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03/02/2021 | LUXEMBOURG | N°43759

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2021, 43759


Tribunal administratif N° 43759 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 3 février 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43759 du rôle et déposée le 6 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maît

re Claude Geiben, avocat à la Cour, inscrit au tableau des avocats de Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif N° 43759 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2019 1re chambre Audience publique du 3 février 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et contre un bulletin de l’impôt sur le revenu, en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43759 du rôle et déposée le 6 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude Geiben, avocat à la Cour, inscrit au tableau des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 août 2018, référencée sous le numéro C25444, portant rejet de sa réclamation introduite contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017 et 2) du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2020 par Maître Claude Geiben pour compte de Monsieur …, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale et le bulletin entrepris ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 18 novembre 2020, et vu les remarques écrites de Maître Claude Geiben et de Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer du 16 novembre 2020 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 20 novembre 2020 prononçant la rupture du délibéré ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport complémentaire et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 novembre 2020, et vu les remarques écrites de Maître Claude Geiben du 24 novembre 2020 produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

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Suite au dépôt par Monsieur … de sa déclaration de l’impôt sur le revenu de l’année 2017, le préposé-adjoint du bureau d’imposition Luxembourg 5 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », s’adressa à Monsieur … à travers un courrier du 17 août 2018 sur le fondement du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », pour l’informer que le bureau d’imposition entendait porter le revenu net provenant de la location de biens tel que déclaré de -… euros à … euros, au motif suivant :

« Le bureau d’imposition L5 est d’avis que le montant du loyer déclaré pour la maison louée s’éloigne trop du loyer maximal prévu d’après le code civil, c’est-à-dire 5% du capital investi.

Tout loyer réduit est à interpréter dans le sens d’une mise à disposition gratuite par le propriétaire. » Le 5 septembre 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de Monsieur … le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017, ledit bulletin renvoyant au courrier précité du 17 août 2018.

Par courrier daté du 4 octobre 2018, Monsieur … introduisit par l’intermédiaire de son litismandataire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », à l’encontre dudit bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017.

Par décision du 8 août 2019, référencée sous le no C 25444 du rôle, le directeur déclara la réclamation de Monsieur … non fondée. Ladite décision est basée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu la requête introduite en date du 5 octobre 2018 par Me Claude Geiben au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2017, émis le 5 septembre 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir pris en compte la perte de location en relation avec l'immeuble sis à … ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en date du 18 mars 2016, le réclamant a acquis une maison en état futur d'achèvement sise à … ; que cet immeuble est loué depuis le 1er juillet 2016 au sieur …, frère du réclamant et son épouse, pour un loyer mensuel de … euros ;

Considérant que le réclamant a déclaré pour l'année litigieuse des frais d'obtention en relation avec cette maison ; que le bureau d'imposition a refusé la déduction de ces frais, du fait que l'occupation de l'immeuble serait à considérer comme une mise à disposition à titre gratuit ;

Considérant qu'en l'espèce, il y a d'abord lieu d'examiner si le loyer mensuel s'élevant à …euros est à considérer comme loyer approprié tel qu'il se ferait entre tiers ;

Considérant qu'il n'est pas d'usage entre tiers de convenir d'un loyer réduit pour des raisons personnelles, sans tenir compte de la valeur de l'immeuble, de sa situation et de son rendement possible ;

Considérant qu'aux termes de l'article 98, alinéa 1er, n° 1 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), est considéré comme revenu provenant de la location de biens le revenu provenant de la location et de l'affermage de biens meubles ou immeubles, pour autant que ce revenu n'est pas à classer aux numéros 2 et 3 ; qu'il faut néanmoins, que le contribuable ait une intention sérieuse de s'enrichir et de gagner de l'argent moyennant cette source de revenu;

Considérant que la loi du 27 août 1987 portant réforme de la législation sur les baux à loyer a été remplacée par la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil ; que l'ancienne loi avait retenu que « le taux de l'intérêt normal devant servir de base pour le calcul du loyer des immeubles à usage d'habitation dont la construction a été achevée après le 10 septembre 1944 est fixé à 5% l'an»;

que « sont compris dans ce taux les frais d'entretien et autres qui sont à charge du propriétaire» ; que cette formulation a été remplacée par l'article 3, alinéa 1er de la nouvelle loi aux termes duquel « la location d'un logement à usage d'habitation ne peut rapporter au bailleur un revenu annuel dépassant un taux de 5 % du capital investi dans le logement » ;

Considérant, à titre purement indicatif, que, contrairement aux dispositions du Code civil qui sont supplétives, la nouvelle loi spéciale est impérative et d'ordre public ; que par conséquent, les dispositions de la loi de 2006 priment les dispositions générales contenues dans le Code civil (ainsi, par exemple, l'article 12 sur la prorogation légale du bail prime l'article 1738 du Code civil sur l'expiration du bail) ; qu'on peut noter qu'un des princip es introduits par la loi du 14 février 1955 en matière de baux à loyer, à savoir la fixation du loyer des logements en fonction du capital investi, est maintenu dans la nouvelle loi ; qu'en l'espèce, les composants de la valeur du capital investi ayant été acquis récemment, leur fixation n'a pas soulevé de problèmes et n'est pas contestée ;

Considérant que le réclamant a déclaré un prix de revient total de l'immeuble de … euros, correspondant à un loyer maximal de (… x 5% i.e.) … euros par an, soit … euros par mois ; que le montant de … euros (soit seulement 31,37 % de ce que le réclamant était en droit de demander), réclamé aux locataires par mois reste largement en dessous, non seulement du montant que le réclamant était légalement en droit d'exiger, mais encore du montant d'usage entre tiers pour un objet similaire, même compte tenu d'une certaine réduction du loyer concédée par le bailleur au preneur du bail pour des motifs familiaux ;

que même en réduisant une décote pour motifs familiaux de 25 pour cent du loyer que le réclamant était en droit de demander (… - (25% x …) = …), le loyer litigieux (de … euros) reste encore en dessous de la moitié du montant que le réclamant était légalement en droit d'exiger ;

Considérant qu'en outre, une comparaison des prix du marché concernant la location d'immeubles similaires à … a également révélé que le loyer litigieux est à considérer comme fortement sous-évalué ; que cette constatation corrobore l'interprétation d'une mise à disposition gratuite de l'immeuble litigieux, fût-elle avec participation aux frais, par le réclamant ;

Considérant que, si un contrat de bail, tel qu'en l'espèce, est à écarter du point de vue fiscal comme un contrat n'étant pas d'usage entre tiers, il s'ensuit que le loyer réduit est à interpréter dans le sens d'une mise à disposition gratuite par le propriétaire avec participation aux frais par les occupants ;

Considérant que le revenu de location est dès lors à déterminer com me si le propriétaire disposait lui-même de l'immeuble (article 12, alinéa 2 L.I.R.) ; que de ce fait la valeur locative forfaitaire (article 96, alinéa 2 et 3 L.I.R. ; article 98, alinéa 1 er, n° 5 L.I.R.) devient imposable dans le chef du réclamant dès que l'immeuble était à la disposition du requérant ; qu'en vertu des dispositions de l'article 4 du règlement -grand-

ducal du 12 juillet 1968, la valeur locative forfaitaire est fixée, en l'espèce, à (2.950 (valeur unitaire) x 0% i.e.) 0 euro pour l'année 2017 ;

Considérant que la valeur locative forfaitaire est un revenu semi-net, comprenant toutes les recettes et dépenses relatives à l'habitation et n'est susceptible d'être réduit le cas échéant, que des intérêts débiteurs, sous plafond ;

Considérant que l'habitation litigieuse n'est cependant pas habitée par son propriétaire qui dispose, en tant que propriétaire d'une autre résidence usuelle, de sorte qu'elle est à considérer comme résidence secondaire ; qu'en ce qui concerne les résidences secondaires, il importe de noter que l'article 4, alinéa 5 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 dispose que les intérêts passifs et les arrérages de rentes viagères ne sont pas déductibles lorsqu'ils sont en rapport économique avec une résidence secondaire ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 novembre 2019, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) de la décision du directeur du 8 août 2019 et 2) du bulletin de l’impôt sur le revenu de 2017.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les délai et formes de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur recours subsidiaire en annulation.

Dans son avis du 20 novembre 2020, le tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017 au regard du fait que le directeur a pris une décision à la suite de la réclamation dont il a été saisi.

Monsieur … fait valoir que l’article 8, paragraphes (1) et (3), point 1 de la loi du 7 novembre 1996, faisant référence aux « décisions » et aux « contestations relatives aux impôts directs de l'Etat », n'exclurait pas un recours contre le bulletin de l’impôt en présence d’une décision du directeur. Ce serait pour cette raison qu’il aurait présenté le recours aussi bien contre le bulletin d'impôt que contre la décision du directeur, en invitant le tribunal « de trancher, au besoin, l'un ou l'autre ».

Le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin.

En vertu de l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la loi du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre ledit bulletin de l’impôt.

Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a pris position suite à la réclamation introduite en date du 4 octobre 2018, les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation sont à déclarer irrecevables pour autant qu’ils sont dirigés directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de 2017.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur déclare être propriétaire d’une maison d’habitation unifamiliale d’une surface de 185 m² sise à … [sic, en réalité …] au … et avoir, dans le cadre de sa déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2017, fait état d’un revenu provenant de la location de biens immobiliers d’un montant négatif de - … euros, montant que le bureau d’imposition aurait redressé à … euros.

En droit, il déclare baser son recours sur les mêmes moyens que ceux présentés à l’appui de la réclamation introduite contre le bulletin d’imposition.

Ainsi, il critique la position du bureau d’imposition suivant laquelle les loyers devraient se situer autour de 5 % du capital investi dans le logement, correspondant au taux maximum autorisé par la législation en matière de location de biens immobiliers pour les besoins résidentiels.

A cet égard, il estime, en premier lieu, que cette position du bureau d’imposition ne serait en ligne avec aucune disposition fiscale, de sorte que la décision manquerait de base légale.

En second lieu, il fait valoir que cette analyse méconnaîtrait le marché locatif au Grand-

Duché de Luxembourg et surtout le marché au centre du pays et dans certaines autres parties du pays où les terrains et constructions seraient tellement chers que plus personne ne serait en mesure d’obtenir un degré de rentabilité récurrent de 5 % sur son bien foncier.

En se référant à la théorie de la « wirtschaftliche Betrachtungsweise », le demandeur relève qu’il faudrait prendre en compte les circonstances actuelles du marché immobilier, qui se caractériserait par une bulle spéculative respectivement un marché résidentiel en surchauffe, surtout sur le territoire de la Ville de Luxembourg et de certaines communes immédiatement attenantes, telle que la commune de Niederanven. Le demandeur affirme que les bulles spéculatives se caractériseraient par le fait que les prix à l’investissement seraient très élevés alors que le rendement récurrent serait petit en termes monétaires, c’est-à-dire en termes de pourcentage de l’intérêt gagné par rapport au montant du capital lié dès le départ dans l’investissement. Le même phénomène pourrait être observé concernant les rendements d’intérêts obligataires, sur les marchés monétaires, de même que sur les marchés financiers qu’ils soient en actions ou en obligations.

Le demandeur affirme que même si tel n’était pas encore le cas il y a 20 ou 30 ans au moment de la rédaction des sources citées par l’administration pour appuyer sa thèse, des loyers bruts avant impôt situés entre 2 et 3 % des investissements, voire en dessous, seraient devenus la règle, et cela déjà en 2017.

D’autre part, il fait valoir que la fixation d’un loyer notablement au-dessus des loyers des marchés actuels n’aurait pu se justifier en l’espèce puisqu’il aurait acheté la maison litigieuse au vu du retour de son frère au Luxembourg après que celui-ci aurait séjourné pour le compte du ministère des Affaires étrangères dans un certain nombre de pays en Afrique et en Amérique du Sud pour des projets sociaux d’aide au développement et aurait été rappelé au Luxembourg après 28 ans à l’étranger. Son frère serait très malade ce que témoigneraient les rapports des médecins. Dans ces conditions, il n’aurait même pas demandé le dernier loyer pour la maison vu la grave situation d’un très proche.

Il donne à considérer que même dans ces conditions d’une situation de famille spécifique, il ne pourrait être question de mise à disposition gratuite, tel que cela est affirmé par le bureau d’imposition, puisque le loyer payé représenterait environ 1,7 % de l’investissement à neuf et serait le double des frais du financement bancaire de l’ordre de … euros. Ainsi, s’il prenait un loyer de … euros, il perdrait chaque année au moins … euros de frais de financement bancaire réellement payés. De plus, il s’agirait d’une maison relativement petite.

Il souligne que suivant la jurisprudence administrative en relation avec l’article 98 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), et notamment à un arrêt de la Cour administrative du 18 novembre 2008, inscrit sous le n° 24712C du rôle, et un jugement du tribunal administratif du 4 avril 2017, inscrit sous n° 37983 du rôle, il conviendrait d’apprécier in concreto en cas de contrat de location conclu entre proches, si face à l’apparence juridique créée par l’existence d’un contrat de bail, il y a des indices concrets et concordants permettant de retenir qu’il n’y a pas de revenus locatifs, ou si un contrat de bail écrit conclu en conformité avec les dispositions applicables du droit civil dégagerait une apparence juridique susceptible d’appuyer la réalité du contrat aux fins d’une qualification des revenus afférents comme revenu de location au sens de l’article 98, point 1a) LIR.

Enfin, le demandeur fait valoir que les intérêts débiteurs devraient rester déductibles dans tous les cas en vertu de l’article 98, point 5, LIR et même s’il y avait taxation d’office.

Au-delà de ces moyens d’ores et déjà développés dans le cadre de la réclamation, le demandeur déclare développer des moyens supplémentaires.

Il reproche ainsi d’abord au directeur de ne pas avoir indiqué quel serait un loyer approprié et de s’être référé uniquement à la législation purement civile sur le bail à usage d’habitation.

Or, la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation, ci-après désignée par « la loi du 21 septembre 2006 », n’aurait déjà en 2017 plus été en phase avec le niveau actuel des loyers au Luxembourg.

En second lieu, il fait valoir que cette loi, dans un souci de protection des intérêts des locataires, aurait fixé un plafond en termes de rendement de la valeur d’un immeuble, respectivement de retour sur l’investissement pour le propriétaire, plafond qui serait inchangé depuis 1955. Il s’agirait dès lors d’un seuil d’une époque où les rendements étaient notoirement et largement supérieurs.

En troisième lieu, le demandeur donne à considérer que ce ne serait pas parce que le législateur aurait fixé en matière civile un plafond maximum en termes de rendement qu’il faille dans tous les cas demander un loyer ayant ce niveau-là, le raisonnement du directeur étant, par ailleurs, diamétralement opposé aux objectifs de cette loi, fixant un maximum, alors que ni cette loi ni d’ailleurs une autre loi ne fixerait un minimum.

En quatrième lieu, le demandeur souligne que la référence faite au caractère impératif ou d’ordre public de la loi du 21 septembre 2006 ne serait pas convaincant puisqu’il ne s’agirait que de l’une des législations classiques protectrices de la partie contractuelle la plus faible, à savoir le locataire, le demandeur réitérant, à cet égard, que si la loi édictait un loyer maximum, elle ne fixerait pas de minimum.

S’agissant de la référence faite par le directeur à des prix du marché concernant la location d’immeubles à …, le demandeur donne à considérer que la décision du directeur ne contiendrait aucune explication concrète à ce sujet.

Il s’ensuivrait que le directeur aurait conclu trop hâtivement à l’application des articles 12, 96 et 98 LIR, ces dispositions n’étant d’application que s’il y a gratuité au plein sens du terme.

Ainsi, le point 2 de l’article 12 LIR se référerait aux « libéralités, dons et subventions », non déductibles, donc aux cadeaux, alors qu’en l’espèce, il ne s’agirait pas d’une libéralité, d’un don ou d’une subvention. Il s’agirait tout au plus d’une question de mise en relation des frais liés à l’immeuble avec le niveau des revenus, de sorte qu’il s’agirait de savoir dans quelle mesure ces frais peuvent être déductibles lorsque le loyer n’atteint pas la limite légale visée par la décision directoriale.

En citant des passages des études fiscales, n° 9 et 10, d’avril-mai de l’année 1965, le demandeur donne encore à considérer que la gratuité d’une habitation devrait être clairement qualifiée et pouvoir être déduite des faits, tout en relevant que l’imposition d’un revenu serait le principe et que la gratuité et partant la non-imposition serait l’exception en droit fiscal.

Le demandeur souligne que le loyer litigieux ne constituerait ni un loyer à vil prix, ni à prix symbolique, ce qui militerait encore contre l’application de la théorie de la gratuité.

D’autre part, le demandeur donne à considérer qu’à supposer que l’activité de location s’apparente à une activité d’amateur, il n’en résulterait pas qu’il faille « tout négliger, aussi bien en termes de résultat pécuniaire qu’en termes de pertes et de dépenses », le demandeur se référant, à cet égard, à un article paru dans les études fiscales numéro 124/127 de mai 2002, intitulé « Notions fiscales de base concernant l’impôt sur le revenu », dont il cite des extraits à propos de la question de la déduction des intérêts débiteurs en relation avec l’acquisition de biens servant à l’exercice d’une activité d’amateur.

Le demandeur en conclut que même à admettre que le résultat des revenus locatif est de … euros, il aurait fallu retenir une requalification effective des intérêts débiteurs payés par lui pour l’emprunt contracté pour financer l’acquisition de la maison litigieuse et dans les limites de la loi. Il estime que même si le plafond des intérêts déductibles en vertu de l’article 109 LIR avait été atteint par d’autres charges déductibles, ces précisions auraient dû figurer sur le bulletin d’imposition, contrairement à la mention critiquée par lui.

En conclusion, le demandeur demande la réformation de la décision directoriale en ce que le revenu provenant de la location de biens de l’année 2017 a été réduit d’office à … euros.

Subsidiairement, il demande la réformation de ladite décision en ramenant à de justes et équitables proportions le revenu provenant de la location de biens compte tenu du loyer annuel encaissé et déclaré par lui et les frais, notamment de financement, subis par lui.

Sinon, encore plus subsidiairement, le demandeur demande au tribunal de retenir que l’administration aurait dû considérer comme dépenses spéciales les intérêts payés pendant l’année 2017 sur le prêt de financement immobilier en relation avec l’acquisition de l’immeuble et d’en faire mention sur le bulletin.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en faisant plus particulièrement état de ce que la réalité du contrat de bail, visant la maison litigieuse - qui se trouverait à … et non pas au … - ne serait pas établie.

A cet égard, il relève que le respect des stipulations contractuelles ne serait pas prouvé, puisqu’aucun virement établissant le paiement du loyer mensuel ne serait versé. S’y ajouterait qu’il ne serait pas établi que les frais et charges seraient réellement payés par le locataire par le versement d’acomptes au profit du bailleur, ni que la garantie locative à hauteur de … euros prévue suivant le contrat de bail ait été payée. Dans ces conditions, il ne serait pas à exclure que les parties aient ignoré les stipulations contractuelles en raison de leurs liens familiaux.

Le délégué du gouvernement estime que la qualification de mise à disposition gratuite telle que retenue par le bureau d’imposition serait justifiée, en se prévalant, à cet égard, de l’article 98 LIR, ainsi que de la jurisprudence en la matière et plus particulièrement d’un arrêt de la Cour administrative du 9 mars 2010, inscrit sous le n° 26350C du rôle, et d’un jugement du tribunal administratif du 4 avril 2017, inscrit sous le n° 37983 du rôle.

Il conclut qu’en l’espèce, de nombreux éléments permettraient de conclure à une mise à disposition gratuite de la maison par le requérant à son frère et à sa belle-sœur, notamment au regard du loyer dérisoire retenu, de la hauteur de la garantie locative restant bien en-dessous de la pratique du marché et de l’absence de volonté de s’enrichir dans le chef du demandeur, trois critères sur lesquels le délégué du gouvernement prend ensuite position plus en détail.

Le délégué du gouvernement conteste ensuite la déductibilité des intérêts débiteurs réclamés par le demandeur même dans l’hypothèse de la qualification d’une mise à disposition gratuite.

Il fait ainsi valoir que dans cette hypothèse, le revenu de location serait à déterminer comme si le propriétaire disposait lui-même de l’immeuble conformément à l’article 12, alinéa (2) LIR. La valeur locative forfaitaire deviendrait, sur le fondement des articles 96, alinéas (2) et 3 LIR et 98, alinéa (1), point 5 LIR, imposable dans le chef du demandeur dès que l’immeuble était à sa disposition.

En vertu de l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupée à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance viager ou légal, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 », la valeur locative forfaitaire serait fixée en l’espèce à … euros pour l’année 2017.

Le délégué du gouvernement ajoute que si l’article 4, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, précité, prévoyait a priori la déductibilité des intérêts passifs payés, l’alinéa (5) du même article disposerait cependant que « par dérogation à l’alinéa 2 au-

dessus, les intérêts passifs et les arrérages de rente viagère ne sont pas déductibles lorsqu’ils sont en rapport économique avec une résidence secondaire ». En l’espèce, la maison litigieuse serait à considérer comme résidence secondaire du demandeur, puisque sa résidence principale serait située au 104, ….

En conséquence, la demande relative à la déductibilité des intérêts débiteurs formulée à titre subsidiaire ne serait pas fondée.

Dans sa réplique, le demandeur insiste sur la considération qu’il aurait perçu le loyer et qu’il l’aurait déclaré, en reprochant à l’Etat de violer tout principe de loyauté puisque des preuves du paiement du loyer ne lui auraient jamais été demandées. En s’offusquant contre les contestions de l’Etat quant à la réalité du contrat de bail, le demandeur déclare ne pas répondre à cette argumentation.

Le demandeur conteste ensuite la pertinence de l’offre de location d’une autre maison à … dont fait état le délégué du gouvernement au motif que l’objet ne serait pas comparable au niveau de la finition, des surfaces habitables et de l’époque de mise en location, tout en soulignant que les prix affichés par les agences ne seraient pas forcément ceux finalement convenus et que les prix des loyers seraient faits par les marchés et non pas par la loi fiscale.

Enfin, il réfute la pertinence de la référence faite par l’Etat à la garantie locative, conteste qu’il s’agirait d’une location de complaisance familiale et reproche à l’Etat de ne pas indiquer la base légale de la qualification de l’immeuble à … de résidence secondaire, tout en soulignant que l’immeuble ne serait pas à sa disposition au sens de l’article 96, alinéas (2) et (3) LIR Le litige sous examen soulève la question de savoir si le demandeur a, durant l’année d’imposition 2017, à juste titre pu déclarer des revenus locatifs au sens du point 1 de l’article 98, paragraphe (1) LIR en relation avec la mise à disposition à son frère et sa belle-sœur d’une maison sise à … ou s’il faut qualifier la relation contractuelle litigieuse de simple mise à disposition gratuite, engendrant une taxation forfaitaire suivant le point 5 de l’article 98, paragraphe (1) LIR et impliquant dès lors que les frais d’obtention y relatifs, hormis les intérêts débiteurs dans les limites des dispositions de l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, ne seraient pas déductibles.

L’article 98, paragraphe (1) LIR définit et délimite cinq catégories de revenus de location de biens qui, fiscalement, déclenchent un revenu taxable et parmi lesquelles figurent :

- au point 1., une source de revenus effective constituée par « la location et […] l’affermage de biens meubles ou immeubles, pour autant que ce revenu n’est pas à classer aux numéros 2 [concession du droit d’exploitation ou d’extraction de substances minérales ou fossiles] et 3 [redevances payées pour l’usage ou la concession de l’usage, d’un droit d’auteur, d’un brevet etc] ci-après », et - au point 5., une source de revenus fictive constituée par « la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire, y compris celle des dépendances ».

Force est de constater que l’Etat a émis des doutes concernant la réalité économique des revenus locatifs déclarés par le demandeur aux motifs (i) que le loyer serait largement en dessous non seulement du maximum prévu par la législation sur le bail à loyer, mais encore des loyers sur le marché immobilier pour des objets similaires, et cela même compte tenu d’une certaine réduction du loyer en raison des liens familiaux (ii) que la garantie locative serait largement en dessous de ce qui serait d’usage en la matière, (iii) que le demandeur n’aurait pas prouvé la réalité du paiement des loyers et de la garantie locative, (iv) que la prise en charge des frais par l’occupant à travers le paiement d’avances régulières ne serait pas établie et (v) que les explications du demandeur quant aux circonstances dans lequel l’immeuble litigieux avait été acheté, à savoir le retour de son frère malade au Luxembourg, permettraient de conclure que la maison a été mise à disposition non pas dans un but de rechercher un gain financier, mais plutôt en raison d’une complaisance familiale.

A cet égard, le tribunal relève de prime abord que conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. La charge de la régularité de la procédure fiscale appartient à l’administration.

La preuve peut être rapportée par tous les moyens, hormis le serment. ».

En vertu de cette disposition, il n’appartient dès lors pas à l’Etat, tel que le demandeur l’affirme à tort dans sa réplique, qu’incombe la charge de la preuve d’une absence de but de lucre, mais au contraire au demandeur, qui entend faire état d’un revenu négatif provenant de la location de biens et qui de la sorte entend réduire la cote d’impôts à payer, d’établir, face aux contestations de l’Etat, qui estime qu’il s’agirait d’une mise à disposition gratuite par le propriétaire avec participation aux frais par les occupants, que le revenu négatif déclaré correspond à une réalité économique.

En l’espèce, il se dégage des pièces à la disposition du tribunal que le demandeur a signé le 14 juin 2016 avec son frère et sa belle-sœur, Monsieur … et Madame …, un contrat de bail portant sur la maison litigeuse sise à …, avec effet au 1er juillet 2026. Ledit contrat de bail prévoit un loyer mensuel de … euros, ainsi qu’une garantie locative de … euros à payer sur le compte du demandeur. Ledit contrat définit en outre les frais et charges qui sont à charge du locataire.

Il est admis qu’un contrat de bail à loyer conclu en conformité avec les dispositions applicables du droit civil dégage une apparence juridique susceptible d’appuyer la réalité du contrat à l’appui d’une qualification des revenus afférents comme revenus de location au sens de l’article 98, paragraphe (1) 1. LIR1.

Le droit fiscal, en général, ne se limite toutefois pas à considérer et à qualifier fiscalement les apparences créées par les formes juridiques, notamment de droit civil, utilisées pour une opération déterminée, mais il tend à aller au-delà de ces qualifications et à rechercher et à dégager la réalité économique, c’est-à-dire il permet le renversement des apparences juridiques et une requalification fiscale de l’opération concernée et, en particulier, il implique qu’il importe aussi d’avoir égard à la formation et à l’exécution des concepts juridiques employés, qui doivent correspondre à ce qui est d’usage entre tiers.

Tel est en particulier le cas concernant, comme en l’espèce, d’un contrat de bail conclu entre membres d'une même famille.

Si le principe de l’interprétation économique s’oppose plus particulièrement à ce que des loyers fictifs ou des loyers qui se révèlent être manifestement en-dessous du rendement possible soient fiscalement reconnus comme des recettes, il est néanmoins nécessaire que des indices concrets et concordants se dégagent des éléments d’appréciation soumis en cause, une requalification fiscale de l’opération devant reposer sur des indices concrets et concordants se dégageant des éléments d’appréciation soumis2.

Il a encore été jugé que si le niveau du loyer convenu entre parties peut constituer un élément d’appréciation dans l’analyse de la réalité économique de l’opération pour autant qu’il se situe en-dessous du plafond légal admissible, il ne constitue néanmoins pas le seul élément à prendre en considération et il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de nature à dégager la réalité économique de l’opération sous-jacente à l’usage de certaines formes juridiques, en l’occurrence celle d’un contrat de bail3.

Il appartient dès lors au tribunal d’examiner en l’espèce, si, au-delà de l’apparence crée par la signature d’un contrat de bail, les revenus locatifs dont fait état le demandeur d’un point de vue fiscal et en conséquence les frais qu’il entend déduire en relation avec ce revenu, correspondent à une réalité économique.

1 Cour adm. 18 novembre 2008, n° 24712C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 881 et les autres références y citées.

2 ibidem 3 Cour adm. 9 mars 2010, n° 26350C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 276 et les autres références y citées.

S’agissant de prime abord du niveau du loyer incriminé par l’Etat, force est de constater qu’il n’est pas contesté que la maison litigieuse est une maison nouvellement construite, la maison ayant, en effet, été construite en 2016, tel que cela se dégage du modèle 190F de la déclaration de l’impôt du demandeur, et qu’elle a, suivant les explications du demandeur, une surface habitable de 185 m2. Le contrat de bail stipulant que le bail prend effet le 1er juillet 2016, il y a lieu d’admettre que le frère du demandeur était le premier occupant, le demandeur ayant déclaré lui-même que la maison avait été achetée vu le retour de son frère au Grand-

Duché de Luxembourg à la suite d’une mission professionnelle à l’étranger.

Le tribunal rejoint de prime abord le demandeur en ce qu’il estime que le fait que le loyer ne correspond pas au niveau maximum qu’un bailleur est en droit d’exiger suivant la législation en matière de bail à loyer, n’est à lui seul pas suffisant pour remettre en question la réalité économique du bail. En effet, la fixation du revenu annuel qu’un bailleur est autorisé à réclamer à un taux de 5% du capital investi dans le logement, telle que prévue par l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 21 septembre 2006, est expressément définie comme constituant le maximum autorisé, cette disposition dérogeant à l’autonomie de la volonté des parties dans le seul but de protéger les locataires louant un bien immobilier aux fins d’y établir leur résidence principale. Toutefois rien n’empêche un bailleur à réclamer, en application de la liberté contractuelle, un loyer moindre que celui correspondant à la limite maximale fixée,4.

Néanmoins, la fixation d’un loyer, comme en l’espèce, largement inférieur au maximum autorisé par la loi, le loyer mensuel de l’ordre de … euros prévu suivant contrat correspondant, en effet, suivant les explications non contestées sur ce point du délégué du gouvernement, à seulement 31,37 % du loyer que le demandeur serait en droit de réclamer au regard du prix de revient tel qu’il se dégage de sa déclaration de l’impôt, - celui-ci ayant déclaré un prix d’acquisition de … euros -, doit toutefois correspondre à une logique économique qui soit retraçable.

En l’espèce, le tribunal relève toutefois que le loyer n’est pas seulement largement en dessous du maximum que le demandeur serait en droit de réclamer en vertu de la législation en matière de bail à loyer, mais, de plus, est largement inférieur aux prix du marché, donc aux prix pratiqués entre tiers suivant les conditions du marché, le loyer déclaré correspondant, en effet, à seulement 37,5% du loyer mensuel de l’ordre de … euros pratiqué pour un bien de référence indiqué par le délégué du gouvernement. C’est en vain que le demandeur entend contester dans sa réplique la pertinence de cette référence. En effet, certes, tel que le relève le demandeur, l’annonce à laquelle le délégué du gouvernement se réfère date de février 2020, alors que le bail a, en l’espèce, pris effet en 2016, et certes les prix demandés ne sont pas nécessairement ceux qui sont finalement payés. Le constat s’impose toutefois que, premièrement, l’objet cité par l’Etat est tout à fait comparable, - cela indépendamment du fait que le prix de construction de cet immeuble que le demandeur essaie de calculer de manière théorique dans sa réplique n’est pas connu -, pour viser un immeuble également nouvellement construit et offert à une première location, situation dans laquelle il n’existe a priori aucune raison d’accorder un loyer réduit compte tenu d’éventuelles vétustés, qui a une surface habitable comparable (220 m2), et qui est, de plus, situé dans la même rue et, deuxièmement, l’écart entre le loyer mensuel déclaré par le demandeur (… euros) et celui de l’objet cité par la partie étatique (… euros) est tellement 4 Trib. adm. 22 janvier 2019, n° 40867 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 276.

flagrant que la seule évolution des prix du marché entre juillet 2016 et février 2020, soit 3 ans et demi, ne permet pas d’expliquer le loyer dont fait état le demandeur.

Encore que le loyer annuel dont fait état le demandeur dépasse les frais d’intérêts liés à l’emprunt contracté pour acheter le bien immobilier, tel que le soutient le demandeur, le tribunal constate toutefois que le demandeur reste en défaut de donner des explications objectives et plausibles de la pratique d’un prix largement en dessous des prix du marché. En tout cas, ses développements concernant l’évolution des marchés financiers en général et la référence à une bulle spéculative sur le marché immobilier, qui expliqueraient tout au plus une diminution du rendement d’un investissement immobilier, respectivement le fait que le loyer est en dessous du maximum prévu par la législation en matière de bail à loyer, ne sont pas convaincantes pour justifier la fixation d’un loyer largement en dessous des prix du marché pour des objets comparables.

Si encore les raisons familiales permettent, le cas échéant, d’expliquer une certaine réduction du loyer, - le directeur ayant d’ailleurs aussi reconnu une certaine réduction du loyer concédée par le bailleur au preneur du bail pour des motifs familiaux -, le tribunal retient néanmoins que le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments permettant de retenir que le loyer correspond à une réalité économique et qu’en signant le contrat de bail versé en cause, il ait été animé par un but de lucre, la circonstance avancée par le demandeur dans son recours que le bien aurait été acheté au vu du retour de son frère au Luxembourg plaidant d’ailleurs davantage contre un tel but.

Par ailleurs, force est de constater que face aux contestations de la partie étatique quant à la réalité de l’exécution du contrat de bail dont se prévaut le demandeur, ce dernier n’a pas produit en cause des justificatifs des paiements requis en exécution du contrat de bail, que ce soit du loyer en tant que tel, de la garantie locative, ou encore du remboursement de frais locatifs à charge du locataire. Au lieu de verser les extraits bancaires afférents face aux contestations de l’Etat, le demandeur s’est contenté, dans sa réplique, de s’offusquer contre cette contestation au motif qu’aucune preuve ne lui aurait été demandée au cours de la procédure d’imposition et en s’en référant au fait que des recettes locatives d’un montant total de … euros, correspondant au loyer mensuel de … euros, auraient été déclarés suivant le modèle 190F joint à la déclaration fiscale de l’année 2017. Or, le seul fait que le demandeur a déclaré des recettes locatives ne permet pas de retenir ipso facto leur perception effective, le demandeur ayant d’ailleurs fait état globalement d’un revenu de location largement négatif. De même, la circonstance qu’une preuve du paiement effectif des recettes déclarées n’a pas été réclamée au cours de la procédure précontentieuse ne constitue pas un obstacle aux contestations actuelles de la partie étatique.

Le tribunal relève encore que si le demandeur a raison d’affirmer dans sa réplique que le niveau de la garantie locative n’influe pas directement les revenus qu’un propriétaire entend tirer de son bien immobilier, mais a pour objet de garantir la bonne exécution du bail par le locataire, le constat s’impose toutefois que s’est justement la volonté du demandeur de tirer des revenus de son bien immobilier qui est remise en question en l’espèce par l’Etat. Or, face au loyer particulièrement réduit, qui plaide en faveur d’une mise à disposition gratuite avec participation aux frais, la garantie locative d’environ un demi mois de loyer seulement et qui, de façon non contestée, ne correspond pas à la somme équivalente à trois mois qui est usuellement versée en la matière, est susceptible de constituer un indice supplémentaire qui conforte les doutes de l’Etat.

L’ensemble des considérations qui précèdent, combinées à l’affirmation du demandeur qu’il aurait acheté la maison devant le contexte du retour de son frère de l’étranger, qui permet de penser que l’achat de la maison s’explique moins par la volonté de toucher des revenus de location, mais plutôt pour des raisons familiales, amènent le tribunal à retenir que le demandeur n’a pas dissipé les doutes de la partie étatique quant au caractère fictif du loyer déclaré.

Dans ces conditions, le tribunal est amené à confirmer la qualification de mise à disposition gratuite de la maison au frère et à la belle-sœur du demandeur avec participation aux frais, avec les conséquences en découlant et telles que retenues par le bureau d’imposition.

En effet, dans ces conditions, le revenu de location est déterminé comme si le propriétaire disposait lui-même de l’immeuble conforment à l’article 12, alinéa 2 LIR, aux termes duquel « Sans préjudice des dispositions relatives aux dépenses spéciales, ne sont déductibles ni dans les différentes catégories de revenus nets ni du total des revenus nets les dépenses ci-après énumérées: […] 2. les libéralités, dons, subventions. Il en est de même des allocations qui, n’ayant pas le caractère de dépenses d’exploitation ni de frais d’obtention, sont servies à des personnes qui, si elles étaient dans le besoin, seraient en droit, d’après les dispositions du code civil, de réclamer des aliments au contribuable, même au cas où les allocations sont susceptibles d’exécution forcée; », la valeur locative devenant imposable dans le chef du demandeur du moment que l’immeuble était à sa disposition.

Aux termes de l’article 98, paragraphe (1), point 5 LIR, la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire est considérée comme revenu provenant de la location de biens.

L’article 98, paragraphe (2) LIR habilite un règlement grand-ducal à « instituer un ou plusieurs régimes forfaitaires pour la détermination de la valeur locative d’habitations occupées par les propriétaires ».

En application de l’article 4, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, pris sur base de l’article 98, paragraphe (2) LIR, « La valeur locative annuelle est fixée à zéro pour cent de la valeur unitaire correspondant à l'habitation. ». En vertu de son article 4, alinéa (2) « la valeur locative ainsi déterminée ne peut être réduite qu’à concurrence des intérêts passifs déductibles comme frais d’obtention » et ce conformément aux plafonds déterminées par l’article 4a du même règlement.

Ces dispositions légales et réglementaires instaurent dès lors une valeur locative forfaitaire fixée à zéro euros et une interdiction de la déduction de frais d’obtention autres qu’un certain plafond d’intérêts débiteurs.

Or, en l’espèce, dans la mesure où le demandeur habite de façon incontestée à une autre adresse, l’immeuble litigieux a, à juste titre, été qualifiée de résidence secondaire dans son chef, de sorte qu’en application de l’alinéa (5) de l’article 4 du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, précité, aux termes duquel « Par dérogation à l’alinéa 2 au-dessus, les intérêts passifs et les arrérages de rentes viagères ne sont pas déductibles lorsqu’ils sont en rapport économique avec une résidence secondaire », les intérêts débiteurs ne sont pas déductibles.

Il s’ensuit que ni les intérêts débiteurs, ni les autres frais que le demandeur entend voir porter en déduction ne sont susceptibles d’être pris en compte.

L’argumentation subsidiaire du demandeur, qui affirme que le bureau d’imposition aurait dû procéder à une requalification des intérêts débiteurs, en se référant à l’article 109 LIR visant les dépenses spéciales et en affirmant que cette qualification aurait dû figurer sur le bulletin, est encore à rejeter dans la mesure où le demandeur n’indique pas dans quelle mesure les intérêts débiteurs litigieux devraient être qualifiés de dépenses spéciales, ni n’a-t-il autrement développé son argumentation si ce n’est en citant des extraits de publications des études fiscales et en affirmant péremptoirement que les intérêts devraient être déduits en tant que dépenses spéciales au sens de l’article 109 LIR. Dans la mesure où le tribunal n’a pas à répondre à des moyens simplement suggérés non utilement soutenus, la contestation afférente du demandeur est rejetée.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours est dès lors à déclarer non fondé.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de l’ordre de 1.000 euros telle que formulée par le demandeur sur le fondement de la loi du 21 juin 1999, précitée, est rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare les recours en réformation, sinon en annulation irrecevables en ce qu’ils sont dirigés contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017 ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur du 8 août 2019 ;

reçoit en la forme ledit recours ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du directeur du 8 août 2019 ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.000 euros réclamée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 février 2021 par :

Alexandra Castegnaro, premier juge, Olivier Poos, premier juge, Carine Reinesch, juge en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43759
Date de la décision : 03/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-03;43759 ?

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