La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | LUXEMBOURG | N°41596

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2021, 41596


Tribunal administratif N° 41596 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 août 2018 2e chambre Audience publique du 4 février 2021 Recours formé par Monsieur …et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41596 du rôle et déposée le 20 août 2018 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …et son épouse Madame …, demeurant ensemb

le à F-

…, élisant domicile auprès de Madame …, L-…, tendant à la réformation d’une décision du...

Tribunal administratif N° 41596 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 août 2018 2e chambre Audience publique du 4 février 2021 Recours formé par Monsieur …et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41596 du rôle et déposée le 20 août 2018 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …et son épouse Madame …, demeurant ensemble à F-

…, élisant domicile auprès de Madame …, L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 juin 2018, inscrite sous le numéro C24808 du rôle portant rejet de leur réclamation dirigée contre une décision du préposé du bureau RTS Non-Résidents de l’administration des Contributions directes du 13 avril 2018 ayant attribué à Monsieur …la classe d’impôt 1 pour la retenue d’impôt sur les pensions touchées par lui au Luxembourg en 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2018 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2019 par Monsieur …et son épouse Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur …en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 janvier 2020.

En date du 30 mars 2018, Monsieur …et son épouse Madame …, ci-après désignés par les « époux … », ont introduit une demande d’individualisation et/ou d’assimilation, modèle 166F, sollicitant ainsi une imposition collective « au taux correspondant à la classe d’impôt 2 » en vertu de l’article 157bis, alinéa 3 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », pour les contribuables mariés non-résidents.

Par courrier du même jour, les époux … se sont adressés au préposé du bureau RTS Non-résidents de l’administration des Contributions directes en demandant (i) un avis, (ii) la correction de la classe d’impôt octroyée et (iii) l’émission d’une nouvelle carte d’impôt affichant un taux « spécial » correspondant à la classe d’impôt 2 plus la réserve de progressivité, pour un couple marié de non-résidents qui ne remplit pas l’une des deux conditions de l’article 157 ter (1) LIR.

Par courrier du 13 avril 2018, le préposé du bureau RTS Non-Résidents répondit aux époux … dans les termes qui suivent :

« (…) Vous avez récemment introduit auprès du bureau RTS Non-Résidents une demande en vue de bénéficier des modalités de l’article 157bis (3) L.I.R..

J’ai le regret de vous informer que vous ne remplissez pas les conditions d’assimilation d’un contribuable non résident à un contribuable résident.

Ainsi la classe d’impôt 1 sera inscrite sur votre fiche de retenue d’impôt de l’année 2018, et le taux réglementaire de 33% sur toute fiche de retenue d’impôt additionnelle. (…) » Par courrier adressé en date du 17 avril 2018 au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », les époux … formulèrent une réclamation à l’encontre de la décision précitée du 13 avril 2018 en sollicitant, d’une part, la rectification de la carte d’impôt de Monsieur …, et en demandant, d’autre part, une retenue à la source de ses revenus au taux spécial, à savoir le classement dans la classe d’impôt 2 au lieu de la classe d’impôt 1, alors que des « informations contraires à la loi » auraient été « distribuées par l’Administration des contributions directes dans ses lettres aux non-résidents datant du mois de septembre 2017 ».

Par décision du 18 juin 2018, inscrit sous le numéro C24808, le directeur prit position par rapport à la réclamation introduite par les époux … contre la décision du préposé du bureau RTS Non-Résidents du 13 avril 2018 ayant attribué à Monsieur …sur sa fiche de retenue d’impôt la classe d’impôt 1 pour l’année 2018 aux termes de la motivation suivante :

« (…) Vu la requête introduite le 19 avril 2018 par les époux, le sieur …et la dame …, demeurant à F-…, pour réclamer contre la décision d'inscription de la classe d'impôt 1 sur la fiche de retenue d'impôt du réclamant, émise en date du 13 avril 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition de ne pas leur avoir accordé « la classe d'impôt 2, dont nous bénéficions depuis une trentaine d'années. » ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la requérante, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que les réclamants sont résidents en France depuis 1990 et sont en principe imposables au Luxembourg d'après les dispositions particulières concernant les contribuables non résidents prévues aux articles 156 à 157ter de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) ;

Considérant qu'en date du 30 mars 2018, les réclamants ont introduit auprès du bureau d'imposition RTS Non-résidents une demande d'inscription « du taux correspondant à la classe d'impôt 2 » (« modèle 166F ») sur la fiche de retenue du réclamant (la réclamante ne perçoit pas de revenus et ne dispose pas de fiche de retenue) ;

Considérant que la loi du 23 décembre 2016, portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, a porté modification des articles 157bis et 157ter L.I.R. ; que l'article 157ter a été modifié une nouvelle fois par la « loi du 15 décembre 2017 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'État pour l'exercice 2018 » ; que la dernière version de l'article 157ter L.I.R. est applicable (loi du 15 décembre 2017) en l'espèce ;

Considérant que la teneur de l'article 157bis, alinéas 1 à 3 L.I.R., dans sa version applicable à l'année d'imposition 2018, est la suivante :

« (1) Par revenus professionnels au sens des alinéas qui suivent, il y a lieu d'entendre les revenus visés à l'article 10, numéros 1 à 5, à l'exclusion :

1.

des revenus désignés à l'article 10, numéro 4, réalisés par un enfant mineur faisant partie du ménage du contribuable 2.

des pensions et rentes visées à l'article 96, alinéa 1er , numéros 3 et 4 (2) Les contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché, sont rangés dans la classe d'impôt 1.

(3) Par dérogation aux dispositions de l'alinéa 2, les contribuables non résidents, mariés, sont, pour autant qu'ils réalisent des revenus indigènes passibles de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires, soumis à une retenue d'impôt sur les traitements et salaires déterminée par application d'un taux correspondant à celui qui serait applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter, à condition que les deux conjoints demandent conjointement l'inscription de ce taux sur la fiche de retenue.

Nonobstant l'article 157, alinéas 3 et 4, la demande d'inscription du taux sur la fiche de retenue applicable au cours d'une année d'imposition entraîne obligatoirement, après la fin de l'année d'imposition, une imposition par voie d'assiette suivant les modalités de l'article 157ter.

Aux fins de la détermination du taux, les contribuables non résidents sont tenus de justifier leurs revenus annuels étrangers par des documents probants. » ;

Considérant que la teneur de l'article 157ter alinéas 1 et 2 L.I.R, dans sa version applicable à l'année d'imposition litigieuse, est la suivante :

« (1) Par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis, les contribuables non résidents imposables au Grand-Duché du chef d'au moins 90 pour cent du total de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers et ceux dont la somme des revenus nets non soumis à l'impôt sur le revenu luxembourgeois est inférieure à … euros sont, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l'article 157bis alinéa 3, imposés au Grand-Duché, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux qui leur serait applicable s'ils étaient des résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers. Pour l'application de la disposition qui précède, les contribuables mariés sont imposables collectivement au titre des revenus indigènes, à moins qu'ils ne demandent conjointement, jusqu'au plus tard le 31 mars de l'année d'imposition suivant l'année d'imposition concernée, à être imposés individuellement. Dans ce contexte, les revenus étrangers des deux époux sont pris en compte en vue de la fixation du taux d'impôt applicable.

(2) Aux fins du calcul du seuil de 90 pour cent prévu à l'alinéa 1, entre en ligne de compte l'ensemble des revenus tant indigènes qu'étrangers réalisés au cours de l'année civile.

Aux mêmes fins, les revenus provenant d'une occupation salariée dont le droit d'imposition revient à un État autre que le Grand-Duché en vertu d'une convention tendant à éviter les doubles impositions sont à assimiler, uniquement à concurrence du revenu non imposable au Luxembourg correspondant au maximum à 50 jours de travail, aux revenus imposables au Grand-Duché. En ce qui concerne les contribuables non-résidents mariés, l'alinéa 1er du présent article peut, sur demande, s'appliquer lorsque l'un des époux satisfait à la condition du seuil d'au moins 90 pour cent du total de ses revenus tant indigènes qu'étrangers ou lorsque l'un des époux, contribuable non résident, dispose de revenus nets non soumis à l'impôt sur le revenu luxembourgeois dont la somme est inférieure à … euros. » ;

Considérant que les réclamants ont remis en date du 30 mars 2018 une « Demande d'individualisation et/ou d'assimilation » (Modèle 166F) au bureau d'imposition RTS Non-

résidents en demandant l' « imposition collective au taux correspondant à la classe d'impôt 2 pour les contribuables mariés non résidents (en vertu de l'article 157bis, alinéa 3 L.I. R.) avec inscription d'un taux de retenue sur la (les) fiche(s) de retenue d'impôt. » ; qu'à cet endroit du formulaire, il est rappelé aux contribuables demandeurs qu'« afin de bénéficier de l'imposition collective à un taux correspondant à la classe d'impôt 2, les contribuables non résidents mariés doivent remplir au moins une des conditions d'assimilation du non résident marié au résident marié [une des conditions de l'article 157ter L.I.R.], énumérées à la page 2 » ; que le réclamant a souligné le passage « doivent remplir au moins une des conditions d'assimilation du non résident marié au résident marié » en ajoutant la remarque « pas d'accord », suivi de sa paraphe, à côté du texte en question ;

Considérant que dans le cadre de la demande précitée, les réclamants s'expriment comme suit : « Monsieur perçoit, depuis 2 ans, des pensions de source luxembourgeoise. Outre nos revenus luxembourgeois, nous disposons des revenus de placement bancaires et des loyers d'un immeuble sis en France. Nous disposons de revenus luxembourgeois inférieurs à 90% de nos revenus mondiaux et de revenus non luxembourgeois supérieurs à € ….- et la relation entre nos revenus luxembourgeois et non luxembourgeois se situe dans une relation de 70% contre 30% à peu près. » ; que les réclamants affirment donc eux-mêmes, dans le cadre de leur demande adressée au bureau d'imposition RTS Non-résidents, ne pas remplir les conditions visées ci-avant, ce qui a d'ailleurs été confirmé par la décision émise par le bureau précité, faisant l'objet de la présente requête ; que les réclamants n'arrivent « pas à comprendre pourquoi l'Administration des contributions directes lie, à de multiples reprises, le fait d'obtenir l'octroi d'un taux spécial (qui équivaut à la classe d'impôt 2, mais en tenant compte de la réserve de progressivité) aux seules deux conditions suivantes énoncées à l'article 157ter, alinéa 1 L.I.R., à savoir :

-

disposer de revenus luxembourgeois supérieurs à 90% des revenus mondiaux, resp.

-

disposer de revenus non-luxembourgeois inférieurs à € …-.

En fait, nous estimons que la loi ne dit pas cela et prévoit une troisième possibilité d'opter pour l'octroi de la classe d'impôt 2… » ;

Considérant que dans sa requête, les réclamants ont présenté le résumé de leur « argumentation adressée au Préposé du bureau d'imposition RTS des non-résidents » ; que l'argumentation en question vise à prouver, notamment en invoquant une « incohérence » entre les articles 157, 157bis et 157ter L.I.R., qu'il existe une possibilité d'accorder la classe d'impôt 2 aux contribuables non résidents mariés visés à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., sans devoir remplir les conditions de l'article 157ter L.I.R. ;

Considérant que les réclamants invoquent que « La loi ne contient aucune règle exigeant qu'un couple non résident devrait être assimilé à un couple de résidents luxembourgeois au sens de l'article 157ter, alinéa ter L.I.R., pour pouvoir bénéficier du « taux spécial » de la classe d'impôt 2 » ;

Considérant que, tout d'abord, il y a lieu de préciser que l'ancienne version de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. prévoyait explicitement l'attribution de « la classe d'impôt 2 » lorsque les contribuables non résidents mariés étaient « imposables au Grand-Duché du chef de plus de 50 pour cent des revenus professionnels du ménage. » ; que l'article 157bis L.I.R., dans sa version applicable depuis l'année d'imposition 2018, ne contient pas de disposition spécifique attribuant d'office la classe d'impôt 2 aux contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché ;

Considérant que l'attribution de la classe 2 dans le chef des contribuables non résidents mariés ne s'opère donc plus directement et de manière autonome sur base des dispositions de l'article 157bis L.I.R., par contre la classe d'impôt 1 est attribuée d'office à tous les contribuables non résidents mariés réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-

Duché, en vertu de l'article 157bis alinéa 2 L.I.R. ;

qu'à cet endroit, il y a lieu de mentionner que l'article 157bis L.I.R. vise tous les contribuables réalisant des revenus professionnels au sens de l'article 10, numéros 1 à 5 L.I.R.

(Bénéfice commercial, Bénéfice agricole et forestier, Bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale, Revenu net provenant d'une occupation salariée, Revenu net provenant de pensions ou de rentes, à l'exception des pensions et rentes visées à l'article 96 alinéa 1er numéros 3 et 4 L.I.R.), donc pas seulement les contribuables non résidents salariés ou pensionnés ;

Considérant que tous les contribuables non résidents, mariés ou non, peuvent en principe opter pour une imposition en vertu des dispositions de l'article 157ter L.I.R après la fin de l'année d'imposition, sous réserve toutefois, que les conditions y posées soient remplies ;

Considérant que l'article 157ter L.I.R. ne prévoit pas explicitement l'attribution d'une classe d'impôt déterminée ; qu'en effet, suivant l'article 157ter L.I.R., les contribuables non résidents sont imposés « au taux d'impôt qui leur serait applicable s'ils étaient des contribuables résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leur revenus tant indigènes qu'étrangers. » ; que dans le cadre de l'imposition fictive, par laquelle est déterminé le taux global applicable aux seuls revenus indigènes, les contribuables sont rangés dans les mêmes classes d'impôts que celles applicables à l'égard des contribuables résidents en vertu des dispositions de l'article 119 L.I.R ; que, dès lors, un contribuable non résident ou un couple de contribuables non résidents, répondant aux conditions visées par l'article 157ter et imposés en vertu des dispositions afférentes, peuvent bénéficier de la classe d'impôt 2 dans le cadre de la détermination du taux d'impôt applicable aux revenus indigènes, si les conditions de l'article 119 numéro 3 lettres a, b ou c sont remplies ;

Considérant que depuis l'année d'imposition 2018, les contribuables non résidents mariés, réalisant un revenu professionnel au Grand-Duché, sont - ou bien imposés suivant le tarif de l'impôt sur le revenu prévu à l'article 118 L.I.R., à savoir que le tarif contenu à l'article 118 L.I.R. est le tarif de l'impôt correspondant à l'impôt dû en classe d'impôt 1, - ou bien imposés au taux qui leur serait applicable s'ils étaient des contribuables résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leur revenus tant indigènes qu'étrangers, sous condition qu'ils demandent les dispositions de l'article 157ter L.I.R. et qu'ils répondent aux conditions y prévues ;

Considérant qu'une imposition en classe d'impôt 2, sans prise en compte des dispositions de l'article 157ter L.I.R., comme c'était le cas avant la modification de l'article 157bis L.I.R. par la loi du 23 décembre 2016, n'est dès lors plus possible à partir de l'année d'imposition 2018 ;

Considérant que les réclamants avancent encore que « Le texte de l'article 157bis de la loi (qui est le seul article de la L.I.R. traitant des classes d'impôt pour ce qui concerne les non résidents) établit, dans son alinéa 3, une fiction que les non résidents mariés y visés (qui constituent un cercle de personnes divergeant de celui des personnes visées par l'article 157ter, alinéa 1) sont traités « comme si » ils étaient des personnes « remplissant les conditions de l'article 157ter, alinéa 1 de la L.I.R. »;

Considérant qu'à titre liminaire il y a lieu de préciser que, contrairement aux propos des réclamants, l'article 157bis L.I.R. n'est pas le seul article traitant des classes d'impôt des contribuables non résidents ; qu'en effet, l'article 157 alinéa 5 L.I.R. dispose que « les contribuables non résidents qui ne rentrent pas dans les prévisions de l'article 157bis L.I.R., sont rangés, en vue de l'imposition de leurs revenus non soumis à la retenue à la source, dans la classe 1… » ;

qu'ensuite, l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. n'impose pas que « les non résidents mariés y visés sont traités « comme si »… » ; que l'article 157bis, alinéa 3 L.I.R., dans sa teneur applicable à partir de l'année d'imposition 2018, ne fait que prévoir, pour les contribuables non résidents mariés qui réalisent des revenus soumis à la retenue sur les traitements et salaires (RTS), la possibilité ("à condition que les deux conjoints demandent conjointement l'inscription de ce taux sur la fiche de retenue") de l'inscription d'un taux, déterminée suivant les conditions et modalités de l'article 157ter L.I.R., sur la fiche de retenue, au lieu de l'inscription, conformément à la disposition générale de l'article 157bis alinéa 2 L.I.R., de la classe d'impôt 1, en principe applicable à l'égard de tous les contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché ;

Considérant que les dispositions du nouvel article 157bis, alinéa 3 L.I.R. ne modifient donc que les modalités de recouvrement de l'impôt par voie de RTS mais aucunement la classe d'impôt ou le mode de calcul de l'impôt dû pour l'année d'imposition : « Les contribuables non résidents mariés sont classés par défaut en classe d'impôt 1. L'alinéa 3 prévoit une exception en matière de retenue d'impôt sur les traitements et salaires en prévoyant, sous certaines conditions, l'inscription sur la fiche de retenue d'un taux de retenu spécifique au lieu de la classe d'impôt 1. (…) L'alinéa 3 prévoit que les contribuables non résidents mariés peuvent demander que la retenue d'impôt sur les traitements et salaires ne se fasse pas en classe 1 mais en fonction d'un taux déterminé en fonction des revenus réels, indigènes et étrangers, réalisés par les deux conjoints. (…) la retenue faite en vertu de ce taux inscrit sur la fiche de retenue ne peut être considérée comme imposition définitive et une imposition par voie d'assiette ultérieure sur base des dispositions de l'article 157ter devra obligatoirement avoir lieu après la fin de l'année d'imposition lorsque l'ensemble des revenus sera parfaitement connu. » (documents parlementaires 7020 Ad art.1er 32°) ;

Considérant que l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. prévoit donc uniquement la possibilité, pour les contribuables visés ci-avant, de se voir inscrire sur la fiche de retenue d'impôt, un taux « correspondant à celui qui serait applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » ; que l'article 157bis alinéa 3 dispose donc clairement et de manière non équivoque que le taux d'impôt à inscrire sur la fiche de retenue d'impôt est déterminé « suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » ; que, dès lors, l'inscription du taux en question peut uniquement avoir lieu lorsque les conditions de l'article 157ter L.I.R. sont remplies ;

Considérant que, sans demande d'inscription du taux visé à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., ou en cas de demande d'inscription du taux mais à défaut de répondre aux conditions visées à l'article 157ter L.I.R., la retenue d'impôt à prélever sur les revenus indigènes passibles de la retenue d'impôt sur les traitements (salariés, pensionnés) des contribuables non résidents mariés, est déterminée suivant le tarif de la classe d'impôt 1, tel que prévu par l'article 157bis alinéa 2 L.I.R. ;

Considérant, à titre comparatif, qu'en ce qui concerne les contribuables réalisant un revenu des trois premières catégories de l'article 10 L.I.R. (Bénéfice commercial, bénéfice agricole et forestier, bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale), donc non soumis à la retenue sur les traitements et salaires, l'application du taux prévisé n'est possible que dans le cadre d'une imposition, après la fin de l'année d'imposition, suivant les dispositions de l'article 157ter L.I.R. ;

Considérant que les réclamants présentent encore l'argument suivant : « Il ne peut y avoir de doute que l'article 157bis de la loi est autonome par rapport aux articles 157 et 157ter L.I.R. (car il traite des classes d'impôt qui n'ont rien à voir avec la question de la déductibilité des frais d'obtention, des dépenses spéciales et des abattements, qui font l'objet des articles 157 et 157ter). » ;

Considérant que contrairement à l'argumentation ci-avant, l'article 157bis L.I.R n'est aucunement autonome par rapport à l'article 157 L.I.R. ; que l'article 157 L.I.R. détermine dans son alinéa 2 les articles qui ne sont généralement pas applicables à l'égard des contribuables non résidents. « Les articles 109, alinéa 1er, numéros 1 à 3, 127 et 154ter ne sont pas applicables à l'endroit des contribuables non résidents » ; qu'ainsi, par exemple, les primes d'assurances (article 109 alinéa 1er numéro 2 L.I.R.), les charges extraordinaires au sens de l'article 127 L.I.R. et le crédit d'impôt monoparental (article 154ter L.I.R.) ne sont, d'une manière générale, pas applicables à l'égard des contribuables non résidents, sans importance si les contribuables en question réalisent au Grand-Duché un revenu professionnel (article 157bis L.I.R.) ou un revenu non professionnel visé à article 157 L.I.R. ;

Considérant que l'article 157 L.I.R. vise dès lors tous les contribuables non résidents, donc aussi bien les contribuables réalisant un revenu professionnel au sens de l'article 10 numéros 1 à 5 L.I.R., que les contribuables réalisant un revenu visé à l'article 10 numéros 6 à 8 L.I.R. ; que l'article 157 alinéa 2 L.I.R. contient deux exceptions concernant la non déductibilité de certaines dépenses, visant spécifiquement les contribuables de l'article 157bis L.I.R., ce qui souligne encore que les autres dispositions contenues à l'article 157 L.I.R.

concernent également les contribuables visés à l'article 157bis L.I.R. ; que l'interdépendance entre les articles 157 et 157bis L.I.R. est ainsi suffisamment établie ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'argument de l'autonomie de l'article 157bis L.I.R.

par rapport à l'article 157ter L.I.R., il est renvoyé à l'analyse du prochain argument des réclamants :

« Aussi, et dans la conséquence logique, l'article 157bis, alinéa 3 établit-il lui-même non seulement ses propres conditions, mais aussi ses propres conséquences. Etant donné que cet alinéa requiert déjà lui-même qu'un couple bénéficiant de la classe d'impôt 2 doit « obligatoirement » faire une déclaration d'impôt (donc est sujet à une imposition par voie d'assiette) au Luxembourg, les renvois se trouvant dans cet alinéa 3 ne peuvent, logiquement, que constituer des renvois sur les conséquences de l'article 157ter, alinéa 1. Il s'agit donc de « Rechtsfolgenverweisung » et non pas des renvois sur les conditions de l'article 157ter, alinéa 1 (« Rechtsgrundverweisungen ») » ;

Considérant que l'ancienne version de l'article 157bis L.I.R. (applicable jusqu'en 2017) prescrivait l'attribution de la classe d'impôt, ainsi que, le cas échéant, l'imposition collective des conjoints : « Par dérogation aux dispositions de l'alinéa 2 les contribuables non résidents mariés et ne vivant pas en fait séparés, sont imposés dans la classe d'impôt 2, s'ils sont imposables au Grand-Duché du chef de plus de 50 pour cent des revenus professionnels de leur ménage. Si les deux époux réalisent des revenus professionnels imposables au Grand-Duché, l'octroi de la classe 2 entraîne leur imposition collective. » ;

Considérant que dans sa version actuelle, l'article 157bis L.I.R. ne prévoit pas directement l'attribution de la classe d'impôt 2 pour les contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus professionnels au Grand-Duché, mais offre aux contribuables la possibilité de demander l'inscription d'un taux d'impôt « correspondant à celui qui serait applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » ; qu'en fait, la demande du taux visé par l'article 157bis alinéa 3 L.I.R.

constitue une demande anticipée d'application de l'article 157ter, i.e. d'application du taux qui résulterait d'une telle imposition, sur base des revenus estimés au moment de la demande ; que, comme évoqué ci-avant, les « autres » contribuables non résidents visés par l'article 157bis L.I.R., par exemple les salariés ou pensionnés non mariés ou encore les contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus professionnels faisant l'objet des trois premières catégories de revenu visées à l'article 10 L.I.R., ne peuvent demander l'application des dispositions de l'article 157ter L.I.R., notamment l'application du taux global déterminé dans le cadre d'une telle imposition, qu'après la fin de l'année d'imposition ; qu'une demande d'application des dispositions de l'article 157ter L.I.R. entraîne toujours une imposition par voie d'assiette (art. 157ter al.3 L.I.R.) ;

qu'en ce qui concerne généralement la question de savoir si un contribuable réalisant un revenu professionnel au sens de l'article 157bis L.I.R. est obligatoirement imposable par voie d'assiette, il y a lieu, faute de conditions spécifiques posées par l'article 157bis L.I.R., de consulter les articles 153 L.I.R. (assiette des revenus imposables passibles d'une retenue d'impôt ), 157 alinéa 4 L.I.R. (condition supplémentaire d'imposition par voie d'assiette des salariés non résidents) ou encore l'article 116 L.I.R., ensemble le règlement grand-ducal du 13 mars 1970, portant sur la déclaration des revenus et l'imposition par voie d'assiette en général;

qu'ainsi, un contribuable non résident marié, réalisant des revenus professionnels soumis à la retenue sur les traitements et salaires, ne demandant pas conjointement avec son époux (épouse) l'inscription du taux visé à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., peut bel et bien être obligatoirement imposable par voie d'assiette en vertu des dispositions conjointes des articles 157 alinéa 4 et 153 L.I.R., lorsqu'une des limites d'assiette visées à l'article 153 L.I.R. est dépassée ;

Considérant qu'à cet endroit, il s'avère indiqué de rappeler la finalité poursuivie par l'article 157bis L.I.R. : qu'afin d'éviter que les salariés et les pensionnés non résidents mariés, remplissant vraisemblablement les conditions de l'article 157ter L.I.R après écoulement de l'année, ne soient soumis à une retenue sur traitement et salaires en classe 1 et doivent attendre la fin de l'année afin de récupérer la retenue perçue en trop, la nouvelle version de l'article 157bis, alinéa 3 LIR permet une retenue en fonction d'un taux « correspondant à celui qui serait applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » ; qu'il s'agit à cet endroit d'une mesure de faveur instaurée exclusivement pour les contribuables non résidents mariés, réalisant des revenus indigènes passibles de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires, les avances trimestrielles à verser par un contribuable réalisant un bénéfice d'une des trois premières catégories de revenus visées à l'article 10 L.I.R. n'étant pas déterminées d'une façon similaire ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède qu'il y a clairement et expressément un lien entre l'article 157bis et l'article 157ter L.I.R., en ce sens que l'inscription du taux prévu à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., au lieu de l'inscription, sur la fiche de retenue, de la classe d'impôt 1, généralement applicable à l'égard de tous les contribuables non résident mariés, réalisant un revenu professionnel imposable au Grand-Duché, ne peut s'opérer que lorsque les conditions de l'article 157ter L.I.R. sont remplies ; que, comme le taux déterminé suivant article 157bis, alinéa 3 LIR le sera sur base d'une estimation du revenu annuel, non encore connu en début d'année, la retenue ne pourra être qu'un mode provisoire de recouvrement de l'impôt ;

que l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. impose donc une imposition par voie d'assiette obligatoire après la fin de l'année d'imposition afin que le respect des conditions d'application de l'article 157ter L.I.R, le taux d'imposition et la base de l'impôt, puissent être vérifiés et établis sur base des montants exacts des revenus réalisés effectivement dans l'année d'imposition par le contribuable concerné ;

Considérant qu'entre autres, les deux cas de figures suivants peuvent se présenter :

a) sur base de leurs revenus et dépenses estimés pour l'année d'imposition concernée, les contribuables non résidents visés à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. remplissent vraisemblablement, pour l'année d'imposition entière, les conditions de l'article 157ter L.I.R., et l'inscription du taux d'impôt peut avoir lieu. Toutefois, lors de la déclaration pour l'impôt sur le revenu par voie d'assiette en vertu des dispositions conjointes de l'article 157bis alinéa 3 et de l'article 157ter L.I.R., il s'avère que les conditions de l'article 157ter L.I.R. ne sont pas remplies. Etant donné que les contribuables ne sont dès lors pas en droit de bénéficier du taux prévu par les dispositions conjointes des articles 157bis alinéa 3 et 157ter L.I.R., l'imposition des revenus s'effectue en application des dispositions conjointes des articles 157 et 157bis L.I.R., notamment en application du tarif de la classe d'impôt 1 prévue à l'article 157bis alinéa 2 L.I.R., b) sur base de leurs revenus et dépenses estimés pour l'année d'imposition concernée, les contribuables non résidents visés à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. ne remplissent vraisemblablement pas, pour l'année d'imposition entière, les conditions de l'article 157ter L.I.R. L'inscription du taux prévu à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. ne peut s'opérer et la retenue d'impôt est effectuée suivant le tarif de la classe d'impôt 1 (article 157bis alinéa 2 L.I.R.).

Toutefois, après la fin de l'année d'imposition, les contribuables en question demandent l'application des dispositions de l'article 157ter L.I.R. et il s'avère que, sur base des revenus et dépenses effectives de l'année d'imposition, les conditions y prévues sont remplies. Les contribuables concernés sont donc imposés en vertu des dispositions de l'article 157ter L.I.R. ;

Considérant que les réclamants avancent encore l'utilisation du conditionnel dans le libellé du texte de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. afin de soutenir leur point de vue, i.e.

l'incohérence entre les articles 157bis et 157ter L.I.R. : « Dans cette logique (et à notre avis, il n'en existe pas d'autre), l'alinéa 3 de l'article 157bis doit, en termes limpides, qu'un couple marié non-résident [remplissant les conditions de l'alinéa 3 de l'article 157bis (=revenu « de travail » quelconques, soumis à retenue)] est traité « comme si » il était « dans le cas » de remplir les conditions de l'article 157ter (utilisation du conditionnel !). En effet, le texte dit :… « sont … soumis à une retenue … d'un taux correspondant à celui qui serait [!] applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter, … ». Tout comme les mots … « correspondant à » …, les mots … « en cas » … renforcent encore la certitude quant au raisonnement logique sous-jacent de l'utilisation du conditionnel (… « serait applicable » …). il nous semble logiquement exclu de vouloir comprendre ce conditionnel, assorti des mots « en cas » de façon à ce que le contribuable doit remplir les conditions de l'article 157ter. Une telle interprétation violerait le texte et le sens de l'alinéa 3 de l'article 157bis disant que le contribuable (qui remplit la condition de disposer d'un quelconque (1) revenu luxembourgeois soumis à retenue) est traité « comme s'il était dans le cas » ;

Considérant que, selon l'interprétation du texte par les réclamants, tout contribuable non résident marié, réalisant des revenus soumis à la retenue sur les traitements et salaires, serait en droit de bénéficier du taux prévu par l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., puisqu'il serait à traiter comme s'il répondait aux conditions de l'article 157ter L.I.R., même s'ils n'y répond pas… ;

Considérant qu'il va sans dire que cette interprétation est contraire au libellé clair et non équivoque de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., ainsi qu'à la volonté du législateur (voir extrait des documents parlementaires 7020 Ad art.1er, 32° plus haut), exigeant que le taux corresponde « à celui qui serait applicable en cas d'imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » ;

Considérant qu'une imposition en vertu des dispositions de l'article 157ter L.I.R., fixant un impôt définitif, n'est pas possible en cours de l'année d'imposition ; que l'article 117 L.I.R.

dispose que sans préjudice des dispositions de l'article 153 L.I.R. (il n'y a aucune correspondance entre les articles 153 et 157ter L.I.R.) de la présente loi, l'impôt est établi après la fin de l'année d'imposition ; que cette disposition est conforme au principe de l'annualité de l'impôt énoncé à l'article 1er alinéa 2 L.I.R. ;

Considérant qu'une imposition par voie d'assiette au courant d'une année d'imposition est uniquement possible dans certains cas particuliers, notamment s'il y a péril en la demeure (article 117 alinéa 3 L.I.R.) ; que, par contre, une imposition en vertu des dispositions de l'article 157ter L.I.R., fixant une cote d'impôt définitive, est uniquement possible après écoulement de l'année d'imposition ; que, toutefois, l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. permet l'inscription d'un taux déterminé suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter ;

Que, comme développé plus haut, la mesure de faveur qui fait l'objet de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., vise à éviter que les contribuables remplissant vraisemblablement les conditions de l'article 157ter LIR après écoulement de l'année, ne soient soumis à une retenue sur traitement et salaires en classe 1 et doivent attendre la fin de l'année afin de récupérer la retenue perçue en trop ; toutefois, afin d'accorder l'inscription du taux sur la ou les fiches de retenue il faut poser 2 hypothèses, d'où l'utilisation du conditionnel dans le passage « …serait applicable en cas d'imposition… » a) l'hypothèse que le montant du revenu annuel correspond au revenu estimé lors de la détermination du taux à inscrire, b) l'hypothèse qu'après la fin de l'année d'imposition les conditions de l'article 157ter L.I.R. sont remplies ;

Considérant que les réclamants invoquent encore ce qui suit : « Finalement, il y a encore un dernier argument… il est basé sur les termes « Par dérogation…. » se trouvant au début de l'article 157ter, alinéa 1er. Une telle interprétation prétendrait donc que l'article 157ter déroge à l'article 157bis alinéa 3 dans le sens de restreindre son champ d'application.

… cette partie introductrice du texte 157ter est restée inchangée depuis deux décennies et veut exprimer une dérogation favorable par rapport aux articles précédents (« séquence croissante » des « faveurs » pour les non résidents dans la suite des articles 157 à 157ter). Elle n'a jamais eu pour but de contredire une faveur accordée par l'article le précédant immédiatement, qui est autonome quant à ses conditions et renvoie uniquement à certaines conséquences de l'article 157ter L.I.R. » ;

Considérant que, comme développé ci-avant, certains articles de la L.I.R. ne sont, en principe, pas applicables à l'endroit des contribuables non résidents (articles 157 et 157bis L.I.R., voir ci-avant) ; qu'étant donné que les contribuables non résidents ne peuvent pas déduire les mêmes dépenses et bénéficier des mêmes abattements de revenu imposables du fait de charges extraordinaires, ou encore du crédit d'impôt monoparental, ils sont en principe imposables à un taux différent de celui des contribuables résidents ; que, toutefois, l'article 157ter L.I.R. déroge à ce principe général applicable aux articles 157 et 157bis L.I.R., en disposant que, sous certaines conditions bien déterminées, les contribuables non résidents sont imposés « au taux d'impôt qui leur serait applicable s'ils étaient des résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers. » ;

Considérant que, comme expliqué plus haut, une imposition selon les dispositions de l'article 157ter, fixant un taux global et une cote d'impôt définitive, ne peut avoir lieu qu'après la fin de l'année d'imposition ; que, par le fait d'accorder l'inscription du taux prévu à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., il n'y a en aucun cas imposition définitive suivant article 157ter avec fixation de l'impôt définitif des contribuables concernés, au contraire, s'agissant d'une mesure purement provisoire, l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. dispose que « la demande d'inscription du taux sur la fiche de retenue applicable au cours d'une année d'imposition entraîne obligatoirement, après la fin de l'année d'imposition, une imposition par voie d'assiette suivant les modalités de l'article 157ter L.I.R. » ; que l'accord définitif de la déduction des dépenses et abattements, ainsi que du crédit d'impôt monoparental visé à l'article 157 alinéa 2 L.I.R., ne s'opère que par le biais d'une imposition selon les dispositions de l'article 157ter L.I.R., après la fin de l'année d'imposition ;

Considérant que l'article 157ter L.I.R. déroge donc aussi aux dispositions de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., en ce sens que le taux d'impôt et l'impôt dû, déterminés dans le cadre d'une imposition en vertu de l'article 157ter L.I.R. deviennent définitifs, tandis que le taux d'impôt et la retenue sur les traitements et salaires, déterminés en vertu de l'article 157bis alinéa 3 L.I.R., n'ont qu'un caractère purement provisoire ; que ce n'est que dans le cadre d'une imposition en vertu des dispositions de l'article 157ter L.I.R., après la fin de l'année d'imposition, que l'impôt dû pour l'année d'imposition est définitivement établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le bureau d'imposition a refusé l'inscription du taux d'impôt prévu à l'article 157bis alinéa 3 L.I.R. sur la fiche de retenue du réclamant ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée.».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 août 2018, Monsieur …et son épouse, Madame …, ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision directoriale précitée du 18 juin 2018.

En vertu des dispositions combinées de l’article 8 (3) point 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif et des paragraphes 228 et 235 (5) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale précitée du 18 juin 2018.

Quant à la recevabilité A titre préliminaire, il y a lieu de relever que les demandeurs demandent dans leur requête introductive d’instance « de dire pour droit que la loi luxembourgeoise, dans sa version actuellement applicable, permet aux requérant de bénéficier du « taux spécial » (classe d’impôt 2 augmenté de la réserve de progressivité), tant au courant de l’année 2018 en cours, c.-à-d.

pour la retenue à la source sur les pensions ne fixant pas un taux d’imposition définitif, que pour la déclaration d’impôt ultérieure par voie d’assiette (établissant un taux d’imposition définitif), sous la seule réserve que les requérants remplissent et continuent à remplir pendant toute l’année fiscale 2018 et ultérieurement - pour les années fiscales subséquentes et jusqu’à une modification éventuelle de la loi -, les conditions de l’article 157 bis alinéa 3 LIR, mais sans devoir remplir les conditions de l’article 157 ter, alinéa 1er LIR, et, par conséquent, de réformer la décision de Mme le Directeur des Contributions et d’accorder aux requérants le taux spécial / la classe d’impôt 2 demandé ».

En l’espèce, les demandeurs se sont néanmoins limités à contester l’inscription de la classe d’impôt figurant sur la fiche de retenue à la source pour l’année 2018 dans le cadre de leur recours précontentieux. Dans la mesure où l’acte administratif déféré au tribunal administratif est la décision directoriale du 18 juin 2018 précitée concernant la retenue à la source pour l’année 2018, l’imposition définitive de l’année 2018 et des années subséquentes ne font pas l’objet du présent litige, qui est donc circonscrit au débat de la classe d’impôt à retenir sur la fiche de retenue à la source pour l’année 2018.

Ensuite, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où l’inscription de la classe d’impôt 1 sur la fiche de retenue d’impôt ne serait pas un acte décisionnel pour n’avoir qu’un caractère essentiellement provisoire. Il considère en effet que la retenue faite en vertu du taux inscrit sur la fiche de retenue ne pourrait être considérée comme imposition définitive et une imposition par voie d’assiette ultérieure devrait obligatoirement avoir lieu après la fin de l’année d’imposition lorsque l’ensemble des revenus serait parfaitement connu. De ce fait, la décision litigieuse – de nature essentiellement provisoire et qui pourrait tout au plus être considérée comme acte préparatoire – ne ferait pas grief.

Les demandeurs pour leur part retiennent que la décision leur porterait un grief financier étant donné que la retenue à la source sur la pension de Monsieur …aurait doublé par rapport aux années précédentes. Ils rappellent encore que dans différentes circonstances le taux retenu sur la fiche de retenue d’impôt serait définitif car non suivi d’un bulletin d’imposition.

A titre liminaire, le tribunal est amené à préciser que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision.1 Il échet de constater que la décision déférée a été prise dans le cadre du régime de la retenue d’impôt sur les paiements de pensions de Monsieur …, qui constitue un mode particulier et provisionnel de recouvrement de l’impôt annuel sur le revenu moyennant prélèvements à la source sur les pensions allouées au cours d’une année.

La fiche de retenue d’impôt ne constitue ainsi qu’un mode de recouvrement provisionnel et l’inscription sur ladite fiche d’une classe d’impôt ne possède qu’une valeur auxiliaire et provisoire2.

Il y a ensuite lieu de rappeler que la réglementation relative à la retenue d’impôt sur les salaires, respectivement pensions est sans incidence sur la cote définitive à établir par voie d’assiette et que la retenue à la source n’est qu’une modalité de recouvrement de l’impôt, entraînant que la fiche de retenue d’impôt, y compris la classe d’impôt y inscrite et appliquée dans le cadre des retenues mensuelles sur les salaires, respectivement pensions, constitue non seulement une décision par essence provisoire et différente du bulletin d’impôt, mais ne saurait encore en aucune façon lier l’administration dans l’établissement du bulletin d’impôt sur le revenu3.

S’il est encore vrai que les décisions fixant le taux et l’assiette de cette retenue deviennent sans objet au titre d’une année d’imposition déterminée au plus tard au moment de la fixation de la cote d’impôt définitive moyennant imposition par voie d’assiette ou décompte 1 trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 63 et les autres références y citées.

2 Voir en ce sens Conseil d’Etat 23 mars 1960 n°5757 du rôle.

3 trib. adm. 23 décembre 1997, n° 9611, Pas. adm. 2020, v° Impôts, n° 463 et les autres références y citées.

annuel des retenues d’impôt4, ces décisions, qui par nature sont limitées dans le temps, ne sont néanmoins pas sans conséquence sur les revenus à disposition d’un contribuable au cours d’une année fiscale et lui causent, si le taux de retenue est plus élevé en raison de l’attribution d’une classe d’impôt erroné, un grief. En effet, un désavantage temporaire de trésorerie cause un grief.

S’il est encore vrai qu’une imposition définitive par voie d’assiette ultérieure doit en la présente matière avoir lieu après la fin de l’année d’imposition cela ne permet néanmoins pas d’en déduire que la classe d’impôt inscrite sur la fiche de retenue d’impôt ne constituerait qu’un acte préparatoire du bulletin d’impôt établi ultérieurement puisqu’il s’agit d’une décision autonome dont les effets prennent fin au moment de l’imposition définitive par voie d’assiette, sans en être un acte préparatoire puisque le taux retenu sur la fiche de retenue d’impôt ne lie pas l’administration dans l’établissement du bulletin d’impôt.

En l’espèce, en l’absence de bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2018 figurant au dossier administratif à la disposition du tribunal, la cote de l’impôt sur le revenu dû par Monsieur …au titre de l’année 2018 n’a pas été définitivement fixée, ni sa classe d’impôt, de sorte qu’a priori le recours contre la décision déférée est recevable.

Il y a encore lieu de relever que l’année 2018 s’est écoulée et que le tribunal n’est de ce fait plus en mesure, au stade actuel de la procédure contentieuse, de faire droit à la demande tendant à la réformation de la décision déférée en inscrivant éventuellement la classe d’impôt 2 sur la fiche de retenue d’impôt pour l’année 2018. Le recours n’en devient cependant pas pour autant sans objet, en revanche, le tribunal ne pourra pas épuiser l’ensemble des compétences lui attribuées dans le cadre d’un recours en réformation, en attribuant pour cette année une autre classe d’impôt mais il ne pourra que contrôler la légalité de la décision prise.

En tout état de cause, il convient de rappeler que le tribunal est saisi en l’espèce de la décision du directeur du 18 juin 2018 et qu’une décision directoriale constitue l’étape finale de la procédure déclenchée par la réclamation des demandeurs, de sorte à ne pas constituer un acte préparatoire et qu’elle cause grief aux demandeurs, dans la mesure où elle rejette leur réclamation.

Pour le surplus et au vu de ces considérations et dans les limites prédécrites, le recours en réformation, pour autant qu’il est dirigé à l’encontre de la décision directoriale du 18 juin 2018 est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir que le refus de leur attribuer le taux d’imposition « spécial » correspondant à la classe d’impôt 2, mais augmenté de la réserve de progressivité pour la retenue d’impôt de la retraite luxembourgeoise perçu par Monsieur …prévu par l’article 157 bis, alinéa 3 LIR serait contra legem en ce qui concerne le droit fiscal international et incompatible avec le droit européen pour être contraire à la liberté de circulation des travailleurs prévue par l’article 45, paragraphe 1 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, ci-après désigné par le « TFUE ».

Quant au droit national Les demandeurs exposent d’abord qu’ils seraient mariés depuis le 21 janvier 1984 et 4 Trib. adm., 9 mars 1998, n°10402, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n°939.

qu’ils habiteraient en France depuis le … 1990. Monsieur …serait de nationalité allemande et son épouse Madame … serait de nationalité française.

Monsieur …aurait travaillé quotidiennement au Luxembourg du … 1987 jusqu’à sa retraite, le … 2015 et il percevrait depuis 2 ans et demi une retraite luxembourgeoise constituant le revenu principal du couple.

Outre les revenus de retraite luxembourgeoise de Monsieur …, les demandeurs disposeraient de revenus de placement bancaires et de loyers d'un immeuble situé en France.

Selon leurs dires, les revenus de source luxembourgeoise ne constitueraient pas 90% de leurs revenus mondiaux et les revenus de source non luxembourgeoise seraient supérieurs à … euros.

La relation entre leurs revenus luxembourgeois et non luxembourgeois varierait en raison de revenus extraordinaires sporadiques par année fiscale, mais se situerait généralement entre 70% à 80% en ce qui concerne le revenu luxembourgeois, d'une part, contre 20% à 30% en ce qui concerne le revenu français, d'autre part.

Pendant tout le temps où Monsieur …aurait travaillé au Luxembourg, il aurait bénéficié de la classe d'impôt 2 au Luxembourg sur ses revenus de travail. Il en aurait été de même pour sa retraite depuis août 2015. Monsieur …aurait donc bénéficié de la classe d'impôt 2 pendant une période supérieure à 30 ans.

Depuis le 1er janvier 2018, les époux … seraient soumis à une retenue d’impôt à la source luxembourgeoise « (« définitive ») » selon la classe d'impôt 1. En France, ils bénéficieraient pour leurs revenus français de l'équivalent de la classe d'impôt 2 luxembourgeoise, ce qui correspondrait au système du « quotient familial », dit aussi « des parts familiaux » en France.

En droit, ils reprochent à l’administration des Contributions directes de se référer notamment à l'article 157ter, alinéa 1 pour refuser leur demande, tandis qu’ils auraient formulé celle-ci sur base de l'article 157bis, alinéa 3 LIR.

Les demandeurs ne contestent pas ne pas remplir les conditions de l’article 157ter, alinéa 1 LIR et ils précisent qu’ils ne demanderaient justement pas « l'assimilation à un résident luxembourgeois ». Par contre, ils sont d'avis qu’ils rempliraient les conditions de l'article 157 bis, alinéa 3 LIR. Selon les demandeurs, le fait d'accorder à un couple marié le tarif « splitting » devrait être vu séparément de la question si, en tant que non-résident, un contribuable pourrait être « assimilé à un résident luxembourgeois ».

En premier lieu, les demandeurs invoquent que l’article 157bis, alinéa 3 serait une disposition autonome et indépendante de l’article 157ter LIR. Ils considèrent que l’article 157bis LIR qui traiterait des classes d’impôt applicables aux non-résidents établirait ses propres conditions et conséquences qui ne seraient pas identiques aux conditions et conséquences de l’article 157ter LIR qui prévoirait l’assimilation complète à un résident luxembourgeois.

Selon eux, l’autonomie de l’article 157bis LIR et de son alinéa 3 par rapport à l’article 157ter, alinéa 1 LIR résulterait d’un système « à cascade » inhérent aux articles 157 à 157ter, inchangé depuis 20 ans. Dans ce contexte, les demandeurs rappellent que les articles 156 à 157ter seraient inscrits dans le chapitre IX de la LIR qui règlerait les dispositions particulières concernant les contribuables non-résidents. Tandis qu’il ne serait pas contesté, en l’espèce, que les revenus de pension de Monsieur …seraient selon l’article 156 des revenus de source luxembourgeois étant soumis à l’impôt luxembourgeois, il y aurait lieu seulement d’analyser les articles 157 à 157ter au vu de l’arrêt « … »5 de la Cour de Justice de l’Union Européenne, ci-après désignée par « la CJUE », qui serait à la base de l’introduction de l’article 157ter dans la LIR. Selon ce système qui établirait une séquence de faveurs accordées aux non-résidents augmentant en cascade, l’article 157 LIR établirait le principe de non-déductibilité des frais pour les non-résidents, sauf ceux qui seraient en lien économique avec « l’obtention » des revenus de travail perçus au Luxembourg. L’article 157bis LIR pour sa part traiterait exclusivement des classes d’impôt en acceptant le principe que les non-résidents mariés puissent bénéficier de la classe d’impôt 2, et il borderait ce point de manière séparée et établirait lui-même ses conditions et conséquences. Finalement, l’article 157ter LIR introduirait une faveur supplémentaire soumise à conditions qui permettrait à un non-résident d’être traité entièrement comme un résident luxembourgeois.

Cette séquence à cascades des articles 157 à 157ter serait exprimée par la partie de phrase se trouvant à l’entrée de l’article 157ter, alinéa 1 LIR qui disposerait que « Par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157 bis,… ».

L’autonomie de l’article 157bis, alinéa 3 LIR par rapport à l’article 157ter LIR résulterait encore du fait que l’alinéa 3 de l’article 157bis établirait non seulement ses propres conditions, mais aussi ses propres conséquences. Les demandeurs relatent que la loi du 23 décembre 2016 aurait supprimé la condition de 50% de revenus professionnels devant être réalisés au Luxembourg et citent l’article 157bis tel qu’en vigueur actuellement. Malgré les renvois à l’article 157ter, l’article 157bis serait selon eux autonome par rapport à l’article 157ter. Cette autonomie résulterait, tel que déjà exposé, du fait que cet article traiterait des classes d’impôt et du tarif « splitting » et de ce fait d’un sujet séparé de la déductibilité de frais ou de la prise en compte des abattements faisant l’objet principal des deux autres articles, mais plus encore du fait que l’article 157bis, alinéa 3 définirait lui-même toutes les conditions et conséquences de son application. En effet, selon les demandeurs, l’alinéa 3 de l’article 157bis dirait, en des termes clairs, qu’un couple marié non-résident, remplissant les conditions de l’alinéa 3 de l’article 157bis, serait traité « comme si » il était « dans le cas » de remplir les conditions de l’article 157ter, alinéa 1 en raison de l’utilisation du conditionnel.

L’utilisation des mots « correspondant à » et « en cas » viendrait encore, en plus de l’utilisation du conditionnel « serait applicable », renforcer ce raisonnement. Selon eux, le choix du conditionnel et des prédits mots exclurait la volonté du législateur que le contribuable devrait remplir les conditions de l’article 157ter pour pourvoir bénéficier de la classe d’impôt 2. Une telle interprétation violerait le texte et le sens de l’alinéa 3 de l’article 157bis qui dirait sans équivoque que le contribuable qui remplit la condition de disposer de n’importe quel montant de revenu professionnel luxembourgeois soumis à retenue serait traité « comme s’il était dans le cas ». La seconde phrase de l’article 157bis, alinéa 3 établirait ensuite, à nouveau de manière autonome, encore une autre conséquence de l’application du « taux spécial » avec une imposition qui se ferait par voie d’assiette et le non résident devrait donc faire une déclaration d’impôt au Luxembourg.

Les deux renvois à l'article 157ter seraient donc des renvois clarifiant « (seulement) » encore certaines obligations de détail du contribuable et les conséquences qui s’en suivent que l'article 157bis, alinéa 3 définirait déjà lui-même quant au principe. Mais ils ne poseraient pas, tel que l'article serait formulé, de conditions additionnelles. Il s'agirait donc de renvois exclusivement sur certaines conséquences de l'article 157ter (« Rechfsfolge-Verweisung »), et 5 CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225.

non pas des renvois sur les conditions de celui-ci (« Rechtsgrund-Verweisung »).

En se référant aux travaux parlementaires et aux avis de la Chambre de commerce et de la Chambre des Salariés et du Conseil d’Etat, les demandeurs soutiennent encore que le texte de la loi dirait, clairement et sans équivoque, l’exacte contraire de ce que dit la Commission des Finances et du Budget, pour en conclure que lorsque le texte législatif serait clair, il ne s’interpréterait pas.

Finalement, les demandeurs analysent l’interaction entre l’article 157ter, alinéa 1 LIR et l’article 157bis, alinéa 3 LIR et considèrent que la phrase disant « soit en vertu des dispositions de l’article 157 bis, alinéa 3 » ne ferait rien d’autre que de réceptionner le renvoi de l’article 157bis, alinéa 3 pour la détermination des conséquences résultant du taux spécial de la classe d’impôt 2 attribuée par l’article 157bis, alinéa 3. L’article 157ter, ne ferait d’ailleurs que mention du taux d’impôt qui « serait applicable » sans mentionner les frais déductibles, et la référence à l’imposition par voie d’assiette ferait « doublon » avec l’article 157ter alinéa 1, si l’on voulait voir la situation différemment.

Selon les demandeurs, le fait de retenir une primauté de l’article 157ter LIR sur l’article 157bis LIR reviendrait à nier la structure « à cascades » entre ces articles et l’indépendance de l’article 157bis. Et si l’idée de la primauté de l’article 157ter, alinéa 1 devrait être retenue, celle-

ci laisserait intacte l’article 157bis, alinéa 3 puisque la dérogation porterait exclusivement sur les deux cas expressément mentionnés à l’article 157ter, à savoir l’assimilation à un résident luxembourgeois.

Les demandeurs concluent que leur façon de lire l’article 157bis, alinéa 3 LIR semblerait donc la seule correcte en présence d’un texte qui serait clair dans la mesure où l’article 157bis établirait lui-même ses propres conditions et conséquences et la structure et l’histoire des trois articles de la LIR sur les non-résidents plaideraient en faveur de leur interprétation. Cette façon de voir aurait alors deux conséquences, à savoir que suite à l’abolition de la condition de 50% et de la nouvelle formulation de l’article 157bis, alinéa 3 tout couple marié non-résident percevant des revenus professionnels luxembourgeois quelconques soumis à retenue pourrait bénéficier de la classe d’impôt 2. Il existerait donc une troisième catégorie de contribuables se situant entre les personnes non-résidentes ne percevant pas de revenus professionnels et les non-

résidents étant assimilés à des résidents luxembourgeois, à savoir ces couples mariés qui pourraient invoquer l’article 157bis pour obtenir le taux spécial de la classe d’impôt 2 augmenté de la réserve de progressivité mais qui ne pourraient pas déduire leur frais sauf ceux économiquement liés au Luxembourg, car ils disposeraient de suffisamment de revenus non luxembourgeois pour que leur frais puissent être déduits dans leur pays de résidence.

Le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse reprend en substance l’argumentation contenue dans la décision directoriale déférée et conclut au rejet de ces moyens.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs prennent position par rapport à différentes déclarations de la partie étatique et réitèrent en substance leur argumentation telle que figurant dans la requête introductive d’instance en insistant tout particulièrement sur la non-

application des dispositions tirées de l’arrêt « … »6 au cas d’espèce en mettant l’accent sur la différence entre la méthode d’exemption des revenus étrangers par rapport à la méthode d’imputation de l’impôt étranger. Après avoir analysé et cité l’arrêt « … »7, les demandeurs 6 CJCE, 14 septembre 1999, …, C-391/97, Rec. p. I-5451.

7 CJUE, 9 février 2017, …, C283/15.

arrivent à la conclusion que la seule solution à retenir dans le cas d’espèce serait une proratisation afin de prendre en compte l’ensemble de leur situation personnelle et familiale.

Quant au premier moyen des demandeurs relatif à la retenue à la source des revenus de pensions de Monsieur …selon la classe d’impôt 2, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 156 LIR « sont considérés comme revenus indigènes des contribuables non résidents : (…) 5. les revenus résultant de pensions ou de rentes visés aux numéros 1 et 2 de l'article 96, alinéa 1er:

a) lorsque les revenus visés sub 1 du prédit article sont touchés en vertu d'une ancienne occupation exercée ou mise en valeur au Grand-Duché ou qu'ils sont payés par une caisse publique indigène ou par la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois;

b) lorsque les revenus visés sub 2 du prédit article sont alloués par une caisse indigène;

c) Lorsque les revenus proviennent de fonds de pension constitués sous forme d'association d'épargne-pension, dans la mesure où les cotisations ayant généré ces revenus ont été portées en déduction du revenu imposable au Luxembourg. » En l’espèce, il n’est pas contesté par les demandeurs que Monsieur …en tant que non résident touche une pension considérée comme un revenu indigène imposable au Luxembourg.

L’article 157bis LIR précise que : « (1) Par revenus professionnels au sens des alinéas qui suivent, il y a lieu d'entendre les revenus visés à l'article 10, numéros 1 à 5, à l'exclusion:

1.des revenus désignés à l'article 10, numéro 4, réalisés par un enfant mineur faisant partie du ménage du contribuable;

2.des pensions et rentes visées à l'article 96, alinéa 1er, numéros 3 et 4.

(2) Les contribuables non résidents, mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché, sont rangés dans la classe d’impôt 1.

(3) Par dérogation aux dispositions de l’alinéa 2, les contribuables non résidents, mariés, sont, pour autant qu’ils réalisent des revenus indigènes passibles de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires, soumis à une retenue d’impôt sur les traitements et salaires déterminée par application d’un taux correspondant à celui qui serait applicable en cas d’imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l’article 157ter, à condition que les deux conjoints demandent conjointement l’inscription de ce taux sur la fiche de retenue.

Nonobstant l’article 157, alinéas 3 et 4, la demande d’inscription du taux sur la fiche de retenue applicable au cours d’une année d’imposition entraîne obligatoirement, après la fin de l’année d’imposition, une imposition par voie d’assiette suivant les modalités de l’article 157ter. Aux fins de la détermination du taux, les contribuables non résidents sont tenus de justifier leurs revenus annuels étrangers par des documents probants. (…) » Aux termes de l’article 157ter LIR : « (1) Par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis, les contribuables non-résidents imposables au Grand-Duché du chef d'au moins 90 pour cent du total de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers et ceux dont la somme des revenus nets non soumis à l'impôt sur le revenu luxembourgeois est inférieure à … euros sont, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l'article 157bis, alinéa 3, imposés au Grand-Duché, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d'impôt qui leur serait applicable s'ils étaient des résidents du Grand-

Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers. Pour l'application de la disposition qui précède, les contribuables mariés sont imposables collectivement au titre des revenus indigènes, à moins qu'ils ne demandent conjointement, jusqu'au plus tard le 31 mars de l'année d'imposition suivant l'année d'imposition concernée, à être imposés individuellement. Dans ce contexte, les revenus étrangers des deux époux sont pris en compte en vue de la fixation du taux d'impôt applicable.

(2) Aux fins du calcul du seuil de 90 pour cent prévu à l'alinéa 1er, entre en ligne de compte l'ensemble des revenus tant indigènes qu'étrangers réalisés au cours de l'année civile.

Aux mêmes fins, les revenus provenant d'une occupation salariée dont le droit d'imposition revient à un État autre que le Grand- Duché en vertu d'une convention tendant à éviter les doubles impositions sont à assimiler, uniquement à concurrence du revenu non imposable au Luxembourg correspondant au maximum à 50 jours de travail, aux revenus imposables au Grand-Duché. En ce qui concerne les contribuables non-résidents mariés, l'alinéa 1er du présent article peut, sur demande, s'appliquer lorsque l'un des époux satisfait à la condition du seuil d'au moins 90 pour cent du total de ses revenus tant indigènes qu'étrangers ou lorsque l'un des époux, contribuable non résident, dispose de revenus nets non soumis à l'impôt sur le revenu luxembourgeois dont la somme est inférieure à … euros.

(3) La demande visée à l'alinéa 1er entraîne une imposition par voie d'assiette.

(4) Aux fins de l'application du présent article, les contribuables non résidents sont tenus de justifier leurs revenus annuels étrangers par des documents probants.

(…) » Il ressort encore des travaux parlementaires8 et plus précisément du commentaire des articles du « Projet de loi 7200/00 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2018 » du 10 octobre 2017 qu’ « 10° Actuellement, le contribuable non résident peut, en ce qui concerne l’imposition de ses revenus indigènes, être fiscalement assimilé au contribuable résident, à condition qu’il en fasse la demande (condition subjective) et qu’il soit imposable au Luxembourg du chef d’au moins 90 pour cent de son revenu mondial (condition objective). Or, il est apparu que le remaniement des classes d’impôt en ce qui concerne les contribuables non résidents mariés, dû à l’introduction de l’imposition individuelle sur demande des conjoints à partir de l’année 2018, peut conduire à certaines rigueurs. Ainsi, le contribuable non résident marié qui réalise également des revenus qui ne sont pas imposables au Luxembourg et qui de ce fait n’arrive pas à remplir la condition des 90 pour cent serait exclu de l’assimilation. Alors qu’avant la réforme fiscale il pouvait ranger en classe 29 (à condition que 50 pour cent des revenus professionnels du ménage soient imposables au Luxembourg), il sera reclassé à partir de 2018 en classe 110. Ce reclassement conduit à une rigueur lorsque les revenus imposables dans l’Etat de résidence ne sont pas assez élevés « pour y être soumis à une imposition permettant de prendre en compte sa situation personnelle et familiale » (arrêt C-279/93 de la CJCE dans l’affaire …). Le présent projet de loi propose d’introduire une deuxième voie d’accès à l’assimilation fiscale du contribuable non résident au contribuable résident. Dès lors que le contribuable non résident en fait la demande et que ses revenus nets non soumis à l’impôt luxembourgeois sont, dans leur totalité, inférieurs à … euros, il pourra fiscalement être assimilé au contribuable résident même lorsque le seuil des 8 Projet de loi 7200/00 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2018 du 10 octobre 2017, p. 78 et 79 et Projet de loi 7020/00A portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017 du 10 août 2016, p.55.

9 Souligné par le tribunal 10 Souligné par le tribunal 90 pour cent n’est pas atteint. Par somme des revenus nets non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois, il faut comprendre la somme des huit catégories de revenus nets énumérées à l’article 10 L.I.R., déterminées suivant les dispositions fiscales luxembourgeoises, soustraction faite des revenus indigènes soumis à l’impôt luxembourgeois. Le seuil de … euros a été retenu comme il est à admettre que le contribuable non résident qui dispose de revenus nets d’un montant d’au moins … euros dans l’Etat de résidence pourra y être soumis à une imposition prenant en compte sa situation personnelle et familiale. Evidemment, lorsque le critère des 90 pour cent est rempli, l’assimilation peut avoir lieu, comme par le passé, même lorsque les revenus non imposables au Luxembourg dépassent les … euros. » (…) « En matière de retenue d’impôt sur traitements et salaires (RTS), l’article 157bis, alinéa 5 L.I.R. prévoit, sous certaines conditions, la possibilité de l’inscription d’un taux sur la fiche de retenue au lieu de la classe 1. Ce taux correspond au taux qui serait applicable en cas d’imposition suivant les modalités de l’article 157ter L.I.R. (assimilation du contribuable non résident au contribuable résident). Dans le cadre de l’assimilation, le taux est déterminé sous l’hypothèse que le contribuable non résident serait un résident du Grand-Duché. En ce qui concerne plus particulièrement les contribuables mariés11, cette hypothèse permet au contribuable non résident marié, qui remplit les conditions requises par l’article 157ter L.I.R12., de choisir, dans les mêmes conditions, entre les trois modes d’imposition accessibles aux contribuables résidents mariés. A l’instar de ceux-ci, un choix fait avant ou au cours de l’année d’imposition, notamment en matière de RTS, n’est pas définitif et pourra être révoqué ou modifié jusqu’au plus tard le 31 mars de l’année qui suit l’année d’imposition concernée.

Le dernier choix commun exprimé à cette date, ou le cas échéant à la date de l'imposition des revenus de l'année d'imposition en question au cas où l'imposition aurait eu lieu avant cette date, deviendra définitif et sera, pour l’année d’imposition concernée, irrévocable.

Les modifications prévues par le présent projet de loi à l’alinéa 2 de l’article 157ter précisent, d’une part, que le seuil visé à la première phrase est bien l’ancien seuil de 90 pour cent et non pas le nouveau seuil alternatif de … euros et que, d’autre part, il suffit, en ce qui concerne le nouveau critère d’accès à l’assimilation, qu’il soit rempli par un seul des époux.

Evidemment, il faudra que celui-ci soit imposable au Luxembourg du chef de revenus indigènes pour pouvoir demander l’assimilation lorsque ses revenus non imposables au Luxembourg sont inférieurs à … euros. ».

Il ressort ensuite du commentaire des articles13 figurant au projet de loi 7020/00A du 10 août 2016, à l’origine de l’article 157bis, alinéa 3 dans sa version actuelle, qu’en cas de demande d’application du taux visé à l’article 157bis, alinéa 3, il est procédé à une estimation afin de vérifier si le seuil de 90% de l’article 157ter est atteint. En effet, « L’alinéa 3 prévoit que les contribuables non résidents mariés peuvent demander que la retenue d’impôt sur les traitements et salaires ne se fasse pas en classe 1 mais en fonction d’un taux déterminé en fonction des revenus réels, indigènes et étrangers, réalisés par les deux conjoints. En vue de la détermination du taux à inscrire sur la fiche de retenue, et afin de vérifier si le seuil requis par l’article 157ter de 90% des revenus mondiaux imposables au Luxembourg est atteint, il y a lieu d’estimer le revenu mondial comprenant les revenus indigènes et ceux étrangers que les deux conjoints non résidents vont vraisemblablement réaliser aux cours de l’année d’imposition. » 11 Souligné par le tribunal 12 Souligné par le tribunal 13 Projet de loi 7020/00A portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017 du 10 août 2016, p.55.

C’est donc à tort que les demandeurs considèrent que le législateur a voulu permettre l’octroi de la classe d’impôt 2 à tous les couples mariés non-résidents indépendamment de tout seuil et ainsi prévoir un régime plus favorable que celui qui existait avant 2018. Il ressort au contraire clairement des commentaires des articles des projets de lois susmentionnés que la volonté du législateur a été de prévoir que la classe d’impôt 1 est dorénavant par principe octroyée aux non-résidents mariés et que par dérogation à ce principe et seulement dans le cadre des conditions prévues aux articles 157bis, alinéa 3 et 157ter, alinéa 1, il est possible à ceux-ci de bénéficier de la classe d’impôt 2, de manière définitive lors de l’imposition par voie d’assiette, et de manière anticipée, mais seulement provisoirement, dans l’hypothèse de l’article 157bis alinéa 3 lorsqu’il est estimé que les conditions de l’article 157ter alinéa 1 sont remplies pour l’année en cours. Le fait de prévoir dans le cas de l’article 157bis, alinéa 3, une imposition par voie d’assiette ultérieure obligatoire devant remplir les conditions de l’article 157ter vient renforcer ce système et infirmer les théories des demandeurs.

Il résulte des développements qui précèdent qu’en règle générale, les contribuables non-

résidents mariés sont, dans le cadre du régime de droit commun établi par les dispositions des article 157 et 157bis LIR, rangés dans la classe d’impôt 1 en raison de leurs revenus professionnels.

Cependant, sur demande, les contribuables non-résidents qui remplissent les conditions d’assimilation prévues à l’article 157ter LIR sont rangés dans les différentes classes d’impôt selon les modalités applicables aux contribuables résidents en vue de la détermination du taux d’imposition applicable à leurs revenus indigènes.

Le tribunal précise encore que, jusqu’aux revenus de l’année 2017, l’article 157bis, alinéa 3 LIR prévoyait que les contribuables non-résidents, mariés, étaient automatiquement rangés en classe d’impôt 2 s’ils étaient imposables au Grand-Duché de Luxembourg du chef de plus de 50% des revenus professionnels de leur ménage. Cette attribution automatique en classe 2 a été abolie par la réforme fiscale s’appliquant aux revenus 2018, tel que cela ressort clairement de la suppression par le texte de loi de la référence aux 50 %, ainsi que de l’insertion dans le même texte de loi du principe selon lequel désormais tous les non-résidents mariés sont rangés en classe d’impôt 1. Les travaux préparatoires précités viennent également confirmer cette approche.

Désormais, le non-résident est obligé de faire une déclaration auprès de l’administration fiscale s’il souhaite opter pour l’attribution en classe 2 et l'article 157bis alinéa 3 dispose que le taux d'impôt à inscrire sur la fiche de retenue d'impôt est déterminé « suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter ».

Selon cette réforme, il convient également de relever que le régime fiscal des résidents du Grand-Duché de Luxembourg a été élargi aux transfrontaliers, mariés ou non, ayant des revenus étrangers inférieurs à … €.

Il y a lieu de constater que contrairement aux affirmations des demandeurs, l’article 157bis, alinéa 3 ne constitue pas de manière autonome une dérogation au principe général selon lequel les contribuables non-résidents mariés sont imposables en classe d’impôt 1 et cela indépendamment des critères prévus à l’article 157ter. En effet, une lecture combinée de ces articles amène le tribunal à retenir que l’administration des contributions directes ne peut retenir de manière provisoire sur la fiche de retenue d’impôt une autre classe d’impôt que la classe 1 que si les critères de l’article 157ter semblent a priori être remplis pour l’année en question.

Cela ressort d’une part de l'article 157bis alinéa 3, première phrase qui dispose que le taux d'impôt à inscrire sur la fiche de retenue d'impôt est déterminé « suivant les conditions et les modalités de l'article 157ter » et de l’article 157bis alinéa 3, deuxième phrase qui prévoit comme conséquence de l’inscription du taux sur la fiche de retenue d’impôt une imposition par voie d’assiette « suivant les modalités de l’article 157ter L.I.R ».

L’utilisation du conditionnel à l’article 157bis, alinéa 3 résulte du fait qu’il est présumé, sur base d’une estimation du revenu mondial des contribuables que les critères de l’article 157ter sont remplis pour l’année en question - l’article 157ter ne pouvant s’appliquer en définitif qu’à la fin de l’année fiscale dans le cadre de l’imposition par voie d’assiette et non en cours d’année - et que les contribuables en ont conjointement fait la demande.

Il suit ensuite de la disposition de l’article 157ter que les contribuables non-résidents sont, sur demande, assimilés aux contribuables résidents, s’ils sont imposables au Grand-Duché d’au moins 90 pour cent de leurs revenus indigènes et étrangers. Ils le sont encore, également sur demande, si le seuil de 90 pour cent visé ci-avant n’est pas atteint mais lorsque la somme de leurs revenus nets non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois est inférieure à … euros. Afin de bénéficier de cette assimilation, les contribuables non-résidents doivent notamment formuler une demande qui peut être faite soit dans le cadre de la déclaration des revenus pour une année d’imposition donnée ou, pour les contribuables non-résidents mariés, également dans le cadre de l’émission d’une fiche de retenue d’impôt avec inscription, conformément à l’article 157bis, alinéa 3 LIR d’un taux de retenue déterminé en fonction de la situation personnelle du contribuable non résident marié au lieu de celle de la classe 1.

L’article 157bis, alinéa 3 LIR prévoit ensuite une imposition par voie d’assiette obligatoire, en disposant que lorsque, sur demande du contribuable non résident-marié et sur base des informations fournies par celui-ci, un taux de retenue est inscrit sur la fiche de retenue d’impôt, une imposition par voie d’assiette après la fin de l’année d’imposition devra obligatoirement avoir lieu. A ce sujet il est rappelé que le taux de retenue inscrit sur la fiche de retenue d’impôt a été déterminé sur base d’une estimation du revenu imposable ajusté probable et non du revenu imposable ajusté effectif de l’année d’imposition, non connu au moment de la détermination du taux à inscrire sur la fiche de retenue d’impôt. Lorsque les conditions d’assimilation du contribuable non résident au contribuable résident s’avèrent effectivement remplies après écoulement de l’année d’imposition, l’imposition par voie d’assiette s’effectue suivant les modalités de l’article 157ter LIR. Dans le cas contraire, il faut admettre que le taux de retenue a été inscrit à tort sur la fiche de retenue d’impôt et une imposition par voie d’assiette suivant les modalités de l’article 157bis LIR a lieu afin de pouvoir procéder au recouvrement du solde de l’impôt dû. Il en est de même lorsque pendant ou après l’année d’imposition, le contribuable retire sa demande d’assimilation.

En l’espèce, afin de vérifier si Monsieur …peut bénéficier de la classe d’impôt 2 sur sa fiche de retenue sur impôt pour l’année 2018, le tribunal relève d’abord qu’il n’est pas contesté en l’espèce que les époux … sont à qualifier de contribuables non-résidents pour l’année d’imposition 2018. Ils revêtaient au cours de l’année d’imposition en cause la qualité de résidents fiscaux français et Monsieur …réalisait des revenus de pensions luxembourgeoises et des revenus de placement bancaires et des loyers d’un immeuble situé en France. Les revenus réalisés au Luxembourg par Monsieur …rentrent dans le champ d’application de l’article 156 n°5 LIR, en tant que revenus résultant de pensions ou de rentes visés aux numéros 1 et 2 de l’article 96, alinéa 1er versées par une caisse indigène. Selon les propres déclarations des demandeurs, la relation entre les revenus indigènes luxembourgeois et non luxembourgeois varie par année fiscale, mais se situe généralement entre 70% à 80% en ce qui concerne le revenu luxembourgeois, d’une part, contre 20% à 30% en ce qui concerne le revenu français, d’autre part.

Force est encore de constater que les demandeurs ne contestent pas ne pas rentrer dans la catégorie de contribuables visée par l’article 157ter LIR.

Dans la mesure où il se dégage des déclarations des demandeurs, ainsi que du formulaire 166 remplis par eux pour l’année 2018 qu’ils ne sont a priori pas imposables au Grand-Duché d’au moins 90 pourcent du total de leurs revenus tant indigènes qu’étrangers et que leurs revenus non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois sont supérieurs à … euros, c’est a priori à bon droit que l’administration des Contributions directes, pour l’année d’imposition 2018, confirmée par le directeur dans la décision déférée, n’a pas rangé les époux … dans la classe d’impôt 2 sur leur fiche de retenue d’impôt.

Dans ce contexte, le tribunal est amené à retenir que l’article 157bis LIR subordonne l’octroi de la classe d’impôt 2 à des contribuables non-résidents, mariés à la condition qu’ils remplissent a priori un des deux critères prévus à l’article 157ter. Les travaux parlementaires ne viennent que confirmer ce système. Or, le tribunal ne saurait, sous prétexte d’interprétation, ajouter à un texte légal une catégorie non prévue par le législateur, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs et, tel que relevé par la partie étatique, de discriminer les autres couples mariés non-résidents qui ont des revenus professionnels qui ne sont pas prélevés à la source, de sorte que le moyen des demandeurs est à rejeter.

Quant au droit communautaire Les demandeurs invoquent ensuite une violation du droit communautaire. Plus précisément, ils considèrent que la loi fiscale luxembourgeoise modifiée en n’accordant le tarif « splitting » uniquement aux travailleurs et retraités non-résidents qui perçoivent 90 % de leur revenu global au Luxembourg ou ne disposant de pas plus de … euros de revenu non-

luxembourgeois, constituerait une violation de la libre circulation des travailleurs telle qu’inscrite à l’article 45, paragraphe 1 du TFUE.

A l’appui de cet argument, les demandeurs relèvent que les personnes percevant une grande partie de leur revenu du ménage du Luxembourg, sans remplir les conditions de l’article 157ter, alinéa 1 LIR, seraient peut-être « en mesure » de déduire certains frais et de se faire appliquer certains abattements dans leur pays de résidence, mais ils pourraient y faire valoir le tarif « splitting » seulement pour le revenu perçu dans leur pays de résidence et – en principe – non pas pour le revenu obtenu dans le pays de la source. Or, la liberté de circulation des travailleurs serait un des plus grands acquis de l’Union Européenne et se situerait au cœur des préoccupations de la Commission et de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Si, dans les circonstances décrites, on n’accordait pas le tarif « splitting » aux contribuables non-résidents mariés, il en résulterait une discrimination contraire au droit communautaire et à la liberté de circulation des travailleurs. A cet égard, ils se réfèrent aux arrêts « … »14 et « … »15, qui eux-

mêmes reprendraient la jurisprudence « … »16 qui s’appliquerait dans toute situation de revenus dans deux ou même plusieurs pays de l’UE, lorsque le non-résident ne pourrait pas faire valoir 14 CJUE, 28 février 2013, … contre …, C-425/11.

15 CJUE, 9 février 2017, …, C283/15.

16 CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225.

entièrement sa situation personnelle et familiale dans son Etat de résidence, car ce dernier Etat ne serait, pour des raisons factuelles, pas en mesure de le faire. Le fait de ne pas disposer de revenus suffisants dans le pays de résidence ne serait qu’un exemple de la situation où l’Etat de résidence ne serait pas en mesure de permettre la déduction.

Les demandeurs résument et analysent ensuite l’évolution de la jurisprudence depuis l’arrêt … en 1995 en citant les arrêts « … »17, « … »18, « … »19, « … et … »20, « … »21, ainsi que l’arrêt « … »22.

Ils en déduisent que 3 conditions devraient être prises en considération dans des « cas du type « … » », lorsque des revenus de travail sont récoltés dans un autre Etat membre que le pays de résidence :

1) L’ajustement de la capacité contributive par les facteurs tenant compte de la situation personnelle et familiale du contribuable devrait être opéré « quelque part », le cas échéant au pro-rata.

2) Il existerait une présomption réfragable que le pays de résidence serait le mieux à même de tenir compte de la capacité contributive du contribuable et/ou de sa situation personnelle et familiale.

3) Si le pays de résidence « n’est pas en mesure » de tenir compte de la situation personnelle et familiale du contribuable, ce serait le pays de la source qui devrait intervenir.

Les demandeurs se livrent ensuite à une analyse poussée afin de déterminer si « le tarif splitting » constitue un avantage subjectif à prendre en considération lors de la détermination de la capacité contributive d’un contribuable ou un facteur objectif nécessaire pour assurer un traitement équitable des contribuables dans la société, pour arriver à la conclusion que dans leur cas précis, « c’est le pays de source qui d[evrait] tenir compte de cet « avantage » précis (au prorata des revenus perçus sur le territoire luxembourgeois ». Finalement, ils demandent à ce que cette question soit soumise à la CJUE.

Ensuite, en admettant que le pays de résidence devrait tenir compte du tarif « splitting », il y aurait, à leurs yeux, toujours encore violation de l’article 45 TFUE puisqu’ils considèrent que la France, en tant que pays de résidence ne serait pas en mesure de tenir compte de l’avantage, étant donné que le revenu perçu dans le pays de travail serait exonéré dans le pays de résidence en vertu d’une convention de non double imposition, de sorte que la responsabilité pour éliminer la discrimination et d’accorder l’avantage reviendrait au Luxembourg.

Ils développent ces arguments en considérant que si un pays n’a pas le droit d’imposer un revenu, il n’accepterait normalement pas non plus la déduction de frais en relation avec ces revenus exonérés. Il semblerait alors aux demandeurs que la France ne serait pas non plus en mesure de tenir compte du tarif « splitting », qui serait étroitement lié au revenu, pour cette partie du revenu étant totalement en dehors de son droit d’imposition pour y avoir renoncé. Par 17 CJCE, 14 septembre 1999, …, C-391/97, Rec. p. I-5451.

18 CJCE, 16 mai 2000, …, C-87/99, Rec. p. I-3337.

19 CJCE, 12 décembre 2002, …, C-385/00.

20 CJCE, 18 juillet 2007, …, C 182/06.

21 CJUE, 28 février 2013, … contre …, C-425/11.

22 CJUE, 9 février 2017, …, C283/15.

conséquent, l’Etat de résidence pourrait s’appuyer sur l’exemption de ces revenus sur son territoire pour refuser de tenir compte du tarif « splitting ». Si dans ce cas, le pays de source, c’est-à-dire le Luxembourg ne tenait pas compte non plus du « splitting » au pro-rata des revenus perçus au Luxembourg, le couple marié non résident ne pourrait finalement pas du tout faire valoir le tarif « splitting » pour le revenu de travail concerné, dans aucun des deux pays.

En analysant des citations de l’arrêt « … »23, les demandeurs arrivent à la conclusion que cet arrêt serait très spécifique et ne serait pas transposable au cas d’espèce.

En partant de l’hypothèse que le pays de résidence tiendrait compte de la situation familiale, les demandeurs envisagent plusieurs scénarios possibles par lesquels le fisc français pourrait procéder à l’imposition et ils concluent que peu importe la manière de procéder, elle aboutirait à un résultat absurde et ils considèrent que la proratisation serait le seul moyen correct et raisonnable pour résoudre ce problème dans le cas concret.

Les demandeurs concluent qu’une limite rigide de 90% de revenus devant être perçus dans l’Etat de source pour pouvoir bénéficier du tarif « splitting » pour ses revenus de travail, respectivement de pension, ne serait pas justifiable en droit européen.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement considère que ce serait à tort que les demandeurs demanderaient d’appliquer directement le droit communautaire, sinon de bien vouloir soumettre à la CJUE des questions préjudicielles tendant à obtenir une décision de la CJUE « sur le pays responsable pour applique le tarif « splitting » aux travailleurs frontaliers non-résidents mariés et sur la compatibilité de la législation fiscale luxembourgeoise concernant l’imposition des travailleurs mariés non-résidents avec le droit européen. » Le délégué du gouvernement rappelle que le présent litige se limite à l’inscription sur la fiche de retenue d’impôt de la classe d’impôt et le caractère essentiellement provisoire de l’inscription de la classe d’impôt 1 sur la fiche de retenue d’impôt. Il indique que cette inscription n’empêcherait en aucun cas le contribuable de demander l’assimilation après l’année d’imposition dans le cadre de son imposition par voie d’assiette. Il soulève ensuite le fait que les arguments adverses tendant à la violation de l’article 45 TFUE devraient être formés contre une décision définitive qui sera le bulletin d’imposition.

Ensuite, il considère qu’il n’y aurait de toute manière pas lieu de faire droit à la demande des contribuables puisque les moyens soulevés par eux à l’appui de leur recours ne soulèveraient aucune question relative à l’application de l’article 45 TFUE, que les réponses aux questions formées ne seraient nullement nécessaires à la solution du litige sous examen et que les réponses à ces questions se dégageraient d’ores et déjà de la jurisprudence existante de la CJUE. Il se réfère à cet égard particulièrement à l’affaire « C-391/97 … »24 qui aurait toisé le cas d’un travailleur marié, habitant aux Pays-Bas et gagnant un certain pourcentage du revenu commun du couple en Allemagne. Selon la Cour, celui-ci n’aurait pas automatiquement droit à l’avantage fiscal du « splitting » prévu par le droit allemand. Dans ce contexte, il expose en détail la jurisprudence « … » en relevant le principe de non-comparabilité entre résidents et non-

résidents qui ne serait pas discriminatoire compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents, tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale.

23 CJCE, 14 septembre 1999, … C-391/97, Rec. p. I-5451.

24 CJCE, 14 septembre 1999, … C-391/97, Rec. p. I-5451.

Le délégué du gouvernement cite ensuite la jurisprudence « … »25 selon laquelle il y aurait discrimination si le non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l’Etat de résidence et tirerait l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat d’emploi puisqu’à cet instant le non-résident se trouverait dans une situation similaire qu’à celle du résident. Or, au vu de l’arrêt « … »26, il conclut qu’une réglementation qui permettrait justement la prise en compte de la situation personnelle et familiale des non-salariés, lorsque ces derniers percevraient la très grande majorité des revenus du couple dans cet Etat serait conforme au principe de libre circulation des travailleurs.

Les demandeurs pour leur part reprochent à la partie étatique de faire abstraction de l’arrêt « … »27 qui serait beaucoup plus récent et qui prônerait une proratisation des avantages fiscaux en fonction du droit d’imposition dont disposent ces Etats.

Ils plaident ensuite pour une non-application de l’arrêt « … »28 en insistant sur la différence entre les deux méthodes alternatives pour éviter les doubles impositions, à savoir la méthode d’exemption et la méthode d’imputation. A cet égard, il considère que la Convention de non double imposition entre les Pays-Bas et l’Allemagne serait particulière en s’approchant davantage d’un système d’imputation, de sorte à ne pas pouvoir être transposable au cas d’espèce puisque la convention franco-luxembourgeoise prévoirait la méthode de l’exemption du revenu étranger.

Les demandeurs émettent ensuite différentes hypothèses selon lesquelles la France pourrait réagir afin de prendre en compte leur situation familiale et en concluent que la présomption selon laquelle leur situation personnelle et familiale devrait être prise en compte dans l’Etat de résidence serait renversée en l’espèce puisque seul le Luxembourg pourrait prendre en compte leur situation familiale sur des revenus exonérés en France.

Les demandeurs plaident finalement pour une application de la jurisprudence tirée de l’arrêt « … », en insistant sur la nécessité d’assurer aux contribuables que, au total, l’ensemble de leur situation personnelle et familiale soit dûment prise en compte, en concluant à l’application d’une imposition proratisée mais prenant en compte la totalité de la situation familiale et en critiquant que le dispositif national d’un seuil statique rigide de 90 % serait disproportionné et injustifié au regard de l’article 45 TFUE.

En conclusion, le dispositif national en cause qui aurait pour effet de refuser intégralement l’avantage fiscal du « splitting », sans tenir compte de la fraction des revenus imposée au Luxembourg pour le calcul dudit avantage, serait une entrave disproportionnée et injustifiable à la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE.

S’agissant ainsi de la question de la conformité de l’article 157bis LIR au droit communautaire, plus précisément au principe de la libre circulation des personnes, le tribunal est amené à préciser qu’il est de jurisprudence constante que, si la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle de la compétence de l’Union européenne, il n’en demeure pas moins que les Etats membres doivent exercer leurs compétences retenues en cette matière dans 25 CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225.

26 CJCE, 14 septembre 1999, …, C-391/97, Rec. p. I-5451.

27 CJUE, 9 février 2017, …, C283/15.

28 CJCE, 14 septembre 1999, …, C-391/97, Rec. p. I-5451.

le respect du droit communautaire29.

L’article 45 TFUE dont se prévalent les demandeurs dans ce contexte dispose que « 1.

La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

(…) ». Cette disposition du TFUE est directement applicable et confère donc aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice30.

En vertu d’une jurisprudence constante de la CJUE, les règles d'égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat.31 Par ailleurs, la Cour de Justice a jugé, d’une part, qu’une réglementation d’un Etat membre, qui réserve des avantages fiscaux aux seuls résidents sur le territoire national, risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres Etats membres, puisque les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux, de sorte qu’une telle réglementation est susceptible de constituer une discrimination indirecte en raison de la nationalité32 et, d’autre part, qu’une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application de la même règle à des situations différentes.33 Il a encore été jugé qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents dans un Etat ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un Etat par un non-résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle.34 La Cour de Justice a toutefois jugé qu’il en va différemment dans le cas où le non-

résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l’Etat de sa résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat d’emploi, de sorte que l’Etat de résidence n’est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale. En effet, s’agissant d’un non-résident qui perçoit, dans un Etat membre autre que celui de sa résidence, l’essentiel de ses revenus, la discrimination consiste en ce que la situation personnelle et familiale de ce non-résident n’est prise en compte ni dans l’Etat de résidence ni dans l’Etat d’emploi.35 En d’autres termes, l'obligation de prendre en compte la situation personnelle et familiale ne pèse sur l'État membre d'emploi que lorsque le contribuable tire la quasi-totalité ou la totalité de ses ressources imposables d'une activité 29 CJCE, 4 octobre 1991, Commission/Royaume-Uni, C-246/89, Rec. P. 1-4585, point 12 ; CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225, pt.21 30 En ce sens : CJCE, 4 décembre 1974, …, affaire 41/74.

31 En ce sens : CJCE, 19 février 1974, …, 152/73, Rec. p. 153 ; CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-

00225 ; CJCE, 16 mai 2000, …, C-87/99, Rec. p. I-3337.

32 CJCE, 14 février 1995, … C-279/93, Rec. 1995 I-00225 ; CJCE, 16 mai 2000, … C-87/99, Rec. p. I-3337.

33 En ce sens : CJCE, 14 février 1995, … C-279/93, Rec. 1995 I-00225.

34 Par exemple : CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225 ; CJCE, 14 septembre 1999, …, C-

391/97, Rec. p. I-5451 ; CJCE, 16 mai 2000, … C-87/99, Rec. p. I-3337.

35 CJCE, 14 février 1995, …, C-279/93, Rec. 1995 I-00225.

exercée dans ce dernier et qu'il ne perçoit pas de revenu significatif dans son État de résidence, de sorte que celui-ci n'est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale.36 La libre circulation des travailleurs est un principe de non-discrimination assurant le respect de l’égalité de traitement des personnes de nationalité différente. Or, toute différence de traitement n’implique pas pour autant également l’existence d’une discrimination, car, d’après la Cour, le principe de non-discrimination implique non seulement que l’on traite de la même manière ce qui est essentiellement similaire, mais commande également de traiter différemment ce qui est réellement distinct. Or, la différence de traitement fiscal des résidents et non-résidents ne constitue justement pas une discrimination indirecte dans son principe, car la différence de traitement fiscal des résidents et des non-résidents est a priori justifiée en droit fiscal.37 Le principe en droit fiscal est donc une sorte de présomption de non-comparabilité entre ces deux groupes de personnes, impliquant que l’Etat de source peut, de ce fait, faire abstraction de la situation personnelle du contribuable, car il ne peut, de toute façon, imposer que certains revenus, à savoir ceux générés sur son territoire.

L’assimilation des non-résidents aux résidents en accord avec les jurisprudences précitées devra notamment être opérée, si la situation factuelle des non-résidents, prise dans son ensemble, est objectivement fort proche de celle des résidents de l’Etat de la source ; dans ce cas, ce dernier devra étendre aux non-résidents le traitement fiscal réservé en principe aux résidents. Selon la CJUE, cela sera le cas lorsque « le non-résident puise l’essentiel de ses ressources économiques de l’Etat de la source »38. Dans ce cas, l’Etat de résidence, normalement mieux à même de prendre en considération la situation individuelle du contribuable, ne sera matériellement pas en mesure de procéder ainsi, car le contribuable n’aura pas de revenus imposables dans son pays de résidence. De ce fait, les abattements et déductions permettant de passer de la capacité contributive objective à la capacité subjective devront être pris en considération dans l’Etat de la source. Selon l’arrêt « … », l’ajustement de la capacité objective par les facteurs subjectifs devra être opéré quelque part, chaque contribuable ayant droit à ce que sa situation personnelle soit dûment prise en considération. Tout dépendrait donc du pourcentage de revenus générés dans l’Etat de la source par rapport à l’ensemble des revenus du contribuable. L’arrêt …, à l’origine de l’introduction de l’article 157ter LIR dans sa version originale dans le droit national, a considéré qu’une assimilation aux résidents s’impose à l’Etat de la source lorsque le non-résident y tire 90% au moins de ses revenus. La même solution doit être retenue lorsque le non-résident ne perçoit aucun revenu dans l’Etat de résidence ou n’y bénéficie que de revenus exonérés. Dans l’arrêt « … », la Cour a considéré que 58% ne suffisaient pas pour considérer que la situation personnelle et familiale de ce non-résident n’est pas prise en compte.

En l’espèce, si certes les réflexions des demandeurs concernant leur cas d’espèce ne sont pas dénuées de pertinence, il appartient néanmoins aux demandeurs de rapporter en premier lieu la preuve d’une discrimination non justifiée au sens de la jurisprudence européenne.

Or, force est au tribunal de constater que d’une part le présent litige ne concerne que la fiche de retenue d’impôt, plus particulièrement la classe d’impôt y retenue et se meut ainsi au niveau d’un mode particulier et provisionnel de recouvrement de l’impôt annuel sur le revenu 36 CJCE, 12 décembre 2002, …, C-385/00.

37 En ce sens …, Précis de droit fiscal communautaire, …, p.68.

38CJCE, 18 juillet 2007, …C 182/06 ; CJCE, 16 octobre 2008, …, C-527/06.

moyennant prélèvements à la source sur les pensions allouées au cours d’une année. Le litige ne se situe donc pas dans le cadre de l’imposition définitive, y compris la classe d’impôt y retenue définitivement, des époux … pour l’année 2018. Or, ce n’est que lors de l’imposition définitive qu’il peut s’avérer que la situation personnelle et familiale du contribuable n’est prise en compte ni dans l’Etat de résidence, ni dans l’Etat d’emploi et que, dès lors, la réalité d’une discrimination contraire à l’article 45 TFUE peut être constatée, le cas échéant. A ce stade-ci de la procédure, la réaction de l’administration fiscale française face à cette imposition provisoire luxembourgeoise demeure encore une inconnue. D’autre part, les demandeurs n’ont soumis au tribunal aucune pièce probante quant à leur situation fiscale en France et au Luxembourg étayant concrètement leur situation fiscale dans son ensemble pour l’année 2018.

Il est vrai que les demandeurs ont oralement indiqué que la retenue opérée sur la pension de Monsieur …sur base de la classe d’impôt 1 au lieu de la classe d’impôt 2 avant l’année 2018, aurait comme conséquence une imposition provisoire plus élevée et corrélativement une diminution de leur revenu disponible. Or, afin de retenir une discrimination en l’espèce, les demandeurs auraient dû, d’une part, prouver que leur situation serait comparable à celle de résidents et, d’autre part, que l’Etat de résidence ne serait pas à même de prendre en compte leur situation personnelle et familiale. Or, pour ce faire, il aurait dû attendre de recevoir et soumettre au tribunal aussi bien leur bulletin d’impôt luxembourgeois, que français en calculant le pourcentage de revenus générés dans l’Etat de source par rapport à l’Etat de résidence. Une fois ce pourcentage déterminé les demandeurs auraient, d’un côté, été à même de plaider qu’ils se trouvent dans une situation comparable à un résident et, d’un autre côté, d’établir que les revenus générés dans l’Etat de résidence ne permettent pas que leur situation personnelle soit dûment prise en considération dans son ensemble. Et seulement à ce moment, les demandeurs auraient pu éventuellement démontrer que leur situation personnelle et familiale n’était prise en compte dans aucun des deux pays. Or, dans la mesure où les arguments des demandeurs reposent sur de simples hypothèses et qu’ils n’ont pas fourni de preuves documentant une quelconque discrimination en l’espèce, la présomption de non comparabilité entre résidents et non-résidents n’a pas été renversée en l’espèce et en l’absence de telles pièces, le tribunal n’est pas en mesure d’exercer sa mission de contrôle.

Les demandeurs semblent encore plaider un droit acquis par rapport aux années d’imposition antérieures. Or, lors d’un changement de législation, les demandeurs ne sauraient plaider que leur situation actuelle leur est plus défavorable que la situation antérieure, si celle-

ci ne repose pas sur une discrimination prouvée.

S’il est encore vrai que la CJUE a retenu, tel qu’invoqué par les demandeurs, qu’un simple « désavantage temporaire de trésorerie » suffisait pour caractériser une entrave39. Ces jurisprudences ne sont pas transposables au cas d’espèce puisqu’elles concernaient des entraves dissuadant un ressortissant d’un Etat membre de quitter son Etat d’origine, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque les demandeurs plaident une discrimination par rapport aux contribuables résidant au Luxembourg.

A défaut pour les demandeurs d’avoir soumis au tribunal des pièces à l’appui de leurs allégations et de préciser en l’espèce en quoi l’application de l’article 157bis LIR serait susceptible de conduire à une discrimination dans leur chef et ainsi violer le principe de la libre circulation des personnes consacré par l’article 45 TFUE – autre que de par des hypothèses - , le moyen afférent n’est pas fondé, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence d’une partie dans la présentation d’un moyen de droit et la fourniture de pièces.

39 En ce sens, CJCE, 15 octobre 2009, …, C-35/08 et CJUE, 12 juillet 2012, Espagne c/Comission, aff. 269/09.

Il s’ensuit que compte tenu de cette analyse, la question préjudicielle proposée par les demandeurs n’est pas pertinente et ne revêt dès lors pas d’objet utile justifiant à être soumise à la CJUE sur le fondement de l’article 267 du TFUE.

Il suit partant de l’ensemble des développements qui précèdent que les moyens invoqués par les demandeurs à l’appui du recours sous examen sont à rejeter pour ne pas être fondés.

Il s’ensuit dès lors que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2021 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s. Lejila Adrovic s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 30


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 41596
Date de la décision : 04/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-04;41596 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award