Tribunal administratif N° 43506 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2019 4e chambre Audience publique du 2 avril 2021 Recours formé par Monsieur XXX, … (Brésil), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43506 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 août 2019 par Maître Martine Krieps, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, né le … à … (Brésil), de nationalité brésilienne, demeurant à … (Brésil), …, ayant élu domicile en l’étude de son mandataire sise à L-1946 Luxembourg, 1, rue Louvigny tendant, aux termes de son dispositif, principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 23 avril 2019 « en ce qu’elle comporte l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de 3 ans » à partir de la sortie de l’Espace Schengen à son égard ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 décembre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Martine Krieps déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 décembre 2019 pour le compte de Monsieur XXX, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;
Vu la communication de Maître Martine Krieps du 17 février 2021 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en sa plaidoirie à l’audience publique des plaidoiries du 2 mars 2021.
Suivant procès-verbal de la police grand-ducale du 23 avril 2019 portant le numéro de référence 2019/14778/174/DC, un contrôle de police fût effectué en date du même jour sur un 1chantier sis à L-…, lors duquel il fût découvert qu’un certain nombre de personnes y effectuaient des travaux sans être en possession d’une autorisation de séjour.
Suite à l’audition, dans ce contexte, de Monsieur XXX, il apparut que ce dernier ne disposait d’aucune autorisation de séjour, ni de visa en cours de validité, de sorte que le ministère des Affaires étrangères et européennes, désigné ci-après « le ministère », fût contacté.
Par décision du 23 avril 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-
après « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur XXX et prononça un ordre de quitter le territoire sans délai à son égard, assorti d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à partir de la sortie de l’espace Schengen.
Cette décision est motivée comme suit :
« (…) Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu le rapport no 2019/14778/174/DC du 23 avril 2019 établi par la police grand-
ducale ;
Attendu que l'intéressé ne justifie pas l'objet et les conditions du séjour envisagé ;
Attendu que l'intéressé ne justifie pas de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie ;
Attendu que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;
Attendu que l'intéressé n'est ni en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail ;
Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé ; (…) ».
Par décision du même jour, le ministre décida du placement de Monsieur XXX au centre de rétention pour une durée d’un mois.
En date du 2 mai 2019, Monsieur XXX a été éloigné de façon non accompagnée à Sao Paulo au Brésil.
En date du même jour, il a été signalé conformément à l’article 24 du règlement CE n°1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II).
Par un recours gracieux du 24 mai 2019, le mandataire de Monsieur XXX s’adressa au ministre pour l’informer que son mandant serait entré légalement au Portugal pour y chercher du travail, qu’il y serait en train d’introduire une demande de régularisation, qu’il disposerait d’un contrat de travail en cours au Portugal et qu’il serait entré sur le territoire luxembourgeois de bonne foi et sur ordre de son employeur dans le cadre d’un prétendu détachement et ce, en possession d’un badge social de l’Inspection du Travail et des Mines, désignée ci-après par « l’ITM », sans se douter de l’irrégularité de sa situation.
Son mandataire expliqua par ailleurs que son mandant aurait résidé de fait à … en France, qu’il aurait été quotidiennement conduit au chantier à … et qu’il aurait collaboré avec 2les autorités luxembourgeoises une fois que l’irrégularité de sa situation était connue, de sorte à finalement être volontairement retourné au Brésil.
Elle affirme par ailleurs que son mandant ne souhaiterait pas retourner au Luxembourg, mais souhaiterait être réuni avec sa compagne au Portugal et y régulariser sa situation, de sorte à solliciter l’annulation de l’interdiction du territoire prononcée à l’encontre de son mandant.
Par courrier du 29 mai 2019, le ministre informa le mandataire de Monsieur XXX que ce dernier aurait été retourné au Brésil par la police au moyen d’un vol non-assisté au Brésil en date du 2 mai 2019, de sorte à ce que l’interdiction d’entrée sur le territoire prise à son encontre aurait pris effet à cette date et aura effet jusqu’au 2 mai 2022.
Par le même courrier, le ministre l’informa que son mandant était entré dans l’espace Schengen en date du 21 février 2018 sans être en possession d’un permis de séjour ou de travail, de sorte à ce qu’il aurait dû quitter ledit espace après trois mois, soit en date du 21 mai 2018 au plus tard. Suite à son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et suite à son travail qui serait à considérer comme étant illégal, il aurait été décidé de prononcer à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire, le ministre relevant encore que le badge social émis de la part de l’ITM ne constituerait, par ailleurs, pas un permis de séjour ou de travail.
Par courrier du 4 juin 2019, le mandataire de Monsieur XXX contacta encore le ministre afin que ce dernier prenne position quant à son recours gracieux du 24 mai 2019, le courrier du 29 mai 2019 du ministre ne comportant, selon elle, aucun élément décisionnel.
Par courrier du 19 juin 2019, le ministre prit position par rapport audit courrier en rappelant que l’interdiction d’entrée sur le territoire de son mandant aura effet jusqu’au 2 mai 2022 et qu’une demande de levée de l’interdiction pourrait être déposée en application de l’article 112, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après « la loi du 29 août 2008 », après un délai raisonnable tout en informant, par ailleurs, le mandataire de Monsieur … relativement à la régularisation envisagée de son mandant au Portugal en vue d’y être réuni avec sa compagne, que l’interdiction d’entrée sur le territoire émise à son encontre ferait objet d’une réévaluation après réception d’une demande en annulation formulée le cas échéant par l’administration portugaise en vue d’une autorisation de séjour pour le Portugal.
Par requête déposé au greffe du tribunal administratif le 29 août 2019, inscrite sous le numéro 43506 du rôle, Monsieur XXX a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à l’annulation, sinon à la réformation de la décision précitée du ministre du 23 avril 2019 « en ce qu’elle comporte l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de 3 ans ».
Dans son mémoire en réponse, le délégué de gouvernement souligne, à titre liminaire, que, par courriers des 29 mai et 19 juin 2019, le ministre aurait pris position quant au recours gracieux de Monsieur XXX du 24 mai 2019, dirigé contre la décision du ministre du 23 avril 2019 portant interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte à ce que le recours introduit, à titre subsidiaire, contre une prétendue décision implicite de refus du 24 août 2019 serait à déclarer irrecevable pour défaut d’objet, moyen par rapport auquel Monsieur XXX n’a pas pris position.
Force est au tribunal de constater qu’au regard du dispositif de la requête introductive d’instance, l’objet du recours sous examen est limité expressément à l’annulation, sinon à la 3réformation de la décision du 23 avril 2019, de sorte à ne pas porter sur une décision implicite de refus. Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie gouvernementale est à rejeter pour défaut de pertinence.
Il convient ensuite de souligner que quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, un recours en annulation n’étant possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.
Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure de recours au fond en matière d’interdictions d’entrée sur le territoire, l’article 113 de la loi du 29 août 2008 prévoyant expressément un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles prononçant une interdiction d’entrée sur le territoire, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle litigeuse.
Il s’ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Le recours en annulation introduit à titre principal contre la décision ministérielle du 23 avril 2019, telle que confirmée par décisions ministérielles des 29 mai et 19 juin 2019 est par contre recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi.
Dans son mémoire en réponse, le délégué de gouvernement soutient que le recours de Monsieur XXX serait limité au seul volet de l’interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans à son encontre.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur rétorque que l’objet d’une demande en justice ne serait pas limité au seul dispositif de la requête introductive d’instance, mais qu’il conviendrait de la considérer en son entièreté.
Ainsi, il aurait formulé à la première page de sa requête un recours contre « la décision du Ministre de l’Immigration et de l’Asile datée au 23 avril 2019 ayant comme objet un ordre de quitter le territoire et une interdiction d’entrée sur le territoire pendant une durée de 3 ans ».
Il fait encore valoir que s’il ne saurait contester l’irrégularité de son séjour, il ressortirait néanmoins de sa requête introductive d’instance que la décision, en ce qu’elle ne lui a pas accordé un délai de départ volontaire, serait sujette à contestation de sa part.
A cet effet, il avance encore qu’il n’aurait pas pris la fuite après un premier contrôle de la police grand-ducale et de l’ITM en date du 16 avril 2019, de façon à ce qu’il aurait contesté l’existence d’un risque de fuite dans son chef, ce aussi bien dans son recours que lors de son recours gracieux.
Il estime en outre, sur base d’une jurisprudence de la Cour administrative, qu’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire constituerait une décision 4unique, de façon à ce que l’argument du délégué du gouvernement tendant à une limitation du recours en annulation à un seul volet serait à rejeter.
En ce qui concerne l’objet de la demande introduite par le recours sous examen, il y a lieu de relever que l’objet du recours est constitué par le résultat que le demandeur entend obtenir1, celui-ci étant circonscrit dans le dispositif de la requête introductive d’instance notamment par rapport aux actes ou décisions critiquées à travers le recours2, étant précisé que si en présence d’une contrariété entre le corps et le dispositif de la requête quant à l’objet du recours, il se dégage sans mépris possible du corps de la requête sous-tendant directement le dispositif quelle est en réalité la décision que le demandeur au recours entend attaquer et s’il en ressort que la décision mentionnée dans le dispositif ne peut être que le résultat d’une simple erreur matérielle, le tribunal peut valablement considérer que le recours est dirigé contre la décision qui se dégage de la motivation du recours, sans mettre en cause la recevabilité du recours, si par ailleurs les droits de la défense sont garantis3.
En l’espèce, il ressort du dispositif de la requête introductive d’instance que Monsieur XXX a introduit un recours contre « la décision du 23 avril 2019 du Ministre de l’Immigration et de l’Asile (réf. 549235/PL) notifiée en date du même jour en ce qu’elle comporte l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de 3 ans ». Dans le corps de sa requête, il admet l’irrégularité de son séjour au moment de la prise de décision du ministre et avance des moyens tendant à l’annulation de « la décision » sans préciser le volet de la décision qui serait à annuler, sauf à invoquer des éléments de fait desquelles il ressortirait que « les circonstances propres à la personne du requérant » n’auraient « pas été prises en considération », ce constat n’étant pas énervé par la référence sommaire de Monsieur XXX quant à l’absence de risque de fuite dans son chef, alors qu’il ne cite aucune base légale et conséquence en droit par rapport à cette allégation, ni par le fait que la décision déférée formerait un seul tout, cette constatation entraînant uniquement l’absence d’obligation d’introduire un recours séparé contre chaque volet de ladite décision.
Force est par ailleurs de constater que, dans son courrier du 24 mai 2019 adressé au ministre, le mandataire de Monsieur XXX se borne à critiquer l’édiction d’une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre, sans remettre en question ni l’irrégularité de son séjour, ni l’ordre de quitter le territoire sans délai.
Il s’ensuit qu’aucune contradiction flagrante entre le dispositif de la requête introductive d’instance du 29 août 2019 et son corps ne peut être constatée, de façon à ce que l’objet présenté dans son dispositif doit prévaloir.
Cet objet ayant clairement été limité au volet de la décision qui comporte l’« interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de 3 ans », toute demande formulée ultérieurement et tendant à l’annulation ou à la réformation des deux autres volets de la décision est à rejeter pour violation du contrat judiciaire formé entre parties.
1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 343 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 13 juin 2005, n° 19368 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°345 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 17 décembre 2008, n° 24406 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°344 et les autres références y citées.
5Il s’ensuit que dans son analyse des moyens de Monsieur XXX, le tribunal fera abstraction de l’ensemble des moyens visant le constat de l’irrégularité du séjour de ce dernier, ainsi que l’ordre de quitter le territoire.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur fait valoir qu’il serait entré sur le territoire portugais le 21 février 2018, où il aurait travaillé et où il aurait été déclaré en bonne et due forme, disposant d’un contrat de travail, d’un passeport en cours de validité, ainsi que d’une mesure de tolérance, le demandeur y étant par ailleurs inscrit au registre de la population et au registre central des contributions.
Il explique qu’au moment de venir au Luxembourg, il aurait été en train, ensemble avec son épouse, de régulariser sa situation de séjour au Portugal.
En date du 25 mars 2019, son employeur, la société de droit portugais …, désignée ci-
après par « la société … », lui aurait ordonné d’aller travailler au Luxembourg pour une société de droit luxembourgeois, de façon à ce qu’il aurait commencé à travailler pour ladite société luxembourgeoise sur un chantier sis à ….
Suite à l’intervention de l’ITM en date du 23 avril 2019, il aurait été placé au centre de rétention, son séjour n’ayant pas été légal et il se serait vu notifier un refus de séjour, ainsi qu’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans.
Le demandeur fait valoir qu’il aurait naïvement ignoré que sa situation aurait été illégale au Luxembourg, alors qu’il aurait cru que son employeur aurait réglé sa situation en bonne et due forme.
Il précise par ailleurs qu’aucun salaire ne lui aurait été réglé et affirme qu’une requête en ce sens serait déposée devant le tribunal du travail.
Le demandeur affirme par ailleurs être retourné au Brésil en date du 2 mai 2019, ce alors que sa demande de régularisation au Portugal aurait été rejetée.
En droit, le demandeur estime d’abord que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 concernant la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-
après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », sinon pour défaut de motivation.
Dans ce contexte, il fait, par ailleurs, valoir que l’article 112 de la loi du 29 août 2008 prévoirait que le ministre, en prenant une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire, devrait prendre en considération les circonstances propres à chaque cas, précisions que ladite décision devrait partant contenir. Or, en l’espèce, il ne ressortirait pas de la décision déférée que les circonstances propres à sa personne auraient été prises en compte, notamment le fait qu’il aurait bénéficié d’un statut de tolérance au Portugal depuis 2018, qu’il y disposerait d’un contrat de travail et qu’il aurait cru, de bonne foi, que sa présence au Luxembourg aurait été régulière, voire que son employeur aurait tout entrepris afin de régulariser sa situation, qu’il aurait disposé d’un badge social émis par l’ITM, qu’il n’aurait pas pris la fuite après un premier contrôle du chantier par l’ITM en date du 16 avril 2019 et finalement qu’il aurait collaboré avec les agents de l’ITM et la police dès la découverte de sa situation irrégulière.
6Il en conclut que si le ministre l’avait, conformément à l’article 9 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, préalablement consulté, ce dernier aurait alors été en mesure de prendre en considération les circonstances propres à son cas.
S’il ressortirait d’un arrêt de la Cour administrative du 30 mai 2017, inscrit sous le numéro 39073C du rôle, qu’un administré qui aurait crée lui-même une situation d’illégalité par rapport à laquelle le ministre aurait seulement réagi à travers des mesures de police des étrangers, ne saurait se prévaloir de l’article 9 dudit règlement, il faudrait néanmoins constater qu’en l’espèce, il n’aurait pas été en séjour prolongé et qu’il ne se serait pas maintenu sur le territoire après une décision de refus de séjour ou de retour.
Alors qu’il aurait été décidé que la méconnaissance de l’article 9 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, dans les hypothèses dans lesquelles l’administré avait la possibilité d’influer concrètement sur le contenu de la décision à prendre, entraînerait l’annulation d’une telle décision, ce qui serait l’hypothèse rencontrée en l’espèce, la décision déférée devait être annulée.
Il considère par ailleurs que, même dans l’hypothèse où sa présence sur le territoire lui aurait été personnellement imputable, l’obligation de le consulter préalablement à la prise de décision en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 découlerait du fait que l’article 112 de la loi du 29 août 2008 prévoirait la prise en compte des considérations propres à chaque cas avant l’édiction d’une interdiction d’entrée sur le territoire.
Subsidiairement, la décision attaquée encourrait l’annulation pour « manque de motivation pertinente conforme à la loi, en fait et en droit », alors qu’il ressortirait de l’article 109 de la loi du 29 août 2008 que les décisions de refus visées respectivement aux articles 25 et 27 et aux articles 100, 101 et 102 seraient prises par le ministre et dûment motivées, les motifs précis et complets d’une telle décision devant être portés à la connaissance de la personne concernée.
Le demandeur fait valoir que si le ministre disposerait d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire quant au fond de sa demande, ce dernier n’échapperait pas entièrement au contrôle des juridictions administratives, alors que le juge devrait vérifier tant la matérialité des faits à la base de la décision que le caractère proportionnel de la décision par rapport aux faits établis.
Quant à la matérialité des faits, le demandeur réénumère tous les éléments prouvant, d’après lui, sa bonne foi et l’ignorance de l’irrégularité de son séjour.
Aucun risque de fuite ne serait en outre établi dans son chef, ce nonobstant la présomption légale y relative, alors qu’il n’aurait pas pris la fuite après un premier contrôle de l’ITM en date du 16 avril 2019 et qu’il ne se serait à aucun moment soustrait à sa responsabilité du fait de sa collaboration avec les autorités luxembourgeoises.
La décision serait dès lors manifestement disproportionnée et le ministre aurait fait un usage excessif de son pouvoir, de sorte à ce que la décision devrait encourir l’annulation.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur avance encore que la directive CE n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de 7pays tiers en séjour irrégulier, désignée ci-après « la directive 2008/115/CE », prévoirait qu’en principe un délai de départ volontaire devrait être accordé au ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière et que ce ne serait que par exception qu’aucun délai de départ volontaire ne pourrait être accordé, limitée à des hypothèses analysées de manière individuelle sur base de critères objectifs définis par la loi, sans qu’une possibilité de présomption d’un risque de fuite ne serait prévue par ladite directive.
Les présomptions du risque de fuite prévues par l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008 seraient dès lors moins favorables que la directive 2008/115/CE et partant contraires à son article 4, paragraphe (3), de façon à ce que l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, en ce qu’il établirait des présomptions de risque de fuite, devrait être écarté.
Il reviendrait dès lors au ministre de vérifier et de prouver individuellement dans chaque cas un risque de fuite de nature à justifier un ordre de quitter le territoire sans délai, ce qui ne serait, pas le cas en l’espèce.
Dans la mesure où aucun risque de fuite ne serait établi dans son chef et qu’aucune autre justification pour l’absence d’un délai de départ volontaire ne saurait être avancée par le ministre, il y aurait eu lieu de lui accorder un délai de départ d’au moins 7 jours conformément à la directive précitée.
En ordre subsidiaire, le demandeur demande au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE », quant à la compatibilité de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008 à la directive 2008/115/CE.
Quant à l’obligation d’assortir un ordre de quitter le territoire sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire, ce en vertu de l’article 11 de la directive 2008/115/CE, tel qu’avancé par le délégué de gouvernement dans son mémoire en réponse, le demandeur estime que cette base légale n’aurait pas été citée par la décision, de sorte à ne plus pouvoir être prise en compte pour justifier la décision, alors qu’au contraire, tant son droit à un recours effectif que ses droits de la défense, prévus par la Charte européenne des droits fondamentaux, désignée ci-après par « la Charte », auraient été violés du fait qu’il aurait dû introduire son recours sans pouvoir se préparer et sans connaître la base légale non citée dans la décision déférée.
Outre la violation de son droit de recours effectif et de ses droits de la défense, l’absence d’indication de cette base légale serait par ailleurs contraire à l’article 6 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979, ainsi qu’à l’article 12 de la directive 2008/115/CE en ce que la décision déférée souffrirait de ce fait d’un défaut de motivation.
A titre plus subsidiaire, si la décision déférée, en ce qu’elle prévoit un ordre de quitter le territoire sans délai et en ce qu’elle n’a pas indiqué la directive 2008/115/CE comme base légale, ne devait pas violer ses droits de la défense et son droit à un recours effectif, le demandeur estime qu’elle serait néanmoins contraire à l’article 7 de ladite directive, alors que l’automatisme de l’article 11 de la même directive ne saurait s’appliquer.
Or, les éléments propres au cas d’espèce ne permettraient pas de justifier une mesure aussi grave que celle d’une interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans, de sorte que le 8constat s’imposerait que la décision déférée ne serait pas motivée, manquerait de base légale et procéderait d’une erreur manifeste d’appréciation.
En ordre encore plus subsidiaire, le demandeur estime que l’interprétation donnée à l’article 112 de la loi du 29 août 2008 par la Cour administrative dans son arrêt du 11 octobre 2018, inscrit sous le n° 40795C du rôle, en ce qu’elle aurait retenu que l’article 11 de la directive 2008/115/CE imposerait au ministre de prononcer d’une interdiction d’entrée sur le territoire dans le cadre de l’application de l’article 112 précité, serait contraire audit article 112, une telle obligation ne ressortant ni de l’article en question, ni de la volonté du législateur, ni d’ailleurs de la directive 2008/115/CE qui prévoirait la possibilité pour les Etats membres de prévoir des dispositions moins coercitives et n’instaurerait dès lors aucun automatisme en ce sens en son article 11.
En ordre tout à fait subsidiaire, le demandeur rappelle sa question préjudicielle y afférente à poser à la CJUE.
Quant à la durée de l’interdiction du territoire fixée à trois ans par la décision déférée, le demandeur fait préciser, dans son mémoire en réplique, qu’elle serait disproportionnée par rapport aux faits de l’espèce, précisant qu’il aurait bénéficié d’un statut de tolérance au Portugal, qu’il y aurait été déclaré tant au registre de la population qu’auprès des autorités fiscales, qu’il aurait été de bonne foi et qu’il aurait collaboré avec les autorités luxembourgeoises, de sorte à ce que l’interdiction d’entrée sur le territoire procéderait d’une erreur manifeste d’appréciation.
En dernier ordre de subsidiarité, le demandeur soutient que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait également applicable en matière de fixation de la durée d’une interdiction d’entrée sur le territoire.
Dans son mémoire en réponse, le délégué de gouvernement, après avoir retracé les faits et procédures, conclut au rejet du recours, invoquant la jurisprudence de la Cour administrative des 10 octobre 2018 et 5 février 2019, portant les numéros de rôle 40795C et 42047C, de sorte que le ministre aurait été obligé d’assortir les décisions comportant un ordre de quitter le territoire sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire.
La décision, en ce qu’elle édicte une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans à l’encontre du demandeur, aurait été prise conformément à l’article 112 de la loi du 29 août 2008, le délégué de gouvernement soulignant encore, dans ce cadre, que le ministre n’aurait disposé d’aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard, lequel serait limité à la fixation de la durée de l’interdiction, la durée de trois ans contenue dans la décision déférée étant par ailleurs proportionnée par rapport aux faits de l’espèce.
En tout état de cause la partie gouvernementale conclut, tant dans son mémoire en réponse, que dans son mémoire en duplique, au rejet de l’ensemble des moyens du demandeur.
Lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour 9incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés4.
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, il appartient tout d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque des actes lui déférés, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de leur légalité intrinsèque, étant encore précisé que le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent5.
En vertu de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir.
Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d´au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations. Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. L´obligation d´informer la partie concernée n´existe que pour autant que l´autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l´adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. » En l’espèce, et alors même que le ministre a pris une décision en dehors d’une demande explicite du demandeur, force est de retenir que ce dernier a lui-même créé, à travers son entrée et maintien irrégulier sur le territoire luxembourgeois, en l’absence de tout titre l’autorisant à y séjourner, une situation d’illégalité par rapport à laquelle le ministre a seulement réagi à travers les mesures de police des étrangers prises à son égard, de sorte que ce dernier ne saurait être considéré comme ayant agi de sa propre initiative face à une situation normalement constituée de l’administré6.
Il s’ensuit que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne trouve pas application en l’espèce.
Ce constat ne se trouve pas énervé par les développements du demandeur suivant lesquels il aurait été en possession d’un contrat de travail fixant son lieu de travail au Luxembourg, ainsi que d’un badge de l’ITM, ainsi que de sa prétendue bonne foi en pensant que son employeur aurait régularisé sa situation, alors qu’il n’aurait pas pu être dans l’ignorance qu’il n’était manifestement pas en possession d’un titre de séjour lui permettant l’entrée et le séjour sur le territoire luxembourgeois.
Il en résulte que le ministre a, sans méconnaître l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, pu prendre la décision déférée sans préalablement permettre au demandeur de 4 Trib. adm., 1er octobre 2012, n° 28831 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 38 et les autres références y citées.
5 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 479 et les autres références y citées.
6 Cour.adm, 9 mars 2017, n° 38128C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 239 et les autres références y citées.
10prendre position, quand-bien même, en application de l’article 112 de la loi du 29 août 2008, le ministre est obligé de prendre en compte des considérations propres à chaque cas.
En ce qui concerne le moyen d’annulation du demandeur pour « manque de motivation pertinente conforme à la loi, en fait et en droit », alors qu’une telle obligation de motivation ressortirait de l’article 109 de la loi du 29 août 2008, force est au tribunal, outre de rappeler que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est ni applicable, ni pertinent sur ce point, que l’article 109 de la loi du 29 août 2008 dispose que « les décisions de refus visées respectivement aux articles 25 et 27 et aux articles 100, 101 et 102 sont prises par le ministre dûment motivées ». Or, les décisions visées par ledit article, notamment les décisions de retour ordonnant à l’administré de quitter le territoire avec ou sans délai, ne font, tel qu’analysé plus en avant, pas objet du recours du demandeur du 28 août 2019, de façon à ce que ce moyen est à rejeter pour ne pas être pertinent relativement à la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire.
En ce qui concerne, ensuite, le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée que le demandeur, sans le désigner directement, a entendu baser sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il échet de relever qu’en vertu dudit article 6, toute décision administrative doit reposer sur des motifs de fait et de droit juridiquement admissibles et indiquer formellement les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle rentre dans l’une des hypothèses énumérées de manière limitative à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, à savoir les décisions refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, celles révoquant ou modifiant une décision antérieure sauf si elle intervient à la demande de l'intéressé et qu'elle y fait droit, celles qui interviennent sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ou encore celles qui interviennent après procédure consultative lorsqu'elles diffèrent de l'avis émis par l'organisme consultatif ou lorsqu'elles accordent une dérogation à une règle générale, dans les autres cas, l’administré ayant le droit d’exiger la communication des motifs.
Or, la décision déférée en l’espèce au tribunal, dont l’examen se limite, tel que cela a été retenu ci-avant, au volet portant interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois prise sur base de l’article 112 de la loi du 29 août 2008 ne rentre dans aucune des catégories y visées de sorte que ce moyen est d’ores et déjà à rejeter.
En ce qui concerne le moyen relatif à l’insuffisance de motifs par rapport à l’article 112, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que ce dernier dispose comme suit que « (1) Les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans prononcée soit simultanément à la décision de retour, soit par décision séparée postérieure. Le ministre prend en considération les circonstances propres à chaque cas. Le délai de l’interdiction d’entrée sur le territoire peut être supérieur à cinq ans si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale (…) ».
Si la motivation amenant le ministre à prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire doit certes se baser sur des faits matériellement établis, il ne ressort toutefois pas non plus de cette dernière disposition que ladite décision du ministre doit contenir une motivation expresse, ni qu’il ne devait procéder qu’après consultation de l’intéressé. Comme il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire prise sur base de l’article précité, et sans demande expresse du demandeur en ce sens, le moyen tiré d’une insuffisance 11d’indication des motifs sous examen doit également être rejeté pour ne pas être fondé sur ce volet.
Pour autant que de besoin, force est de relever, à l’instar du délégué du gouvernement, que l'arrêté ministériel du 23 avril 2019 est motivé en droit par le renvoi aux articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, de même qu’il contient des éléments de fait parfaitement connus du demandeur, à savoir sa situation administrative au Luxembourg.
En effet, il y est renvoyé au fait que le demandeur a fait l’objet en date du 23 avril 2019 d’une décision de retour comportant un ordre de quitter le territoire sans délai, le demandeur ne contestant d’ailleurs pas s’être trouvé en situation illégale sur le territoire luxembourgeois.
Ainsi, le tribunal relève que c’est sur base de ces considérations, - à savoir que le demandeur ne justifie ni l'objet et les conditions de son séjour envisagé ni les ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ni d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ni d'une autorisation de travail, - que le ministre a pris une décision de retour à l’encontre du demandeur en application des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, tout en assortissant celle-ci d’une interdiction d’entrée sur le territoire sur le fondement de l’article 112, précité, de la loi du 29 août 2008.
Il convient dès lors de retenir qu’en l’espèce les motifs à la base de l’interdiction d’entrée sur le territoire prononcée contre le demandeur sont ceux énoncés dans la décision déférée elle-même, de sorte que c’est à tort que le demandeur soutient que la décision sous examen ne se trouverait pas suffisamment motivée par rapport à des circonstances propres à son cas, le demandeur restant, par ailleurs, en défaut d’établir, au regard des constatations qui précèdent, une erreur manifeste d’appréciation, respectivement un excès de pouvoir dans le chef du ministre à cet égard.
Ce constat n’est pas énervé par l’absence d’indication de la directive 2008/115/CE dans la décision déférée, cette directive ayant été transposée entre autres par l’article 112 de la loi du 29 août 2008, base légale citée dans la décision déférée, raison pour laquelle le droit au recours effectif ainsi que les droits de la défense du demandeur ont par ailleurs été préservés, étant, en outre, relevé que le demandeur a amplement pu prendre position quant à ladite directive moyennant son mémoire en réplique du 18 décembre 2019.
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision déférée est également à rejeter sous ce volet.
Quant à l’obligation du ministre d’assortir la décision de retour comportant un ordre de quitter le territoire sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire et donc quant au principe de l’édiction d’une interdiction d’entrée sur le territoire en application de l’article 112 de la loi du 29 août 2008, il échet de constater, dans ce contexte, que selon les enseignements de la Cour administrative dans ses arrêts précités du 10 octobre 2018 et du 5 février 2019, l’article 112 de la loi du 29 août 2008 est à interpréter en ce sens que le ministre est obligé d’assortir automatiquement une décision de retour ne comportant pour l’intéressé aucun délai de départ d’une décision d’interdiction d’entrée et que le terme « peuvent », utilisé dans ledit article 112, vise, suivant l’interprétation lui donnée par la Cour administrative, le seul choix à effectuer par le ministre de prendre une telle décision simultanément avec la décision de retour 12ou par un acte séparé, conformément à l’article 6, paragraphe (6), de la directive 2008/115/CE, de même que l’obligation faite par le même article 112 de prendre en considération les circonstances propres à chaque cas se rapporte essentiellement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée.
L’article 112, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, au regard de l’interprétation retenue par la Cour administrative, et à laquelle le tribunal est tenu à la suite de plusieurs arrêts de la juridiction suprême rendus dans le même sens, oblige donc le ministre à assortir une décision de retour sans délai d’une interdiction d’entrée sur le territoire dont la durée ne peut, en principe, pas excéder cinq ans, sauf dans l’hypothèse où l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, de sorte que le ministre devait en l’espèce, au regard de l’irrégularité de la situation du demandeur sur le territoire luxembourgeois et de l’ordre de quitter le territoire sans délai, obligatoirement prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre.
Etant donné que le volet relatif à l’ordre de quitter le territoire n’a pas été valablement déféré au tribunal, toute argumentation relative à une violation de l’article 112 de la loi du 29 août 2008 ou contrariété à la directive 2008/115/CE, sinon à une erreur manifeste d’appréciation quant à l’obligation découlant de l’article 112 de la loi du 29 août 2008 doit être rejetée pour défaut de pertinence, tout comme la question préjudicielle à poser à la CJUE, telle que proposée par le demandeur.
En ce qui concerne la fixation de la durée de l’interdiction, force est de rappeler que si le ministre a un large pouvoir d’appréciation en la matière, un tel pouvoir n’échappe cependant pas au contrôle des juridictions administratives, en ce que le ministre ne saurait verser dans l’arbitraire. Ainsi, confronté à une décision relevant d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner le caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, en ce sens qu’au cas où une disproportion devait être retenue par le tribunal administratif, celle-ci laisserait entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision.
Le tribunal relève encore qu’en ce qui concerne les interdictions de territoire jusqu’à cinq ans, la loi ne prévoit pas de critères fixes permettant de guider la décision du ministre, celle-ci exigeant, en revanche, que le ministre prenne en considération les circonstances propres à chaque cas, de sorte que le tribunal, dans le cadre de son contrôle, doit également procéder à une analyse in concreto du dossier administratif afin de vérifier, au regard des motifs avancés, si la durée de l’interdiction ne semble pas disproportionnée en l’espèce.
Tout d’abord, au regard des considérations qui précèdent, l’argumentation du demandeur fondée sur une absence de risque de fuite dans son chef n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire.
En ce qui concerne la mise en cause de la proportionnalité de la durée de l’interdiction d’entrée sur le territoire en raison du fait qu’il aurait ignoré l’irrégularité de son séjour, le demandeur pensant que son employeur portugais aurait régularisé sa situation, ce alors qu’il aurait été en possession d’un badge de l’ITM et qu’il disposerait d’un statut de tolérance au Portugal, le tribunal est amené à constater que le demandeur n’était pas en possession d’une 13autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois au moment de son entrée sur le territoire luxembourgeois, ni même d’un contrat de travail avec la société luxembourgeoise pour le compte de laquelle il pensait venir travailler sur le territoire.
Il y a également lieu de relever que le souhait du demandeur de se retrouver avec sa compagne au Portugal est sans pertinence, le demandeur affirmant lui-même que sa demande de régularisation a été rejetée au Portugal, raison pour laquelle il serait retourné au Brésil en date du 2 mai 2019, étant encore relevé que le demandeur affirme également ne pas souhaiter revenir au Luxembourg.
Etant donné que le demandeur apporte exclusivement des éléments relatifs à l’absence de justification du principe de prononcer une interdiction d’entrée sur le territoire à son encontre, volet toisé ci-avant, tout en restant en défaut de faire valoir des éléments censés établir qu’une durée de trois ans de l’interdiction d’entrée sur le territoire serait disproportionnée, force est de retenir qu’au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les moyens fondés sur une application disproportionnée de l’article 112, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ou encore sur une interprétation erronée de la situation personnelle concrète du demandeur sont à rejeter pour ne pas être fondés.
En l’absence d’autres moyens, le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
reçoit en la forme le recours principal en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 23 avril 2019 en ce qu’il comporte une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans ;
au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2021 par :
Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 14