Tribunal administratif N° 43391 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2019 1re chambre Audience publique du 15 mars 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre des Finances en matière d’aides financières de l’Etat pour études supérieures
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43391 du rôle et déposée le 6 août 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Rabah Larbi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre des Finances du 6 mai 2019 lui refusant une demande de dispense de remboursement de son prêt-
étudiant ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Rabah Larbi déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2020 au nom de Monsieur …, préqualifié ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 16 décembre 2020, et vu les remarques écrites de Maître Rabah Larbi et de Madame le délégué du gouvernement Jeannine Dennewald des 14 et 16 décembre 2020 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.
Moyennant un formulaire établi par le Centre de Documentation et d’Information sur l’Enseignement Supérieur (CEDIES) auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après désigné par « le ministère », Monsieur … sollicita en date du 21 mars 2019 une dispense du remboursement de son prêt-étudiant accordé par l’Etat.
Par un arrêté du 6 mai 2019, le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et le ministre des Finances, ci-après désignés par « les ministres », refusèrent de faire droit à cette demande sur base de la considération suivante :
« Vu la demande introduite par la … en date du 15 avril 2019 concernant un délai de remboursement pour le prêt-étudiant […] de Monsieur … ;
1Vu l'avis défavorable de la commission consultative prévue à l'article 10 de la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l'aide financière de l'Etat pour études supérieures daté au 6 mai 2019 et en application du point 2 de l'article susdit ;
Considérant que le prêt-étudiant […] est remboursé régulièrement et que le revenu actuel de Monsieur … est suffisant pour lui permettre de rembourser le prêt-étudiant ; […] ».
Par requête inscrite sous le numéro 43391 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 6 mai 2019 portant rejet de sa demande de dispense de remboursement de son prêt-étudiant.
Etant donné que ni la loi modifiée du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, ci-après désignée par « la loi du 24 juillet 2014 », ni aucune autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en matière de refus d’accorder une dispense de remboursement d’un prêt-étudiant, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de l’arrêté ministériel entrepris.
Le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’il aurait suivi des études de droit à l’Université de Luxembourg au cours de l’année académique 2010/2011, ainsi que des études de comptabilité à la Haute Ecole Hennalux d’Arlon (Belgique) au cours de l’année académique 2011/2012, en précisant que pour financer ses études, il aurait souscrit un prêt-
étudiant d’un montant de …- euros auprès de la … (…).
Il donne à considérer que comme, après avoir terminé ses études, il n’aurait pas pu trouver un emploi stable, il se serait inscrit comme demandeur d’emploi à l’administration de l’Emploi (ADEM) le 24 septembre 2014, tout en soulignant que sa seule source de revenus serait le revenu minimum garanti (RMG) et qu’à ce titre, il percevrait chaque mois le montant de … euros net.
Compte tenu de sa situation financière, il aurait demandé à la … d’introduire pour son compte une demande de dispense de remboursement pour son prêt-étudiant, demande qui lui aurait toutefois été refusée, au motif que ledit prêt serait remboursé régulièrement et que son revenu serait suffisant à cette fin.
En droit, il invoque une violation par la décision déférée du principe de proportionnalité.
Il soutient, à cet égard, que s’il était vrai que les échéances du prêt seraient prélevées chaque mois sans incident de paiement depuis l’année 2016, il conviendrait toutefois de prendre en considération que lesdites échéances seraient prélevées dès l’encaissement du RMG, raison pour laquelle la commission consultative prévue à l’article 10 de la loi du 24 juillet 2014 aurait considéré que son prêt-étudiant serait remboursé régulièrement.
Il met en avant que quand bien même que les mensualités dudit prêt-étudiant seraient remboursées chaque mois, son revenu serait insuffisant pour assurer leur paiement compte tenu des charges supportées par lui.
2 Il explique, à cet égard, pièce à l’appui, qu’il serait locataire d’un studio à … dont le loyer y compris les charges s’élèverait à …- euros par mois et qu’après le paiement dudit loyer et du prêt-étudiant, le solde disponible serait de … euros.
Ce solde lui permettrait toutefois tout juste de payer ses dépenses de la vie courante (factures d’électricité, frais de nourriture, habillement, loisir), le demandeur insistant sur le fait qu’il serait parfois contraint de se rendre chez ses parents pour déjeuner et dîner notamment lors des dix derniers jours du mois.
Il donne à considérer qu’une dispense de remboursement de son prêt-étudiant lui aurait permis de bénéficier de moyens financiers supplémentaires aux fins de se concentrer sur sa recherche d’un nouvel emploi, d’acquérir un moyen de mobilité afin de postuler aux offres d’emploi et d’améliorer son quotidien jusqu’à retour à meilleure fortune.
Il conclut qu’au vu de ces circonstances, la décision critiquée encourrait l’annulation.
Dans son mémoire en réponse et en fait, le délégué du gouvernement explique que par décisions successives, le ministère aurait accordé au demandeur pour les années académiques 2009 à 2012 plusieurs tranches d’aides financières pour études supérieures sous forme de bourse et sous forme de prêt.
Il donne à considérer que les prêts accordés au demandeur, - dont l’Etat serait le garant au titre des articles 7 de la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures, entretemps abrogée, et 5 de la loi, précitée, du 24 juillet 2014 -, s’élèveraient à un total de …- euros, tout en soulignant qu’au moment de la demande d’appel à garantie de l’Etat, le solde restant à rembourser se serait élevé à …- euros.
Ainsi, le demandeur aurait remboursé …- euros avant de poser sa demande de dispense de remboursement qui aurait été transmise par la … à la commission consultative prévue à l’article 10 de la loi du 24 juillet 2014 avec un avis défavorable.
Il met en avant que lors de sa séance du 6 mai 2019, la prédite commission aurait, à son tour, à l’unanimité des 5 membres présents, émis un avis défavorable s’agissant de la demande d’appel à garantie du demandeur et que suite à cet avis, les ministres compétents auraient décidé le même jour de refuser la demande.
En droit, le délégué du gouvernement conteste que les ressources financières disponibles du demandeur ne seraient pas suffisantes pour rembourser le prêt, en insistant sur le fait qu’il ne serait, par ailleurs, pas contesté par le demandeur qu’il aurait jusqu’au moment de la demande d’appel à garantie régulièrement remboursé ses mensualités, alors même qu’il ne disposerait que du RMG/REVIS comme unique source de revenus.
Il fait valoir qu’aucun élément du dossier ne permettrait de démontrer pourquoi tout d’un coup, le demandeur ne pourrait plus payer ses mensualités comme il l’aurait fait dans le passé. A cela s’ajouterait le fait que le tableau financier versé en cause et renseignant sur ses dépenses aurait été dressé personnellement par le demandeur et non pas par un assistant social ou par un agent d’un office social, de sorte que ce document n’aurait aucune valeur probante, ce qui impliquerait, de surcroît, que les renseignements y figurant ne seraient nullement contrôlables.
3Ainsi, il ne serait, à titre d’exemple, nullement établi que le demandeur dépense effectivement 25.- euros par semaine pour son chat.
Il avance que comme le demandeur percevrait le RMG/REVIS, il pourrait en être déduit qu’il bénéficierait également d’un certain suivi auprès d’un office social, tout en réitérant qu’un document établi par un tel organisme, attestant que le demandeur ne peut pas raisonnablement payer ses mensualités, ferait défaut. Cela aurait eu comme conséquence qu’aussi bien la … que la commission consultative auraient émis un avis négatif par rapport à la demande d’appel à garantie du demandeur et que les ministres l’auraient refusée.
Le délégué du gouvernement donne ensuite à considérer que les articles 5 et 10 de la loi du 24 juillet 2014 prévoiraient, outre l’appel à garantie de l’Etat, également la possibilité d’accorder un délai de remboursement. Si la première mesure visait les cas de figure de personnes qui seraient dans l’impossibilité absolue de rembourser leur prêt-étudiant (mort, handicap, faillite personnelle, etc…) et pour lesquelles il serait raisonnablement prévisible que leur situation financière ne pourra pas s’améliorer, la seconde mesure viserait davantage les personnes qui feraient l’objet de difficultés financières passagères et pour lesquelles il ne serait pas à exclure que leur situation financière pourrait s’améliorer et qu’ils pourraient continuer à rembourser leur prêt-étudiant.
Il soutient que plus particulièrement l’intéressé qui n’arriverait pas à rembourser les mensualités pourrait, au titre des dispositions légales ayant trait au délai de remboursement, se voir octroyer une période de temps au cours de laquelle le montant des mensualités serait ramené à un minimum, ceci afin de combler des périodes de difficultés financières passagères.
Il reproche ainsi au demandeur d’avoir préféré de demander la radiation de sa dette moyennant un appel à garantie de l’Etat au lieu d’avoir recours à cette possibilité, tout en réitérant que jusqu’à présent il aurait régulièrement remboursé ses mensualités et en insistant sur le fait qu’aucun élément de son dossier ne permettrait d’établir ni pour quelle raison il ne pourrait plus continuer à rembourser son prêt ni pourquoi il ne pourrait pas prochainement trouver un poste de travail et améliorer sa situation financière.
Il s’ensuivrait, au vu de ce qui précède, que ce serait à bon droit que les ministres ont refusé en date du 6 mai 2019 d’accorder au demandeur l’appel à garantie.
Dans sa réplique, le demandeur déclare vouloir maintenir les moyens tels que développés dans sa requête introductive d’instance, tout en complétant celle-ci par différents points.
Ainsi, en réitérant qu’il aurait demandé à la … d’introduire pour son compte une demande de dispense de remboursement pour son prêt-étudiant compte tenu de sa situation financière actuelle et ses difficultés pour faire face à ses dépenses mensuelles, il fait valoir que depuis le dépôt du recours sous analyse, sa situation aurait changé. Il explique, en effet, pièces à l’appui, (i) qu’il aurait accepté une mission d’intérim de longue durée sur la période allant du 26 août 2019 au 31 décembre 2019, (ii) qu’en acceptant cette mission d’intérim, il aurait renoncé au revenu d’inclusion sociale, (iii) que le paiement de l’allocation complémentaire, arrêtée au 1er novembre 2019, s’élèverait à … euros, et (iv) que les revenus tirés de l’activité salariée seraient inférieurs à ceux qu’il aurait perçu du Fonds national de solidarité (FNS) : ainsi, aux mois d’août, de septembre et d’octobre 2019, il aurait perçu un salaire net de respectivement …, … et … euros.
4Concernant le décompte de ses revenus et dépenses produit à l’appui du recours sous analyse, il avance qu’eu égard aux critiques avancées par rapport à sa force probante, il aurait fait établir un nouveau décompte par une assistante sociale, duquel il se dégagerait que sa situation financière se serait particulièrement dégradée. Ainsi, au mois de janvier 2020, son revenu se serait élevé à … euros, tandis que ses dépenses mensuelles seraient évaluées à … euros (… + … + …), de sorte que le solde mensuel global s’élèverait à -… euros.
Il conteste ensuite les critiques de la partie étatique de ne pas avoir introduit une demande de délai de paiement, en donnant à considérer qu’au cours de l’année 2014, il aurait présenté une telle demande à la … à laquelle celle-ci aurait fait droit pour une durée de six mois.
Il explique qu’en contrepartie, il aurait néanmoins dû supporter un rééchelonnement de sa dette ainsi qu’une augmentation du cours des intérêts, ce qui aurait aggravé davantage sa situation financière, tout en soulignant que le fait qu’il aurait pu régulièrement rembourser ses mensualités ne le priverait pas de présenter une demande en radiation de sa dette.
Il soutient, enfin, que malgré tous ces efforts, il n’aurait pas d’autre alternative que de demander une dispense de remboursement de son prêt-étudiant, tout en insistant sur le fait qu’il aurait accepté un emploi pour sortir de la « spirale de l’assistanat », mais que ses revenus salariés seraient inférieurs à ceux qu’il aurait perçu du FNS.
Il conclut qu’au vu de ce qui précède, la décision critiquée encourrait l’annulation.
Aux termes de l’article 10, paragraphe (2) de la loi du 24 juillet 2014, en sa version telle qu’applicable au moment de la prise de la décision déférée, : « (2) Sur avis de la commission consultative et par décision conjointe, le ministre ayant l’enseignement supérieur dans ses attributions et le ministre ayant le budget dans ses attributions peuvent prendre les mesures suivantes à l’égard d’étudiants qui se trouvent dans une situation grave et exceptionnelle et qui sont confrontés à des charges extraordinaires:
-
augmenter le montant de l’aide financière annuelle conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2 de la présente loi ;
-
accorder des délais pour le remboursement des prêts ;
-
dispenser partiellement ou totalement du remboursement des prêts ; dans ce cas, l’Etat se charge du remboursement du solde. ».
Ainsi, pour pouvoir bénéficier d’une mesure plus favorable au sens du paragraphe (2) de l’article 10, précité, de la loi du 24 juillet 2014, l’étudiant doit (i) se trouver dans une situation grave et exceptionnelle qui est définie comme étant une situation entraînant des besoins spécifiques suite à une maladie ou un handicap par exemple1 et (ii) être confronté à des charges extraordinaires, ces conditions, dont la charge de la preuve incombe au demandeur au moment de l’introduction de sa demande, étant cumulatives.
Le tribunal relève, à cet égard, qu’il est constant en cause pour se dégager, par ailleurs, du dossier administratif que le demandeur s’est vu accorder par le ministère pour les années académiques 2009 à 2012 plusieurs tranches d’aides financières pour études supérieures sous forme de bourse et sous forme de prêt et que le montant total des prêts accordés par l’Etat s’élève à …- euros, dont …- euros ont déjà été remboursés à l’Etat, de sorte que le solde restant dû s’élève à … euros. Il se dégage ensuite du dossier administratif et plus particulièrement d’un 1 Doc. Parl. 6670, Commentaire des articles, p. 10.
5certificat établi par l’ADEM le 21 mars 2019, ainsi que d’un certificat établi par le FNS le 15 mars 2019 et versés à l’appui du formulaire de demande de délai de remboursement du 21 mars 2019, que le demandeur s’est inscrit comme demandeur d’emploi à l’ADEM le 24 septembre 2014 et qu’il a bénéficié depuis cette date d’une allocation d’inclusion sociale s’élevant, pour la période allant du 1er janvier 2019 au 31 mars 2019, à … euros net. Il ressort, enfin, du dossier administratif et il n’est d’ailleurs pas contesté que le demandeur a depuis le mois de janvier 2016 régulièrement remboursé les mensualités de son prêt-étudiant.
Force est ensuite de constater que dans sa demande du 21 mars 2019 par laquelle Monsieur … a sollicité une dispense de remboursement intégral du prêt accordé par l’Etat, celui-ci a mis en avant sa situation financière et professionnelle en expliquant que depuis qu’il avait entamé des études de droit, il serait dépendant du RMG et que même après trois ans de remboursement de son prêt-étudiant, dont le plan de paiement n’aurait jamais été contesté par lui, il serait toujours sans emploi et bénéficierait toujours du revenu d’inclusion sociale. Pour le surplus, il insiste sur le fait qu’il rembourserait un prêt auprès de la …, ainsi qu’un autre prêt auprès du FNS.
Or, au vu des éléments soumis à l’appréciation des ministres, le tribunal est amené à retenir que c’est à bon droit que ceux-ci ont refusé de faire droit à la demande d’appel à garantie du demandeur introduite en date du 21 mars 2019.
En effet, force est de constater qu’à l’appui de sa demande de dispense de remboursement, le demandeur n’a fait état d’aucun élément permettant de retenir qu’il se trouverait dans une situation grave et exceptionnelle au sens de l’article 10, paragraphe (2) de la loi du 24 juillet 2014 entraînant dans son chef des besoins spécifiques suite, par exemple, à un handicap, à une maladie ou à une faillite, et qu’il serait confronté à une charge extraordinaire ne lui permettant plus de continuer à rembourser son prêt-étudiant.
Indépendamment de la valeur juridique du tableau financier produit par le demandeur et reprenant les dépenses mensuelles de l’année 2019, le tribunal relève que si celui-ci fait certes état d’une situation financière difficile en ce qu’après déduction de tous les frais mensuels, un montant d’environ 80.- euros lui resterait disponible, il ne se dégage toutefois ni de ce tableau financier, ni d’aucun autre élément du dossier tel qu’il était soumis à l’appréciation des ministres que le revenu du demandeur serait insuffisant pour continuer à rembourser son prêt-étudiant qu’il avait dans le passé et jusqu’au moment de l’introduction de sa demande d’appel à garantie, régulièrement remboursé, alors même qu’il a toujours eu comme seule source de revenus le RMG et qu’il n’est pas allégué que ses dépenses aient subi une augmentation significative. Ainsi, dans la mesure où le demandeur reste plus particulièrement en défaut d’expliquer en quoi sa situation financière aurait changé par rapport à celle ayant existé avant l’introduction de sa demande d’appel à garantie, le constat des ministres que le demandeur a régulièrement remboursé son prêt-étudiant et que son revenu est suffisant pour lui permettre de rembourser celui-ci n’est pas sujet à critique, le demandeur n’ayant pas fait état d’une impossibilité absolue de continuer à rembourser son prêt-étudiant.
Or, dans ces circonstances et au vu des éléments soumis à l’appui de la demande litigieuse, il ne peut être retenu que le demandeur se trouverait dans une situation grave et exceptionnelle au sens de l’article 10, paragraphe (2) de la loi du 24 juillet 2014, ni qu’il serait confronté à des charges extraordinaires.
6Ce constat ne saurait être ébranlé par l’argumentation du demandeur, telle que développée dans son mémoire en réplique, pièces à l’appui, que sa situation financière se serait dégradée depuis l’introduction du recours sous analyse, alors qu’il aurait renoncé au revenu d’inclusion sociale et que ses revenus seraient dès lors inférieurs à ceux qu’il aurait perçus du FNS.
En effet, dans le cadre du recours en annulation, tel que cela est le cas en l’espèce, l’analyse du tribunal ne saurait se rapporter qu’à la situation de fait et de droit telle qu’elle s’est présentée au moment de la prise de la décision déférée, le juge de l’annulation ne pouvant faire porter son analyse ni à la date où le juge statue, ni à une date postérieure au jour où la décision déférée a été prise2.
Ainsi, dans ce cas, le juge n’est pas, comme en matière de réformation, appelé à refaire l’acte en substituant son appréciation à celle de l’auteur de la décision administrative entreprise en ayant égard à des éléments d’opportunité autant que de légalité, son pouvoir se confinant à contrôler si, eu égard à la situation en fait et en droit ayant existé au moment où il a statué, l’auteur de la décision n’a pas commis une erreur en droit et, dans la mesure où il dispose d’un pouvoir discrétionnaire, il n’est pas sorti de sa marge d’appréciation. La situation à prendre en compte est celle existant objectivement au moment où l’auteur de la décision administrative a statué. Le juge de l’annulation ne saurait prendre en considération ni des éléments de fait, ni des changements législatifs ou réglementaires s’étant produits postérieurement à la prise de la décision. L’administré n’en pâtit pas puisque dans une telle hypothèse, il peut faire état d’un élément nouveau lui permettant de solliciter une nouvelle décision et obligeant l’autorité administrative à statuer à nouveau, sur base de la nouvelle situation en fait ou en droit. Une annulation de la décision administrative par le juge sur base d’un changement en fait ou en droit intervenu en cours d’instance ne serait pas d’une réelle utilité pour l’administré qui devrait alors, de toute manière, attendre la prise d’une nouvelle décision par l’administration, le juge administratif ne pouvant prendre une décision tenant compte de la nouvelle situation en lieu et place de l’administration3.
Il s’ensuit, au vu de ce qui précède, que l’argumentation quant à sa nouvelle situation financière, ainsi que les pièces y afférentes, à savoir notamment un décompte établi par un assistant social de l’administration communale de Bascharage le 2 janvier 2020, ainsi que des fiches de salaire des mois d’août, de septembre et d’octobre 2019, ne sauraient être prises en compte par le tribunal dans la mesure où elles concernent une situation de fait qui est postérieure à la prise de la décision déférée.
Au vu de tout ce qui précède, le tribunal est dès lors amené à conclure que la décision des ministres du 6 mai 2019 ayant rejeté la demande de dispense de remboursement du prêt-
étudiant du demandeur n’est pas sujet à critique.
Le recours en annulation sous analyse est, partant, à rejeter pour être non fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros telle que formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi 2 Trib. adm. 23 mars 2005, n° 19061 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.
3 Cour adm. 25 février 2014, n° 32165C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 27 et les autres références y citées.
7modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est, à son tour, rejetée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 6 mai 2019 en la forme ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mars 2021 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.
s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 mars 2021 Le greffier du tribunal administratif 8