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07/04/2021 | LUXEMBOURG | N°42294

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 avril 2021, 42294


Tribunal administratif N° 42294 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 janvier 2019 3e chambre Audience publique du 7 avril 2021 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, …, contre le bulletin de la retenue d’impôts sur les salaires et les pensions portant fixation de complément de retenue, en matière de retenu d’impôts sur salaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42294 du rôle et déposée le 29 janvier 2019 au greffe du tribun

al administratif par Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 42294 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 janvier 2019 3e chambre Audience publique du 7 avril 2021 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, …, contre le bulletin de la retenue d’impôts sur les salaires et les pensions portant fixation de complément de retenue, en matière de retenu d’impôts sur salaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42294 du rôle et déposée le 29 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés à Luxembourg sous le numéro …, représentée par son/ses gérant(s) actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue, émis en date du 11 avril 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank SIMANS, en remplacement de Maître Alain GROSS, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2021.

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Par missive du 1er février 2018, le bureau d’imposition … de l’Administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition » pria la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », de lui faire parvenir ses livres-comptes de salaires des exercices fiscaux 2013 à 2017 afin de pouvoir procéder à la vérification de la retenue d’impôts sur salaires desdites exercices fiscaux.

Suite à une révision des retenues d’impôts opérées en date du 30 mars 2018, conformément à l’article 136 de la loi modifiée concernant l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », le bureau d’imposition émit, en date du 11 avril 2018, un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue à l’égard de la société …, ledit bulletin faisant état d’un montant de … euros qui n’aurait pas été payé au titre des retenues d’impôt de l’année 2013.

Par courrier de son mandataire du 5 juillet 2018, la société … fit introduire une réclamation à l’encontre du prédit bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les 1pensions portant fixation de compléments de retenue auprès du directeur de l’Administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », réclamation qui resta sans suites.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 janvier 2019, sous le numéro 42294 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue émis à son égard en date du 11 avril 2018.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre la décision qui a fait l’objet d’une réclamation dans l’hypothèse où aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue à son égard, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse explique qu’en date du 21 septembre 1992, elle aurait engagé un dénommé … en qualité de commercial. Celui-ci aurait été licencié par courrier du 3 décembre 2012 et ce, moyennant un préavis de 6 mois allant du 15 décembre 2012 au 14 juin 2013, la demanderesse précisant encore que ce même courrier aurait, par ailleurs, prévu de commuer l’indemnité de départ de 6 mois en préavis prolongé pour la période s’étalant du 15 juin 2013 au 14 décembre 2013. Par missive du 7 août 2013, Monsieur … aurait finalement été dispensé de prester la fin de son préavis.

Le 13 janvier 2014, le mandataire de l’intéressé lui aurait fait parvenir les observations suivantes :

« Vous avez licencié mon mandant en date du 3 décembre 2012, avec un préavis de 6 mois augmenté d’une période identique de 6 mois en lieu et place de l’indemnité de départ due en raison de l’anciennement de mon mandant. Cette procédure est légale pour autant que le préavis est presté comme temps de travail. Vous avez cependant par courrier du 07 août 2013 dispensé mon mandant de toute prestation de travail, contredisant ce faisant votre propre lettre de licenciement. En pareille situation, l’indemnité de départ est due au montant brut, sans déduction de charges sociales ou autres.

Vous redevez partant pour une période de 5 mois et une semaine la différence entre le montant net réglé et le montant brut.

Vous redevez en outre, et en application de l’article 5-2) de la convention collective de travail des salariés du secteur de l’assurance une indemnité de départ (additionnelle au préavis de 12 mois) de 7 mois, dans la mesure où une restructuration avec rationalisation a été invoquée comme motif de licenciement par votre lettre du 11 mars 2013. ».

2Sur base de ces conclusions, ainsi que sur base d’un décompte du 5 mars 2014, le mandataire de Monsieur … aurait évalué la somme due à son mandant à …,- euros. Ledit montant se serait composé comme suit :

indemnité de départ (7 mois) :

…- euros (7 x …) solde congés :

…- euros (19,17 x …) décompte différence brut/net :

…- euros La demanderesse précise encore que par virement sur le compte-tiers du mandataire de Monsieur …, elle aurait fait parvenir la somme requise à ce dernier.

Elle donne ensuite à considérer que dans le bulletin litigieux, le bureau d’imposition aurait retenu une part imposable de l’indemnité de départ de Monsieur … d’un montant de … euros, montant qui correspondrait à la somme du « delta brut/net » versé à celui-ci ainsi qu’au solde de congés.

La demanderesse estime toutefois que cette part imposable serait erronée dans la mesure où le montant payé à titre d’indemnité de départ à Monsieur … aurait été surévalué et ce à hauteur de … euros.

En droit, et après avoir pris position quant à son intérêt à agir et quant à la recevabilité ratione temporis du recours sous analyse, la demanderesse fait plaider qu’en vertu des dispositions de la convention collective relative au secteur des assurances, le montant de … euros aurait été indûment versé à Monsieur …, de sorte que la révision opérée par le bureau d’imposition serait erronée.

A l’appui de ses conclusions, la demanderesse fait valoir qu’en application des dispositions légales en matière de droit du travail telles que prévues par le Code du Travail, le délai de préavis auquel Monsieur … aurait eu droit, compte tenu de son ancienneté, se serait élevé à 6 mois, tandis que son indemnité de départ aurait été évaluée au même nombre de mois.

Elle explique ensuite que dans un premier temps, elle aurait décidé de ne pas dispenser son salarié de prestations pendant la durée du préavis tout en commuant son indemnité de départ en préavis, de sorte que Monsieur … aurait, initialement, dû travailler durant les 12 mois suivant son licenciement et percevoir son salaire en conséquence.

Finalement, elle aurait décidé de lui accorder néanmoins une dispense de travail, ce dont l’intéressé aurait été informé par courrier du 7 août 2013. La demanderesse est d’avis que cette décision aurait dû avoir pour effet de modifier les montants alloués à Monsieur … alors qu’à partir de ce moment, ce dernier se serait trouvait dans la période de l’indemnité de départ commuée en préavis, période qui aurait débuté le 15 juin 2013 pour s’achever le 14 décembre 2013.

Or, en dispensant son salarié de toute prestation de travail à compter du 7 août 2013, elle aurait mis fin au mécanisme de l’indemnité de départ commuée, de sorte que la période s’étalant entre cette même date et le 14 décembre 2013 devrait être rémunérée comme le 3serait classiquement une indemnité de départ, à savoir en montants bruts, exemptés de toutes charges.

Dans la mesure où elle aurait toutefois continué à payer le salaire net à son ex-salarié durant cette même période, elle aurait été d’avis qu’elle était débitrice envers son ex-salarié de la différence entre le montant brut qui aurait dû lui être versé et le montant net qui lui avait effectivement été versé entre le 7 août 2013 et le 14 novembre 2013, à savoir de … euros.

La demanderesse rappelle ensuite qu’après s’être vue communiquer un décompte par le mandataire de Monsieur … le 5 mars 2014, elle aurait fait parvenir le montant y réclamé à son ex-salarié, y compris les … euros.

Or, ce même décompte aurait été erroné dans la mesure où Monsieur … n’aurait jamais dû percevoir la différence brut/net sur la période s’étalant d’août à décembre 2013, la demanderesse estimant que cette erreur trouverait son origine dans une lecture inexacte de la convention collective de travail des salariés du secteur de l’assurance.

A cet égard, elle explique avoir licencié Monsieur … en raison d’une restructuration, de sorte qu’il aurait fait l’objet d’un licenciement économique. Or, d’après l’article 5, paragraphe 2) de ladite convention collective, telle qu’elle aurait été applicable à l’époque, Monsieur … aurait eu droit, compte tenu de son ancienneté de plus de 18 ans, d’un préavis de 12 mois et d’une indemnité de départ de 7 mois et non pas d’un préavis de 6 mois et d’une indemnité de départ de 7 mois supplémentaires qui viendrait à s’ajouter à l’indemnité de départ légale, tel que l’aurait sollicité son ex-salarié.

En versant à son ex-salarié son salaire net entre le 15 décembre 2012 et le 14 décembre 2013, ainsi qu’une indemnité de départ de 7 mois, elle aurait partant satisfait à l’article 5, paragraphe 2) de la prédite convention collective. Dès lors, le prétendu différentiel brut/net sur une période de 5 mois et 1 semaine de … euros dont aurait bénéficié Monsieur … n’aurait pas été justifié et cette somme lui aurait été payée par erreur, raison pour laquelle elle aurait entretemps introduit une action en répétition de l’indu devant le Tribunal du Travail de Luxembourg en date du 5 juin 2018.

Au vu de ces conclusions le montant en question aurait également été indûment taxé par le bureau d’imposition, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue litigieux.

Le délégué du gouvernement, de son côté, estime que le bulletin d’impôt sous analyse serait fondé en fait et en droit. Il fait plus particulièrement valoir que lors du contrôle des livres-comptes de salaires des exercices 2013 à 2017, le bureau d’imposition aurait constaté, en ce qui concerne l’année 2013, une disparité entre les montants de salaires déclarés et ceux renseignés dans la comptabilité de la demanderesse. Ainsi, il se serait avéré que la société … aurait versé un montant total de … euros à Monsieur … dans le cadre du licenciement de ce dernier sans pour autant déclarer ledit montant, ni effectuer la retenue d’impôt correspondante.

Sur demande du bureau d’imposition, la demanderesse lui aurait notamment fait parvenir un décompte duquel il résulterait que, le prédit montant de … euros comprendrait une indemnité de départ de 7 mois à hauteur de … euros, une indemnité de congé non pris de … euros et un décompte différence brut/net à hauteur de … euros. Tout en admettant que le 4montant de … euros serait exempté, le délégué du gouvernement donne à considérer que la part imposable à hauteur de … euros n’aurait toutefois pas fait l’objet d’une retenue à la source de la part de la demanderesse, de sorte que le bureau d’imposition aurait opéré une révision par bulletin du 11 avril 2018 pour fixer un complément de retenue d’impôt à hauteur de … euros pour l’année 2013.

En droit, et après avoir précisé que le bulletin litigieux aurait été émis en application des dispositions de l’article 136 LIR, la partie étatique fait valoir que le livre de salaires de la demanderesse relatif à Monsieur … ne renseignerait qu’un montant total de … euros à titre de revenu imposable pour l’année 2013 sans inclure le montant versé de … euros dans le cadre du licenciement de celui-ci, voire la part imposable de … euros. Dès lors, la demanderesse n’aurait opéré et versé qu’une retenue d’impôt pour le montant déclaré de … euros, alors qu’elle aurait dû retenir et verser la retenue d’impôt sur le montant total des salaires et émoluments dont avait bénéficié Monsieur …, à savoir … euros.

Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer que les moyens de la demanderesse pour contester le bien-fondé du bulletin litigieux se limiteraient à reprendre l’argumentaire exposé devant le Tribunal de Travail où elle réclamerait le remboursement du montant de … euros en tant que paiement indu à Monsieur … Ces développements, qui seraient d’ailleurs contestés par la partie étatique, seraient purement hypothétiques et non autrement étayés et ne seraient pas de nature à remettre en cause la légalité du bulletin critiqué, dans la mesure où il serait incontesté que le versement à Monsieur … aurait été effectivement effectué, le délégué du gouvernement estimant que la demanderesse ne saurait ultérieurement invoquer son éventuelle propre négligence au moment du paiement du montant à son ex-salarié pour critiquer la validité du bulletin litigieux fixant un complément de retenue d’impôt sur le montant non déclaré de … euros.

Il reviendrait dès lors à la demanderesse de supporter les conséquences fiscales du versement effectué et ce serait à juste titre que le bureau d’imposition aurait fixé un complément de retenue d’impôt à hauteur de … euros sur le montant non déclaré de … euros.

En affirmant encore que la question de savoir si le montant de … euros était dû ou non serait étrangère à la matière fiscale et ne saurait influer sur le présent litige puisque d’après l’article 95bis de la Constitution le contentieux fiscal relève des juridictions administratives, le délégué du gouvernement estime que le tribunal de céans ne saurait subordonner son pouvoir taxateur à une juridiction judiciaire qui statue sur des revendications de droits subjectifs, en l’espèce le principe et quantum des indemnités de licenciement dues par l’employeur à son ex-salarié.

Le délégué du gouvernement estime dès lors que le recours sous analyse serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Avant tout progrès en cause et en ce qui concerne le cadre légal dans lequel se situe le bulletin litigieux, il y a lieu de préciser que celui-ci a été émis à l’encontre de la société … dans le cadre d’une révision des retenues de l’impôt sur le revenu à opérer par l’employeur en application de l’article 136 LIR, aux termes duquel, « (1) Les rémunérations d’une occupation salariée au sens de l’article 95 sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu […].

5(2) La retenue est à opérer par l’employeur pour compte et à décharge du salarié.

[…] […] 4) L’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable. […] […] (6) L’impôt retenu est à déclarer et à verser par l’employeur à l’administration des contributions. […] ».

Il suit de cette disposition que l’employeur est tenu, d’une part, d’opérer, pour compte et à décharge du salarié, la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu dont sont passibles les rémunérations d’une occupation salariée, au sens de l’article 95 LIR, et, d’autre part, de déclarer et de verser l’impôt retenu à l’administration des Contributions directes, l’employeur étant personnellement responsable de l’impôt retenu ainsi que de l’impôt qu’il aurait dû retenir, à moins que, dans ce dernier cas, il ne soit établi que le défaut ou l’insuffisance de retenue ne lui est pas imputable.

C’est en application de ces principes que suite à une procédure de vérification, le bureau d’imposition a, dans le bulletin litigieux, fixé le complément de retenue d’impôt à verser à l’administration des Contributions directes par la société …, par rapport à la somme que celle-ci a versé à Monsieur … dans le cadre de son licenciement.

Il convient ensuite de relever que si les parties à l’instance consentent à retenir que le montant de … euros versé à titre d’indemnité de départ est exempt d’impôt, et ceci conformément à l’article 115, paragraphe 9 LIR « Sont exempts de l’impôt sur le revenu […] 9.a) l’indemnité de départ prévue par la législation sur le contrat de travail ou celle convenue dans une convention collective de travail », elles sont toutefois en désaccord sur la part imposable de … euros telle que retenue par le bureau d’imposition dans le bulletin litigieux, et plus précisément sur la question de savoir si le montant de … euros doit être inclus dans ladite part imposable.

En effet, si la demanderesse estime que ce montant devrait être exclu de la part imposable alors qu’il aurait été indûment réglé à Monsieur …, le délégué du gouvernement de son côté soutient que les raisons pour lesquelles la demanderesse conclu au caractère indu de ce montant seraient purement hypothétiques et, par ailleurs, contestées, et il affirme qu’il y aurait uniquement lieu de se baser sur la réalité non contestée du versement effectué pour déterminer la base imposable, laquelle s’élèverait alors à … euros.

Il y a lieu de rappeler que conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou 6réduisant la cote d’impôts appartient au contribuable, cette preuve pouvant être rapportée par tous les moyens hormis le serment1.

A l’appui de ces prétentions, la demanderesse se prévaut d’un arrêt de la huitième chambre de la Cour d’appel de et à Luxembourg, du 4 juin 2020 par lequel son action en répétition de l’indu introduite le 5 juin 2018 a définitivement été tranchée. Dans la mesure où son action en répétition de l’indu a définitivement été tranchée au jours de la présentes, la demande de la société … de surseoir à statuer dans l’attente du sort réservé à cette action est à rejeter pour défaut d’objet.

A l’audience publique du 13 janvier 2021, le délégué du gouvernement demande le rejet de cette pièce au motif qu’elle a été versée après le rapport du juge-rapporteur. Cette demande est toutefois à rejeter compte tenu de la possibilité du tribunal de solliciter la communication de pièces en cours d’instance et, au besoin, après le rapport du juge-

rapporteur, voire après la prise en délibéré de l’affaire, laquelle est expressément prévue par l’article 8, paragraphe (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 aux termes duquel « Toute pièce versée après que le juge-rapporteur a commencé son rapport en audience publique est écartée des débats, sauf si le dépôt en est ordonné par le tribunal. », possibilité à laquelle le tribunal a eu recours en l’espèce.

En ce qui concerne l’affirmation de la partie étatique selon laquelle le tribunal ne saurait subordonner son pouvoir de taxateur à une juridiction judiciaire, le délégué du gouvernement soutenant, en se basant sur l’article 95bis de la Constitution, que la question de savoir si le montant de … euros était ou dû ou non serait étrangère à la matière fiscale et ne saurait influer sur le présent litige, il convient de relever que si en vertu de l’article 95bis de la Constitution aux termes duquel « Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative. Ces juridictions connaissent du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par la loi », seul le contentieux administratif et le contentieux fiscal relèvent de a compétence des juridictions administratives et que celles-ci n’ont effectivement pas compétence pour statuer sur des questions de droit du travail, cette compétence étant exclusivement réservée aux juridictions du travail, il n’en reste pas moins que des questions de droit du travail, peuvent avoir des répercussions directes ou indirectes sur le contentieux fiscal, et ce notamment en ce qui concerne des questions relatives à la rémunération d’un salarié.

A cet égard, il convient encore de souligner que le tribunal de céans siège en tant que juge de la réformation et est ainsi appelé à statuer à nouveau, en lieu et place de l’administration fiscale sur la question de savoir si les retenues d’impôts opérées par la demanderesse, en ce qui concerne les rémunérations de son ex-salarié, Monsieur …, sont conformes à l’article 136 LIR et il lui appartient dès lors de se prononcer sur le bien-fondé de l’imposition retenue, bien-fondé qui est contesté par la demanderesse.

Or, pour ce faire le tribunal doit prendre en compte les conclusions de la Cour d’appel de et à Luxembourg dans son arrêt prémentionné du 4 juin 2020, alors qu’à travers cet arrêt la Cour d’appel a statué sur la question de savoir si le montant litigieux de … euros était effectivement dû à Monsieur … en tant que différentiel net/brut pour la période de 5 mois et 1 semaine et ce au titre de l’indemnité de départ qui aurait été commuée en préavis sur la 1 Cour adm., 29 juillet 2009, n°25531C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n°1149 et les autres références y citées.

7période s’étalant du 7 août 2013 au 14 décembre 2013, ou si ce montant était indu pour être étranger à toute indemnité de départ. Plus précisément, la Cour d’appel, à travers l’arrêt en question, s’est prononcée sur la question de savoir si, à côté de l’indemnité de départ de … euros versée à Monsieur …, ce dernier avait encore droit à une indemnité de départ supplémentaire, correspondant aux mensualités lui versées pour la période du 7 août 2013 au 14 décembre 2013, mensualités qui lui auraient dès lors dû être versées en brut et non pas en net, tel que ce fut le cas en l’espèce, la réponse à cette question ayant une influence directe sur la qualification fiscale du montant de … euros, alors qu’une somme indûment touchée par un salarié et antérieurement remboursée par celui-ci, ne saurait être incluse dans la « part imposable de l’indemnité de départ » de ce même salarié.

A cet égard, force est de constater que la Cour d’appel de et à Luxembourg, dans l’arrêt du 4 juin 2020, a retenu ce qui suit : « Il n’est pas contesté que l’employeur a versé au salarié, du 15 décembre 2012 au 14 décembre 2013, 12 mois de salaire net. Suite au décompte établi par Maître […], il a encore viré, le 7 avril 2014, outre une indemnité de départ correspondant à … euros au titre d’indemnité de départ correspondant à 7 mois de salaire brut, ainsi que la somme de … euros correspondant à la différence entre le salaire net et le salaire brut pour la période du 7 août 2013 au 14 décembre 2013.

Or, le paiement de ce dernier montant n’était pas redu en vertu de la convention collective ou du Code de travail, et il ne résulte d’aucun élément du dossier que l’employeur ait effectué ce versement avec une intention libérale.

La preuve du paiement indu étant ainsi rapporté par l’employeur, il y a lieu, par réformation du jugement entrepris, de déclarer sa demande fondée. », la Cour ayant ainsi condamné Monsieur … à payer à la société … « le montant de … euros avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande en justice jusqu’à solde ».

Au vu de ces conclusions, il y a lieu de retenir que le montant litigieux de … euros a été indûment touché par Monsieur … et ce en supplément de son indemnité de licenciement, ainsi que de l’indemnité touchée pour jours de congé non pris et en supplément de son salaire auquel il avait droit lors de son préavis, salaire pour lequel il n’est pas contesté en cause que les retenues d’impôts ont été effectuées correctement, de sorte que ce même montant n’a pas fait partie de sa rémunération au sens de l’article 95 LIR, et n’est partant pas susceptible de tomber dans le champ d’application de l’article 136 LIR.

Il y a dès lors lieu de réformer le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments d’impôts litigieux en ce sens que le montant de … euro n’est pas à inclure dans la part imposable retenue dans ce même bulletin et de renvoyer le litige devant le directeur aux fins de transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution.

La demanderesse, en se basant sur l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros, demande qui est toutefois à rejeter alors qu’elle reste en défaut de justifier en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens, la simple référence à l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 étant insuffisante à cet égard.

8Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments d’impôts du 11 avril 2018, dit qu’il n’y a pas lieu d’inclure le montant de … euro dans la part imposable de l’indemnité de départ de Monsieur … ;

renvoie le dossier au directeur de l’Administration des Contributions directes aux fins de transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

condamne la partie étatique aux frais et dépens.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 7 avril 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 42294
Date de la décision : 07/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-04-07;42294 ?

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