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16/02/2021 | LUXEMBOURG | N°39732a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2021, 39732a


Tribunal administratif Numéro 39732a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juin 2017 4e chambre Audience publique du 16 février 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision de la Commission des pensions en matière de mise à la retraite pour raison de santé

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 39732 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2017 par Maître Alain Gross, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’O

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Tribunal administratif Numéro 39732a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juin 2017 4e chambre Audience publique du 16 février 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision de la Commission des pensions en matière de mise à la retraite pour raison de santé

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 39732 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2017 par Maître Alain Gross, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision de la Commission des pensions du 15 mars 2017 le déclarant hors d’état de continuer son service, de le reprendre dans la suite et d’occuper un autre emploi ;

Vu le jugement avant dire-droit du 26 avril 2019 ordonnant l’institution d’une expertise médicale ;

Vu l’avis du tribunal du 22 octobre 2019 autorisant les parties à produire un mémoire supplémentaire afin de prendre position sur les rapports d’expertise médicale déposés au greffe du tribunal administratif le 18 juillet, respectivement le 18 septembre 2019 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2019 par Maître Alain Gross, préqualifié, pour compte de son mandant ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;

Vu la communication de Maître Alain Gross du 25 novembre 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu la communication de Madame le délégué du gouvernement Pascale Millim du 8 décembre 2020 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique des plaidoiries du 8 décembre 2020.

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Par contrat d’engagement du 18 février 2004, Monsieur … fut engagé comme employé de bureau à l’Administration gouvernementale – ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative – Service central des Imprimés et des Fournitures de Bureau de l’Etat à partir du 1er février 2004.

Par courrier du 14 novembre 2016, le directeur du Centre des Technologies de l’Information de l’Etat saisit le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative, ci-après désigné par « le ministre », pour l’informer que Monsieur … « est en congé de maladie pendant plus de six mois pendant une période de douze mois (…) bénéfici[ant] d’un congé de maladie ininterrompu à partir du 30 mars 2014 », de sorte à l’inviter, conformément à l’article 37 bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par « le statut général », à saisir le médecin de contrôle pour l’examiner, tout en précisant qu’au cas où ce dernier jugerait que la maladie dont souffre Monsieur … serait chronique, il propose la saisine directe de la Commission des pensions.

Par courrier du 14 décembre 2016, le ministre saisit le médecin de contrôle conformément à l’article 37 bis précité afin de lui demander de réaliser un examen médical de Monsieur ….

En date du 5 janvier 2017, le médecin de contrôle, le Dr. …, transmit à la Commission des pensions conformément à l’article 37 bis du statut général le rapport médical et en date du 9 janvier 2017, il le transmit au ministre.

Dans ledit rapport médical, le médecin de contrôle conclut que « (…) Au vu de l'amputation distale de ses 4 membres, consécutive à une gangrène avec nécroses tissulaires plus ou moins étendues, dans le cadre d'une septicémie à pneumocoques chez un sujet splénectomisé, pour avoir présenté 2 ans auparavant un lymphome malin, nous estimons que le sieur … est à considérer comme invalide au sens de la loi. L'état clinique n'étant pas consolidé à l'heure actuelle, les prothèses étant encore provisoires, l'intéressé ayant récemment bénéficié encore de chirurgies au niveau des moignons d'amputation des deux membres inférieurs, d'autres gestes chirurgicaux étant proposés sur la main G afin d'en améliorer la fonctionnalité, nous proposons la mise à la retraite pour cause d'invalidité, étant donné qu'il faudra s'attendre à des convalescences postopératoires et périodes de rééducation encore plus ou moins longues. Le concerné sera évidemment libre, le temps venu, d'introduire auprès de la Commission des Pensions, une demande de réintégration au service actif de l'Etat, s'il le souhaite, afin de pouvoir, le cas échéant, réexercer des fonctions adaptées et/ou à temps partiel pour raisons de santé. N'étant pas atteint d'une dégradation de ses fonctions supérieures, l'intéressé exprime en effet le souhait de poursuivre sa carrière professionnelle. (…) ».

Par décision du 15 mars 2017, la Commission des pensions déclara que Monsieur … est hors d’état de continuer son service, de le reprendre dans la suite et d’occuper un autre emploi tel que la mise à la pension d’invalidité s’impose sur base des considérations et motifs suivants :

« (…) Vu la requête du 14 décembre 2016 par laquelle Monsieur le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative saisit Monsieur le médecin de contrôle, le docteur … ;

2 Vu la transmission du dossier en date du 9 janvier 2017 du médecin de contrôle, le docteur …, à la Commission des pensions sur base de l'article 37bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le rapport du 6 janvier 2017 du médecin de contrôle, le docteur …, sur l'état de santé de l'intéressé ;

Attendu que les parties furent régulièrement convoquées ;

Attendu que le Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative n'était pas représenté à l'audience ;

Après avoir entendu en ses explications Monsieur … ;

Considérant que Monsieur … est d'accord à ce que la Commission délibère et décide sur base du rapport établi par le médecin de contrôle ;

Considérant qu'il résulte du rapport du médecin de contrôle que l'intéressé n'est plus capable d'exercer ses fonctions actuelles et que la pathologie n'est actuellement pas encore consolidée et que l'évolution de son état de santé est longue et incertaine ;

Considérant que l'intéressé refuse l'idée d'une mise en pension et désire continuer à travailler sur un poste adapté ;

Considérant, après instruction du dossier, et notamment des conclusions formelles du médecin de contrôle, que l'état de santé, non consolidé, de l'intéressé ne lui permet pas de continuer son service, ni de le reprendre dans la suite, ni d'occuper un autre emploi (…) ».

La décision précitée de la Commission des pensions fut exécutée par un arrêté du ministre du 5 avril 2017.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée de la Commission des pensions du 15 mars 2017 le déclarant hors d’état de continuer son service, de le reprendre dans la suite et d’occuper un autre emploi tel que la mise à la pension d’invalidité s’impose.

Par jugement du 26 avril 2019, inscrit sous le numéro 39732 du rôle, le tribunal de céans avait déclaré le recours principal en réformation recevable en la forme, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Au fond, et avant tout autre progrès en cause, le tribunal avait nommé comme experts, le docteur …, médecin spécialiste en médecine du travail, et le docteur …, médecin spécialisé en orthopédie, « avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si Monsieur … est atteint d’infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service et, dans l’affirmative, s’il est apte à exercer, le cas échéant, une autre fonction publique éventuellement à temps partiel pour raisons de santé, éventuellement avec changement d’emploi ; ».

Dans son rapport déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 juillet 2019, le Dr … conclut comme suit :

« (…) L'intéressé est Monsieur …, citoyen luxembourgeois de 59 ans, qui a été victime d'un choc septique dont il porte des lésions très sévères d'amputation partielle des quatre membres.

Au niveau des deux mains et des deux pieds, il présente de bonnes cicatrices sans aucun signe de nécrose.

3 Il n'existe pas de douleur fantôme.

La main droite dominante garde une capacité de pince permettant la prise d'objets légers.

La main gauche également garde une légère capacité de pince.

Les amputations des membres inférieurs au niveau des chevilles sont bien appareillées par deux prothèses.

De ce fait, on peut conclure que l'état de Monsieur … est à considérer comme définitif et que ce dernier est autonome.

Il est tout à fait capable d'exercer un métier adapté à son handicap avec du matériel de travail adapté (…) ».

De son côté, le Dr … retient, dans son rapport déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 septembre 2019, qu’« (…) [a]près l'étude de l'ensemble des pièces du dossiers, l'entrevue et l'examen médical, l'étude de l'analyse des risques et de la description du poste de travail, je déclare que Monsieur … est atteint d'infirmité et qu'il est inapte au poste de travail « employé fonctionnarisé » à temps plein.

Monsieur … garde des aptitudes de travail résiduelles et il est considéré apte à exercer un poste de travail adapté décrit comme suit :

Travail à temps partiel avec tâches administratives, sans cadence importante imposée et sans taches de responsabilité en fonction de ses compétences. (…) ».

Dans son mémoire supplémentaire du 8 novembre 2019, le demandeur fait relever qu'il résulterait des deux rapports médicaux qu’il serait apte à continuer son service sous condition qu'il soit exercé à temps partiel et à partir de 10h du matin, de sorte qu’il maintiendrait sa demande en réformation de la décision litigieuse de la Commission des pensions du 15 mars 2017 qui l’aurait, dès lors, à tort considéré comme n’étant pas en mesure d'occuper son poste, sinon un autre emploi.

Il donne ensuite à considérer qu’au vu des conclusions des experts et du fait qu'il pourrait continuer ses fonctions actuelles, il ne serait pas nécessaire de lui imposer l'occupation d'un autre emploi, alors qu’il serait apte à poursuivre son service tout en bénéficiant d'une réduction de sa tâche sous forme de service à temps partiel pour raison de santé.

Le demandeur en conclut qu’il y aurait lieu de réformer la décision déférée en ce sens qu’il pourrait poursuivre son service et bénéficier d'un service à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d'une tâche normale et complète, de sorte qu’il y aurait lieu de le renvoyer devant son autorité de nomination pour le voir réintégrer au Centre des Technologies de l'Information de l'Etat sur un poste adapté à ses capacités physiques et sous le bénéfice d'un service à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d'une tâche normale et complète, le tout « avec régularisation rétroactive de sa situation financière ».

A titre subsidiaire, il y aurait lieu de retenir qu'il serait apte à occuper un autre emploi à temps partiel pour raisons de santé à hauteur de 50% d'une tâche normale et complète, également « avec régularisation rétroactive de sa situation financière ».

Le délégué du gouvernement rétorque, dans son mémoire supplémentaire, que si, face aux conclusions des experts, un service à temps partiel pour raisons de santé serait médicalement envisageable, ce dernier serait néanmoins impossible à exécuter en pratique.

Il donne d’abord à considérer, dans ce contexte, que le demandeur aurait été en congé de maladie ininterrompu depuis le 30 mars 2014, de sorte qu’il n'aurait plus travaillé depuis cinq ans et six mois. Ainsi, si le tribunal devait réformer la décision de la Commission des pensions du 17 mars 2017 et accorder un service à temps partiel pour raisons de santé au demandeur, celui-ci serait, conformément à l'article 50 de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », considéré comme étant en congé provisoire pour une durée qui ne pourra pas dépasser trois mois, période pendant laquelle l'autorité de nomination devrait prendre l'initiative en vue d'une nouvelle affectation de l'intéressé, de sorte que si un poste approprié devait être trouvé, le demandeur ne reprendrait son travail que pendant quelques semaines ou au mieux pendant quelques mois, car, au plus tard à son soixantième anniversaire, le 17 août 2020, il serait démissionné d'office par l'autorité de nomination conformément à l'article 52 de la loi précitée du 25 mars 2015.

Par ailleurs, le délégué du gouvernement estime qu’en tout état de cause, une nouvelle affectation s'avèrerait difficile sinon impossible, car la partie gouvernementale ne disposerait a priori pas de « postes administratifs, sans cadence imposée, ne nécessitant pas une concentration importante et sans responsabilités où on pourrait travailler quatre heures par jour à partir de dix heures du matin ».

D’ailleurs, pendant le court laps de temps où le demandeur reprendrait ses fonctions, il ne pourrait plus s'absenter en invoquant ses affections actuelles, alors qu’en vertu de l’article 52 de la loi précitée du 25 mars 2015, tout congé de maladie y relatif serait assimilé à une absence de service non-autorisée et poursuivi comme telle sur la base des dispositions relatives à la discipline.

Ainsi, au vu de tous ces éléments, une remise en cause de la décision initiale de la Commission des pensions ne serait pas dans l'intérêt d'une bonne gestion de l'administration publique.

Dans ce contexte, le délégué du gouvernement estime que « le désir [du demandeur] de se réinsérer socio-professionnellement » semblerait avoir comme but d'en tirer un avantage financier, notamment au niveau de sa pension, approche qu'il ne conviendrait pas de favoriser. Il renvoie le tribunal à un autre dossier, dans une affaire comparable, dans laquelle l’agent, également désireux de reprendre son service, ne se serait cependant jamais présenté suite à la réformation de la décision d’inaptitude par le tribunal administratif, mais se serait limité à verser un nouveau certificat de maladie. Une telle façon de procéder constituerait un abus de droit et ne devrait pas constituer de précédent.

Le délégué du gouvernement donne finalement à considérer qu’aucun des deux experts ne se serait prononcé sur l'existence d'un poste adapté au demandeur auprès de son employeur.

Ainsi, il ne suffirait pas de déterminer les capacités résiduelles, mais il faudrait également se prononcer sur l'existence d'un poste correspondant aux capacités résiduelles, le délégué du gouvernement relevant qu’il ne faudrait pas partir de l'hypothèse que l'employeur, surtout lorsqu'il s'agirait de l'Etat, n'aurait qu'à créer un poste correspondant aux capacités résiduelles. En faire ainsi, reviendrait à dénuer de tout sens la procédure menant à la pension d'invalidité. En effet, si les capacités résiduelles correspondraient à un poste existant auprès de l'employeur, il ne saurait y avoir d'invalidité au sens de la loi. A contrario, si l'agent n'est plus apte à exercer son poste actuel et que ses capacités résiduelles ne suffisent plus à exercer un poste qui existe déjà auprès de l'Etat-employeur, l'invalidité devrait s'imposer.

Le délégué du gouvernement donne finalement à considérer que lors des recrutements effectués, le ministère de la Fonction publique n'aurait « jamais publié de vacance de poste où les critères étaient des tâches de type administratif, sans cadence imposée, ne nécessitant pas une concentration importante, sans tâches de responsabilité avec un horaire à 1/2 temps à partir de 10 h du matin », de même que de « telles compétences n'apparaissent également pas dans le référentiel des fonctions et de gestion des compétences pour l'administration luxembourgeoise (…) comme étant des compétences particulièrement recherchées par l'État-

employeur. ».

Aux termes de l’article 50, alinéa 1er de la loi du 25 mars 2015: « Lorsque la Commission a constaté qu’un fonctionnaire est, par suite de blessures, accidents ou d’infirmités, hors d’état de continuer son service, mais qu’elle l’a déclaré apte à occuper un autre emploi dans l’administration, le cas échéant assorti d’un service à temps partiel pour raisons de santé, l’intéressé est considéré comme étant en congé provisoire pour une durée qui ne pourra pas dépasser trois mois. Dans l’intervalle, l’autorité de nomination prend l’initiative en vue d’une nouvelle affectation de l’intéressé. (…) ».

Force est d’abord de rappeler que le recours en réformation, dont le tribunal est présentement saisi, est l’attribution légale au juge administratif de la compétence spéciale de statuer à nouveau, en lieu et place de l’administration, sur tous les aspects d’une décision administrative querellée. Le jugement se substitue à la décision litigieuse en ce qu’il la confirme ou qu’il la réforme. Cette attribution formelle de compétence par le législateur appelle le juge de la réformation à ne pas seulement contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée à elle au moment où elle a été appelée à statuer, mais elle l’appelle encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés1.

Dans la mesure où le tribunal est saisi en l’espèce de la question de savoir si le demandeur est atteint d’infirmités le rendant inapte à continuer son service sur son dernier poste de travail et, dans l’affirmative, s’il est apte à occuper, le cas échéant, un autre emploi dans l’administration, le cas échéant à temps partiel, le tribunal a, dans son jugement 1 Cour adm. 6 mai 2008, n° 23341C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.interlocutoire du 26 avril 2019, nommé deux experts médicaux, alors que cette question relève principalement de l’état de santé du demandeur et donc de critères médicaux.

Au regard du fait que le tribunal n’est appelé à s’écarter de l’avis d’un expert par lui commis qu’avec une grande prudence et seulement à partir du moment où il a de justes motifs d’admettre que l’expert s’est trompé ou lorsque l’erreur de celui-ci résulte soit du rapport d’expertise lui-même soit d’autres éléments acquis en cause, et qu’en l’espèce les rapports d’expertises déposés au greffe du tribunal administratif les 18 juillet et 19 septembre 2019 ne se contredisent pas, ni ne sont contredits par aucun nouvel élément présenté par une des parties au litige, le tribunal est amené à entériner les conclusions auxquelles ont abouti les médecins experts nommés par lui, de sorte que, par réformation de la décision déférée, il y a lieu de retenir que le demandeur est apte à continuer un service à temps partiel pour raisons de santé avec des tâches de type administratif, sans cadence imposée, ne nécessitant pas une concentration importante, sans tâches de responsabilité avec un horaire à mi-temps à partir de 10 heures du matin.

Quant à la question, soulevée par le délégué du gouvernement dans son mémoire supplémentaire, selon laquelle une réformation de la décision déférée n’aurait plus aucun sens à l’heure actuelle, au motif que le demandeur toucherait actuellement une pension de vieillesse depuis le 17 août 2020, le tribunal estime que le simple constat qu’à l’heure actuelle, le demandeur ne pourrait plus matériellement reprendre le service du fait qu’il serait actuellement pensionné pour avoir acquis l’âge de la retraite, ne saurait empêcher le tribunal de vérifier son affirmation selon laquelle son état de santé se trouvait déjà consolidé au jour de la décision déférée.

En effet, il ne ressort non seulement du compte-rendu de réadaptation du 20 novembre 2017 du Dr … « qu’il n’est pas nécessaire de provoquer un nouveau geste chirurgical à court ou moyen terme », mais également des autres certificats médicaux versés par le demandeur et déjà cités par le tribunal dans son jugement avant dire droit, qu’« [a]ctuellement l'état de santé de M … Claude est tout à fait stable et peut être considéré comme consolidé. Il n'existe aucune incertitude concernant l'évolution de son état de santé et la suite du traitement. » (certificat du Dr S. S. du 6 avril 2017), ainsi que « le patient pourra reprendre une activité professionnelle au mois de mai juin 2017 » (rapport d'évaluation du 13 février 2017 du Dr …), ce dernier certificat étant par ailleurs antérieur à la décision déférée du 17 mars 2017.

Etant donné que d’un côté, la Commission des pensions a adopté la décision déférée du 15 mars 2017 sur base d’un rapport établi en date du 5 janvier 2017 par le médecin de contrôle, le docteur … qui avait retenu l’invalidité totale du demandeur principalement sur base d’un pronostic négatif en ce qui concerne sa convalescence postopératoire et la période de rééducation2, et que d’un autre côté, les experts judiciaires ont encore une fois confirmé, sans faire état d’une nouvelle intervention médicale depuis la décision déférée, que l’état du demandeur est à considérer comme définitif, le tribunal arrive à la conclusion que la capacité 2 « (…) L'état clinique n'étant pas consolidé à l'heure actuelle, les prothèses étant encore provisoires, l'intéressé ayant récemment bénéficié encore de chirurgies au niveau des moignons d'amputation des deux membres inférieurs, d'autres gestes chirurgicaux étant proposés sur la main G afin d'en améliorer la fonctionnalité, nous proposons la mise à la retraite pour cause d'invalidité, étant donné qu'il faudra s'attendre à des convalescences postopératoires et périodes de rééducation encore plus ou moins longues. », tout en soulignant que « [l]e concerné sera évidemment libre, le temps venu, d'introduire auprès de la Commission des Pensions, une demande de réintégration au service actif de l'Etat, s'il le souhaite, afin de pouvoir, le cas échéant, réexercer des fonctions adaptées et/ou à temps partiel pour raisons de santé. (…) ».résiduelle actuelle du demandeur à reprendre le service telle que relevée par les experts, est équivalente à celle ayant existé au jour de la décision déférée, de sorte que la décision de la Commission des pensions est à réformer avec effet au jour de cette dernière, à savoir au 15 mars 2017.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par les considérations de la partie gouvernementale selon laquelle il n’y aurait, dans tout l’appareil étatique, pas de poste adapté aux capacités du demandeur, au motif qu’il n’appartiendrait pas à l’Etat de créer un poste correspondant aux capacités résiduelles, alors qu’il suffirait a priori d’aménager le poste à occuper par le demandeur en adaptant les horaires, la cadence et le niveau de responsabilité, étant relevé qu’il ressort du rapport d’expertise du Dr … que l’examen physique n’a pas démontré de déficiences intellectuelles dans le chef du demandeur.

Il y a, finalement, lieu de relever que, contrairement à l’affirmation du délégué du gouvernement, le souhait du demandeur de vouloir reprendre son service ne saurait être considéré comme un abus de droit, tel que considéré par l’Etat dans le cas d’un autre fonctionnaire dont les circonstances factuelles ne peuvent pas être transposées ipso facto au présent cas d’espèce, étant relevé que le demandeur, qui a fait preuve d’efforts non négligeables pour regagner le plus d’autonomie possible a, tout au long du dossier fait état de sa volonté ferme de retrouver une place active dans la société, malgré son destin tragique, le rapport du Dr … ne constatant d’ailleurs pas « d’anomalies de comportement ou un discours revendicateur. ».

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement interlocutoire du 26 avril 2019 ;

déclare justifié le recours principal en réformation introduit contre la décision de la Commission des pensions du 15 mars 2017 déclarant Monsieur … hors d’état de continuer son service, de le reprendre dans la suite et d’occuper un autre emploi, de sorte que sa mise à la retraite pour raisons de santé se serait imposée ;

par réformation de la décision de la Commission des pensions du 15 mars 2017, déclare Monsieur … apte à continuer un service à temps partiel pour raisons de santé à partir du 15 mars 2017 selon les conditions fixées par le rapport du Dr … déposé au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2019 et renvoie le dossier à l’autorité compétente pour exécution ;

condamne l’Etat aux frais et dépens, ainsi qu’aux frais d’expertise.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 février 2021 par :

Paul Nourissier, vice président Hélène Steichen, premier juge, Olivier Poos, premier juge, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 39732a
Date de la décision : 16/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-16;39732a ?

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