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17/03/2021 | LUXEMBOURG | N°43894

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2021, 43894


Tribunal administratif N°43894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2019 1re chambre Audience publique du 17 mars 2021 Recours formé par Monsieur …, …, en matière de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43894 du rôle et déposée le 13 décembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur

…, demeurant à L-…, tendant à la nomination d’un commissaire spécial suite 1) au « jugement ...

Tribunal administratif N°43894 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 décembre 2019 1re chambre Audience publique du 17 mars 2021 Recours formé par Monsieur …, …, en matière de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43894 du rôle et déposée le 13 décembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la nomination d’un commissaire spécial suite 1) au « jugement du Tribunal Administratif du 11 mars 2019, rôle 39879 intervenu suite à la requête en réformation, sinon en annulation déposée le 14 juillet 2017 » et 2) à « la demande en obtention d’une autorisation suite a[u] jugement du 11 mars 2019 effectuée en date du 23 juillet 2019 avisée et retirée le 24 juillet 2019, restée sans réponse depuis lors, valant dès lors décision de refus implicite en date du 24 octobre 2019 » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2020 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Christiane Martin en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 février 2021 et vu les remarques écrites de Maître Christian Biltgen du 9 février 2021 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

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En date du 10 juin 2013, Monsieur … introduisit auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures, département de l’Environnement, une demande tendant à se voir accorder l’autorisation pour la construction d’un hangar agricole à usage apicole sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro ….

Par décision du 25 novembre 2013, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures autorisa la construction du hangar agricole sollicité aux conditions suivantes :

« 1. La construction sera érigée sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro …, conformément aux plans délivrés par l’ASTA et au plan détaillé du bâtiment fournis dans la demande ;

2. Un gabarit sera installé par vos soins et réceptionné par le préposé de la nature et des forêts (Monsieur …) avant le commencement des travaux ;

1 3. La toiture à double pente sera réalisée dans un matériau non reluisant de couleur gris-foncée (gris-ardoise) ;

4. Le bâtiment et les portes seront recouverts d’un bardage en bois non traité, ni raboté (épaisseur minimale 28 mm). Il sera recouru à des essences telles le douglas, le mélèze et le chêne. Le bois ne pourra subir aucun traitement ultérieur ;

5. Les aires de manœuvre et le chemin d’accès seront réalisés à l’aide de matériaux perméables à l’eau (concassé de carrière compacté ou pavés écologiques non posés dans le béton) ;

6. Les matériaux de terrassement seront évacués vers une décharge dûment autorisée ;

7. Le hangar servira uniquement à l’exploitation apicole. Tout changement d’affectation est interdit ;

8. La construction ne pourra pas servir à l’habitation humaine, même occasionnelle, et ne pourra pas être équipée à cette fin ;

9. Les alentours du bâtiment seront maintenus dans un état de parfaite propreté ;

10. Une demande préalable en bonne et due forme sera introduite concernant les conduites d’énergie ou de liquides ainsi que les raccordements nécessaires. Les travaux du hangar ne pourront être entamés qu’après autorisation pour ces conduites ;

11. Au vu de l’impact paysage négatif, un plan d’intégration paysagère conséquente me sera soumis pour approbation avant le commencement des travaux. Ce plan sera élaboré en collaboration avec le préposé de la nature et des forêts et l’arrondissement Nord de l’Administration de la nature et des forêts (Monsieur …).

L’autorisation expirera et la construction devra être enlevée dès que l’affectation autorisée aura cessé. A cette date, les fonds seront remis dans leur pristin état.

La présente vous est accordée sans préjudice d’autres autorisations éventuellement requises notamment de l’Administration de la gestion de l’eau ;

Contre la présente décision, un recours peut être interjeté auprès du Tribunal Administratif statuant comme juge du fond. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. […] ».

Par décision du 28 février 2014, le ministre de l’Environnement constata que la construction du hangar avait été réalisée sans respecter notamment les conditions n° 2, 10 et 11 énumérées dans l’autorisation ministérielle du 25 novembre 2013, précitée, et il interdit, en conséquence, toute continuation des travaux, à l’exception des travaux de mise en conformité avec la décision ministérielle en question.

Lors d’un contrôle effectué le 19 octobre 2016, le préposé de la Nature et des Forêts, triage de …, constata que Monsieur … n’avait pas encore donné suite à la condition n° 4 de 2l’autorisation ministérielle du 25 novembre 2013 suivant laquelle non seulement le bâtiment en lui-même, mais également les portes seraient à recouvrir d’un bardage en bois non traité, ni raboté et qu’il devrait être recouru à des essences telles que le douglas, le mélèze et le chêne.

Par courrier du même jour, le préposé invita, par conséquent, Monsieur … à se conformer au plus tard pour le 31 décembre 2016 aux conditions imposées par le biais de l’autorisation ministérielle du 25 novembre 2013.

Par courrier recommandé du 1er février 2017, le litismandataire de Monsieur … s’adressa au ministre de l’Environnement dans les termes suivants :

« […] Mon mandant a obtenu l’autorisation pour l’érection d’un hangar agricole à usage apicole.

Actuellement la condition n°4 pose problème, alors qu’une des deux grandes portes et la petite porte d’entrée de ce hangar n’ont pas été revêtues d’un bardage en bois non traité, ni raboté avec une épaisseur minimale de 28 millimètres.

Les raisons sont de nature concrète.

En effet, la porte coulissante ne supporte pas un tel poids supplémentaire, de sorte que sous l’application d’un tel bardage la porte coulissante se déformerait, au risque de ne plus pouvoir s’ouvrir, et entraînerait au moins des déformations telles que des jours entre la porte et le « chambranle » du hangar se formeraient.

Or les abeilles des essaims rivaux, voire d’autres espèces, profiteraient de ces jours pour pénétrer dans le hangar apicole pour attaquer les populations et essaims des abeilles de mon mandant, aux fins de voler les stocks de miel importants et s’y approvisionner en sucre.

Le dommage serait conséquent.

Par ailleurs, la porte coulissante est nécessaire afin que les livraisons puissent se faire de façon hermétiquement fermé pour les mêmes raisons. Je vous joins une photo d’une opération de livraison par un camion.

La petite porte d’entrée n’a jamais été prévue sur les plans de l’ASTA comme devant être recouverte d’un bardage en bois.

Par ailleurs, suite à un premier arrêté de chantier, mon mandant a remis des plans complémentaires, sur base desquels l’arrêté de chantier fut levé.

Mon mandant pensait que les plans furent autorisés et dès lors que la nécessité du bardage en bois ne serait plus donnée.

En effet, il a peint ces portes en une couleur brune non reluisante.

La finalité du bardage en bois étant l’intégration harmonieuse dans la nature, j’estime que la couleur choisie permet de rencontrer le même effet, tout en sauvegardant les propriétés hermétiques des portes installées aux fins de la protection des populations des abeilles.

3Je vous renvoie à un jugement du 15 décembre 2014 en matière de bardage en bois n°33390 du rôle du Tribunal Administratif ayant admis que « en ce qui concerne la beauté du paysage mise en avant respectivement sa détérioration alléguée par la partie étatique, il convient de rappeler que le législateur n’a pas entendu préserver, au travers de l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, le paysage de toute atteinte quelconque, étant entendu que toute construction nouvelle constitue objectivement une atteinte à un paysage existant. En effet, les dispositions de la loi du 19 janvier 2004 ne doivent pas être appliquées comme interdisant ipso facto tout projet qui serait de nature à affecter à court terme l’environnement existant, sous peine de paralyser toute activité humaine, mais doivent être appliquées au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet ainsi que des mesures et obligations imposées à l’exploitant afin de préserver en définitive les objectifs poursuivis par la loi. » Compte tenu du fait qu’il s’agit dans le cas d’espèce d’une exploitation apicole, aux populations d’insectes de taille réduite, j’espère que vous conviendrez avec mon mandant qu’afin de maintenir son exploitation fonctionnelle il n’avait guère de choix que de ne pas appliquer de bardage en bois.

Je vous saurais dès lors gré de bien vouloir amender l’autorisation initiale de sorte que mon mandant ne serait plus amené à appliquer un bardage en bois sur la porte coulissante en question et la petite porte d’entrée. […] ».

Par courrier du 24 avril 2017, le ministre de l’Environnement prit position comme suit par rapport au courrier prévisé :

« […] Je me réfère à votre recours gracieux du 1er février 2017 par lequel vous sollicitez pour le compte de votre client … un réexamen de la condition n° 4 de la décision … du 25 novembre 2013 relative à la construction d’un hangar apicole sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … : section … de … sous le numéro ….

J’ai le regret de vous informer que le recours gracieux n’est pas recevable en raison du fait que le délai de 3 mois prévu pour effectuer un tel recours est largement dépassé. […] ».

En réponse au courrier ministériel précité du 24 avril 2017, le litismandataire de Monsieur … s’adressa par courrier recommandé du 3 mai 2017 au ministre de l’Environnement dans les termes suivants :

« […] Je fais suite à votre décision de refus du 24 avril 2017 arguant de la prétendue irrecevabilité de ma demande du 1er février 2017.

Il ne s’agissait pas d’un recours gracieux contre l’autorisation du 25 novembre 2013.

Il s’agissait d’une nouvelle demande d’autorisation pour obtenir une autorisation quasi-identique avec un amendement à la condition n°4 de l’autorisation initiale dans le sens développé de ma part suivant ma demande d’autorisation du 1er février 2017.

Ceci constitue en revanche un recours gracieux contre votre décision de refus du 24 avril 2017 qui n’indique pas les délais des voies de recours.

4Sachez toutefois que mon mandant n’est guère d’accord à attendre trois mois pour votre réponse définitive et saisira les juridictions administratives de ce volet également après un délai de quinze jours.

La résistance procédurière via un moyen de pur droit, encore non fondé, de votre Ministère est incompréhensible.

L’application d’un bardage ou d’une couleur brunâtre est indifférente, alors que le bardage demandé de votre part ne rend pas l’immeuble invisible. […] ».

Par courrier du 13 juin 2017, le ministre de l’Environnement prit position par rapport au courrier prévisé comme suit :

« […] Je me réfère à votre courrier du 3 mai 2017 pour le compte de votre client … dans le cadre de la construction d’un hangar apicole sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … : section … de … sous le numéro ….

Pour neutraliser l’introduction tardive de votre demande, vous soulevez qu’il s’agirait non pas d’un recours gracieux, mais d’une « nouvelle demande d’autorisation pour obtenir une autorisation quasi-identique avec un amendement à la condition n°4 ».

Il ressort clairement de la lecture de cette explication ainsi que des faits de l’espèce qu’il s’agit en réalité d’un recours gracieux contre l’autorisation ministérielle dont vous souhaiteriez voir supprimer la condition n°4 et non pas d’une demande nouvelle.

Une demande nouvelle porte sur un nouveau projet alors qu’un recours gracieux vise à obtenir une modification de la décision ministérielle concernant un seul et même projet.

Votre demande du 1er février 2017 constitue donc un recours gracieux contre l’autorisation de construire du 25 novembre 2013 qui est irrecevable pour avoir été introduit hors le délai légal de 3 mois.

Il est au surplus impossible d’introduire, comme vous entendez le faire, un recours gracieux contre une simple lettre vous informant que vous avez dépassé le délai pour introduire un recours gracieux. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39879 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une décision, ainsi qualifiée, du ministre de l’Environnement du 24 avril 2017 par le biais de laquelle ledit ministre aurait refusé de faire droit à sa demande d’obtenir « une nouvelle autorisation concernant son hangar agricole à usage apicole avec une modification à la condition n°4 par rapport au libellé de l’autorisation initiale », 2) de la décision, ainsi qualifiée, du même ministre du 13 juin 2017 par le biais de laquelle celui-ci aurait confirmé sa décision de refus initiale, 3) d’une décision implicite de refus, ainsi qualifiée, du même ministre « suite à la demande du 1er février 2017, à supposer que ces lettres du 24 avril et 13 juin 2017 ne vaillent pas décisions » et 4) d’une décision implicite de refus, ainsi qualifiée, du même ministre « suite à la demande du 3 mai 2017, à supposer que ces lettres du 24 avril et 13 juin 2017 ne vaillent pas décisions ».

5Par jugement du 11 mars 2019, le tribunal déclara les recours irrecevables en ce qu’ils étaient dirigés contre « la décision de refus implicite suite à la demande du 1er février 2017, à supposer que ces lettres du 24 avril et 13 juin 2017 ne vaillent pas décisions », ainsi que contre « la décision de refus implicite suite à la demande du 3 mai 2017, à supposer que ces lettres du 24 avril et 13 juin 2017 ne vaillent pas décision ». Il déclara pour le surplus, le recours principal en réformation recevable en ce qu’il était dirigé contre les décisions ministérielles des 24 avril et 13 juin 2017 et conclut, par réformation desdites décisions que, c’était à tort que le ministre avait qualifié le courrier du demandeur du 1er février 2017 de recours gracieux dirigé tardivement contre l’autorisation ministérielle du 25 novembre 2013 et qu’il l’avait, de ce fait, déclaré irrecevable, tout en refusant, en conséquence, expressément d’analyser la demande d’autorisation modificative lui soumise à travers ledit courrier. Il renvoya, en conséquence, le dossier en prosécution de cause devant le ministre compétent afin que celui-ci épuise la demande nouvelle portée devant lui.

Il se dégage des pièces du dossier que le 23 juillet 2019, le litismandataire de Monsieur … s’adressa au ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », pour le rendre attentif au fait que le jugement précité avait entretemps acquis autorité de chose jugée et pour lui demander, en conséquence, de statuer et de faire droit à sa demande initiale pour les motifs plus amplement discutés au cours de l’instance. Il informa, par ailleurs, le ministre que faute de délivrance d’une autorisation jusqu’au 15 août 2019, il aurait mandat pour agir en justice.

A défaut de réponse à ce courrier, le demandeur fit introduire par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2019, une demande, sur base des articles 84 et 85, paragraphe (2), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », tendant à la nomination d’un commissaire spécial au sein du tribunal administratif ayant pour mission « de statuer en lieu et place sur la demande d’autorisation du 1er février 2017, réitérée le 23 juillet 2019 consistant dans l’absence de nécessité d’appliquer un bardage en bois sur la porte coulissante et la petite porte d’entrée de ce hangar et en lieu et place de peindre ces éléments en une couleur brune non reluisante ».

Aux termes de l’article 84 de la loi du 7 novembre 1996 : « Lorsqu’en cas d’annulation ou de réformation, coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la Constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé ou réformé la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant au jugement ou à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt ou du jugement, saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci. La juridiction fixe au commissaire spécial un délai dans lequel il doit accomplir sa mission. La désignation du commissaire spécial dessaisit l’autorité compétente » et aux termes de l’article 85 de la même loi « Au cas où la décision devait être prise par une personne publique décentralisée ou par une autorité déconcentrée, le commissaire spécial est choisi parmi les fonctionnaires supérieurs de l’autorité de tutelle ou du ministère dont relève l’autorité à laquelle l’affaire a été renvoyée.

Dans les autres cas, le commissaire spécial est choisi parmi les membres de la juridiction. ».

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut à l’irrecevabilité de la requête sous analyse sous deux aspects, à savoir, d’une part, en ce qu’elle serait dirigée à tort contre une décision implicite de refus du ministre à laquelle se serait entretemps substituée une 6décision du 12 décembre 2019 par le biais de laquelle il aurait été fait partiellement droit à la demande initiale du requérant du 1er février 2017 et, d’autre part, en ce que, du fait que le ministre aurait émis, en date du 12 décembre 2019, une décision répondant à la demande initiale du requérant, la requête en nomination d’un commissaire spécial serait devenue superflue.

Le requérant n’a pas pris position quant aux deux moyens d’irrecevabilité lui opposés, mais il a fait informer le tribunal par courrier de son litismandataire du 18 décembre 2019 que la requête sous analyse en ce qu’elle vise la nomination d’un commissaire spécial était devenue sans objet depuis que le ministre avait, par décision du 12 décembre 2019, autorisé l’absence de bardage en bois sur la porte coulissante du hangar.

Quant aux deux moyens d’irrecevabilité soulevés, le tribunal est tout d’abord amené à relever que dans la mesure où la requête sous analyse vise expressément et uniquement la nomination d’un commissaire spécial suite au jugement du tribunal administratif du 11 mars 2019, le moyen d’irrecevabilité tablant sur la prémisse erronée qu’un recours contentieux serait dirigé contre une décision implicite de refus du ministre est d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen tenant à l’irrecevabilité de la requête sous analyse, au motif qu’entretemps, le ministre aurait émis une décision en réponse à la demande initiale du requérant du 1er février 2017, telle que réitérée le 23 juillet 2019, il est vrai qu’il se dégage des pièces versées en cause et des explications concordantes des parties que le 12 décembre 2019, le ministre a pris une décision par le biais de laquelle il a statué sur la demande d’autorisation modificative introduite par Monsieur … le 1er février 2017, en modifiant la condition numéro 4 de l’autorisation du 25 novembre 2013 en ce sens que la porte coulissante du hangar agricole ne devrait plus être recouverte d’un bardage en bois, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Faisant suite au jugement du Tribunal administratif du 11 mars 2019 numéro 39879 concernant la modification de l’autorisation n°… du 25 novembre 2013 concernant la construction d’un hangar agricole sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de … :

section … de …, sous le numéro …, j’ai l’honneur de vous informer que je fais droit à votre demande en modifiant la condition No 4 comme suit :

4. A l’exception d’une seule porte coulissante, le bâtiment et les portes seront recouvertes d’un bardage en bois non traité, non raboté (épaisseur minimale 28 mm). Il sera recouru à des essences telles le douglas, le mélèze. Le bois ne pourra subir aucun traitement ultérieur.

Toutes les autres conditions de la décision n°… du 25 novembre 2013 restent entièrement applicables. […] ».

Dans la mesure où il est néanmoins constant en cause qu’aucune décision en exécution du jugement prévisé du 11 mars 2019, entretemps coulé en force de chose jugée, n’avait été encore été notifiée au requérant au moment de l’introduction de la requête en désignation d’un commissaire spécial, en l’occurrence le 13 décembre 2019, - la décision en question n’ayant, en effet, de manière non contestée été postée que le 13 décembre 2019, de sorte à ne pas avoir pu être réceptionnée par Monsieur … avant au plutôt le lendemain du dépôt de la requête sous analyse -, celle-ci est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduite dans les formes prévues par la loi.

7Tel que néanmoins relevé ci-avant, par courrier de son litismandataire du 18 décembre 2019, Monsieur … a informé le tribunal que le recours sous analyse était entretemps devenu sans objet suite à la prise de la décision ministérielle prévisée portant la date du 12 décembre 2019 laquelle autorise, en effet, sous certaines conditions, les éléments sur lesquels avait porté sa demande initiale, tout en maintenant toutefois sa demande formulée dans la requête sous analyse à voir condamner l’Etat à lui payer une indemnité de procédure de 20.000.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », et ce, au motif qu’il aurait été obligé d’initier un recours en justice avant d’obtenir une réaction de la part de l’Etat.

Le tribunal constate, par ailleurs, que les parties s’accordent pour dire que la décision ministérielle portant la date du 12 décembre 2019 a été prise en exécution du jugement du tribunal administratif du 11 mars 2019, précité, au vœu de l’article 84 de la loi du 7 novembre 1996.

Or, dans la mesure où, au moment où le juge administratif est appelé à statuer sur la demande en désignation d’un commissaire spécial, l’autorité administrative a pris une nouvelle décision, la demande en désignation d’un commissaire est à considérer comme étant devenue sans objet1 et la requête en désignation d’un commissaire spécial introduite par le requérant est, en conséquence, à rejeter pour être devenue sans objet.

Quant à l’indemnité de procédure de 20.000.- euros réclamée par le requérant, qui fait valoir qu’il serait injuste de laisser à sa charge les frais et les honoraires de son avocat eu égard au fait qu’il aurait été obligé d’introduire une requête en nomination d’un commissaire spécial avant que l’Etat ne réagisse, il y a de prime abord lieu de constater qu’une demande en obtention d’une indemnité de procédure n’est pas atteinte par les effets de la disparition de l’objet du recours, dès lors que ladite demande, procédant d’une cause juridique particulière et autonome, à savoir l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, a une individualité propre et doit être toisée à la demande du requérant.

Ainsi, la renonciation à la demande, respectivement la disparition de l’objet du recours ne rend pas le requérant non recevable à réclamer une telle indemnité.

Aux termes de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, précitée : « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».

En l’espèce, il y a lieu de constater que, depuis le jugement du 11 mars 2019, aucune décision n’était parvenue au requérant au moment de l’introduction de la demande en nomination d’un commissaire spécial et ce, alors même que son litismandataire avait adressé, en date du 23 juillet 2019, soit près de quatre mois après le prononcé du jugement ayant renvoyé, dans le cadre de la réformation des décisions ministérielles des 24 avril et 13 juin 2017, le dossier en prosécution de cause devant le ministre compétent afin qu’il épuise la demande nouvelle portée devant lui, un courrier au ministre afin de réitérer, à la suite du jugement en question, sa demande initiale. En effet, tel que relevé ci-avant, dans la mesure où, 1 Trib. adm. 22 octobre 2018, n° 40705 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1193 et les autres références y citées.

8de manière non contestée, la décision en question n’a été mise à la poste que le 13 décembre 2019, le requérant ne pouvait nécessairement pas en avoir eu connaissance au moment du dépôt de la requête sous analyse. Si certes l’introduction de la requête en nomination d’un commissaire spécial est intervenue quasi concomitamment à la prise, en date du 12 décembre 2019, par le ministre de sa décision, force est néanmoins de constater que celui-ci a attendu près de huit mois après que le jugement du 11 mars 2019 ait acquis autorité de chose jugée pour émettre une nouvelle décision, sans même daigner informer le requérant de l’état d’avancement de son dossier et ce, même après avoir réceptionné le 24 juillet 2019 la demande réitérée de celui-ci. Il s’ensuit que le délai entre le jugement du 11 mars 2019 et la prise de la décision nouvelle le 12 décembre 2019, soit près de neuf mois, reste inexpliqué, de sorte que le tribunal doit l’attribuer à un défaut de collaboration de l’autorité administrative. Au vu des circonstances particulières de l’espèce, le tribunal estime qu’il serait inéquitable de laisser à l’unique charge du requérant les frais non compris dans les dépens et liés à l’introduction d’une requête en nomination d’un commissaire spécial.

Le tribunal accorde dès lors au requérant une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 qu’il évalue ex aequo et bono au montant de 1.500.-

euros.

Pour les mêmes motifs, il y a lieu de mettre l’intégralité des frais et dépens à la charge de l’Etat.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit la demande en nomination d’un commissaire spécial en la forme ;

constate qu’elle est devenue sans objet, partant la rejette;

condamne l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.-

euros sur le fondement de la loi du 21 juin 1999 ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mars 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43894
Date de la décision : 17/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-03-17;43894 ?

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