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22/02/2021 | LUXEMBOURG | N°44445

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 février 2021, 44445


Tribunal administratif N° 44445 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2020 2e chambre Audience publique du 22 février 2021 Recours formé par Madame …, … contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44445 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2020 par Maître Edevi Amegandji, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à ...

Tribunal administratif N° 44445 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2020 2e chambre Audience publique du 22 février 2021 Recours formé par Madame …, … contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44445 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2020 par Maître Edevi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Angola), de nationalité angolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 avril 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 août 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul Reiter en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 décembre 2020.

Le 13 août 2019, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Toujours le 13 août 2019, Madame … passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

1En date du 13 septembre 2019, Madame … introduisit encore une demande de protection internationale au nom de son enfant …, né le … à ….

En date des 22 novembre 2019 et 10 janvier 2020, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 14 avril 2020, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée envoyée le 17 avril 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 13 août 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Vous êtes accompagnée de votre enfant mineur …, né le … au …, de nationalité angolaise et pour le compte duquel vous avez introduit une demande de protection internationale le 13 septembre 2019.

Avant tout progrès en cause, notons que vous avez à deux reprises essayé de vous procurer un visa « Schengen », mais que votre demande a toujours été refusée. En effet, vous avez introduit les demandes suivantes:

- Une première demande de visa le 12 décembre 2017, avec comme but «tourism », auprès des autorités portugaises à … en Angola, - Une deuxième demande de visa le …, avec comme but « tourism», auprès des autorités espagnoles à … en Angola.

Notons que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 13 mars 2019 et que seriez venue au Luxembourg sans attendre la décision concernant votre demande de protection internationale en Grèce (rapport de police).

Il convient en outre de soulever que vous êtes connue sous deux alias différents, …, née le …, de nationalité congolaise et …, née le …, de nationalité congolaise.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 13 août 2019, le rapport d'entretien Dublin III du 13 août 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 22 novembre 2019 et du 10 janvier 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi qu'un document de la Croix-

Rouge luxembourgeoise attestant que vous bénéficiez d'un suivi psychologique versé à l'appui de votre demande de protection internationale.

2 Madame, il résulte de vos déclarations que vous seriez d'ethnie « Bakongo » et née à « … » en Angola d'un père de nationalité angolaise et d'une mère de nationalité congolaise. Vous seriez allée à l'école à « … », une ville congolaise près de la frontière avec l'Angola. Vous y auriez vécu auprès de votre grand-mère ainsi qu'à l'internat avant de rentrer à « … » après avoir obtenu le baccalauréat en 2014 ou 2015. Vous auriez par la suite déménagé avec votre famille à « … [Rem.: …] », la capitale de la province …, et ce parce que votre père y aurait trouvé un travail. Vous y auriez travaillé dans la boutique de votre mère « où on vendait des biscuits, des sucreries etc. » (p.5/17 du rapport d'entretien). Vous y seriez restée jusqu'à votre départ de l'Angola en novembre 2018.

Vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine suite au décès de vos parents lors d'un refoulement en direction du Congo qui aurait eu lieu à « … » début octobre 2018. Dans ce contexte, vous expliquez que votre père aurait travaillé en tant que chauffeur pour un « diamantifère » de nationalité libanaise. Des soldats angolais « et quelque peuple aussi » seraient venus chez vous à la maison « Parce qu'il [Rem.: Votre père] roulait avec les diamantifères et parce qu'il avait une femme Bakongo » (p.7/17 du rapport d'entretien). Il aurait été tué avec une machette par des soldats. Votre mère serait décédée des suites d'une attaque cardiaque.

Vous continuez votre récit en indiquant que suite au décès de vos parents, trois soldats vous auraient enlevée, frappée et violée. Après, avoir été abandonnée à la rue, vous auriez fait connaissance d'un homme dénommé « … » qui « avait de pitié de moi » (p.13/17 du rapport d'entretien) et qui vous aurait proposée de l'accompagner à …. Après que cet homme vous ait soignée, il aurait abusé de vous et vous aurait interdit de quitter sa maison. Afin d'empêcher que vous le dénonciez, il vous aurait envoyée en Turquie en décembre 2018.

Lors de l'entretien auprès de la Police grand-ducale, vous déclarez avoir quitté l'Angola « da es mir dort nicht gefallen hat » (rapport de police).

Vous mentionnez en outre être née au village « … » au Congo, « in welchem im Oktober 2018 ein Massaker stattfand […] ich flüchtete nach Angola und ich erhielt in Angola dann im November 2018 die angolanische Nationalität » et que « Den Namen … erhielt ich seitens der angolanischen Behörden, da dies ein portugiesisch sprachiges Land ist» (rapport de police).

En ce qui concerne votre trajet, vous évoquez avoir pris un avion en direction de la Turquie avant d'aller en Grèce par bateau. Vous auriez décidé de quitter la Grèce « da ich mich nicht wohlfühle, es ist ein armes Land, die Leute sind komisch. Im Krankenhaus verstehe ich die Sprache nicht » (rapport de police). Vous y auriez fait connaissance d'un touriste luxembourgeois dénommé …, qui vous aurait conduit jusqu'au foyer.

Vous ne présentez aucun document d'identité.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

3Madame, il faut d'abord soulever que votre comportement depuis votre départ de l'Angola est incompatible avec celui d'une personne réellement à la recherche d'une protection dans un pays sûr.

En effet, il convient de noter que vous avez manifestement induit en erreur les autorités en ce qui concerne votre identité. Lors de l'entretien avec la Police grand-ducale sur le territoire luxembourgeois le 13 août 2019, vous avez déclaré être née au Congé, vous appeler … et n'avoir acquis la nationalité angolaise qu'en novembre 2018. Il s'avère qu'il s'agit là d'un mensonge pur et simple, puisque qu'il ressort des informations en nos mains que vous avez introduit des demandes en obtention d'un visa «Schengen» déjà en décembre 2017 respectivement juin 2018, et ce avec votre passeport angolais qui a déjà été établi en 2017.

Notons dans ce contexte que vous Madame, êtes sans aucun doute de nationalité angolaise. La Loi de la Nationalité angolaise cite clairement que « ARTICLE 9 (Nationalité de plein droit) 1. Le citoyen angolais d'origine est : a) l'enfant de père ou de mère de nationalité angolaise naît en Angola ;b) l'enfant de père ou de mère de nationalité angolaise naît à l'étranger », ce qui est le cas ici.

Or, une personne réellement persécutée respectivement qui craint de subir des atteintes graves est censée collaborer avec les autorités et ne tente pas ostentatoirement de dissimuler son identité. Vous n'avez pas hésité à mentir à des agents de police et ministériel et avez tenté par des explications hasardeuses de vous sortir des mensonges dans lesquels vous vous êtes empêtrée.

Madame, à cela s'ajoute que vous auriez quitté l'Angola en 2018 et que vous auriez séjourné en Grèce jusqu'en août 2019. Vous ne seriez pas restée en Grèce « da ich mich nicht wohlfühle, es ist ein armes Land, die Leute sind komisch. Im Krankenhaus verstehe ich die Sprache nicht » (rapport de police). Or, un demandeur de protection internationale ne saurait choisir le pays où il introduit une demande de protection internationale pour des seules considérations de convenance personnelle.

De plus, vous avec introduit de demande de protection internationale en Grèce en date du 13 mars 2019 et êtes sans avoir attendu les suites réservées à vos démarches en Grèce venue au Luxembourg. Ceci démontre que vous êtes nullement persécutée dans votre pays d'origine et est manifestement de nature à mettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine.

Un tel comportement est incompatible avec un réel besoin de protection.

Ceci étant dit Madame, je tiens à souligner que les faits suivants ne sont pas pris en considération dans le cadre de l'analyse de votre demande alors qu'ils ne sont manifestement pas avérés.

Notons que votre prétendu vécu à …, c'est-à-dire le décès de vos parents lors d'un refoulement en direction du Congo et l'abus sexuel que vous auriez subi de la part des soldats, n'est pas crédible et ne sera pas pris en considération.

En effet, il convient de constater qu'à la lecture du dossier administratif, vous vous êtes contredite à de nombreuses reprises et vos réponses sont peu respectivement pas convaincantes ce qui nous emmène à conclure que vous avez manifestement menti quant aux faits suivants.

4 Vos propos s'avèrent mensongers en ce qui concerne le refoulement qui aurait eu lieu à …, la capitale de la province … en octobre 2018. S'il y avait vraiment eu un tel refoulement accompagné d'un massacre en octobre 2018, cela aurait surement été documenté. Or, il ne ressort pas de nos recherches qu'un tel refoulement aurait eu lieu à … en octobre 2018. Un refoulement a bien eu lieu mais pas dans la ville que vous avez indiqué mais à … dans la province … au nord du pays : « Plusieurs Congolais ont été tués en Angola en marge d'une opération lancée par … pour expulser les étrangers en situation irrégulière […] Lundi 8 octobre, des médias angolais ont rapporté que des violences dans la ville de … (nord), dans la province angolaise du … voisine de la République démocratique du Congo (RDC), avaient fait onze morts, dix Congolais et un policier angolais, depuis mercredi.

Selon les informations en nos mains, un refoulement a eu lieu à … le 1er juillet 2018, donc plus de trois mois avant la date que vous nous avez fait savoir. Pendant ce refoulement, des immigrants illégaux ont été rapatriés, « des ressortissants du Sénégal, Zambie, Côte d'Ivoire et de la RDC ». Rappelons que votre père était de nationalité angolaise, donc il n'avait aucune raison d'être refoulé. Vos déclarations que votre père de nationalité angolaise aurait été tué pendant un refoulement d'étrangers illégaux et que vous auriez été enlevée et violée lors de ce refoulement d'immigrants primairement congolais sont dénuées de sens.

Qu'une personne se trompe de quelques jours quant à la date d'un événement est tout à fait possible, mais il est impossible que vous vous soyez trompée de plus de trois mois quant à la date d'un événement aussi marquant de votre vie.

A cela s'ajoute que, bien que vous auriez vécu pendant environ quatre ans à …, de 2015 à 2018, vous faites des déclarations erronées en disant que la ville s'appelle «…». Interrogée quant à cette erreur, vous répondez de manière insolente : « C'est la même chose. Vous ne voyez pas que c'est la même chose ?» (p.12/17 du rapport d'entretien).

Finalement, notons que vous ne mentionnez votre prétendu vécu à … ni pendant l'entretien auprès de la police judicaire ni sur votre fiche de motifs. En effet, vous déclarez auprès de la police judiciaire que vous auriez quitté l'Angola « da es mir dort nicht gefallen hat » (rapport de police) et vous remplissez votre fiche de motifs par les mots « pour des raisons de violence sexuelle » (fiche des motifs). Ceci montre clairement que vous avez étoffé votre histoire au fur et à mesure et ce n'est que presque cinq mois après votre arrivée au Luxembourg que vous nous présentez cette histoire inventée de toutes pièces.

Au vu de ce qui précède il est indéniable que vous avez menti quant à cette partie de votre récit et que vous avez inventé votre histoire pour augmenter les chances d'obtenir une protection internationale.

Ceci étant dit, notons que l'analyse de votre demande portera uniquement sur l'abus sexuel que vous auriez subi de la part de … et sur le fait que vous seriez persécutée en raison de votre ethnie « bakongo ».

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

5 Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, vous indiquez que … aurait abusé sexuellement de vous. Notons que, aussi déplorable et condamnable que cet abus puisse être, un tel motif ne saurait justifier l'octroi du statut de réfugié, alors qu'il ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015 qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou qui risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social. Or, cela n'est pas le cas en l'espèce.

Quand bien même ces faits seraient liés à l'un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu'ils seraient suffisamment graves pour constituer un acte de persécution, notons que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, cela n'est pas le cas en l'espèce. En effet, vous n'avez aucunement porté plainte contre … respectivement recherché de l'aide dans votre pays d'origine, de sorte qu'on ne saurait reprocher une quelconque défaillance aux forces de l'ordre qui n'ont jamais été mises en mesure d'effectuer leur mission.

Notons à titre d'information que vous auriez pu trouver de l'aide, puisque « Rape, including spousal rape, is illegal and punishable by up to eight years' imprisonment if convicted […] The Ministry of Justice and Human Rights worked with the Ministry of Interior to increase the number of female police officers and to improve police response to rape allegations ».

Vous auriez aussi pu faire part de vos doléances auprès du Service du médiateur de l'Angola, « whose purpose is to defend the rights, freedoms and guarantees of citizens ensuring by informal means the justice and legality of the public administration. It is mandated with defending the rights, liberties and privileges of citizens, either individually or collectively.

A cela s'ajoute que vous auriez pu rechercher de l'aide auprès de plusieurs organisations qui luttent contre la violence sexuelle et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Citons à titre d'exemple l'organisation « Rede Mulher Angola », qui « promeut l'accès à la justice pour les femmes en situation de violence et contribue au renforcement de la mise en œuvre et de l'applicabilité de la loi contre la violence domestique [Rem.: traduction] ».

6 Madame, il convient de rappeler que vous êtes majeure et donc parfaitement capable de vivre indépendamment de … en Angola. En tenant compte du fait de votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées et du fait que vous auriez pu bénéficier d'une protection dans votre pays d'origine, il convient de constater qu'il n'existe aucun risque futur de persécution dans votre chef.

Vous mentionnez en outre lors de l'entretien que vous seriez d'ethnie « bakongo » et qu'« ils nous aiment pas », « Il y a des gens qui sont venus chasser […] le peuple Bakongo » (p.7/17 du rapport d'entretien).

Il convient de noter que cette déclaration est tout simplement fausse et que vous n'avez pas pu montrer de façon vérifiable qu'une persécution de la population angolaise d'ethnie «bakongo » existe réellement.

Notons que « Die Bakongo stellen mit ca. 13,2% der Gesamtbevölkerung Angolas die drittstärkste makro-ethnische Gruppe dar […] Das heutige Siedlungsgebiet der Bakongo in Angola umfasst die drei nordwestlichen Provinzen von …, …, … und einen Teil der Provinz … mit einer gesamten Fläche von 107.000 km2 ». Il découle des recherches effectuées par nos soins qu'il n'existe aucune persécution des « Bakongo » par le gouvernement ou même la population angolaise.

Au vu de ce qui précède on peut conclure que vous n'êtes manifestement pas persécuté en raison de votre ethnie « bakongo » contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire et que vous avez inventé vos problèmes quant à votre ethnie de toutes pièces pour augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale à Luxembourg.

I1 ressort en outre de votre dossier administratif que des motifs économiques et de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale. Vous évoquez ainsi que vous auriez eu une vie normale avant que vos problèmes auraient commencé et qu'en cas d'un retour dans votre pays d'origine « [Rem.: Une vie] Au village c'est compliqué.

En capitale aussi c'est difficile. Si tu n'as pas d'argent comment tu vas faire? […] Vous allez faire quoi, vendre des oranges… ce n'est pas facile sous le soleil » (p.14/17 du rapport d'entretien). De plus, vous auriez quitté l'Angola « da es mir dort nicht gefallen hat » (rapport de police).

Or, notons que ces motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne sont nullement liés aux critères définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d'être persécutée respectivement que vous risquez d'être persécutée en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs 7sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Angola, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner.

(…)».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2020, Madame … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 14 avril 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 14 avril 2020, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, Madame … explique qu’elle serait née d’un père angolais et d’une mère congolaise et qu’elle aurait vécu dans une ville congolaise dans la province de …, frontalière à l’Angola, avant de déménager en Angola en novembre 2018, alors que son père y aurait trouvé du travail. Elle explique que ses problèmes auraient commencé 8lors d’une opération de refoulement en direction du Congo lors de laquelle son père aurait été tué par des soldats angolais et sa mère serait décédée à la suite de cet incident d’une crise cardiaque. Elle-même aurait été violée par les mêmes soldats. Madame … expose qu’elle aurait pu s’échapper de ses ravisseurs avec l’aide d’un dénommé « … », qui l’aurait hébergée pendant un certain temps avant de l’aider à partir pour la Turquie. Cette même personne l’aurait néanmoins également violée.

En droit, Madame … donne à considérer que « la vérité, respectivement le mensonge n’a[urait] jamais été (…) un des critères d’évaluation d’une demande de protection internationale » en reprochant au ministre de ne pas avoir analysé la crédibilité de son récit, mais de s’être borné à déclarer qu’elle mentirait sans faire une analyse objective et impartiale.

Madame … rappelle ensuite son récit tel qu’il résulte de son audition auprès du ministère en soulignant plus particulièrement qu’elle aurait été victime de traumatismes en raison desquels elle ferait actuellement l’objet d’un suivi psychologique. Elle reproche au ministre de ne pas avoir pris en compte son état de fragilité psychologique.

Quant au refus du ministre de lui reconnaître le statut de réfugié, Madame … expose qu’elle aurait été obligée de quitter l’Angola en raison de persécutions motivées par son ethnie bankongo et du fait que sa mère aurait été de nationalité congolaise. Dans la mesure où les auteurs des persécutions auraient été des soldats angolais, ils ne sauraient être considérés comme des personnes privées. Elle soutient qu’elle aurait fait usage de la possibilité de fuite interne lorsqu’elle se serait réfugiée auprès du dénommé « … », qui l’aurait séquestrée et violée avant de la faire partir, enceinte de ses œuvres, en Turquie. Les circonstances de fait ne lui auraient pas permis de solliciter une aide auprès des autorités publiques ou organisations non gouvernementales, dans la mesure où, d’un côté, les soldats angolais auraient été aux ordres des autorités publiques et, d’un autre côté, le dénommé « … » l’aurait séquestré chez lui, de sorte qu’elle n’aurait pas pu entrer en contact avec une quelconque personne. Elle en conclut qu’elle devrait bénéficier du statut de réfugié.

Quant au refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, Madame … expose qu’elle aurait fait l’objet d’un certain nombre d’atteintes tant physiques que psychologiques et qu’elle courrait un risque de persécution si elle devait retourner dans son pays d’origine. L’éventualité d’un retour en Angola l’exposerait de facto à des atteintes graves en raison du fait que les agents persécuteurs seraient toujours en place.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

S’agissant d’abord des reproches de la demanderesse selon lesquels le ministre n’aurait pas évalué la crédibilité de son récit mais se serait borné à déclarer qu’elle mentirait sans procéder à une analyse objective et impartiale des faits à la base de sa demande de protection internationale et pour autant que la demanderesse ait entendu invoquer une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler qu’aux termes de cet article « (…) (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que : a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ; b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays 9d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations; c) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions connaissent les normes applicables en matière d’asile et de droit des réfugiés; d) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions aient la possibilité de demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre. (…) ».

Force est au tribunal de constater que Madame … reste en défaut de préciser en quoi le ministre n’aurait pas procédé à un examen objectif et impartial, alors qu’elle se borne à affirmer que le ministre se serait limité à « décréter [qu’elle] mentirait », alors que ce n’est manifestement pas le cas, tel qu’il résulte de la motivation de la décision déférée, reproduite in extenso ci-avant, ce moyen devant ainsi être qualifié de simplement suggéré sans être effectivement soutenu, de sorte à encourir le rejet, alors que le tribunal n’est pas censé pallier la carence des parties dans la présentation de leurs moyens.

Il y a ensuite lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point b), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme correspondant à une demande visant à obtenir le statut de réfugié, respectivement celui conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015: « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

10 c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte que ces dispositions visent une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

11Il y a encore lieu de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de la demanderesse, crédibilité contestée en l’espèce par la partie gouvernementale.

A cet égard, il y a tout d’abord lieu de rappeler que Madame … base sa demande de protection internationale sur trois éléments : premièrement, le refoulement en direction du Congo début octobre 2018 à partir de …, lors duquel son père aurait été tué par des soldats angolais et elle-même aurait été enlevée, frappée et violée, deuxièmement, la séquestration et les viols perpétrés par le dénommé « … » et, troisièmement, le fait qu’elle ferait l’objet de discrimination en raison de son appartenance à l’ethnie bakongo.

Or, le tribunal constate, à l’instar du délégué du gouvernement, que Madame … s’est contredite, respectivement a fourni des indications erronées quant au refoulement ayant prétendument eu lieu en octobre 2018 à …. Ainsi, il échet de constater en premier lieu que la demanderesse parle tout au long de son entretien de la ville de « … »1 sans qu’elle ne puisse décrire ladite ville2, alors qu’elle y aurait prétendument habité pendant quatre années et qu’au contraire elle a pu donner beaucoup de détails quant à la ville de … où elle n’aurait vécu que pendant trois semaines3. Il y a également lieu de relever que Madame … a répondu de manière évasive dès que l’agent ayant mené son entretien l’a confrontée à ces contradictions4. Cette circonstance, ensemble avec le fait (i) qu’elle a indiqué sur la fiche de motifs remplie lors du dépôt de la demande de protection internationale les seules violences sexuelles et (ii) qu’il ressort de l’article publié en date du 9 octobre 2018 dans Le Monde intitulé « Des Congolais tués en Angola en marge de l’expulsion de clandestins », cité dans la décision ministérielle, 1 Rapport d’audition, pp. 8, 12 2 « Pourvez-vous me décrire la ville svp ? C’est une ville. Il y a des bâtiments et des écoles. Il y a des diamants, les diamants c’est tout.

Comment s’appelait le quartier dans lequel vous habitiez ? Les quartiers là-bas…, il n’y a pas vraiment les quartiers.

Quels bâtiments administratifs se trouvent dans cette ville ? Les bâtiments administratifs je ne connais pas, parce que moi je ne fréquentais pas de bâtiments comme ça. Il y a des bâtiments, des immeubles (…) Comment s’appelle le quartier que vous fréquentiez alors ? Il s’appelle chez moi ici, mon quartier. (…) Il me semble que vous ne connaissiez pas cette ville, si vous n’êtes pas capable de m’expliquer quoi que ce soit qui s’y trouve.

Moi, je ne connais que les comptoirs de diamants, qui se trouvent dans les petits villages là-bas, là-bas, là-bas.

C’est tout.

Donnez-moi des noms de villages alors ou bien de comptoirs.

Je ne suis jamais allée là-bas c’est mon papa qui y allait et lui n’était qu’un simple chauffeur c’est tout », Rapport d’audition, p.8 et 9.

3 Rapport d’audition, p. 10.

4 « Comment expliquez-vous que vous connaissez … alors que vous y avez passé quelques semaines et non pas la ville dans laquelle vous avez habité pendant trois ans ? Parce que là-bas c’est plus les diamants, Madame, les comptoirs de diamants… », Rapport d’audition, p.11 « Vous avez dit que le refoulement s’est déroulé à « … », la capitale de …. J’ai fait des recherches et trouvé que la ville en question s’appelle Saurimo. Est-ce bien de cette ville-là que vous parlez ? C’est la même chose. Vous ne voyez pas que c’est la même chose ? Non, Madame ce n’est pas la même chose.

C’est ça …c’est pareil. », Rapport d’audition, pp. 12 et 13.

12qu’un refoulement, tel que décrit par la demanderesse, a certes eu lieu en octobre 2018, mais dans une autre ville et dans une autre province que celle citée par la demanderesse, emmène le tribunal à retenir, à défaut d’explications circonstanciées de la demanderesse quant à ces contradictions, que les déclarations de cette dernière concernant le prétendu massacre à la suite d’un refoulement ne sont pas crédibles, étant précisé que le seul fait d’avancer des traumatismes psychologiques ne saurait atténuer les graves contradictions de la demanderesse quant au lieu où ce massacre aurait prétendument eu lieu. Il échet encore à cet égard de relever que non seulement Madame … mélange dans sa requête introductive d’instance les circonstances de temps et de lieux en affirmant que la province de … ferait partie du Congo et qu’elle n’aurait déménagé en Angola qu’en novembre 2018, alors que selon ses déclarations auprès de la direction de l’Immigration, le prétendu refoulement de l’Angola vers le Congo aurait eu lieu en octobre 2018, mais encore elle a déclaré lors de son audition auprès de la police judiciaire que « Ich bin eigentlich aus dem Kongo, ich stamme aus dem Dorf …, in welchem im Oktober 2018 ein Massaker stadtfand. Ich wurde dort vergewaltigt und ich wurde schwanger, ich flüchtete nach Angola und ich erhielt in Angola dann im November 2018 die angolanische Nationalität. ». Il s’ensuit que le tribunal ne prendra pas en compte ce fait dans l’appréciation du bien-fondé du recours sous examen pour défaut de crédibilité.

S’agissant de la crainte de la demanderesse de faire l’objet de persécutions en raison de son appartenance à l’ethnie bakongo, il échet de retenir que s’il est vrai que cette crainte est susceptible de rentrer sous les prévisions de l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 se rattachant à la race, telle qu’y visée, il n’en reste pas moins qu’elle se borne à affirmer lors de son entretien auprès du ministère qu’une fois arrivé à Lunda, il y aurait eu « des gens qui sont venus chasser les diamantifères et le peuple, le peuple Bakongo », sans faire état d’un quelconque événement de son vécu personnel, qui aurait été motivé par sa race. Il échet de relever à cet égard que le délégué du gouvernement affirme à cet égard, pièce à l’appui, que le peuple bakongo constituerait 13,2% de la population de l’Angola, représenterait le troisième plus grand groupe ethnique du pays et n’y ferait l’objet d’aucune persécution, sans que Madame … ait soumis un quelconque élément à l’appréciation du tribunal qui contredirait cette affirmation. Le tribunal en conclut dès lors qu’il n’existe aucun risque futur de persécution à cet égard dans le chef la demanderesse.

Concernant finalement les maltraitances par le dénommé « … », dont Madame … a été victime, il échet de relever qu’il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal qu’elle aurait été malmenée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques au sens de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par la demanderesse comme étant non fondée, de sorte que le recours de la demanderesse est, pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de lui accorder le statut de réfugié, à rejeter.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever que la notion de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g), de la loi du 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de 13subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle «courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui du volet du recours visant le refus de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Madame … ne prenant pas position dans sa requête introductive d’instance quant à l’article 48, points a) et c) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal se limitera à analyser le bien-fondé du recours sur la base de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Dans la mesure où le tribunal vient de conclure ci-dessus que le récit de la demanderesse quant au refoulement d’Angola vers le Congo manque de crédibilité, il n’y a pas non plus lieu de le prendre en compte dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir s’il existe de sérieux motifs de croire qu’en cas de retour de son pays d’origine, Madame … encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48, point b) précité. Au vu des développements faits ci-avant dans le cadre de l’analyse de la demande de Madame … tendant à l’octroi du statut de réfugié, il n’est pas établi qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves du seul fait de son appartenance à l’ethnie bakongo.

14S’agissant du fait que le dénommé « … » a séquestré et violé Madame …, il échet de retenir que, contrairement aux développements du délégué du gouvernement ces éléments atteignent le degré de gravité requis par l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, étant précisé que l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants tels qu’ils sont définis par la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », couvre un large éventail de mauvais traitements qui atteignent un certain degré de gravité5. La CourEDH a jugé un traitement « inhumain » au motif, notamment, qu’il avait été appliqué avec préméditation pendant des heures et qu’il avait causé soit des lésions corporelles, soit de vives souffrances physiques ou mentales6. Un traitement ou une sanction est défini comme «dégradant» par la CourEDH parce qu’il est de nature à inspirer à ses victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier et à les avilir7 ou parce qu’il atteint la personnalité de l’intéressé d’une manière incompatible avec l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH »8. L’absence d’un tel but ne saurait exclure de façon définitive le constat de violation de l’article 3 de la CEDH9. Il peut suffire que la victime soit humiliée à ses propres yeux, même si elle ne l’est pas à ceux d’autrui10. Or, souvent, la jurisprudence de la CourEDH n’établit pas une distinction claire entre la torture et un traitement inhumain ou dégradant. Le critère déterminant pour constater une violation de l’article 3 est que le mauvais traitement atteigne un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative et dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. Parmi les autres facteurs à considérer figurent le but dans lequel le traitement a été infligé ainsi que l’intention ou la motivation qui l’ont inspiré, ainsi que son contexte, comme une atmosphère de vive tension et à forte charge émotionnelle11.

Il se dégage de l’audition de la demanderesse au ministère12 que le dénommé « … » lui interdisait de quitter son domicile et qu’elle a eu des rapports sexuels sans son consentement avec ce dernier, desquels est né son enfant avec lequel elle doit actuellement créer un lien maternel avec l’aide d’assistantes sociales13, de sorte que ce fait atteint le minimum de gravité requis par l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Or, il échet de constater que le dénommé « … » est une personne privée sans lien avec l’Etat et que Madame … invoque comme seule raison pour laquelle elle n’a pas sollicité la protection des autorités de son pays d’origine le fait que le refoulement vers le Congo aurait été perpétré par des soldats angolais, fait qui, tel qu’il ressort des développements ci-avant, n’a pas été pris en compte dans l’examen du bien-fondé du recours pour défaut de crédibilité. Il s’ensuit que Madame … n’a formulé aucune critique valable quant à la disponibilité d’une 5 European Asylum Support Office, Analyse Juridique, Conditions de la protection internationale (directive 2011/95/UE), p. 116.

6 CourEDH, arrêt du 26 octobre 2000, Kudla c. Pologne, requête no 30210/96, paragraphe 92, CourEDH, arrêt du 15 juillet 2002, Kalachnikov c. Russie, requête no 47095/99, paragraphe 95 ; CourEDH, arrêt du 21 janvier 2011, grande chambre, M.S.S. c. Belgique et Grèce, requête no 30696/09, paragraphe 220.

7 CourEDH, Kudla c. Pologne, paragraphe 92. Voir, aussi, CourEDH, arrêt du 25 avril 1978, Tyrer c.

Royaume-Uni, requête no 5856/72, paragraphe 30.

8 CourEDH, Kalachnikov c. Russie, paragraphe 95.

9 CourEDH, Kalachnikov c. Russie, paragraphe 95; CourEDH, arrêt du 19 avril 2001, Peers c. Grèce, requête no 28524/95, paragraphe 74.

10 CourEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, paragraphe 220.

11 CourEDH, arrêt du 18 octobre 2012, Bureš c. République tchèque, requête no 37679/08, paragraphe 84;

CourEDH, arrêt du 1er juin 2010, Gäfgen c. Allemagne, requête n° 22978/05, paragraphe 88.

12 Rapport d’audition, p. 13.

13 Rapport d’audition, p. 8.

15protection nationale qui aurait pu expliquer son départ de son pays d’origine sans avoir sollicité une protection des autorités nationales.

En effet, la crainte de faire l’objet d’atteintes graves ne saurait être considérée comme fondée que si les autorités angolaises ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective à la demanderesse ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source des actes de persécution, respectivement des atteintes graves14.

En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale15. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays, en déposant notamment une plainte contre l’auteur des actes de persécution, respectivement des atteintes graves, pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut16.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions -

cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en matière de viol, communément la forme d’une plainte.

A ce titre, il y a encore lieu de préciser que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

14 Trib. adm., 13 juillet 2009, n° 25558 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 150, et les autres références y citées.

15 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p. 21, n° 100.

16 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

16Or, à défaut d’avoir au moins tenté de porter plainte contre le dénommé « … » auprès des autorités angolaises, la demanderesse ne saurait leur reprocher une quelconque défaillance, étant relevé qu’au moment où « … » l’a déposée à l’aéroport afin qu’elle prenne l’avion vers la Turquie, elle aurait parfaitement pu s’adresser aux policiers, respectivement douaniers postés à l’aéroport.

Il s’ensuit qu’un défaut de protection n’est pas établi dans le chef de Madame ….

Au vu des conclusions dégagées ci-avant, force est de constater que les risques invoqués par la demanderesse de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Angola sont dénués de fondement, dans la mesure où il a plus particulièrement été retenu ci-

avant qu’il ne se dégageait pas des éléments de la cause qu’il serait impossible à la demanderesse de requérir et d’obtenir la protection des autorités angolaises, étant encore souligné que Madame … est majeure et capable de s’entretenir soi-même, de sorte qu’il n’y a aucun risque qu’elle se retrouverait sous les mains du dénommé « … ».

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que Madame … n’a pas non plus fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2, point g), de ladite loi.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande de Madame … tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

Par conséquent, le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2. Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de ce volet du recours, la demanderesse fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine aurait pour elle des conséquences graves, tant physiques que mentales.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

17 Etant donné que le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef de la demanderesse, de tout risque réel et actuel de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 dans son pays d’origine et que c’était à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse l’un des statuts conférés par la protection internationale, le tribunal ne saurait se départir de cette conclusion à ce niveau-ci de son analyse, de sorte que ni la légalité, ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

Il suit, partant, des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 14 avril 2020 portant refus d’un statut de protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 14 avril 2020 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 22 février 2021 par le premier juge, Hélène Steichen, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s. Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44445
Date de la décision : 22/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-22;44445 ?

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