Université, l'objet du litige ne tiendrait pas à « la conclusion, l'exécution ou la résiliation des contrats » de droit privé, mais à la contestation de la légalité d'une décision unilatérale nonobstant le statut (privé ou public) de ses destinataires.

Finalement, Madame … fait relever que la jurisprudence citée par l’Université ne serait pas pertinente en l'espèce, dans la mesure où elle concernerait une décision du conseil d'administration du Fonds pour le Développement du Logement et de l'Habitat portant exercice du droit de préemption par rapport à un terrain.

Au regard de ces considérations, elle conclut partant à la compétence ratione materiae du tribunal administratif pour connaître du recours introduit à l’encontre de la décision du 22 mars 2019.

Quant à question de la compétence des juridictions de l’ordre administratif pour connaître du présent litige, il appartient d’abord au tribunal de rappeler qu’en vertu de l'article 84 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux judiciaires, tandis que l'article 95 bis, paragraphe (1) de la Constitution attribue le contentieux administratif aux juridictions administratives et qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996, un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible », tandis qu’aux termes de l’article 7, paragraphe (1) de la même loi « le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.

» Ainsi, force est de retenir que la compétence des juridictions administratives en droit luxembourgeois est une compétence d’attribution, celles-ci ne connaissant que du contentieux administratif qui leur est attribué par la loi.

S’agissant de la notion de « droits civils », telle que figurant à l’article 84 de la Constitution, il y a lieu de l’employer au sens le plus large, de sorte à englober tous les droits, tous les intérêts, à l’exception de ceux qui, par une loi, ont été spécialement soustraits à la connaissance de la juridiction ordinaire, de sorte à comprendre les contrats1, en ce compris les contrats passés par l’administration qui relèvent, de la sorte, de la compétence des tribunaux judiciaires2.

1 Alex Bonn, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, 1966, n°101.

2 André Buttgenbach, Manuel de droit administratif, Bruylant, 1959, n°383.

Si l’article 2, paragraphe (1), précité, de la loi du 7 novembre 1996 limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée, dans l’exercice des prérogatives de droit public, à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés, au besoin, par voie de contrainte3, et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste4, force est toutefois de relever que le seul fait que l’acte émane d’une autorité administrative est insuffisant, étant donné que la répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge5.

Il faut à ce sujet rappeler que la compétence ratione materiae des juridictions administratives est définie par rapport au contrôle des actes administratifs et non des autorités dont ils émanent, étant donné qu’au Luxembourg, la loi qui confère au juge administratif le pouvoir d'annuler les actes administratifs ne vise pas les autorités administratives en tant que telles, mais les actes administratifs, ce qui appelle l'application de critères matériel ou fonctionnel plutôt qu'organique pour la détermination de l'existence d'un acte administratif6.

Il est admis que le contentieux des contrats conclus par l’administration, impliquant des actes unilatéraux accomplis par l’administration relatifs à la conclusion, l’exécution ou la résiliation des contrats, relève en principe des juridictions judiciaires, non seulement dans la mesure où l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 vise uniquement des manifestations unilatérales de volonté, alors que les contrats, produits d’un concours plus ou moins réel de consentements, n’en font pas partie, mais encore dans la mesure où un contrat donne naissance, dans le chef des parties, à des droits subjectifs dont le juge est celui de l’ordre judiciaire7 ; tel est le cas du contentieux relatif à la formation du contrat ; il en va de même du contentieux de l’exécution ou de la réalisation des contrats, qui met en jeu des droits subjectifs et qui est du ressort exclusif des tribunaux de l’ordre judiciaire8.

Aussi, lorsqu’un litige porte sur le respect ou le non-respect d’un contrat, respectivement sur sa résiliation, l’objet du litige consistant alors respectivement en la réformation ou l’annulation d’une décision par laquelle un particulier reproche à une autorité administrative d’avoir méconnu des obligations contractuellement assumées par elle, respectivement d’avoir procédé à une résiliation abusive d’un contrat, la connaissance de pareil litige relève des tribunaux judiciaires qui, dans ce cas, en imposant le respect du contrat, respectivement en accordant des dommages et intérêts, ont le pouvoir de procurer au particulier un résultat pratique équivalent à l’annulation de l’acte incriminé9.

3 trib. adm. 30 octobre 2000, n°11798 du rôle, confirmé par Cour adm. 29 novembre 2001, n°12592C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 5 et les autres références y citées.

4 trib. adm. 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n°1 et les autres références y citées.

5 trib. adm. 15 décembre 1997, n° 10282 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Compétence, n° 34, et les autres références y citées.

6 Cour adm. du 13 janvier 2009, n° 24616C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Acte administratif n°2 et les autres références y citées.

7 Michel Leroy, Contentieux administratif, Bruylant, 2008, p.231.

8 Ibidem., p.234.

9 trib. adm. 11 octobre 2001, n° 12729 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Compétence, n° 75 et les autres références y citées.

Ce principe suivant lequel le contentieux contractuel, même impliquant une autorité administrative, relève des juridictions judiciaires, reçoit un tempérament en faveur de la théorie des actes détachables du contrat, qui veut que, par exception aux règles de compétence fixées par les articles 84 et 95 bis de la Constitution, les juridictions administratives restent compétentes pour connaître de la régularité d’un acte de nature administrative intervenant comme préalable au support nécessaire à la réalisation d’un rapport de droit privé10. Tel est l’hypothèse plus particulièrement en matière de marchés publics, les décisions de refus d’octroi d’un marché, respectivement d’attributions d’un marché, préalables à la conclusion du contrat, étant susceptibles d’un recours devant le tribunal administratif.

En l’espèce, force est d’abord de relever qu’en vertu de l’article 2 de la loi du 27 juin 2018, l’Université est un établissement public, doté de la personnalité juridique et placé sous la tutelle du ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, avec notamment comme mission, aux termes de l’article 3, paragraphe (1) de la même loi, de dispenser des formations d’enseignement supérieur sanctionnées par des grades, des diplômes et des certificats, de sorte qu’elle constitue une autorité administrative légalement habilitée, dans l’exercice des prérogatives de droit public, à prendre des décisions unilatérales s’imposant à ses usagers, notamment en ce qui concerne leur admission aux cours, ainsi qu’en ce qui concerne les grades, diplômes et certificats conférés à ces derniers, étant relevé que la loi du 27 juin 2018 prévoit expressément un recours en annulation devant le tribunal administratif contre les décisions de refus de la commission des litiges prises en cette matière sur réclamation des usagers. Par ailleurs, les décisions disciplinaires à l’égard des usagers de l’Université prises par la commission des litiges sont également susceptibles de faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif.

Etant donné que l’article 18 de la loi du 27 juin 2018 dispose effectivement en son 2e paragraphe que « [l]es engagements du personnel de l’Université sont soumis au régime de droit privé et régis par les dispositions du Code du travail. », et qu’au moment de l’engagement de Madame …, la loi entretemps abrogée du 12 août 2003 portant création de l’Université du Luxembourg prévoyait déjà, dans son article 29 relatif au statut des personnels de l’Université, en son 2e paragraphe que « [s]ous réserve des dispositions prévues à l’article 59 ci-dessous, les personnels sont liés à l’Université par un contrat de droit privé. », - l’article 59 prévoyant la reprise, sous leur statut d’origine notamment de droit public, du personnel employé auprès des établissements d’enseignement supérieur intégrés à l’Université -, il ne saurait être contesté, en l’espèce, que le contrat de travail de Madame … est a priori régi par les dispositions de droit privé, de manière à effectivement relever de l’article 25, alinéa 1er du NCPC, aux termes duquel « le tribunal du travail est compétent pour connaître des contestations relatives au contrat de travail, aux contrats d'apprentissage et aux régimes complémentaires de pension qui s’élèvent entre les employeurs, d’une part, et leurs salariés, d’autre part, y compris celles survenant après que l’engagement a pris fin. », cette disposition s’imposant même si la contestation trouve son origine dans un acte émanant d’une autorité administrative11.

Or, en l’espèce, le litige actuellement soumis au tribunal administratif ne concerne pas une contestation relative au contrat de travail de Madame …, dont aucune des stipulations 10 Cour adm. 12 mars 1998, n° 10497C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Compétence, n° 74 et les autres références y citées.

11 par analogie : trib. adm. 4 décembre 2006, n° 21653 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu n’est mise en cause par le recours, mais concerne l’application, à cette dernière, par l’Université d’une mesure transitoire prévue par l’article 60, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018 relative au reclassement du personnel enseignant-chercheur en fonction le jour de l’entrée en vigueur de ladite loi et plus particulièrement de celle prévue au point 3° de ce même paragraphe, disposant que « le chargé de cours est reclassé en professeur assistant s’il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l’article 23, paragraphe 4. ».

Si ledit reclassement à la fonction de professeur assistant pourra certes avoir pour conséquence une modification du contrat de travail de Madame … qui est actuellement engagée en tant que chargé de cours, il n’empêche que le pouvoir de déférer un titre de professeur assistant, à l’instar de ceux sanctionnant les formations dispensées aux étudiants de l’Université, est à considérer comme l’exercice par l’Université d’une prérogative de puissance publique lui attribuée par la loi, étant relevé, dans ce contexte que l’article 3 de la loi du 27 juin 2018 prévoit en son 2e paragraphe qu’« [e]n vue de la réalisation de ses missions, l’Université est appelée à : (…) 3° veiller à la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche et à mettre en place un système d’assurance de la qualité ; (…) ».

Or, même si l’article 60 litigieux de la loi du 27 juin 2018 ne prévoit aucun recours spécifique en la matière, l’attribution, respectivement le refus d’attribution par l’Université, dans le cadre légal tracé dans le contexte de ses missions de droit public, du titre de professeur assistant à un de ses enseignants - avec toutes les conséquences légales qu’une telle fonction entraîne sur le plan statutaire -, impose que les décisions prises en application de cet article soient soumises au contrôle des juridictions administratives, même en l’absence d’une disposition spécifique en ce sens dans la loi du 27 juin 2018 et ce, en vertu de l’article 2, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996, prévoyant qu’un recours en annulation est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent ratione materiae pour connaître du recours dirigé contre la décision de refus de reclassement déférée.

Etant donné qu’aucune disposition ne confère au tribunal administratif un pouvoir de pleine juridiction en cette matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce.

Il s’ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal.

En ce qui concerne la recevabilité du recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision déférée du 22 mars 2019, l’Université, dans son mémoire en réponse et toujours à titre liminaire, « se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne l’intérêt à agir de Madame … et quant au respect du délai d’action. ».

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que l’Université est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le délai d’introduction du recours n’aurait pas été respecté, respectivement pour quelle raison Madame … n’aurait pas d’intérêt à agir, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office et que l’intérêt de Madame … à agir contre la décision déférée refusant de faire droit à sa demande d’attribution du titre de professeur assistant ne saurait, en l’absence d’autres éléments, être valablement contesté.

Au vu de ces considérations et à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité, le recours subsidiaire en annulation de la décision précitée du 22 mars 2019 est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévues par la loi.

A titre liminaire, quant à la demande sollicitant du tribunal de « dire que la défenderesse est tenue de déposer le dossier au greffe conformément à l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999 », force est au tribunal de relever qu’une telle demande est à rejeter pour défaut de pertinence, alors qu’elle se limite à solliciter du tribunal de rappeler les termes de la loi, étant relevé, dans ce contexte, qu’il a été jugé que le refus de l'administration de communiquer les pièces réclamées par les juridictions administratives encourt le cas échéant la sanction de l'annulation de la décision administrative qui est prise sur la base desdites pièces12, de sorte que l’administration est tenue d’assumer les conséquences d’un éventuel refus de se conformer à cette obligation légale.

A l’appui de son recours et en fait, la partie demanderesse, tout en passant en revue les rétroactes cités ci-avant, explique qu’elle aurait été engagée en tant que chargé de cours auprès de l'Université du Luxembourg depuis 2006.

La partie demanderesse relève ensuite qu’en date du 6 décembre 2010, elle aurait obtenu son doctorat en psychologie à l'Université Nancy 2.

Elle donne à considérer qu’au cours de sa carrière à l'Université, elle aurait publié et participé à plusieurs travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus et pourrait se prévaloir de compétences d'enseignement et de recherche subséquentes.

En droit, la partie demanderesse conclut en premier lieu à une violation de l'article 60 paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018, sinon à un excès de pouvoir, alors que ni l’article 60 ni l'article 23, paragraphe (4) de la même loi, auquel il y serait renvoyé, ne feraient une quelconque référence expresse à la procédure de l'autorisation à diriger des recherches (« ADR »), invoquant le principe général de droit « ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus », et relevant qu’au contraire, conformément à l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, l'ADR serait une conséquence du statut de professeur assistant pour être attachée de facto et de jure à ce statut/fonction, et non pas une condition d'accès audit statut.

La partie demanderesse en conclut que toute interprétation contraire reviendrait à ajouter au texte clair et non équivoque, de sorte que la décision déférée serait d'ores et déjà à annuler de ce chef.

12 Trib adm. 20 janvier 2000, n° 9802 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procedure Contentieuse n° 766 et l’autre référence y citée.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait relever que l’argumentation y relative de la partie défenderesse, au-delà du constat qu’elle n'énerverait en rien son moyen, souffrirait de plusieurs contradictions, alors que, d’une part, il serait insinué que les professeurs assistants, auteurs de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus, devraient encore se soumettre à une procédure d'ADR, et, d’autre part, les professeurs ordinaires et adjoints, devant disposer d'une réputation fondée sur la qualité de leurs travaux de recherche dans des publications internationales ne seraient jamais soumis à une telle procédure, ni lors de leur engagement, ni par la suite.

La partie demanderesse donne ensuite à considérer, dans ce contexte, que si, au moment de l'engagement, il serait nécessaire de procéder à une évaluation de critères aussi subjectifs que la réputation ou la qualité des travaux de recherche du candidat, nulle évaluation ne serait, en revanche, nécessaire pour vérifier qu'un professeur assistant est auteur de travaux de recherche.

La partie demanderesse estime que la condition d’être auteur de travaux de recherche serait un critère objectif qui n'appellerait ni évaluation, ni appréciation.

Ce serait également à tort que la partie défenderesse arguerait que pour pouvoir accéder au statut de professeur assistant, il faudrait se soumettre à une évaluation de ses travaux de recherche, alors que, d'une part, la loi prévoirait uniquement qu'il faudrait être auteur de travaux de recherche, sans pour autant exiger qu'il faudrait se soumettre à une évaluation de ses travaux de recherche et, d'autre part, si l'ADR était une condition préalable d’accès au statut de professeur assistant, il faudrait se demander qu'est-ce qui empêcherait que tout membre du personnel remplissant cette condition soit requalifié ipso facto comme professeur assistant.

Ainsi, un assistant-chercheur qui, selon la loi, devrait être « titulaire d'un grade de docteur » et « auteur de travaux de recherche dans des ouvrages reconnus », à l'instar d'un professeur assistant, et qui disposerait de l'ADR, aurait rempli toutes les conditions pour avoir le statut de professeur assistant, de sorte que le raisonnement de la partie défenderesse, outre de ne pas tenir la route, ouvrirait la porte à un bon nombre de requalifications pour les membres du personnel enseignants-chercheurs de l'Université.

La partie demanderesse s’oppose encore, dans ce contexte, à l’interprétation des textes telle que faite par la partie défenderesse, basée notamment sur l'opposition formelle du Conseil d'Etat à la mouture initiale de l'article 60 litigieux, pour en dégager la volonté du législateur de soumettre les anciens chargés de cours à la procédure de l'ADR préalablement à leur reclassement en tant que professeur assistant.

Elle rappelle à ce sujet que la volonté initiale du législateur n'aurait manifestement pas été de prévoir que les chargés de cours devraient remplir « les conditions en termes de qualifications visées à l'article 23, paragraphe 4 » de la loi du 27 juin 2018, puisque ce serait le Conseil d'Etat qui aurait imposé cet ajout, alors qu’initialement, il aurait été prévu par le projet de loi d'accorder, ipso facto et sans conditions, le statut de professeur assistant à tous les chargés de cours engagés auprès de l'Université.

Tout en citant des extraits de l'avis du Conseil d'Etat du 28 novembre 2017, la partie demanderesse donne à considérer que ce dernier aurait émis une opposition formelle à la disposition sous avis au vu du principe de l'égalité de traitement des candidats au sens de l'article 10bis de la Constitution, au motif que les anciens chargés de cours pourraient ainsi être requalifiés en professeurs assistant sans remplir les conditions d’accès à cette fonction telles qu’elles figureraient à l'article 24, paragraphe 4 du projet de loi, tout en exigeant que les auteurs prévoient une disposition transitoire qui maintiendrait les chargés de cours et les chargés d'enseignement dans leurs fonctions actuelles, au cas où ils ne pourraient pas se prévaloir des qualifications minimales nécessaires pour accéder à la nouvelle catégorie de professeur assistant.

Par rapport à cet avis, la partie demanderesse fait relever, en premier lieu, qu'à aucun moment, le Conseil d'Etat ne ferait référence explicitement ou implicitement à la procédure de l'ADR, étant donné que l'article 24, paragraphe (4) du projet de loi n’aurait pas prévu que les professeurs assistants nouvellement engagés devraient passer par la procédure d'ADR, l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 disposant d’ailleurs que l'autorisation à diriger des recherches serait accordée aux professeurs et professeurs affiliés au moment de leur nomination auprès de l'Université.

Pour le surplus, la partie demanderesse estime nécessaire de rappeler les termes de l'article 32, paragraphe (3) de la loi du 12 août 2003, abrogée par la loi du 27 juin 2018, qui aurait déterminé le statut des chargés de cours et qui aurait notamment énoncé que le chargé de cours nommé à l'Université serait un enseignant-chercheur titulaire d'un master ou d'une maîtrise, assurant un service d'enseignement composé de cours, de direction de séances de travaux dirigés et de direction de séances de travaux pratiques, de sorte que sous l'égide de l'ancienne loi, le chargé de cours n'aurait pas eu l'obligation d'être titulaire d'un grade de docteur et d’être auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou de se prévaloir de compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle, de sorte qu’il serait « normal » que, sous l'angle de l'égalité de traitement, les chargés de cours reclassés comme professeurs assistants devraient remplir les mêmes conditions que les professeurs assistants nouvellement engagés.

Enfin, la partie demanderesse fait plaider qu’il ressortirait sans équivoque des amendements adoptés par la Commission de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, des Médias, des Communications et de l'Espace, afin de se conformer à l'avis du Conseil d'Etat précité, que la volonté du législateur n'aurait nullement été de soumettre les anciens chargés de cours à la procédure de l'ADR, mais seulement de vérifier qu'ils sont bien titulaires du grade de docteur, la partie demanderesse renvoyant, à cet effet, à la dépêche du Président de la Chambre des Députés au Président du Conseil d'Etat concernant les amendements au texte initial, où il serait notamment énoncé que les modifications apportées au paragraphe 3 nouveau de l’article 60 de la loi du 27 juin 2018 viseraient à tenir compte de la recommandation formulée par le Conseil d'Etat en ce qu’il y serait proposé de préciser que seuls les chargés de cours remplissant les conditions en termes de qualification de base, c'est-

à-dire être titulaire d'un grade de docteur, seraient reclassés en professeurs assistants et que les chargés de cours ne remplissant pas ces conditions seraient maintenus dans leurs fonctions actuelles et feraient ainsi partie du corps professoral, étant entendu que certaines dispositions concernant les professeurs et impliquant l'obligation d'être titulaire d'un grade de docteur ne leur seraient pas applicables.

Au regard de toutes ces considérations, la partie demanderesse conclut que l'intention du législateur et/ou du Conseil d'Etat n’aurait pas été de soumettre les chargés de cours à la procédure de l'ADR préalablement à leur reclassement, mais simplement de vérifier qu'ils sont titulaires d'un grade de docteur.

A cet égard, la partie demanderesse fait encore répliquer que, mis à part le constat que la partie défenderesse ne répondrait à aucun des moyens soulevés sous ce point, cette dernière ne contesterait pas son affirmation selon laquelle, sous l'égide de l'ancienne loi, le chargé de cours n'aurait pas eu l'obligation d'être titulaire d'un grade de docteur et d’être auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou de se prévaloir de compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle, de sorte que, sous l'angle de l'égalité de traitement, il serait impérieux que les chargés de cours reclassés comme professeurs assistants remplissent les mêmes conditions que les professeurs assistants nouvellement engagés.

Enfin, la partie demanderesse fait préciser à ce sujet, dans son mémoire en réplique, que la partie défenderesse ne prendrait pas non plus position sur son argumentation basée sur la formulation de la dépêche du Président de la Chambre des Députés au Président du Conseil d'Etat, telle que citée dans sa requête introductive d’instance.

En deuxième lieu, la partie demanderesse fait plaider que la décision déférée, en soumettant à la procédure de l'ADR certains membres du corps professoral, en l'espèce les seuls professeurs assistants déjà engagés, serait de nature à violer l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 selon lequel l’autorisation à diriger des recherches serait accordée notamment aux professeurs assistants.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse estime que la partie défenderesse entendrait invoquer ses propres turpitudes pour nier un droit lui reconnu, en arguant qu’elle serait toujours engagée sous le titre de chargé de cours et ne saurait dès lors, à ce stade, bénéficier des dispositions dudit article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, et se voir ainsi accorder automatiquement une ADR. Or, la partie demanderesse souligne que, suivant l’article 32, paragraphe (3) de la loi du 12 août 2003, le chargé de cours nommé à l'Université serait un enseignant-chercheur titulaire d'un master ou d'une maîtrise, assurant un service d'enseignement composé de cours, de direction de séances de travaux dirigés et de direction de séances de travaux pratiques, de sorte qu’elle remplirait sans équivoque toutes les conditions pour être nommée professeur assistant conformément à l'article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018.

Ainsi, la partie demanderesse estime que la position de la partie défenderesse aboutirait à ajouter une condition au texte légal, alors que, de facto et de jure, en vertu du privilège du préalable attaché aux décisions administratives, elle conserverait le statut de chargé de cours jusqu'à l'annulation de la décision litigieuse par le juge administratif.

Au contraire, en lui refusant l’octroi d’une ADR en vertu de l’article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, la partie défenderesse reconnaîtrait nécessairement qu'en cas de nomination (engagement ou promotion) comme professeur assistant, l'ADR serait automatiquement accordée, de sorte qu’elle ne pourrait pas valablement soutenir que les professeurs assistants devraient se soumettre à la procédure d'ADR afin de pouvoir être nommés professeurs assistants.

Ce serait encore à tort que la partie défenderesse attirerait l'attention sur les mots exacts utilisés par l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 afin de renvoyer à la procédure de promotion prévue à l'article 25 de la même loi, alors que la formulation « au moment de leur nomination auprès de l'Université » ferait manifestement référence à un premier engagement auprès de l'Université, à l'exclusion d'une promotion au sein de l'Université et que l'article 25 précité, traitant du recrutement et de la promotion des professeurs, n'évoquerait à aucun moment la procédure d'ADR, alors que celle-ci serait accordée aux professeurs et professeurs affiliés au moment de leur nomination.

Au contraire, ledit article 25 exclurait explicitement de soumettre à l'ADR, par exemple, la promotion d'un professeur adjoint au poste de professeur ordinaire.

En dernier lieu, la partie demanderesse conclut à une violation de l'article 10bis de la Constitution, étant donné que l’Université procéderait à une rupture d'égalité devant la loi en soumettant une catégorie de professeurs assistants à la procédure de l'ADR, à savoir les anciens chargés de cours devenus docteurs, tout en exonérant une autre catégorie de professeurs assistants, à savoir ceux nouvellement engagés, de se soumettre à la même procédure, puisque, selon la loi, l'ADR serait de droit pour ces deniers.

Etant donné que cela aurait été à juste titre que le Conseil d'Etat aurait mis en exergue le risque de rupture d'égalité de traitement entre les professeurs assistants nouvellement engagés et les chargés de cours reclassés comme professeurs assistants, dans la mesure où les conditions d'accès au titre de chargé de cours (être « titulaire d'un master » bac +4) n’auraient pas été les mêmes que les conditions d'accès au titre de professeur assistant (être « titulaire d'un grade de docteur »), de sorte que la première mouture de l'article 60, paragraphe (3), 3° de la loi du 27 juin 2018 aurait ainsi soumis une même catégorie, à savoir les professeurs assistants, à des conditions différentes, il serait tout aussi contraire à la volonté du Conseil d’Etat de soumettre certaines personnes au sein d'une même catégorie, les professeurs assistants, à des conditions différentes, c'est-à-dire en obligeant certains d'entre eux à se soumettre à la procédure de l'ADR et non pas les autres, d'autant plus qu'il serait très aisé de vérifier si les chargés de cours, déjà engagés par l'Université, remplissent ou non les conditions de l'article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018, à savoir s'ils disposent du titre de docteur selon la volonté du législateur.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait souligner que les développements de la partie défenderesse ne seraient pas de nature à énerver son argumentation, alors que celle-ci ne répondrait pas à la question de savoir s'il n'y avait pas une rupture d'égalité dans la volonté de la partie défenderesse de soumettre une catégorie de professeurs assistants à la procédure de l'ADR (à savoir les anciens chargés de cours devenus docteurs), tout en exonérant une autre catégorie de professeurs assistants (les nouveaux professeurs engagés) de se soumettre à la même procédure, puisque, selon la loi, l'ADR serait de droit pour ces derniers (et automatique selon la partie défenderesse).

Elle relève encore que la partie défenderesse aurait au moins concédé que les professeurs assistants nouvellement engagés seraient exonérés de se soumettre à la procédure de l'ADR.

Le fait que certains chargés de cours auraient demandé l'ADR aux fins de pouvoir être nommés professeur assistant serait tout à leur honneur, mais serait, selon la partie demanderesse, sans conséquence quant à la violation de la loi commise par l'Université, respectivement quant à la rupture d'égalité entre les professeurs assistants nouvellement engagés qui n'auraient pas besoin de l'ADR et les professeurs assistants qui auraient été contraints de se soumettre à la procédure afférente.

La partie défenderesse conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Quant au moyen tenant à une violation de l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018, voire à un excès de pouvoir, la partie défenderesse fait d’abord noter que le juge de la légalité n'exercerait son contrôle que sur, d'une part, l'exactitude matérielle des faits pris en considération par la décision et, d'autre part, dans les domaines où l'administration dispose d'un large pouvoir discrétionnaire, l'erreur d'appréciation manifeste.

Concernant l'exactitude matérielle des faits, la partie défenderesse relève que s’il n’est pas contesté que la partie demanderesse serait actuellement chargé de cours, de sorte à pouvoir être susceptible d'être reclassée en professeur assistant, en vertu de l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018, il lui faudrait néanmoins remplir les conditions de l'article 23, paragraphe (4) du même texte auquel il y serait renvoyé, consistant, d’une part, dans la détention d'un grade de docteur et, d’autre part, dans le fait d'être auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou d'être apte à se prévaloir de compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement.

Or, étant donné que cette dernière condition, relative aux travaux de recherche, serait vérifiée et, le cas échéant validée par la commission de recrutement pour les candidats professeurs et professeurs assistants, lors de leur engagement et avant de leur accorder le statut de professeur, l'article 21 de la loi du 27 juin 2018 prévoirait en conséquence que les personnes ainsi recrutées se verraient également accorder une ADR.

Il serait dès lors parfaitement légitime et conforme à la loi du 27 juin 2018, ainsi qu'aux intentions du législateur, que l'Université exige une évaluation des travaux de recherche, qui se ferait justement dans le cadre d'une demande d'ADR, avant de procéder à un reclassement d'un chargé de cours en professeur assistant.

La partie défenderesse en conclut que la partie demanderesse, exerçant la fonction de chargé de cours et non celle de professeur au sens de la loi du 27 juin 2018, serait obligée de se voir accorder une ADR avant tout reclassement en professeur assistant, alors que ce ne serait que sur base d'une demande d'ADR, constituant une procédure d'évaluation des travaux de recherche du candidat, que les conditions de l'article 23, paragraphe (4) de la Loi du 27 juin 2018 seraient remplies.

Il s’ensuivrait que contrairement aux prétentions de la partie demanderesse, une évaluation par le biais de l'ADR serait dès lors bien une condition d'accès au statut de professeur assistant et non pas une conséquence de ce statut.

En effet, toute personne souhaitant intégrer le corps professoral au sens strict de l'Université devrait se soumettre à une procédure d'évaluation, que ce soit au moment du recrutement ou d'un changement de fonction, comme en l’espèce, alors qu’il s'agirait non seulement d'un moyen de garantir le respect des missions de l'Université, à savoir celle de veiller à la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche et à mettre en place un système d'assurance de la qualité au sens de l’article 3, paragraphe (2), point 3° de la loi du 27 juin 2018, mais surtout d'un moyen de permettre à ses étudiants de jouir d'une formation de qualité, condition à laquelle l'Université serait non seulement obligée par la loi du 27 juin 2018, mais qu'elle s'engagerait constamment d'assurer, tel que cela ressortirait d’un « Mission statement » adopté par le Conseil de Gouvernance selon lequel l'Université viserait l'excellence en recherche et en formation, ce qui impliquerait qu'elle se devrait de contrôler l'accomplissement par son personnel de cette exigence d'excellence à tout stade, c'est-à-dire lors d'un recrutement, d'une promotion ou d'un changement de fonction.

La partie défenderesse donne à considérer que si elle avait donné suite aux demandes de la partie demanderesse, elle n'aurait non seulement provoqué une inégalité devant la loi entre les personnes à qualifier de professeur, respectivement de professeur assistant, mais également enfreint ses propres missions légales.

Elle invoque à ce titre l’avis du Conseil d'Etat du 28 novembre 2017 qui aurait souligné que faire accéder à la nouvelle catégorie de professeur assistant des personnes qui ne pourraient pas faire preuve du niveau minimal de qualification requis, irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre du projet de loi sous avis, tout en posant des problèmes à l'égard de l'égalité devant la loi.

Ainsi, ce serait sur base de cette opposition formelle de la part du Conseil d’Etat que la disposition transitoire de l'ancien article 61 du projet de loi ayant pour objet l'organisation de l'Université du Luxembourg, devenu l'article 60 de la loi du 27 juin 2018, aurait été modifiée afin de tenir compte des observations précitées, à savoir qu’il y fut ajouté que le chargé de cours serait uniquement reclassé en professeur assistant « s'il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l'article 23, paragraphe 4 ».

Ce serait dès lors à tort que la partie demanderesse aurait fait valoir qu'à aucun moment, le Conseil d'Etat n’aurait fait référence explicitement ou implicitement à la procédure de l'ADR et que le texte ne prévoirait pas que les professeurs assistants nouvellement engagés devraient passer par la procédure de l'ADR, alors qu'en exigeant un traitement égal des candidats au sens de l'article 10bis de la Constitution ainsi qu'un niveau minimal de qualification requis, il ne serait pas laissé le moindre doute que les chargés de cours devraient soumettre leurs travaux de recherches, à l'instar des personnes préalablement recrutées ou de celles à recruter à l'avenir, à une évaluation qui se ferait par l'acquisition d'une ADR.

Ainsi, du fait que la partie demanderesse n’aurait pas fait une demande d'ADR, l'Université, qui ne disposerait pas d’un pouvoir discrétionnaire dans de telles situations, n’aurait pas pu passer outre la procédure prévue pour être admis au titre de professeur assistant et n'aurait de ce fait pas violé l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018.

Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse fait préciser que si les conditions prévues à l'article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 seraient citées, ce serait notamment pour souligner qu'un contrôle de leur accomplissement devrait être réalisé au cas par cas, en vue de déterminer si le reclassement en professeur assistant est ou non possible.

Ce contrôle des « conditions en termes de qualification », s'exercerait par le biais d'une évaluation des travaux de recherche accomplis par le candidat, et ce, sur base de l'article 21, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2018, à savoir par une commission d'évaluation, « composée d'au moins six membres qui ont le rang de professeur d'université et dont au moins la moitié sont externes et indépendants de l'Université ».

Il s'agirait là d'une évaluation équivalente à celle prévue pour les nominations dans le cadre d'une promotion au sens de l'article 25, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018 et d'un recrutement au sens de l'article 25, paragraphe (1) de la même loi.

La partie défenderesse souligne qu’il serait faux de prétendre qu'un chargé de cours, voulant bénéficier du reclassement, devrait se soumettre à une procédure d'ADR « en plus d'être "auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus" (…) », alors que la procédure d'ADR servirait justement à vérifier, à travers une évaluation des travaux de recherche, si ce dernier remplit effectivement les conditions pour obtenir la qualification de professeur assistant.

Elle relève encore qu’en vertu du paragraphe (4) de l'article 23 de la loi du 27 juin 2018, la vérification des compétences d'un candidat pour acquérir le statut de professeur assistant pourrait également se baser sur son aptitude de pouvoir se prévaloir « de compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement ».

L'Université fait relever, dans ce contexte, que, dans un souci d'égalité, tant au niveau des capacités exigées qu'au niveau des engagements, elle recourrait à une évaluation de toutes les personnes qui souhaiteraient remplir les fonctions de professeur, que ce soit à travers une commission d'évaluation aux termes des articles 21, paragraphe (2) et 25, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018 ou une commission de recrutement aux termes de l'article 25, paragraphe (1) de ce même texte, relevant que la composition de la commission de recrutement serait identique à celle de la commission d'évaluation devant rendre un avis favorable pour accorder une ADR.

Elle s’oppose encore à la prétention de la partie demanderesse selon laquelle être auteur de travaux de recherche serait un critère objectif qui n'appellerait ni évaluation, ni appréciation, alors que l'accès au statut de professeur assistant se trouverait de cette façon gravement facilité, conséquence que le législateur n'aurait certainement pas recherchée, étant donné qu’il aurait expressément prévu des conditions ad hoc à remplir.

Elle souligne ensuite que le fait d'exiger une évaluation à travers la procédure de l'ADR afin de permettre à un chargé de cours d'être reclassé en professeur assistant n'entraînerait d'ailleurs pas que « tout membre du personnel qui remplit cette « condition » (de disposer de l'ADR) soit requalifié ipso facto comme professeur assistant », étant donné que l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 prévoirait ce reclassement uniquement pour les chargés de cours titulaires d'un doctorat et non pour un autre membre du personnel, relevant que tout professeur, dont les professeurs assistants, devrait être apte à former des doctorants, d’où la nécessité d'une évaluation des compétences des chargés de cours au moment de leur demande de reclassement.

La partie défenderesse renvoie à nouveau à l’avis du Conseil d'Etat du 28 novembre 2017, pour retenir qu’il ne serait pas laissé le moindre doute que les chargés de cours devraient, à l'instar des personnes préalablement recrutées ou de celles à recruter à l'avenir, soumettre leurs travaux de recherches à une évaluation qui se ferait par l'acquisition d'une ADR, alors que prétendre l’inverse conduirait au résultat absurde de permettre à une catégorie de candidats, à savoir les chargés de cours, de se voir attribuer la qualification de professeur assistant, sans pour autant avoir à se soumettre à une évaluation quelconque.

Quant au moyen relatif à une violation de l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, la partie défenderesse renvoie principalement à ses développements pris par rapport au premier moyen et plus spécialement au fait que la partie demanderesse serait toujours engagée sous le titre de chargé de cours, de sorte qu’elle ne saurait, à ce stade, bénéficier des dispositions dudit article 21 paragraphe (1), c'est-à-dire du droit de se voir accorder automatiquement une ADR, puisque cette prérogative serait limitée aux professeurs et aux professeurs affiliés.

En effet, en prévoyant expressément que « les professeurs et professeurs affiliés se voient au moment de leur nomination auprès de l'Université » accorder une ADR, l’article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 viserait, par l’utilisation du terme « nomination », la procédure d'un premier engagement à la fonction de professeur ou la procédure d'une promotion, par laquelle une personne serait désignée pour occuper un poste à un grade différent, procédures qui seraient prévues à l'article 25 de la loi du 27 juin 2018. Or, la procédure d'une promotion présupposerait l'intervention de la commission d'évaluation pour le contrôle des compétences des candidats, tout comme la procédure d'un premier engagement prévoirait l'intervention de la commission de recrutement pour réaliser un tel contrôle.

La partie défenderesse souligne, dans ce contexte, que le reclassement prévu à l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 ne devrait pas être confondu avec une nomination, étant donné que les chargés de cours n'auraient jamais été évalués quant à leur capacité de chercheurs, raison pour laquelle l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, qui viserait uniquement les professeurs, ne leur serait pas applicable, de sorte à ne pas conférer automatiquement une ADR aux chargés de cours.

D'ailleurs, l'article 60, paragraphe (3), alinéa 2 de la loi du 27 juin 2018 préciserait justement que les chargés de cours qui ne rempliraient pas les conditions visées au point 3° continueraient à faire partie du corps professoral de l'Université, sans que les dispositions relatives aux professeurs prévues aux articles 21, 25, 26 et 27 ne leur soient applicables.

En conclusion, la partie défenderesse estime que vu que l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 ne serait pas d'application aux chargés de cours, sa violation s'avérerait ipso facto impossible, de sorte que le moyen afférent devrait encourir le rejet.

La partie défenderesse fait encore dupliquer à ce sujet que seule une personne qualifiée de « professeur » se verrait automatiquement accorder une ADR en vertu de l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, étant donné que les professeurs ordinaires, adjoints et assistants nommés sur base d'un recrutement et les professeurs ordinaires et adjoints nommés sur base d'une promotion se seraient soumis à une évaluation, par la commission du recrutement, sinon par la commission d'évaluation, avant leur nomination. Il serait dès lors tout à fait logique qu'ils ne devraient plus se soumettre à une évaluation leur permettant d'acquérir une ADR, de sorte que requérir une deuxième évaluation serait dénué de sens.

Au contraire, les chargés de cours à reclasser en professeur assistant ne seraient pas expressément visées par l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018, de sorte qu’ils ne se verraient pas automatiquement accorder une ADR, mais ne bénéficieraient seulement d'une ADR qu’après en avoir fait une demande au préalable et après s’être soumis à une évaluation.

Ainsi, vu que la partie demanderesse resterait engagée sous la qualification du chargé de cours, vu qu'elle ne remplirait pas toutes les conditions nécessaires pour être reclassée en professeur assistant, elle ne saurait profiter automatiquement d'une ADR, les dispositions relatives aux professeurs prévues aux articles 21, 25, 26 et 27 n’étant pas applicables aux chargés de cours ne remplissant pas les conditions visées au point 3° de l'article 60, paragraphe (3), alinéa 2 de la loi du 27 juin 2018.

Le moyen tablé sur une violation de l'article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018 serait dès lors à écarter pour ne pas être pertinent.

La partie défenderesse donne encore à considérer que de toute façon, dans l’hypothèse où le droit de reclassement n’existerait pas, un chargé de cours voulant occuper un poste de professeur aurait obligatoirement dû attendre une annonce publique de recrutement et ensuite entamer la procédure de recrutement usuelle, c'est-à-dire se soumettre à une évaluation par le comité de recrutement.

En ce qui concerne finalement le reproche d’une violation de l'article 10bis de la Constitution pour inégalité de traitement des différents candidats au poste du professeur assistant, la partie défenderesse donne d’abord à considérer qu’elle conteste que l'accès au titre de professeur assistant serait limité à la condition d'être « titulaire d'un grade de docteur », alors qu’une telle interprétation de la loi du 27 juin 2018 ne représenterait ni la volonté du législateur, ni celle du Conseil d'Etat, ni d'ailleurs celle de la Commission de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, des Medias, des Communications et de l'Espace, exigeant tous que les personnes qui estiment vouloir accéder à cette nouvelle catégorie de professeur assistant devraient « faire preuve du niveau minimal de qualification requis ».

Ainsi, pour que le reclassement prévu à l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 soit en concordance avec l'exigence d'être apte à disposer d'un niveau minimal requis pour la fonction du professeur assistant, le chargé de cours ne saurait jouir sans autre condition d'une ADR sur base de l'article 21, paragraphe (1) de la même loi, comme le suggérerait la partie demanderesse, alors que ce serait justement à cette fin que l'article 21, paragraphe (2) de ladite loi conférerait la possibilité aux enseignants chercheurs de formuler une demande dans le but de se voir accorder une ADR, ce qui leur permettrait de bénéficier de la mesure de reclassement et, en cas d'évaluation favorable, d'acquérir le titre de professeur assistant si les qualifications cumulatives de l'article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 sont vérifiées.

Il s’ensuivrait que le reclassement des chargés de cours en professeurs assistants emporterait donc nécessairement la vérification que toutes les conditions de l'article 23, paragraphe (4) soient remplies, à savoir i) la détention d'un grade du docteur et ii) la rédaction de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou la reconnaissance, par le comité de recrutement, de l’équivalence des compétences d'enseignement et de recherche et d'une expérience professionnelle. Or, d’après la partie défenderesse, cette dernière condition ne pourrait être vérifiée qu'à travers la procédure de demande d'une ADR, rappelant que cette démarche d'évaluation serait faite soit au moment du recrutement des professeurs par une commission de recrutement (article 25 de la loi du 27 juin 2018), soit au moment où l’ADR est accordée à un enseignant-chercheur au sein de l'Université par une commission d'évaluation (article 21, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2018), sauf si le candidat a déjà été soumis à une évaluation.

En effet, tous les chargés de cours qui auraient déjà été titulaires d'un doctorat et d'une ADR auraient automatiquement été reclassés en professeurs assistants au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition de l'article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018. À pied d'égalité, auraient également été reclassés en professeurs assistants, les chargés de cours, titulaires d'un doctorat, qui, suite à l'entrée en vigueur dudit article 60, paragraphe (3), point 3°, auraient fait une demande en vue de l'octroi d'une ADR et dont l'évaluation aurait été positive.

La partie défenderesse en conclut que, contrairement aux allégations de la partie demanderesse, il y aurait rupture d'égalité si, et seulement si, les personnes actuellement embauchées en tant que chargés de cours n'étaient pas soumises à une quelconque procédure d'évaluation, alors que toutes les autres catégories de professeurs devraient s'y soumettre.

La partie défenderesse donne finalement à considérer qu’elle aurait proposé à la partie demanderesse de lui adresser une demande d'ADR en vue d'une évaluation de ses travaux de recherche avant tout reclassement en professeur assistant, de sorte qu’elle aurait été traitée de manière égale aux professeurs nouvellement engagés. Il n'y aurait donc pas violation de l'article 10bis de la Constitution.

Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse fait encore préciser à cet égard qu’en vertu de la jurisprudence luxembourgeoise, le principe de l'égalité devant la loi ne s'entendrait pas dans un sens absolu, mais requerrait que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Ainsi, ce principe constitutionnel viserait une garantie du citoyen contre l'arbitraire et la discrimination.

Etant donné que chaque personne désirant accéder au statut du professeur serait évaluée, soit par le comité de recrutement, soit par le comité d'évaluation, il devrait en être de même pour un candidat « chargé de cours » désirant accéder au statut de professeur assistant, alors que l'Université serait obligée de traiter de la même façon les personnes qui se présentent pour un poste de professeur, peu importe d'ailleurs à quel stade (recrutement, promotion, reclassement). Ainsi, la vérification des capacités de la partie demanderesse devrait se faire en ayant recours à la procédure d'une demande d'ADR.

Force est d’abord de relever qu’il est constant en l’espèce qu’au jour de l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, la partie demanderesse occupait, au sein de l’Université, la fonction de chargé de cours au sens de l’article 32, paragraphe (3) de la loi du 12 août 2003, actuellement abrogée, à savoir « (…) un enseignant-chercheur titulaire d’un master ou d’une maîtrise, assurant un service d’enseignement composé de cours, de direction de séances de travaux dirigés et de direction de séances de travaux pratiques. », le même article ayant précisé, que « [l]e corps académique de l’Université est composé de professeurs, d’assistants-professeurs, de chargés de cours et de chargés d’enseignement. ».

Etant donné que la loi du 27 juin 2018 a procédé à un changement de classification en ce qui le personnel de l’Université, prévoyant notamment dans son article 18, paragraphe (1), point 1° que « le personnel enseignant-chercheur […] est regroupé dans les catégories suivantes :

a) professeurs ;

b) assistants-chercheurs ;

c) enseignants-chercheurs associés ; (…) » et dans son article 23, concernant plus précisément la catégorie des professeurs, que « (1) Le corps professoral de l’Université est composé de professeurs ordinaires, de professeurs adjoints et de professeurs assistants. », le législateur a prévu une disposition transitoire permettant le reclassement des anciennes fonctions du personnel enseignant-chercheur dans les nouvelles catégories définies à l’article 23, paragraphe (1), précité.

Ainsi, aux termes de l’article 60, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018, « [l]e personnel enseignant-chercheur en fonction le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi et engagé selon les dispositions de la loi modifiée du 12 août 2003 portant création de l’Université du Luxembourg est reclassé comme suit :

1° le professeur est reclassé en professeur ordinaire ;

2° l’assistant-professeur est reclassé en professeur adjoint ;

3° le chargé de cours est reclassé en professeur assistant s’il remplit les conditions en termes de qualifications visées à l’article 23, paragraphe 4.

Par dérogation à l’article 23, paragraphe 1er, les chargés de cours en fonction le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi et engagés selon les dispositions de la loi modifiée du 12 août 2003 portant création de l’Université du Luxembourg, qui ne remplissent pas les conditions visées au point 3° continuent à faire partie du corps professoral de l’Université, sans que les dispositions relatives aux professeurs prévues aux articles 21, 25, 26 et 27 ne leur soient applicables. ».

L’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018, auquel il est ainsi renvoyé, dispose quant à lui que « [l]e professeur assistant engagé à l’Université est un enseignant-

chercheur titulaire d’un grade de docteur et est auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou peut se prévaloir de compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement. ».

Il suit notamment de ces dispositions que les chargés de cours, engagés sous l’empire de la loi du 12 août 2003, sont reclassés dans la fonction de professeur assistant s’ils remplissent les conditions en termes de qualifications visées à l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018, à savoir être titulaire d’un grade de docteur et être auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou pouvoir se prévaloir de compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement.

Si la condition de qualification prévue à l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 n’est pas remplie par les chargés de cours, ces derniers continuent à faire partie du corps professoral de l’Université, sans que les dispositions relatives aux professeurs prévues aux articles 21, 25, 26 et 27 ne leur soient applicables, ces derniers articles prévoyant notamment l’attribution automatique d’une ADR, les règles de promotion au sein de la catégorie des professeurs, le congé scientifique, respectivement la responsabilité pour des assistants chercheurs.

En l’espèce, l’Université a refusé de reclasser la partie demanderesse au poste de professeur assistant au motif que cette dernière ne remplirait pas les conditions de l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 du fait de ne pas avoir préalablement fait une demande d’attribution d’une ADR.

Etant donné que les parties en litige s’opposent quant aux conditions d’accession à ce reclassement, il appartient au tribunal de toiser ce point en premier lieu.

Il appert d’abord que l’article 60, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018, mis à part la condition d’être un chargé de cours en fonction le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi et engagé selon les dispositions de la loi modifiée du 12 août 2003, condition qui n’est pas litigieuse en l’espèce, ne prévoit pas en lui-même les conditions du reclassement desdits chargés de cours en professeurs assistants, mais renvoie, à ce titre, à l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 qui règle les conditions d’engagement pour la catégorie de professeur assistant engagé à l’Université, tel qu’il est cité plus en avant.

Force est d’abord de retenir que ni l’article 60, paragraphe (3), ni l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018, ni même l’avis du Conseil d’Etat du 28 novembre 2017, tel que cité par les deux parties au litige, ne font un renvoi exprès à l’article 21 de la même loi traitant de l’ADR et plus spécialement, dans son paragraphe (2), de la procédure d’attribution d’une telle autorisation.

Il s’ensuit que l’argumentation de l’Université selon laquelle la demande en obtention d’une ADR serait un préalable sine qua non d’une demande de reclassement au sens de l’article 60, paragraphe (3), point 3° n’est a priori pas à suivre, étant relevé que le Conseil d’Etat, sur l’avis duquel elle se base, se limite à réclamer qu’en vue du reclassement prévu par ledit article 60, un chargé de cours doit pouvoir faire preuve du niveau minimal de qualification requis pour la fonction de professeur assistant à laquelle il est reclassé, sans viser explicitement l’ADR, voire la procédure y relative.

De son côté, l’article 21 de la loi du 27 juin 2018 ne précise pas non plus que la demande d’obtention d’une ADR serait un préalable à une candidature à un reclassement de la fonction de chargé de cours vers celle de professeur assistant. Au contraire, outre de préciser expressément, dans son 1er paragraphe, que l’« autorisation à diriger des recherches (…) est accordée aux professeurs et professeurs affiliés au moment de leur nomination auprès de l’Université. », de sorte à ce que l’attribution de ce droit est une conséquence de la nomination en tant que professeur et professeur affilié, l’article 21 de la loi du 27 juin 2018 dispose, en son 2e paragraphe, que « L’autorisation à diriger des recherches peut aussi être accordée au personnel enseignant-chercheur engagé auprès de l’Université ou à des chercheurs engagés auprès d’un organisme de recherche par le recteur, sur avis favorable d’une commission d’évaluation de la discipline de rattachement du candidat émis sur base d’une évaluation des travaux de recherche du candidat. (…) », de sorte que cette ADR peut être accordée à tout enseignant-chercheur non professeur et sans que cette autorisation lui confère automatiquement, à elle seule, le titre de professeur. En effet, il s’agit d’une procédure à part, proposée au personnel enseignant-chercheur regroupant, en application de l’article 18, paragraphe (1), point 1° précité de la loi du 27 juin 2018, outre les professeurs, les assistants-chercheurs et les enseignants-chercheurs associés, également, au vœux du dernier alinéa de l’article 60, paragraphe (3) de la loi du 27 juin 2018, les chargés de cours ne se qualifiant pas pour un reclassement en tant que professeur assistant, procédure qui leur permet dès lors, sans changer de fonction au sein de l’Université, et a fortiori sans devenir professeur, de pouvoir diriger des recherches.

Si c’est ainsi à bon droit que la partie demanderesse a estimé que le passage par une demande d’ADR n’est pas un préalable nécessaire au reclassement prévu par l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018, cela ne la dispense pas pour autant de devoir remplir les conditions prévues par l’article 23, paragraphe (4) de cette même loi, exigeant de l’enseignant-chercheur candidat pour un poste de professeur assistant d’être titulaire d’un grade de docteur et d’être auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou de pouvoir se prévaloir de compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement.

Etant donné qu’il n’est pas contesté en cause que la partie demanderesse est titulaire d’un grade de docteur, il lui appartient cependant de justifier sa qualité d’auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus, respectivement des compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement.

Or, contrairement à ce que la partie demanderesse prétend, la qualité d’auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ne saurait constituer un simple critère objectif qui n'appellerait ni évaluation, ni appréciation, de sorte qu’il suffirait de vérifier que des travaux de recherche auraient été faits, alors que, notamment en vertu du 2e paragraphe, point 3° de l’article 3 de la loi du 27 juin 2018, tel que cité en amont, prévoyant une obligation de veiller à la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche et à mettre en place un système d’assurance de la qualité, il appartient à l’Université, en contrepartie d’ailleurs du droit de sanctionner les études proposées par des grades et diplômes prévus par la loi, de veiller lors de la nomination notamment de chaque professeur assistant que les travaux de ce dernier soient à la hauteur des exigences de qualité requises, l’emploi du terme « reconnus » à l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 impliquant ainsi nécessairement une évaluation de la qualité des publications scientifiques.

En effet, l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 faisant en sorte que des chargés cours puissent être reclassés en tant que professeur assistant, exige, tel que l’avait d’ailleurs à juste titre demandé le Conseil d’Etat dans son avis précité, des candidats de remplir les mêmes conditions de qualité que les candidats extérieurs à la fonction de professeur, étant donné qu’avec leur reclassement, les anciens chargés de cours obtiennent ensemble avec leur nomination en tant que professeur assistant, tout comme les professeurs assistants recrutés en externe, l’ADR telle que ce droit est prévu par l’article 21, paragraphe (1) de la loi du 27 juin 2018.

Etant donné que ce contrôle de qualité, dans le cadre de l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018, auquel il est expressément renvoyé par l’article 60, paragraphe (3), point 3° précité, se fait par le comité de recrutement, c’est à ce dernier qu’il appartient de vérifier si les conditions de l’article 23, paragraphe (4) précité sont remplies dans le chef des chargés de cours candidats au reclassement, tout comme il le fait pour les nominations de professeurs assistants recrutés en externe et ce, quand-bien même l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2018 prévoit une procédure semblable quant à l’évaluation des travaux de recherche du candidat ayant fait une demande en obtention d’une ADR en dehors du contexte d’une nomination en tant que professeur.

Si, dans d’autres cas d’espèce, l’Université s’était dispensée de procéder à une nouvelle évaluation des travaux de recherche, pour les chargés de cours, détenteurs d’une ADR, obtenue en application de la procédure prévue à l’article 21, paragraphe (2) de la même loi, et qui étaient candidats à un reclassement en vertu de l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018, cela ne lui permet pas, comme elle l’a fait en l’espèce, de subordonner toute candidature à un reclassement en vertu de l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 à la procédure d’obtention d’une ADR.

Force est d’ailleurs de relever, dans ce contexte, que même s’il y a des similitudes entre les deux procédures, il ne s’agit néanmoins ni de la même la commission, ni des mêmes critères d’évaluation. En effet, le contrôle des conditions d’attribution d’une ADR est fait, au vœux de l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2018, par la « commission d’évaluation de la discipline de rattachement du candidat » « sur base d’une évaluation des travaux de recherche du candidat », alors que les conditions d’engagement des professeurs assistants, sont vérifiés par la « commission de recrutement » par rapport aux critères de l’article 23, paragraphe (4) de la même loi, à savoir, pour le candidat, d’être « titulaire d’un grade de docteur et [d’être] auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou [de pouvoir] se prévaloir de compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement. ».

Ainsi, au vu de toutes les considérations qui précèdent, il aurait appartenu à l’Université de renvoyer la demande de la partie demanderesse devant la commission de recrutement afin de permettre à cette dernière de vérifier si les conditions de l’article 23, paragraphe (4) de la loi du 27 juin 2018 sont remplies, à savoir si le candidat est un « enseignant-chercheur titulaire d’un grade de docteur et est auteur de travaux de recherche dans des publications internationales ou dans des ouvrages reconnus ou peut se prévaloir de compétences d’enseignement et de recherche et d’une expérience professionnelle reconnues équivalentes par le comité de recrutement. ».

Or, étant donné qu’en l’espèce, l’Université a refusé la demande de reclassement de la partie demanderesse au seul motif que cette dernière n’avait pas préalablement demandé une ADR en application de l’article 21, paragraphe (2) de la loi du 27 juin 2018, et sans la renvoyer devant la commission de recrutement prévue à l’article 23, paragraphe (4) de la même loi, la décision déférée a été prise en violation de l’article 60, paragraphe (3), point 3° de la loi du 27 juin 2018 et doit partant d’ores et déjà encourir l’annulation, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens et arguments développés en cause.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision déférée du 22 mars 2019 ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision déférée du 22 mars 2019 et renvoie le dossier à l’Université en prosécution de cause ;

rejette la demande sollicitant du tribunal de « dire que la défenderesse est tenue de déposer le dossier au greffe conformément à l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999 » ;

condamne l’Université aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 avril 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Daniel Weber, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 28


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43157
Date de la décision : 20/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-04-20;43157 ?

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