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02/04/2021 | LUXEMBOURG | N°42879

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2021, 42879


Tribunal administratif N° 42879 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2019 4e chambre Audience publique du 2 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42879 du rôle et déposée le 14 mai 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah Moineaux, avocat à la Cour, inscrit

e au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né...

Tribunal administratif N° 42879 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2019 4e chambre Audience publique du 2 avril 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42879 du rôle et déposée le 14 mai 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah Moineaux, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Ethiopie), de nationalité éthiopienne, demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 11 avril 2019, portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sarah Moineaux et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives, à l’audience publique du 12 janvier 2021.

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Le 27 juin 2016, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

En date du même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

En date des 10 mai, 21 juin et 5 juillet 2017, Monsieur … fut auditionné par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1 Par décision du 12 mars 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, au motif que son récit ne serait pas crédible, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Suite à un recours en réformation dirigé contre ladite décision par Monsieur …, le tribunal administratif a, par jugement du 8 mars 2019, inscrit sous le numéro de rôle 41022, annulé ladite décision en retenant que le récit de Monsieur … était à considérer comme crédible dans sa globalité, tout en renvoyant l’affaire devant le ministre en vue de l’examen au fond de la demande de protection internationale de Monsieur ….

Par décision du 11 avril 2019, notifiée par courrier recommandé expédié le 12 avril 2019, le ministre informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Dans cette décision le ministre résuma les faits comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 27 juin 2016 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 10 mai, du 21 juin et du 5 juillet 2017 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu avec votre famille à … et que vous y auriez fréquenté le lycée jusqu'à la 12ème classe. D'ethnie Oromo, votre famille aurait été discriminée par les autorités, elle aurait été expropriée et des perquisitions auraient eu lieu à votre domicile.

En ce qui concerne les raisons de votre fuite de votre pays d'origine, vous évoquez que : «Ich bin von der Regierung gesucht und deswegen bin ich ausgereist. » (entretien, p.6/18). Dans ce contexte, vous mentionnez qu'en juillet 2015 la police éthiopienne aurait organisé une réunion d'information portant sur la liberté d'expression. Lors de son discours, l'orateur aurait aussi parlé des problèmes des Oromo. Selon vos dires, les élèves auraient hué ce policier et un élève l'aurait interrogé pourquoi il se serait concentré sur les problèmes des Oromo — une position que vous auriez soutenue en applaudissant. Suite à ces expressions de mécontentement, une trentaine d'élèves aurait été invitée à quitter la salle. Selon vos dires, vous auriez par la suite abandonné les lieux ensemble avec 30 autres jeunes, tout en soulignant que : « meine Volksgruppe wurde beleidigt und das konnte ich nicht hinnehmen. » (entretien, p. 12/18).

Une semaine après cet incident, trois policiers en civil vous auraient arrêté dans l'enceinte de votre lycée et vous auraient emmené au commissariat de police où vous auriez été détenu avec cinq autres élèves d'ethnie Oromo, dont un dénommé …. D'après vos dires, la police vous aurait soupçonné d'être des terroristes et vous auriez été maltraités et torturés afin d'avouer les noms de vos commanditaires. Après une semaine, vous auriez été transférés à un autre commissariat le 21 octobre 2015 ; vos parents auraient cependant pu vous libérer contre le paiement d'une certaine somme d'argent.

Suite à votre libération, vous auriez repris les cours après un congé d'une semaine.

Le 10 décembre 2015, vous et les cinq autres élèves visés auriez à nouveau été arrêtés par la police, qui vous aurait à nouveau emmenés au commissariat. Selon vos dires, la police vous aurait soupçonné « dass wir Unruhe stiften werden und einen Aufstand planen würden » (entretien, p.14718).

Le 15 décembre 2015, vous auriez été emmenés au tribunal où … et … auraient été condamnés à cinq 2 ans de prison pour terrorisme. En raison du manque de temps pour statuer sur votre cas, vous auriez été emprisonné avec les trois autres élèves. Selon vos dires, vous auriez à nouveau dû être présenté aux juges le 25 décembre 2015. Pour éviter une condamnation, vous auriez décidé de vous enfuir de la prison. Après avoir corrompu les policiers et le commissaire responsable du commissariat moyennant 10.000 Birrs éthiopiens chacun, ces derniers vous auraient fourni une scie métallique pour pouvoir faire une ouverture dans la tôle ondulée de votre cellule et ainsi permettre votre fuite. Dans ce contexte, vous mentionnez que votre père et votre frère auraient été emprisonnés un jour après votre fuite et que vous auriez été condamné par contumace à cinq ans de prison en date du 25 décembre 2015.

Vous vous seriez ensuite réfugié à … avant de poursuivre votre route vers à Addis Abeba.

Comme vous auriez été recherché au niveau national, vous auriez quitté votre pays d'origine et auriez franchi la frontière soudanaise avec l'aide d'un passeur somalien. Par la suite, vous auriez poursuivi votre chemin en direction de l'Europe, via la Libye. Une fois arrivé en Italie, vous seriez dans un premier temps allé à Calais pour tenter de gagner l'Angleterre, avant de décider de poursuivre votre chemin au Luxembourg, pour y introduire une demande de protection internationale.

Vous ne présentez aucun document d'identité. (…) » La décision de refus est motivée sur base de l’absence de risque de persécutions en cas de retour dans le pays d’origine de Monsieur … au vu de l’évolution de la situation politique depuis l’élection du premier ministre Abiy Ahmed qui aurait rompu avec la politique répressive de ses prédécesseurs, de sorte que la crainte évoquée par Monsieur … devrait être considérée comme purement hypothétique, alors qu’il existerait des raisons sérieuses de croire qu’il ne risquerait plus d’être persécuté en cas de retour dans son pays d’origine.

Sur base du même constat, Monsieur … n’aurait pas établi courir un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 11 avril 2019 par laquelle il s’est vu refuser l’octroi d’un statut de protection internationale et un recours tendant à la réformation de la décision du même jour portant, à son égard, ordre de quitter le territoire.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle du 11 avril 2019 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 11 avril 2019, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie à son rapport d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère ainsi qu’à ses développements complémentaires contenus dans son recours en réformation précédent et enrôlé sous le numéro de rôle 41022 du 16 avril 2018.

3 En droit et quant au refus ministériel de lui reconnaître le statut de réfugié, le demandeur estime remplir les conditions d’octroi de ce volet de la protection internationale en raison de ses déclarations claires et précises sur les motifs qui l’auraient amené à quitter l’Ethiopie.

Il estime que les actes invoqués par lui seraient motivés par plusieurs des critères de fond prévus par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, notamment les opinions politiques lui attribuées par ses persécuteurs, ainsi que son appartenance au groupe ethnique et au groupe social des Oromo d’Ethiopie.

A cet égard, il cite un rapport d’Amnesty International du 22 février 2018, intitulé « Exécutions extrajudiciaires », qui renseignerait sur des centaines d’exécutions extrajudiciaires de personnes appartenant à l’ethnie des Oromo de la part de la police Liyu d’Ethiopie dans la région Somali en 2017, ainsi que sur le déplacement de milliers d’habitants de ces secteurs suite à ces agissements.

Le demandeur fait, par ailleurs, valoir que ses parents et frères et sœurs auraient fait l’objet d’un tel déplacement d’abord vers un camp à Harar, puis, au courant de 2018, vers Burayu.

Quant à la gravité des persécutions d’ores et déjà subies, le demandeur estime remplir les conditions prévues à l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il aurait été emprisonné à deux reprises pour des accusations non fondées de terrorisme et que, lors de chacune des périodes d’emprisonnement, il aurait été victime d’actes de torture et de traitements inhumains et/ou dégradants.

Quant à la crainte de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur fait valoir qu’il craindrait son exécution extrajudiciaire sous la torture des autorités éthiopiennes dans les geôles éthiopiennes, où il craindrait être immédiatement incarcéré pour y purger une peine minimum de cinq années pour des faits de terrorisme inventés de toutes pièces par les autorités éthiopiennes en raison du fait qu’il aurait manifesté son opposition au régime. De plus, il risquerait une nouvelle condamnation en raison de son évasion.

Le demandeur estime par ailleurs tomber sous l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 qui établirait une présomption de crainte fondée de persécution en cas de retour dans son pays d’origine d’un demandeur dont il est établi qu’il a déjà fait objet d’actes de persécutions, « sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront plus. » Il estime que la décision de rejet du ministre procèderait d’une erreur d’appréciation quant au changement de régime en Ethiopie avec l’élection du nouveau premier ministre Abiy Ahmed en avril 2018 et qu’il n’existerait en l’occurrence pas de bonnes raisons de penser que la persécution subie avant son départ de l’Ethiopie ne se reproduirait plus en cas de retour dans son pays d’origine.

A l’appui de cette argumentation, le demandeur cite de nombreux articles de presse et rapports dans son recours, ainsi que par courriel envoyé au tribunal en date du 4 janvier 2021 suivant lesquels des exécutions arbitraires et extrajudiciaires contre le peuple des Oromo en Ethiopie continueraient à se produire même après l’élection du nouveau premier ministre.

4 Le demandeur fait par ailleurs valoir qu’un dénommé …, co-détenu et co-condamné pour les mêmes actes de terrorisme n’aurait pas été libéré, de façon à ce qu’il aurait de bonnes raisons de craindre par association qu’il serait également emprisonné en cas de retour pour y purger sa peine de cinq années à laquelle il aurait été condamné par contumace pour les mêmes faits.

Le demandeur conclut qu’il serait actuellement impossible de dresser un quelconque bilan suite au récent changement de régime en Ethiopie et que la répression violente et les violations des droits de l’Homme ne seraient pas terminées, contrairement à ce qu’allèguerait le ministre dans sa décision de rejet.

Ainsi, il fait valoir que la coalition Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens, désignée ci après par « l’EPRDF », serait au pouvoir en Ethiopie depuis vingt-huit ans et que l’actuel premier ministre Abiy Ahmed aurait été le leader de l’Organisation Démocratique des Peuples Oromo qui aurait fait partie de ladite coalition, avant d’être élu, en date du 27 mars 2018 à la tête du conseil du EPRDF de sorte à ce qu’il serait indéniable qu’après trois décennies, une si brève période ne permettrait pas de fonder et de retenir une amélioration de la situation générale en Ethiopie.

Dans ce contexte, le demandeur cite des articles de presse desquels il ressortirait que Abiy Ahmed resterait le porte-voix d’un système qui l’aurait façonné depuis son adolescence, qu’il aurait co-crée et dirigé l’un des organes de surveillance du pays, chargée de scruter les activités en ligne des citoyens, qu’il ne remettrait pas en question le EPRDF qui serait par ailleurs miné par des luttes intestines et dont le fonctionnement opaque resterait un mystère pour la plupart des observateurs.

Le demandeur fait par ailleurs valoir que des journalistes et des opposants auraient de nouveau été arrêtés, malgré une amnistie gouvernementale et que suite à des arrestations de milliers de personnes par le gouvernement éthiopien, ces dernières auraient été envoyées dans des camps de « réhabilitation ».

De même dans la région Oromia et à Addis Ababa, une vingtaine, respectivement une trentaine de personnes auraient été tuées par les forces de l’ordre, le demandeur citant encore des articles de presse de l’année 2018.

En ce qui concerne plus précisément lesdits camps de réhabilitation, le demandeur cite un rapport de Human Rights Watch du 20 octobre 2018 intitulé « Mass Arrests, ‘Brainwashing’ Threaten Ethiopa’s Reform Agenda », suivant lequel des forces armées éthiopiennes procéderaient à des arrestations et détentions arbitraires sans accusation, ni procès officiel.

A cette fin, il entend par ailleurs encore se référer à un arrêt de la Cour administrative du 19 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43578C du rôle, qui aurait retenu que « Sur base de l’ensemble des éléments d’appréciation soumis à la Cour, dont ceux nouvellement produits en instance d’appel, la Cour se rallie à l’analyse des premiers juges qui les a amenés à constater en substance que si une amélioration de la situation politique en Ethiopie depuis la désignation du nouveau Premier Ministre, avec une tentative de réconciliation nationale, est indéniable, il n’en reste pas moins que des tensions ethniques persistent et l’évolution de la situation politique 5 actuelle en Ethiopie et des conditions de sécurité y prévalant n’est pas telle que l’on puisse raisonnablement retenir qu’il n’existe plus aucun risque de persécution future (notamment un nouvel emprisonnement, spécialement du fait que l’intimé n’a pas été relâché antérieurement, mais s’est évadé lors de son dernier emprisonnement) dans le chef de l’intimé, compte tenu de son profil, de ses expériences passées et du vécu des autres membres de sa famille, dont son frère, en cas de retour en Ethiopie.

Ainsi, la conclusion que la partie étatique entend tirer de l’évolution récente de la situation politique en Ethiopie appert essentiellement prématurée et les craintes de persécutions exprimées par l'intimé paraissent rester actuelles et réelles, partant fondées. » Quant à la qualité des agents de persécutions, le demandeur estime tomber sous l’article 39 a) de la loi du 18 décembre 2015, alors que les actes de persécutions dont il aurait fait objet et dont il craindrait de faire l’objet en cas de retour dans son pays d’origine émaneraient des autorités éthiopiennes et donc de l’Etat éthiopien, persécutions contre lesquelles aucune protection ne serait, par définition, possible.

Le demandeur conclut, au vu de ces considérations, qu’il remplirait les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié.

Subsidiairement, le demandeur estime, pour les mêmes motifs, remplir les conditions d’octroi de la protection subsidiaire, au vu d’un risque réel et actuel de subir des atteintes graves prévues à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, de façon à ce que si le tribunal devait estimer qu’il ne remplirait pas les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié, il remplirait néanmoins les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour être non fondé.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention 6 européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves », et l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) 7 de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

La crédibilité des déclarations du demandeur n’étant plus contestée depuis le jugement du tribunal administratif du 8 mars 2019, inscrit sous le numéro 41022 du rôle, le tribunal se limitera à l’analyse de la pertinence des faits allégués.

Force est d’abord au tribunal de constater que tant la décision entreprise, que le mémoire en réponse du délégué de gouvernement s’attardent uniquement sur l’existence ou non d’un risque de persécution en cas de retour dans le pays d’origine du demandeur, sans préciser si les actes antérieurement subis par ce dernier correspondent aux persécutions prévues aux articles 39, 40 et 42 de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne les motifs de persécutions, il ressort des déclarations du demandeur, telles qu’actées dans son rapport d’audition ainsi que des précisions apportées par lui dans le cadre de son recours précédent, inscrit sous le numéro 41022 du rôle, que les faits qui l’ont amené à quitter son pays d’origine s’inscrivent sur une toile de fond politique et ethnique et sont, de ce fait, a priori susceptibles de tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève. Le demandeur a, en effet, expliqué avoir fait l’objet de persécutions liées, d’une part, à son soutien publique de la cause du peuple des Oromo, ethnie discriminée en Ethiopie et, d’autre part, à sa propre appartenance à l’ethnie des Oromo, ce qui lui a valu deux arrestations lors desquelles il a fait objet de torture et de traitements inhumains et dégradants, ainsi qu’une condamnation à cinq années d’emprisonnement pour des actes de terrorisme non autrement spécifiés, de sorte qu’il y a 8 lieu de constater que les arrestations et les détentions dont Monsieur … a fait l’objet ont été motivées par des considérations politiques, respectivement ethniques, matérialisées par les soupçons des autorités éthiopiennes d’avoir affaire à un agitateur décidé à s’opposer au régime en place.

Quant à la gravité des faits mis en avant par Monsieur …, il y a lieu de souligner que le demandeur a été détenu, en octobre 2015, pendant deux semaines sans qu’aucun acte d’accusation n’ait été dressé contre lui. Au cours de cette détention, il a été victime de maltraitances de la part les agents de police, notamment de violences physiques et de privations de nourriture et d’eau. Il a, par la suite, en décembre 2015, de nouveau été arrêté par la police et maltraité. Il a été accusé de terrorisme du fait d’avoir manifesté son soutien au peuple des Oromo lors d’une réunion publique avec la police locale et finalement condamné par contumace à cinq années de prison pour ces faits. De tels faits présentent, tant par leur nature que par leur caractère répété, indéniablement une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu des acteurs de persécution, le demandeur n’a en outre pas valablement pu obtenir une quelconque protection de la part des autorités de son pays.

A cet égard, il échet de préciser que l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption - réfragable - en faveur de la victime qui a déjà été persécutée ou a déjà subi des atteintes graves, que sa crainte d’être à nouveau persécutée en cas de retour dans son pays d’origine est fondée, à moins qu’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas, la preuve de « telles bonnes raisons » appartenant au ministre.

En l’espèce, tant le ministre que le délégué du gouvernement soutiennent que la situation politique en Ethiopie aurait fortement changé suite à la désignation du premier ministre Abiy Ahmed, qui a prêté serment en date du 2 avril 2018, de sorte qu’il existerait de bonnes raisons de penser que les persécutions vécues par Monsieur … ne se reproduiraient plus en cas de retour dans son pays d’origine. A cet égard, la partie gouvernementale précise que le premier ministre œuvrerait en vue d’une réconciliation nationale, qu’il souhaiterait mettre un terme à la discrimination ethnique et qu’il tendrait vers une décriminalisation des groupes de l’opposition.

Elle ajoute, en se basant sur un article d’Africa News du 5 juillet 2018, intitulé « Ethiopia removes ‘terrorist’ label from OLF, ONLF and Ginbot 7 opposition groups », que le Front de libéartion Oromo, désignée ci-après par « l’FLO », serait parmi les trois groupes de l’opposition politique qui auraient été retirés de la liste des organisations terroristes par le gouvernement éthiopien. Le Premier Ministre aurait par ailleurs ordonné la conclusion d’un accord décrétant la fin des hostilités entre les insurgés du Front de libération des Oromo et le gouvernement. Le délégué de gouvernement rajoute encore que, selon le Service d’immigration danois, le parlement éthiopien aurait « passed a Bill of Amnesty in June 2018 that annuls the charges against all indivudals, at home and abroad, except those who are charged with murder and rape (…) ».

En citant un article de la Stiftung Wissenschaft und Politik de juillet 2018, intitulé « Abiy Superstar – Reformer or Revolutionary », le délégué du gouvernement relève que le premier ministre éthiopien aurait libéré de nombreux opposants politiques qui étaient détenus, que les opposants exilés seraient retournés en Ethiopie pour entamer un dialogue politique et que les groupes listés comme organisations terroristes auraient été invités à participer à la politique 9 éthiopienne. Il indique encore que le premier ministre éthiopien aurait publiquement promis d’aborder la problématique des discriminations ethniques. La Stiftung Wissenschaft und Politik aurait d’ailleurs précisé dans le prédit article que ce dernier aurait une famille composée d’individus de différentes ethnies et religions, ce qui laisserait penser qu’il ne poursuivrait pas une politique ethno-nationaliste.

Du fait que l’emprisonnement lié aux convictions personnelles du demandeur en 2015 aurait eu lieu sous l’ancien régime, la crainte de nouvelles persécutions de ce dernier en cas de retour dans son pays d’origine à l’heure actuelle serait donc une crainte purement hypothétique.

Par courriel du 5 janvier 2020 à l’adresse du tribunal, la partie gouvernementale entend par ailleurs encore se baser sur plusieurs décisions de juridictions étrangères et notamment de l’Autriche, de la Suisse et de l’Allemagne de 2019 à 2020, suivant lesquelles les développements récents en Ethiopie seraient tout à fait de nature à considérer que le risque de persécution de membres ou sympathisants de l’opposition politique ne serait, en général, plus donné.

Elle cite par ailleurs une décision du Comité contre la torture des Nations Unies du 4 septembre 2019 qui aurait retenu que le demandeur de protection internationale faisant objet de ladite procédure, n’encourrait pas de risque de torture au sens de l’article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en cas de retour en Ethiopie.

La partie gouvernementale fait par ailleurs plaider à l’audience des plaidoiries que la situation individuelle devait surtout être prise en compte afin de déterminer s’il y avait de bonnes raisons de croire que des persécutions à l’encontre du demandeur se reproduiront ou non en cas de retour dans son pays d’origine, ce en prenant en compte tant sa région d’origine, son ethnie, son activité tant passée qu’actuelle, ainsi que sa situation personnelle.

Toutefois, si les extraits d’articles de presse et rapports cités par la partie gouvernementale tendent effectivement vers une amélioration de la situation politique en Ethiopie depuis la désignation du nouveau premier ministre, force est cependant au tribunal de retenir que les sources bibliographiques présentées par le demandeur à l’appui de son recours relativisent ce constat et remettent en cause le fait que la situation politique aurait évolué à tel point que les persécutions qu’il a subies ne se reproduiraient plus, et qu’il n’existerait plus aucun risque de persécution future dans son chef en cas de retour en Ethiopie.

En effet, alors même que les décisions de juridictions étrangères versées par la partie gouvernementale sont très récentes, cette dernière ne verse aucun rapport sur la situation actuelle en Ethiopie, les derniers rapports versés datant de 2018.

Au contraire, c’est à juste titre que le demandeur se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 19 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43578C du rôle, qui a retenu que « (…) Sur base de l’ensemble des éléments d’appréciation soumis à la Cour, dont ceux nouvellement produits en instance d’appel, la Cour se rallie à l’analyse des premiers juges qui les a amenés à constater en substance que si une amélioration de la situation politique en Ethiopie depuis la désignation du nouveau Premier Ministre, avec une tentative de réconciliation nationale, est indéniable, il n’en reste pas moins que des tensions ethniques persistent et l’évolution de la situation politique actuelle en Ethiopie et des conditions de sécurité y prévalant 10 n’est pas telle que l’on puisse raisonnablement retenir qu’il n’existe plus aucun risque de persécution future (notamment un nouvel emprisonnement, spécialement du fait que l’intimé n’a pas été relâché antérieurement, mais s’est évadé lors de son dernier emprisonnement) dans le chef de l’intimé, compte tenu de son profil, de ses expériences passées et du vécu des autres membres de sa famille, dont son frère, en cas de retour en Ethiopie.

Ainsi, la conclusion que la partie étatique entend tirer de l’évolution récente de la situation politique en Ethiopie appert essentiellement prématurée et les craintes de persécutions exprimées par l'intimé paraissent rester actuelles et réelles, partant fondées. (…) » Cette analyse de la situation actuelle en Ethiopie a par ailleurs été confirmée récemment par la Cour administrative par un arrêt du 15 octobre 2020, inscrit sous le numéro 44649C du rôle, dans lequel elle a retenu qu’« (…) il se dégage d’une publication d’Amnesty International du 29 mai 2020 (…) que : « Ethiopian security forces committed horrendous human rights violations including burning homes to the ground, extrajudicial executions, rape, arbitrary arrests and detentions, sometimes of entire families, in response to attacks by armed groups and inter-

communal violence in Amhara and Oromia, Amnesty International said today. In a new report, Beyond law enforcement : human right violations by Ethiopian security forces in Amhara and Oromia, Amnesty International documents how security forces committed 10 grave violations between December 2018 and December 2019 despite reforms which led to the release of thousands of detainees, expansion of the civic and political space and repeal of draconian laws, such as the Anti Terrorism Proclamation, which were previously used to repress human rights (…).

With elections on the horizon [initialement prévues pour août 2020, mais reportées à cause du Covid-19], these violations and abuses could escalate out of control unless the government takes urgent measures to ensure security forces act within the law and remain impartial in undertaking their duties (…).

In trying to mobilize support, politicians have however been stirring up ethnic and religious animosities, sparking inter-communal violence and armed attacks in five of the country’s nine regional states; Amhara, Benishangul-Gumuz, Harari, Oromia and the Southern Nations, Nationalities and Peoples Region (SNNPR), and in the Dire Dawa administrative state ».

De même, le « country of origin information » du « Danish Immigration Service » de janvier 2020 relève que : « In 2019, Prime Minister Abiy Ahmed was awarded the Nobel Peace Prize. However, it was a year of conflicts. There was widespread ethnic violence across the country, including Addis Ababa and in the regional states of Amhara and Oromia. The number of internally displaced persons also remained high during 2019: more than two million Ethiopians are displaced, 620,000 due to fights in the Southern Nations, Nationalities and Peoples’ Region and in Oromia.

This violence, which the authorities did not fully control, constitutes a challenge to Abiy Ahmed’s leadership. His authority to act as a leader is to a large extent depending on his chances of winning the national elections which are planned to take place in August 2020. However, the parliament has voted to postpone a national census, which should have formed the basis for new electoral list ».

11 La Cour arrive dès lors à la conclusion, au vu de la situation la plus récente documentée en cause, que la situation politique ne s’est toujours pas stabilisée en Ethiopie depuis la fin de l’année 2019, que les tensions ethniques persistent et que la situation politique actuelle et les conditions de sécurité y prévalant, surtout à l’approche des futures élections, n’est pas telle que l’on puisse raisonnablement retenir qu’il n’existe plus de risque de persécution future dans le chef de l’intimée en cas de retour en Ethiopie, de sorte que la présomption posée par l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 n’a pas été utilement renversée par la partie étatique. » Quant à la situation personnelle à laquelle il faudrait se référer selon le délégué de gouvernement afin de déterminer le risque individuel du demandeur de faire objet de persécutions en cas de retour dans son pays d’origine, le tribunal rappelle que, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, il doit en tout état de cause procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.

Concernant la prise en compte de la région d’origine du demandeur, le tribunal rappelle que la famille du demandeur a été contrainte de se déplacer à plusieurs reprises en raison des violences continues contre les Oromo, ce en dépit du changement de régime politique en Ethiopie.

En ce qui concerne la situation personnelle du demandeur et notamment le fait d’avoir été condamné par contumace, il échet de relever qu’il ressort des explications non autrement contestées du demandeur, qu’un dénommé …, condamné pour les mêmes faits que le demandeur, n’a pas été libéré sous la loi d’amnistie de juin 2018 citée par le ministre.

A cet égard, il convient encore de préciser que la simple mention d’une loi d’amnistie de juin 2018, sans précisions des dispositions contenues, ne saurait emporter la conviction du tribunal que la condamnation à l’égard du demandeur à cinq années d’emprisonnement ait été annulée sous cette loi et que ce dernier ne risque pas, outre cet emprisonnement, une nouvelle condamnation pour les faits d’évasion, étant relevé qu’il s’est évadé de prison avant son procès.

Au vu de toutes ces considérations et la situation spécifique et personnelle du demandeur, il y a lieu de conclure que la présomption de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, n’a pas été renversée à suffisance par le ministre.

Il résulte en outre des développements qui précèdent, en l’état actuel d’instruction du dossier et des moyens échangés de part et d’autre - aucune possibilité de fuite interne n’étant invoquée ni a priori envisageable - et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, que Monsieur … prétend à juste titre à la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, de sorte que la décision déférée encourt la réformation en ce sens.

L’analyse de la demande subsidiaire en obtention de la protection subsidiaire et du refus afférent du ministre devient, au vu de la conclusion dégagée ci-avant, surabondante.

2) Quant au recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire 12 Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre ce volet de la décision du ministre du 16 novembre 2018, telle que déférée.

Le recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire en conséquence de la réformation de la décision lui refusant une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le demandeur est fondé à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de la protection internationale est à réformer en ce sens, il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation, d’annuler l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle déférée.

Partant, le recours en réformation est à accueillir pour être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 11 avril 2019 portant refus d’un statut de protection internationale dans le chef de Monsieur … ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision ministérielle du 11 avril 2019, accorde à Monsieur … le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et renvoie le dossier devant le ministre compétent pour exécution ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, dans le cadre du recours en réformation, annule l’ordre de quitter le territoire ;

13 donne acte au demandeur de ce qu’il affirme bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 42879
Date de la décision : 02/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-04-02;42879 ?

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