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31/03/2021 | LUXEMBOURG | N°43553

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2021, 43553


Tribunal administratif N° 43553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2019 3e chambre Audience publique du 31 mars 2021 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Santé, en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43553 du rôle et déposée le 13 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre GOERENS, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant ...

Tribunal administratif N° 43553 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2019 3e chambre Audience publique du 31 mars 2021 Recours formé par Madame …, …, contre deux décisions du ministre de la Santé, en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43553 du rôle et déposée le 13 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre GOERENS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation :

1) d’une décision du ministre de la Santé du 16 avril 2019 portant refus de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, 2) d’une décision du ministre de la Santé du 29 août 2019 confirmant, sur recours gracieux, sa décision initiale du 16 avril 2019 et, 3) d’un avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018 « faisant partie intégrante de la décision du ministre de la Santé du 16 avril 2019 » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 9 janvier 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre GOERENS, au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2020 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre GOERENS et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 décembre 2020 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 7 janvier 2021 prononçant la rupture du délibéré et accordant aux parties le droit de produire un mémoire supplémentaire afin de prendre position sur la question y figurant ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2021 par Maître Pierre GOERENS, au nom de Madame … ;

1Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions et avis déférés ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Pierre GOERENS et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2021.

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Le 13 avril 2018, Madame … introduisit une demande tendant à l’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute sur base de l’article 20 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute, ci-après désignée par la « loi du 14 juillet 2015 ».

Après s’être vu transmettre la demande de Madame … pour examen et avis, le Collège médical avisa en date du 9 mai 2018 positivement la demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute de Madame … au motifs suivants :

« […] Conformément à l’article 2(5) de la Loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute « La Loi » et aux articles 4(1) et 6 du Règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, « le Règlement », veuillez trouver ci-dessous l’avis du Collège médical relatif à la demande en obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute de Mme ….

A l’examen du dossier la candidate satisfait aux critères exigés par la Loi et du Règlement.

Le Collège médical avise donc favorablement la demande d’autorisation de Mme … d’exercer comme psychothérapeute et le port de titre y relatif. […] ».

Après s’être également vu transmettre la demande de Madame … pour examen et avis, le Conseil scientifique de psychothérapie rendit, en date du 22 octobre 2018, un avis défavorable par rapport à ladite demande, au motif que l’intéressée ne remplirait pas les conditions de formation de base et continue ou de pratique en psychothérapie posées par les articles 2 et 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ce qu’elle ne pourrait se prévaloir d’une formation en psychothérapie qualifiante, ledit avis reposant, plus particulièrement, sur la considération suivante : « La formation en tant que telle n’est pas terminée. ».

Par décision du 16 avril 2019, le ministre de la Santé, ci-après le « ministre » refusa de faire droit à la demande en obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute de Madame …, cette décision étant libellée comme suit : « […] En référence à votre demande du 4 avril 2018, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

En effet, je me rallie à l’avis que vient d’émettre le Conseil scientifique de psychothérapie, qui retient que vous ne remplissez pas la condition de formation spécifique et 2continue en psychothérapie d’au moins 450 heures prévue à l’article 20 point 2 de la loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute.

Ledit avis est annexé à la présente et fait partie intégrante. […] ».

Le 8 mai 2019, Madame … introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, un recours gracieux contre la décision de refus lui ainsi opposée.

Par décision du 29 août 2019, le ministre confirma sa décision initiale de refus du 16 avril 2019 dans les termes suivants :

« […] Je me réfère à votre courrier entré en date du 13 mai 2019 dans lequel vous introduisez un recours gracieux pour le compte de votre mandante, Madame … portant refus d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Ayant pris bonne note des arguments que vous développez dans votre missive, je me permets de vous fournir des explications supplémentaires concernant notre décision.

Premièrement, je tiens à préciser que la demande de votre mandante a été introduite en date du 13 avril 2018 et a été examinée par conséquent selon les dispositions transitoires fixées à l’article 20 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute (ci-après « la loi »). Le paragraphe 2 de l’article 20 de la loi précitée dispose que le Conseil scientifique de psychothérapie est appelé à donner son avis sur la « formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures ». En outre, le point 3 de l’article 6 de la loi prévoit que le Conseil a pour mission de « fournir de son propre chef ou à la demande du ministre des avis sur toutes les matières en relation avec la psychothérapie au Luxembourg ». Il en résulte que le Conseil scientifique de psychothérapie est compétent, en tant que seule autorité pour définir les méthodes psychothérapeutiques reconnues au Luxembourg et ainsi pour rendre un avis sur la formation spécifique et continue en psychothérapie dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Deuxièmement, je donne à considérer que les avis du Conseil scientifique de psychothérapie et du Collège médical sont de nature consultative et qu’il appartient au seul ministre ayant la santé dans ses attributions de prendre une décision au vu des pièces à sa disposition et de la législation en vigueur. Force est de constater que le Collège médical a donné un avis favorable pour le dossier de votre mandante et que le Conseil scientifique de psychothérapie a exprimé un avis négatif, de sorte qu’il appartient au seul ministre ayant la santé dans ses attributions de prendre une décision finale.

Troisièmement, en ce qui concerne la formation spécifique et continue en psychothérapie, le Conseil scientifique de psychothérapie a défini des critères de reconnaissance de la formation. Les principales méthodes psychothérapeutiques sont les approches psychodynamiques, cognitivo comportementales, systématiques et humanistes.

Dans le cadre de ces quatre orientations fondamentales, le Conseil reconnait comme techniques l’hypnothérapie, la rétroaction biologique et la désensibilisation par mouvements oculaires. Ces techniques complémentaires, utilisées en dehors d’un contexte psychothérapeutique d’une des quatre méthodes reconnues, ne peuvent être considérées comme méthode psychothérapeutique. Des formations plus particulières peuvent venir se greffer comme spécialisation sur ces formations de base comme par exemple les approches 3thérapeutiques pour les dépendances, l’autisme, la gestion du stress, la traumathérapie, pour ne citer que celles-ci. Par contre, il est important de noter qu’aucune de ces approches ne peut être considérée à elle seule comme formation complète.

En effet, la formation en thérapie systémique familiale dispensée par la « Saarländische Gesellschaft für Systematische Therapue » (SGST) est une formation qui est normalement reconnue par le Conseil. Néanmoins, seule la formation complète de 600 heures équivaut aux 450 heures prévues par la loi puisqu’une formation n’est uniquement complète qu’après l’accomplissement de l’intégralité des heures prévue dans le cadre du programme de formation. Il ressort des pièces versées que votre mandate n’a uniquement accompli 536 heures de formation. Par conséquent, il est dénoué de tout ses de reconnaître cette formation incomplète comme une formation spécifique et continue en psychothérapie.

Pour les motifs invoqués, je me dois toutefois de vous informer que la décision de refus du 16 avril 2019 reste inchangée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre du 16 avril 2019 portant refus de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, de la décision confirmative sur recours gracieux du même ministre du 29 août 2019 et de l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018.

L’article 2, paragraphe (6), de la loi du 14 juillet 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de refus d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’audience publique des plaidoiries du 9 décembre 2020, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018.

Le litismandataire de la demanderesse et le délégué du gouvernement se sont rapportés à prudence du tribunal.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief1.

Echappent ainsi au recours contentieux les actes préparatoires qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci2. Tel 1 Trib. adm., 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs n° 43 et les autres références y citées.

2 Cour adm., 22 janvier 1998, n° 9647C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Acte administratif, n° 62 et les autres références y citées.

4est notamment le cas des avis émis par des organes consultatifs préalablement à une décision administrative, lesquels ne constituent pas des actes finaux dans la procédure, mais ne sont que de simples mesures d’instruction destinées à recueillir des éléments d’information, afin de mettre l’auteur de la décision en mesure de prendre celle-ci. Ces avis ne peuvent donc, en eux-mêmes, faire l’objet d’un recours. Toutefois leur irrégularité propre et les vices dont ils peuvent être affectés, peuvent être analysés dans le cadre du recours dirigé contre la décision administrative. Ces avis sont censés faire partie intégrante de la décision administrative dès que celle-ci y fait expressément référence et un recours intenté contre la décision s’étend nécessairement à l’avis qui en constitue le complément indispensable3.

En l’espèce, l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018, qui, au vœu de l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015 est compétent pour fournir à la demande du ministre des avis sur toutes les matières en relation avec la psychothérapie au Luxembourg, constitue un acte préalable à la décision du ministre portant refus d’accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute à Madame …, et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, étant donné qu’il ne constitue pas un acte final de la procédure et qu’il n’est pas de nature à faire grief de manière autonome et distinctement de la décision ministérielle refusant d’accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute dont il constitue le préalable. Il s’ensuit que le recours est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018.

Par contre, le recours en réformation est recevable en ce qu’il est dirigé contre les décisions du ministre des 16 avril et 29 août 2019, pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et après avoir rappelé le cadre légal et les faits et rétroactes à la base des décisions ministérielles litigieuses, tels que retranscrits ci-avant, la demanderesse se prévaut en premier lieu d’une violation des articles 4, alinéa 1er et 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 » en ce que ni la décision ministérielle du 16 avril 2019 ni l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018 ne seraient motivés à suffisance de droit. Elle souligne plus particulièrement que l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie en question ne serait ni motivé, ni n’énoncerait-t-il les éléments de fait et de droit sur lesquels il se base, mais se contenterait d’indiquer de façon sommaire que « la formation en tant que telle n’est pas terminée » sans indiquer les raisons pourquoi sa formation ne serait pas terminée. La demanderesse indique encore que la décision ministérielle du 16 avril 2019 n’aurait pas palliée à cette carence de motivation, en ce qu’elle se contenterait d’affirmer que « la formation complète de 600 heures équivaut aux 450 heures prévues par la loi puisqu’une formation n’est uniquement complète qu’après l’accomplissement de l’intégralité des heures prévue dans le cadre du programme de formation ».

En deuxième lieu, la demanderesse estime que les décisions litigieuses devraient être réformées dans la mesure où, dans son avis du 22 octobre 2018, le Conseil scientifique de psychothérapie aurait retenu qu’elle ne remplirait pas « les conditions de formation de base », ce qui constituerait une « expression » non-prévue par la loi. L’avis Conseil scientifique de psychothérapie serait partant entaché d’une irrégularité de fond, de sorte que les décisions 3 Trib. adm., 27 février 1997, n° 9601 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 71 et les autres références y citées.

5ministérielles subséquentes, en se basant sur ledit avis, seraient également viciées. La demanderesse souligne encore qu’elle aurait introduit sa demande sous le régime transitoire et dérogatoire défini à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 et non pas sous le régime ordinaire prévu à l’article 2 de la même loi. Il ne ressortirait, par ailleurs, pas de la loi du 14 juillet 2015 que la formation à suivre devrait être « qualifiante » comme retenu par le Conseil scientifique de psychothérapie, mais uniquement qu’elle devrait justifier d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, formation, qui serait terminée après l’accomplissement de 450 heures. L’avis du Conseil scientifique de psychothérapie reposerait ainsi soit sur une mauvaise interprétation de ladite loi, soit sur une mauvaise appréciation des faits, alors qu’elle aurait bel et bien suivi une formation auprès de la « Saarlandische Gesellschaft für Systemische Therapie » totalisant 536 heures. La condition requise au titre de l’article 20, paragraphe 2) de la loi du 14 juillet 2015 serait ainsi remplie. En exigeant que la formation en question soit « terminée » et « qualifiante », le Conseil scientifique de psychothérapie aurait ajouté deux conditions à la loi du 14 juillet 2015, de sorte que les décisions en question seraient à réformer. La demanderesse s’adonne finalement à une interprétation des termes « qualifiant » et « terminé » pour souligner qu’il ne s’agirait pas des expressions équivalentes, dans la mesure où une formation pourrait être qualifiante sans avoir été terminée et vice versa.

En troisième lieu, la demanderesse estime que la décision ministérielle du 29 août 2019 serait entachée d’une illégalité en indiquant que « le Conseil scientifique de psychothérapie a défini les critères de reconnaissance de la formation. », la demanderesse contestant, en effet, la compétence du Conseil scientifique de psychothérapie pour définir les critères de reconnaissance de la formation spécifique et continue en psychothérapie. De plus, en ce qui concerne la considération ministérielle suivant laquelle sa formation devrait comporter 600 heures au lieu de 450 heures, la demanderesse explique qu’elle aurait suivi une formation auprès de la « Saarlandische Gesellschaft für Systemische Therapie », institut qui dispenserait des formations à des personnes ayant déjà une certaine pratique professionnelle et qui constitueraient ainsi des formations spécifiques et continues. Elle explique que la formation suivie se serait présentée sous forme de modules de formation représentant chacun un volume d’heures donné et que le choix des modules pourrait se faire en fonction des priorités et besoins rencontrés dans la pratique professionnelle, de sorte que chaque module constituerait en soi déjà une formation spécifique et continue en psychothérapie.

Finalement, la demanderesse s’appuie sur le dossier d’une dénommée …, dossier qu’elle estime similaire à son propre dossier et dans lequel le ministre aurait autorisé cette même personne à exercer en tant que psychothérapeute. Suivant la demanderesse, Madame … aurait, au moment de l’introduction de sa demande, pas non plus « terminée » la formation en question, ce qui n’aurait, dans ce cas, pas fait obstacle à l’autorisation ministérielle sollicitée.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir relevé que les conditions d’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et la procédure en vue de la délivrance de l’autorisation en question seraient prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 et qu’une phase transitoire aurait été prévue dans ses articles 20 et suivants, desquels il se dégagerait que le régime transitoire mis en place ne dérogerait pas à l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 qu’en ce qui concerne les seules dispositions du paragraphe 1), points b) et c) de cet article, de sorte que l’ensemble des autres dispositions de ce dernier seraient applicables aux demandes introduites sur base de l’article 20, fait valoir que la motivation des décisions ministérielles du 16 avril et 29 août 2019 ressortirait à suffisance de leurs libellés respectifs, tout en ajoutant que si le législateur avait certes prévu 6une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, c’est-à-dire une limite d’heures pour les gens ayant fait état de plusieurs formations, il n’en resterai pas moins que si un programme de formation n’était pas terminé même si le total est au-dessus du seuil des 450 heures, la formation ne serait pas reconnue comme spécifique et continue et dès lors non qualifiante. Ainsi, une formation ne serait complète qu’après l’accomplissement de l’intégralité des heures prévue dans le cadre du programme de formation, à savoir, en l’espèce 600 heures.

Il explique ensuite que s’il était certes vrai que la formulation « formation de base et continue » utilisée par le Conseil scientifique de psychothérapie dans son avis du 22 octobre 2018 n’aurait pas été bien « choisie », il n’en resterait pas moins que le Conseil scientifique de psychothérapie aurait visé le « master en psychologie clinique » ou le « diplôme en psychologie reconnue équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie » conformément à l’article 20, paragraphe 1) de la loi du 14 juillet 2015. La partie étatique relève encore qu’une « formation spécifique et continue » laisserait évidemment sous-entendre qu’elle soit terminée, dans la mesure où il serait dénoué de sens d’affirmer que le Conseil scientifique de psychothérapie « laisserait sous-entendre que la formation devrait être sanctionnée, par exemple, par un diplôme ou par un certificat, alors que la Loi ne prévoit nullement une telle condition », la partie étatique expliquant que le Conseil scientifique de psychothérapie exigerait uniquement que la demanderesse ait poursuivie l’intégralité des cours de la formation afin de pouvoir reconnaître une formation comme spécifique et continue en psychothérapie et ne demanderait à aucun moment un diplôme ou autre certificat. Il serait donc erroné de prétendre que le ministre aurait ajouté une exigence non-prévue par la loi.

Le délégué du gouvernement souligne ensuite que l’article 6, point 1 de la loi du 14 juillet 2015 disposerait que le Conseil aurait pour mission « de définir les méthodes de psychothérapie reconnues au Luxembourg » et qu’il aurait « bien compris » que le programme suivi par la demanderesse serait constitué par des formations du type « Baukastenprinzipveranstaltungen » et que les participants à la formation disposeraient d’une certaine flexibilité dans le choix des cours. Cependant, afin de terminer cette formation, il fallait néanmoins arriver à un total de 600 heures, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

La partie étatique indique finalement que contrairement au cas de la demanderesse, la dénommée … aurait, dans sa demande, avancé sa volonté de terminer la formation en question, tout en ajoutant que la fin de la formation en question aurait été prévue que pour fin 2018, c’est-à-dire, en dehors de la période transitoire prévue par la loi du 14 juillet 2015.

Dans son mémoire en réplique, et concernant la motivation supplémentaire fournie par le délégué du gouvernement quant aux décisions ministérielles litigieuses, la demanderesse fait valoir que la partie étatique continuerait à ajouter de nouvelles conditions à celles légalement requises, en exigeant que l’ensemble des heures du « programme de formation » devrait être terminé. La demanderesse se demande, par ailleurs, pourquoi le ministère de la Santé, à l’origine de la loi du 14 juillet 2015, n’aurait pas fait figurer une telle condition dans le texte de ladite loi.

Elle explique ensuite que l’institut « Saarländische Gesellschaft für Systemische Therapie », offrirait non seulement une formation qui se terminerait par l’obtention « SGST-Zertifikat », mais aussi la possibilité aux participants de suivre des formations spécifiques, - toutes reconnues par l’Etat - d’un certain nombre d’heures suivant un système 7modulaire, dit « Baukastensystem », tout en indiquant qu’elle aurait suivi un nombre supérieur d’heures de formations spécifiques et continues suivant ce système, et qu’elle aurait d’ailleurs terminé chaque formation spécifique et continue du « Baukastensystem ». Elle cite, dans cet ordre d’idée, l’article 5 de la loi du 14 juillet 2015, suivant lequel le psychothérapeute est obligé de tenir à jour ses connaissances professionnelles et de développer en continu ses compétences professionnelles, pour souligner que l’exigence de la formation spécifique et continue serait justement continuelle et ne serait donc pas terminée à la fin du « programme de formation ». Elle en conclut qu’une seule formation spécifique et continue de base de 450 heures serait exigée par la loi du 14 juillet 2015, sans diplôme et sans avoir terminé un « programme de formation », pour accéder à la profession, et que cette formation devrait, par la suite, être tenue à jour, la demanderesse s’adonnant encore à une définition de la formation continue pour conclure que sa formation serait conforme à cette définition.

Elle réitère, par ailleurs, son argumentation suivant laquelle le Conseil scientifique de psychothérapie aurait outrepassé ses pouvoirs et attributions en décidant que la formation n’était pas terminée et dès lors non qualifiante, la demanderesse ajoutant que la mission du Conseil scientifique de psychothérapie ne pourrait aller au-delà de sa mission de « définir les méthodes de psychothérapie reconnues au Luxembourg ». Il ne serait ainsi pas de sa mission de contrôler si une formation est terminée, sauf, éventuellement à contrôler si le quota de 450 heures de formation serait rempli.

Finalement, la demanderesse insiste sur le fait qu’elle aurait été dans la même situation que la dénommée …, laquelle aurait bénéficié d’un traitement différent, Madame … soulignant plus particulièrement qu’elle aurait, tout comme Madame …, indiqué ne pas exclure continuer la formation en question.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement, tout en admettant que la condition prévue par l’article 20, paragraphe 1) de la loi du 14 juillet 2015 serait bien remplie dans le chef de la demanderesse, insiste qu’elle ne remplirait cependant pas la condition prévue au paragraphe 2) du même article, à savoir la formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures. Après avoir rappelé que les avis du Collège médical et du Conseil scientifique de psychothérapie seraient de nature consultative, et qu’il appartiendrait au seul ministre de prendre une décision finale en la matière, la partie étatique indique que le ministre aurait suivi l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie parce qu’il serait impossible d’acquérir les connaissances d’une formation sans avoir participé à l’intégralité du programme de formation. Elle indique que l’idée de cette disposition légale aurait été de prévoir une limite minimale d’heures pour les personnes ayant fait état de plusieurs formations, et qu’afin d’acquérir le savoir-faire nécessaire il serait « logique » que la formation serait à considérer comme complète uniquement après l’accomplissement de l’intégralité des heures prévues dans le cadre de programme de formation, ce qui seraient en l’espèce 600 heures.

Il ressortirait, par ailleurs, clairement de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 que pendant le régime transitoire, le Conseil scientifique de psychothérapie devrait donner son avis sur la formation spécifique et continue en psychothérapie, de sort que l’argumentation de la demanderesse relative à l’incompétence dudit Conseil serait à rejeter.

Finalement, la partie étatique souligne qu’il ressortirait clairement des développements de la demanderesse qu’elle n’entendrait pas finir la formation litigieuse dans un futur proche, contrairement au cas de la dénommée ….

8 Il appartient au tribunal, au vu de l’ensemble des actes de procédure et des pièces versés en cause, de déterminer la suite de traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent4.

Ainsi, s’il est de principe que la juridiction administrative n’est pas tenue de suivre l’ordre dans lequel plusieurs moyens au fond lui ont été proposés, il n’en reste pas moins que la logique juridique impose que les questions de légalité externe soient traitées avant celles de légalité interne5.

S’agissant de la légalité externe des décisions déférées, et plus particulièrement du moyen ayant trait à un défaut de motivation de l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018, l’article 4, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dispose que : « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent. ».

En l’espèce, force est au tribunal de constater qu’il ressort du libellé de l’avis en question, dont un extrait a été cité ci-avant, que selon ce dernier, la demanderesse ne remplirait pas les conditions de formation de base et continue ou de pratique en psychothérapie exigées par les articles 2 et 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ce qu’elle ne justifierait « pas [d’une] formation en psychothérapie qualifiante » ledit avis indiquant plus particulièrement que « La formation en tant que telle n’est pas terminée. ». Il s’ensuit, même si la formulation de l’avis sous examen est succincte, que l’avis en question énonce tant les éléments de droit que de fait à sa base. Dans ces circonstances, le tribunal retient que l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie est conforme à l’article 4, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant rappelé que la mission de développer davantage les motifs de refus incombait au ministre dans ses décisions6 et, par la suite, au délégué du gouvernement, au cours de la phase contentieuse. Par ailleurs, les questions soulevées par Madame … du bien-fondé de la motivation ainsi fournie par le Conseil scientifique de psychothérapie et à laquelle le ministre s’est rallié relèvent de la légalité interne des décisions déférées.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018, faisant partie intégrante de la décision du ministre du 16 avril 2019 portant refus d’accorder à Madame … l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ce dernier prévoit ce qui suit :

« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

4 Trib. adm., 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 923 et les autres références y citées.

5 Cour adm., 12 décembre 2006, n° 20513C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 923 et les autres références y citées.

6 Sur ce dernier point et par analogie : Cour adm., 28 juillet 2010, n° 26875C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

9La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé;

- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. […] ».

Il ressort de cette disposition réglementaire que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et que certaines catégories de décisions, énumérées à l’alinéa 2 de ladite disposition, parmi lesquelles figurent celles qui refusent de faire droit à la demande de l’intéressé, ainsi que cela est le cas des décisions déférées, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

A cet égard, le tribunal constate que dans sa décision déférée du 16 avril 2019, le ministre s’est rallié à l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie, tout en précisant que cet avis, qui était annexé à la décision en question, feraient partie intégrante de cette dernière et que partant, la condition de formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures prévue par l’article 20, paragraphe 2) de la loi du 14 juillet 2015 ne serait pas remplie. Etant donné que le tribunal a ci-avant retenu que l’avis auquel le ministre s’est ainsi référé est lui-même suffisamment motivé tant en fait qu’en droit, la même conclusion s’impose logiquement quant à la décision ministérielle qui s’y rallie7. Cette motivation a été complétée, tant par le ministre à travers sa décision confirmative du 29 août 2019 qu’en cours d’instance par le délégué du gouvernement, qui a pris position de façon détaillée, non seulement quant au bien-fondé de la demande de Madame … au regard, tant des conditions de droit commun prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 que de celles du régime transitoire mis en place par l’article 20 de la même loi, mais aussi quant à l’objectif du seuil minimal de 450 heures de formation prévu par l’article 20 en question et quant aux raison pour lesquelles la formation effectuée par la demanderesse ne pourrait être considérée comme formation spécifique et continue en psychothérapie telle que visée par ledit article 20 de la loi du 14 juillet 2015. Le tribunal est dès lors amené à conclure que la motivation ainsi fournie par la partie étatique est suffisamment précise pour permettre à Madame … d’assurer la défense de ses intérêts en toute connaissance de cause. Le moyen tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 encourt, dès lors, le rejet.

Quant à la légalité interne des décisions déférées, les conditions d’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et la procédure à suivre en vue de la délivrance de l’autorisation en question sont prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, libellé comme suit :

7 Trib. adm., 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 70 et les autres références y citées.

10« (1) L’exercice de la profession de psychothérapeute est subordonné à une autorisation du ministre ayant la Santé dans ses attributions, ci-après «le ministre». La demande pour l’obtention de l’autorisation doit être adressée au ministre qui la délivre aux conditions suivantes:

a) le demandeur doit être ressortissant au sens de l’article 3, point q) de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

b) le demandeur doit être en possession soit d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre des titres de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation médicale de base dont question à l’article 1er, paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-

vétérinaire ;

c) le demandeur doit être titulaire soit d’un diplôme, certificat ou autre titre de formation luxembourgeois relatif à la profession de psychothérapeute, soit d’un diplôme, certificat ou autre titre étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, selon les dispositions de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

d) il doit remplir les conditions de santé physique et psychique nécessaires à l’exercice de la profession ;

e) il doit répondre aux conditions d’honorabilité et de moralité nécessaires à l’exercice de la profession ;

f) il doit avoir les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession, soit en allemand, soit en français, et comprendre les trois langues administratives du Grand-Duché de Luxembourg ou acquérir les connaissances lui permettant de les comprendre.

Une vérification des connaissances linguistiques du candidat d’une des trois langues luxembourgeoise, allemande ou française peut être faite à la demande du ministre par le Collège médical.

Le président du Collège médical ou son délégué entend le psychothérapeute et transmet au ministre le résultat de la vérification.

(2) Dès son installation il doit recueillir les informations nécessaires concernant les législations sanitaire et sociale et la déontologie applicables au Luxembourg.

(3) Le psychothérapeute exerçant au Luxembourg est tenu, sous peine de sanctions disciplinaires, de disposer d’une assurance destinée à garantir sa responsabilité civile susceptible d’être engagée en raison de dommages survenus dans le cadre de son activité professionnelle.

11(4) Un règlement grand-ducal détermine la procédure à suivre et les documents à présenter pour obtenir l’autorisation d’exercer.

(5) Les demandes en autorisation d’exercer sont soumises pour avis au Collège médical. […] ».

Il est constant en cause que la demande de Madame … est basée sur les dispositions transitoires prévues par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, article libellé comme suit : « Par dérogation aux points b) et c) du paragraphe 1er de l’article 2, et dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre, sur avis du conseil, au requérant à condition qu’il :

1) soit détenteur d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation de médecin avec formation médicale de base dont question à l’article 1er , paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire; ou d’un autre titre, certificat ou diplôme reconnu équivalent par le ministre sur avis du Collège médical;

2) puisse soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical. ».

Le 7 janvier 2021, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré pour permettre aux parties de se prononcer sur l’applicabilité au cas d’espèce du régime transitoire ainsi mis en place par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, au vu de l’expiration du délai de trois ans prévu par cette disposition légale avant la prise des décisions déférées.

Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse fait valoir que l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 pourrait être lu et interprété sous différents angles, à savoir, dans le sens que le ministre devrait donner son autorisation dans le délai de trois ans ou dans le sens que le ministre pourrait accorder son autorisation pour toutes les demandes introduites dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi en question, la demanderesse étant d’avis que cette deuxième lecture s’imposerait en se basant é cet égard sur un arrêt de la Cour administrative du 12 mars 2020, n° 43731C du rôle.

La demanderesse fait ensuite valoir que si le juge administratif saisi dans le cadre d’un recours en réformation devait en principe tenir compte de l’évolution de la situation, tant en fait qu’en droit jusqu’au jour où il est amené à statuer, ce principe connaîtrait cependant des exceptions, notamment dans le cas où l’application dudit principe aboutirait à une solution absurde ou fondamentalement injuste, la demanderesse se basant, de nouveau sur un arrêt de la Cour administrative du 4 mai 2018, inscrit sous le n° 41111C du rôle. Selon la demanderesse, il y aurait lieu de constater que le juge administratif ne pourrait plus prendre aucune décision effective dans le cadre du recours en réformation s’il se positionnait au jour où il statue, dans la mesure où ce jour serait postérieur à la période transitoire prévue par la loi du 14 juillet 2015, situation, qui serait à qualifier d’« absurdité » ou d’« injustice 12fondamentale », de sorte que les conclusions de la Cour administrative à cet égard s’imposeraient. Il en serait de même pour la situation dans laquelle le ministre devrait prendre une décision après la fin de la période transitoire sur une demande introduite pendant cette période. Une lecture littérale du texte en question aurait encore comme conséquence des situations dans lesquelles le juge de première instance pourrait statuer valablement, mais le juge d’appel ne le pourrait plus, alors qu’entretemps le délai des trois ans prévu par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 aurait expiré. Le juge administratif devrait dès lors se positionner au jour où les éléments de fait se seraient « cristallisés », à savoir au jour du dépôt de la demande en obtention de l’autorisation sollicitée, à savoir au 13 avril 2018.

De même, une lecture littérale de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 aurait encore comme conséquence que le ministre ne pourrait plus donner l’autorisation sollicitée après l’écoulement du délai de trois ans et que le tribunal saisi d’un recours contre une telle décision de refus du ministre, ne pourrait plus la réformer après l’écoulement de ce délai de trois ans, de sorte que l’administré se trouverait ainsi dans une situation dans laquelle plus aucun recours ne lui serait ouvert contre une décision de refus du ministre, situation qui serait contraire à son droit à un recours effectif garanti par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après la « CEDH » et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ci-après désignée par la « Charte » .

En outre, une lecture littérale de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 pourrait avoir comme effet que certains administrés soient traités de façon inégale, et ce au mépris de l’article 10bis de la Constitution, la demanderesse émettant l’hypothèse suivant laquelle deux administrés introduisent leur demande aux termes de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 dans le délai légal de trois ans y prévu, et que pour l’un, le ministre rendrait une décision dans ce même délai, mais pas pour l’autre, de sorte que les deux personnes seraient traitées de manière inégale, sans que cette inégalité ne soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, ni ne procèderait de disparités objectives. A titre subsidiaire, la demanderesse propose de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle portant sur la constitutionnalité de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 par rapport à l’article 10bis de la Constitution.

Le délégué du gouvernement pour sa part estime que la circonstance que les décisions ministérielles litigieuses seraient intervenues après l’expiration du délai de trois ans prévu par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 n’aurait aucune d’incidence sur l’application dudit article, dans la mesure où la demande de Madame … aurait été introduite dans ledit délai, ce qui aurait été la volonté du législateur en rédigeant les dispositions transitoires de la loi en question, volonté, qui ressortirait du rapport de la Commission de la Santé, de l’Egalité des chances et des Sports dans le cadre des travaux parlementaires relatives à la loi en question.

Le délégué du gouvernement ajoute qu’afin de pouvoir profiter de la sécurité juridique, la demande devrait être analysée selon les dispositions en vigueur au moment de l’introduction de la demande, alors qu’une interprétation contraire placerait l’administré dans une situation défavorable dans la mesure où il pourrait profiter du régime transitoire plus favorable que si l’administration prendrait sa décision dans le délai indiqué par la loi. La partie étatique indique encore que les demandes d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeutes devraient être analysées par deux organes consultatifs avant la prise d’une décision par le ministre et que la procédure aurait été initiée dans le cadre du régime transitoire prévu par la loi du 14 juillet 2015, de sorte que l’administré devrait raisonnablement pouvoir s’attendre 13que la fin du délai de trois ans n’ait aucun impact sur le déroulement et la continuité de la procédure en tant que telle, sauf disposition contraire expresse du législateur.

La partie étatique indique encore qu’en vertu du principe général de la confiance légitime, l’administré pourrait exiger de l’autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivi dans le passé et qui tendrait à ce que les règles juridiques ainsi que l’action administrative seraient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de loi ou règlement.

Finalement, la partie étatique se base sur un jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2019, n° 40717 du rôle, ainsi que sur l’arrêt confirmatif de la Cour administrative du 12 mars 2020, n° 43731C du rôle, dans lesquels les juges auraient appliqué l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 pour déclarer le recours en réformation recevable alors qu’au jour où ils auraient statué, le délai de trois ans avait expiré.

En ce qui concerne l’applicabilité de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, force est d’abord de constater qu’il ressort sans équivoque du libellé même de cette disposition légale et, plus précisément, de l’emploi de la formulation « […] dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre […] » que l’autorisation y visée ne peut être accordée par le ministre qu’à l’intérieur de ce délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Ce texte étant clair et précis, il ne saurait laisser de doutes quant à la volonté du législateur de restreindre la période pendant laquelle le ministre peut prendre une décision sur sa base à trois ans après l’entrée en vigueur dudit texte légal, étant encore précisé à cet égard qu’avant toute interprétation, le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent, dans la mesure où elles sont claires et précises. En présence d’un texte clair et précis, comme en l’espèce, ni le recours à un texte antérieur que le texte invoqué remplace, ni les avis et opinions exprimés au niveau des travaux parlementaires préparatoires du texte, ni encore des réflexions de politique sociale ou législative n’entrent en ligne de compte8, étant souligné, à titre purement superfétatoire, qu’aucune volonté du législateur, suivant laquelle le ministre peut accorder son autorisation en vertu de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 pour toutes les demandes introduites dans le délai de trois ans y prévu, ne ressort explicitement des travaux parlementaires relatifs à la loi en question.

A cet égard, il y a également lieu de souligner qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de se substituer au législateur par une interprétation extensive allant le cas échéant jusqu’à contredire le sens même des termes utilisés par le texte légal, afin d’éviter des injustices criantes et des anomalies9.

Ainsi, l’éventuelle décision favorable du ministre doit intervenir endéans le délai susmentionné. Dès lors et dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit de prolongation, d’interruption ou de suspension du susdit délai de trois ans en cas d’introduction d’une demande avant l’expiration du délai en question, il convient de retenir que passé ce même délai, le ministre n’est plus investi du pouvoir d’accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute sur base du régime transitoire, et ce indépendamment de la 8 Trib. adm., 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et Règlements, n° 146 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 12 mai 2003, n° 15159 du rôle, confirmé par Cour adm., 21 octobre 2003, n° 16563C du rôle, Pas.

adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 57.

14date d’introduction de la demande10, un éventuel retard injustifié dans la prise de décision étant, le cas échéant, susceptible d’engager la responsabilité civile de l’Etat, mais ne permet pas de passer outre les termes clairs et précis de la loi.

En vertu des dispositions combinées de l’article 2 de l’arrêté royal grand-ducal du 22 octobre 1842 réglant le mode de publication des lois11 – entretemps abrogé par la loi du 23 décembre 2016 concernant le Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, mais applicable lors de la publication de la loi du 14 juillet 2015 – et de l’article 5 de la loi du 30 mai 1984 portant 1) approbation de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972 ; 2) modification de la législation sur la computation des délais12, la loi du 14 juillet 2015, publiée le 21 juillet 2015, est entrée en vigueur le 25 juillet 2015, de sorte que le délai de trois ans prévu par l’article 20 de ladite loi a expiré le 25 juillet 2018.

Il s’ensuit que lors de la prise de la décision initiale de refus, en l’occurrence le 16 avril 2019, le délai en question avait déjà expiré, et ce depuis environ 9 mois, de sorte qu’au vu des considérations qui précèdent, le ministre ne pouvait plus légalement faire droit à la demande d’autorisation lui soumise par Madame … sur base de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, et ceci nonobstant le fait que la demande en question avait été introduite le 13 avril 2018, soit endéans le délai susmentionné de trois ans et il lui aurait appartenu d’examiner ladite demande au regard des dispositions légales applicables à la date de la prise de la décision litigieuse, de sorte que les décisions litigieuses encourent l’annulation dans le cadre du recours en réformation pour défaut de base légale valable sans qu’il ne soit besoin de statuer plus en avant.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les considérations de la demanderesse basées sur les principes inhérents au recours en réformation, à savoir, la circonstance que le juge de la réformation doit tenir compte de l’évolution de la situation en fait et droit au jour où il est amené à statuer et qu’il ne pourrait prendre aucune décision effective dans la mesure où ce jour serait postérieur à la période transitoire prévue par la loi du 14 juillet 2015, et que les premiers juges pourraient, le cas échéant, statuer valablement, mais les juges d’appel ne le pourraient plus, alors qu’entretemps le délai des trois ans prévu par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 aurait expiré, étant donné que la conclusion retenue ci-avant est étrangère aux principes inhérents au recours en réformation, dans la mesure où le tribunal vient de retenir qu’au moment de la prise des décisions litigieuses, et plus particulièrement de la décision initiale du ministre du 16 avril 2019, le régime transitoire instauré par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 avait d’ores et déjà expiré, de sorte que le ministre ne pouvait plus valablement prendre une décision sur base de cet article, étant encore précisé à toutes fins utiles que la solution serait exactement la même dans le cadre d’un recours en annulation, où le juge administratif se positionne au jour de la prise de la décision en question.

Aussi, la référence de part et d’autre au jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2019, n° 40717 du rôle et à l’arrêt confirmatif de la Cour administrative du 12 mars 10 Trib. adm., 29 octobre 2020, n° 44230 du rôle ; Trib. adm., 2 février 2021, n° 43555 du rôle, disponibles sur www.ja.etat.lu.

11 « Les actes législatifs seront obligatoires dans toute l’étendue du Grand-Duché, trois jours francs après leur insertion au Mémorial, à moins qu’ils n’aient fixé un délai plus court ou plus long. ».

12 « Si la durée nominale des délais légaux ou réglementaires tombant sous l’article 1er de la Convention ou sous les articles 3 et 4 de la présente loi, actuellement qualifiés de francs, est inférieure à 10 jours, ils sont augmentés d’un jour. » 152020, n° 43731C du rôle est à rejeter dans ce contexte, dans la mesure où aucune conclusion utile pour le cas d’espèce ne saurait être tirée des jugement et arrêt cités, alors que dans le cadre de ces jugements et arrêt, tant la demande en obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute que la décision ministérielle y relative sont intervenus dans le délai de trois ans prévu par l’article 20 de la loi modifiée du 14 juillet 2015, ce qui n’est justement pas le cas en l’espèce.

Les développements de la demanderesse basés sur les principes inhérents au recours en réformation sont dès lors à rejeter pour ne pas être fondés.

Il en est de même en ce qui concerne les considérations de la demanderesse tirées de son droit à un procès équitable prévu par l’articles 6 de la CEDH, de son droit à un recours effectif prévu par l’article 13 de la CEDH et de son droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial prévu par l’article 47 de la Charte, alors qu’ils reposent également sur ses allégations ayant trait aux principes inhérents au recours en réformation, qui ne sont, comme retenu ci-avant, pas applicables en ce qui concerne la constatation en l’espèce, que le ministre a pris ses décisions sur base d’une disposition légale expiré au moment où il a statué et a partant pris ses décisions en absence de base légale valable. Cette conclusion retenue par le tribunal n’enfreint en rien les droits de l’Homme de la demanderesse relatifs à un recours effectif, la demanderesse ayant pu introduire son recours contentieux et faire valoir ses moyens et le tribunal procède, tel que retenu ci-avant, à l’annulation des décisions déférées dans le cadre de la réformation, la circonstance que le tribunal n’a pas statué dans le sens voulue par la demanderesse n’étant pas susceptible d’enfreindre ses droits à un procès équitable.

Le moyen afférent est partant à rejeter.

En ce qui concerne la question du bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 10bis de la Constitution, le tribunal précise en premier lieu que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit audit article, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu visé par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but13.

Il convient encore à cet égard de rappeler le contenu de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, qui est libellé comme suit :

13 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 8 et les autres références y citées.

16« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

[…] ».

En l’espèce, le tribunal constate que la question de constitutionnalité de la demanderesse est dénuée de tout fondement et qu’il n’y a partant pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle. En effet, l’hypothèse avancée par la demanderesse, suivant laquelle deux administrés introduisent leur demande aux termes de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 dans le délai légal de trois ans y prévu, et que pour l’un le ministre rend une décision dans ce même délai et pour l’autre pas, ne se fonde pas sur un traitement différent des personnes se trouvant dans une situation similaire opéré par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 - ledit article étant susceptible de s’appliquer de la même manière à toute personne introduisant sa demande en obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute sous le régime transitoire prévu par la loi du 14 juillet 2015 -, mais sur un retard dans la prise de la décision ministérielle, circonstance qui est, tel que souligné ci-avant et le cas échéant, susceptible d’engager la responsabilité civile de l’Etat.

Finalement, les développements du délégué du gouvernement relatifs à une violation du principe de confiance légitime son également à rejeter. En effet, le principe général de la confiance légitime, qui s’apparente au principe de la sécurité juridique, et qui a, comme ce dernier, également été consacré par la jurisprudence européenne en tant que principe général du droit européen tend à ce que les règles juridiques ainsi que l’action administrative soient empreintes de clarté et de prévisibilité, de manière à ce qu’un administré puisse s’attendre à un comportement cohérent et constant de la part de l’administration dans l’application d’un même texte de loi ou règlement. Ainsi, ce principe s’entend comme étant la confiance que les destinataires de règles ou de décisions sont normalement en droit d’avoir dans la stabilité, au moins pour un certain temps, des situations établies sur la base de ces règles ou de ces décisions. Ainsi, les destinataires de ces décisions sont notamment en droit de voir respecter par l’administration leurs droits acquis, voire ceux qui leur ont été reconnus sous une législation donnée, tant que le cadre juridique et factuel reste le même.

Dès lors, le principe de la confiance légitime de l’administré s’oppose à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés, autrement dit, le principe de confiance légitime implique que l’administré est en droit d’exiger de l’autorité administrative qu’elle ne se départisse pas brusquement d’une attitude qu’elle a suivie dans le passé.

En l’espèce, force est toutefois de constater que le ministre ne s’est en aucune façon départi d’une attitude suivie dans le passé, le ministre ne s’étant en effet jamais prononcé sur le sort qu’il entend réserver à la demande en obtention d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute lui soumise par la demanderesse.

17De même, le ministre en prenant la décision sous analyse, n’est pas revenu sur une quelconque promesse faite à Madame …, cette dernière n’ayant en effet disposé d’aucun droit acquis en ce qui concerne le sort réservé à sa demande, étant rappelé à cet égard que la notion de droit acquis vise un droit attribué, en d’autres termes, un droit complètement formé, qui est maintenu malgré les dispositions contraires de la nouvelle législation. Le droit acquis se différencie ainsi des simples expectatives, voire de droits éventuels, conditionnels ou en voie de formation14. Un administré ne peut prétendre au respect d’un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l’autorité administrative a créé à son profit une situation administrative acquise et réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef. Ce n’est qu’à cette condition que peut naître dans le chef d’un administré la confiance légitime que l’administration respectera la situation par elle créée, les deux notions de droits acquis et de légitime confiance étant voisines15.

Dans la mesure où en l’espèce, la demanderesse n’a jamais obtenu l’autorisation et partant le droit d’exercer la profession de psychothérapeute, mais a tout au plus pu se trouver dans l’expectative d’une telle autorisation, elle ne saurait prétendre à un quelconque droit acquis.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000. € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en faisant état de son avenir professionnel dépendant de l’obtention de l’autorisation sollicitée, du caractère illégal des décisions déférées et des frais d’avocat exposés pour faire valoir ses droits, demande qui est cependant à rejeter comme non justifiée nonobstant l’issue du litige, étant donné que la partie étatique conteste tant le principe que le montant de cette demande et qu’il n’appert point de l’ensemble des éléments en cause, en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse les frais irrépétibles.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal ;

le déclare irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie du 22 octobre 2018 ;

reçoit le recours dirigé contre les décisions du ministre de la Santé du 16 avril 2019 et du 29 août 2019 en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, dans le cadre dudit recours en réformation, annule la décision du ministre de la Santé du 16 avril 2019 portant refus d’accorder à Madame … l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et la décision confirmative du même ministre du 29 août 2019 ;

14 Trib. adm., 22 mai 2017, n°36579 du rôle, Pas adm. 2020, V° Lois et Règlements n° 48.

15 Trib. adm., 25 janvier 2010, n°25548 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 mai 2010, n° 26683C du rôle, Pas.

adm. 2020 V° Lois et Règlements, n° 47 et les autres références y citées.

18 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000.-€, telle que formulée par la demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mars 2021 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 43553
Date de la décision : 31/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-03-31;43553 ?

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