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20/01/2021 | LUXEMBOURG | N°42838

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 janvier 2021, 42838


Tribunal administratif N° 42838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2019 1re chambre Audience publique du 20 janvier 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, en matière d’aides agricoles

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019 par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L- …, tendant...

Tribunal administratif N° 42838 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2019 1re chambre Audience publique du 20 janvier 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, en matière d’aides agricoles

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42838 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019 par Maître Christian Biltgen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Madame …, demeurant à L- …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la « décision explicite de refus n°137/18 du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs du 8 février 2019 refusant les subventions étatiques » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Christian Biltgen déposé au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2019 au nom et pour le compte de Madame …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Biltgen et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 octobre 2020.

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Après avoir sollicité par le biais d’un formulaire introduit le 20 février 2013 auprès de l’administration des Services techniques de l’agriculture (ASTA) du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, ci-après désigné par « le ministère », l’allocation d’une aide agricole pour le forage d’un puits, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, ci-après désigné par « le ministre », décida le 20 mars 2013 que l’investissement tel que projeté par Madame … était susceptible de bénéficier d’une aide au titre de la loi modifiée du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, ci-après désignée par « la loi du 18 avril 2008 », et du règlement grand-

ducal modifié du 25 avril 2008 portant exécution du Titre I et du Titre II, chapitres 1er, 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi du 18 avril 2008, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 25 avril 2008 », le tout sous réserve du respect de certaines conditions. La décision en question est libellée comme suit :

1 « Ihr Beihilfeantrag betreffend die aufgeführte Investition ist von der zuständigen Kommission überprüft worden. Auf Grund dieses Gutachtens wurde folgender Entscheid getroffen :

Investition:

Brunnenbohrung Investitionsdatum:

02.06.2013 Investition:

Beantragter Voraussichtlich Beihilfe % Entscheid Kostenpunkt zurückbehaltene Kosten (ohne MwSt) (ohne MwSt) Gesamtkosten:

38.840,00 Basisbeihilfe (Artikel 3 des Gesetzes vom 18.04.2008):

38.840,00 38.840,00 45,00 Genehmigt Die Genehmigung gilt nur unter der Voraussetzung, dass die allgemeinen Genehmigungsbedingungen eingehalten werden.

Anträge, welche nach dem 15. November 2011 bei der Ackerbauverwaltung eingereicht wurden, fallen unter Artikel 4.9 der Verordnung (EG) Nr. 1857/2006, welche vorschreibt, dass der einem Einzelunternehmen gewährte Beihilfehöchstbetrag während drei Wirtschaftsjahren 500.000 EUR nicht übersteigen darf.

Da Ihr Antrag nach diesem Stichdatum eingereicht wurde, gilt diese Bestimmung für Ihren Betrieb.

Gegen vorliegenden Bescheid kann beim Verwaltungsgericht eine Nichtigkeitsklage eingereicht werden. Dieser Regress muss innerhalb von drei Monaten nach Zustellung der vorliegenden Entscheidung durch einen Rechtsanwalt eingeleitet werden. ».

Le 13 novembre 2017, suite à la finalisation du puits, Madame … introduisit une demande tendant à la liquidation et au paiement de l’aide en relation avec le projet d’investissement litigieux.

Le 21 novembre 2017, Monsieur …, chef du service des améliorations structurelles de l’ASTA, informa Madame … de ce qui suit :

« […] Der Antrag vom 13. November 2017 auf Auszahlung der Beihilfe wird abgelehnt.

Begründung:

Die Investitionsbeihilfen nach Artikel 3 des Gesetzes vom 18. April 2008, welche nach dem 15. November 2011 eingereicht wurden, fallen unter Artikel 4 (9) der Verordnung (EG) Nr.

1857/2006, welche vorschreibt, dass der einem Einzelbetrieb gewährte Beihilfehöchstbetrag in keinem Zeitraum von drei Jahren 500.000 EUR übersteigen darf.

Folgende Investitionsbeihilfen wurden Ihnen nach dem 16. November 2011 gewährt und ausgezahlt :

2 Nr Investition Beihilfe 8334/12 Güllehochbehälter 30.123,49 8333/11 Hackschnitzelheizung 36.624,64 7975/8 Direktsaatmaschine 22.600,00 8518/9 Mastschweinestall III (1.800 PI) 391.053,52 6960/7 Mastschweineställe Austausch Spalten 19.598,39 Total:

500.000,00 Da der Beihilfehöchstbetrag von 500.000 EUR erreicht ist, wird die Auszahlung der Investitionsbeihilfe für die Brunnenbohrung abgelehnt. […] ».

Par courrier de son mandataire du 19 février 2018, Madame … fit introduire auprès du ministère un recours gracieux à l’encontre de la prédite décision du 21 novembre 2017.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2018, inscrite sous le numéro 41543 du rôle, Madame … fit introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de « la décision du chef de service … de l'Administration des services techniques de l'agriculture du Ministère de l'Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs du 21 novembre 2017 appliquant un plafond de subventionnement de 500.000.- € et refusant partant à la requérante des aides supplémentaires relatives au forage d'un puits d'alimentation en eau pour l'exploitation porcine ; » et de « la décision implicite de refus du Ministre de l'Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs du 20 mai 2018, intervenue suite au silence gardé après le recours gracieux du 19 février 2018 et entré au Ministère le 20 février [2018] », recours qui fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 24 février 2020 pour être devenu sans objet au motif que, par décision du 8 février 2019, le ministre avait entendu « annuler » la décision du 21 novembre 2017 et prendre une « nouvelle » décision, remplaçant implicitement la première, de sorte à avoir procédé au retrait de la décision 21 novembre 2017 dans le souci de vouloir réparer spontanément une irrégularité ayant entaché celle-ci en ce que son auteur aurait été incompétent pour la prendre.

Le tribunal conclut, par voie de conséquence, que la décision attaquée du 21 novembre 2017, de même qu’une éventuelle décision implicite de refus sur recours gracieux qui trouvait son fondement dans cette dernière ont disparu rétroactivement de l’ordonnancement juridique et qu’elles sont réputées n’avoir jamais existé.

Le 8 février 2019, le ministre prit expressément position comme suit par rapport au recours gracieux introduit par Madame … le 19 février 2018, ainsi que par rapport à sa demande de liquidation et de paiement introduite le 13 novembre 2017 en relation avec l’aide sollicitée dans le cadre du forage d’un puits :

« Par courrier du 19 février 2018, Mme … a introduit, par l’intermédiaire de son mandataire Me Christian Biltgen un recours gracieux contre une décision du 21 novembre 2017 par laquelle le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs aurait rejeté sa demande tendant au paiement et une aide pour le forage d’un puits.

Le 6 août 2018 la requérante a introduit, par l’intermédiaire de ce même mandataire, un recours devant le tribunal administratif, inscrit sous le n° 41543 du rôle.

Dans son mémoire en réponse, déposé le 14 décembre 2018, l’Etat a conclu à l’annulation de la décision en raison de l’incompétence de l’auteur de celle-ci.

3Il convient dès lors de statuer sur le recours gracieux du 19 février 2018 contre la décision du 21 novembre 2017 statuant sur la demande du 13 novembre 2017 tendant au paiement d’une aide pour le forage d’un puits.

Par décision du 20 mars 2013, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du développement rural a décidé que l’investissement projeté par la demanderesse (n° d’exploitation 348-200) consistant dans le forage d’un puits (demande portant le n°5546) était susceptible de bénéficier d’une aide au titre de la loi modifiée du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural.

Cette décision du 20 mars 2013 contient l’indication expresse que l’investissement projeté tombe sous la restriction, applicable aux demandes introduites après le 15 novembre 2011, selon laquelle le montant total des aides accordées à un seul et même demandeur ne peut excéder 500.000 € sur une période de trois années civiles.

La limitation est imposée par l’article 4, paragraphe 9 du règlement (CE) n° 1857/2006 dont la teneur est la suivante : Le montant maximal de l’aide accordée à une entreprise individuelle ne doit pas dépasser 400.000 EUR au cours d’une période de trois exercices financiers, ou 500.000 EUR si l’entreprise est située dans une zone défavorisée ou dans une zone visée à l’article 36, points a), i),ii) ou iii) du règlement (CE) n°1698/2005, délimitées par les Etats membres conformément aux articles 50 et 94 dudit règlement (ce qui était le cas pour l’ensemble du territoire luxembourgeois).

Le 16e considérant du règlement (CE) n°1857/2006 explique que [l]es plafonds d’aide doivent être fixés, en fonction de l’expérience acquise par la Commission, à un niveau qui réponde à la fois à la nécessité de réduire au minimum les distorsions de concurrence dans le secteur concerné et à l’objectif consistant à favoriser le développement des activités économiques des petites et moyennes entreprises dans le secteur agricole.

Dans la décision du 20 mars 2013 la règle est formulée en ces termes: Anträge, welche nach dem 15 Novembre 2011 bei der Ackerbauverwaltung eingereicht wurden, fallen unter Artikel 4.9 der Verordnung (EG) Nr. 1857/2006, welche vorschreibt, dass der einem Einzelunternehmer gewährte Beihilfehöchsbetrag während drei Wirtschaftsjahren 500.000 EUR nicht übersteigen darf.

La demande tendant à l’allocation d’une aide qui fait l’objet du présent recours a été introduite le 20 février 2013, ensemble avec trois autres demandes :

-

La demande portant le n° 8334/12 ayant pour objet un Güllehochbehälter -

La demande portant le n° 8333/11 ayant pour objet une Hackschnitzelheizung -

La demande portant le n° 8518/9 ayant pour objet un Mastschweinestall III (1.800 PI).

Auparavant et postérieurement à l’échéance du 15 novembre 2011, la requérante avait déjà introduit les deux demandes d’aide suivantes :

-

la demande portant le n° 6960/7 ayant pour objet des Mastschweineställe Austausch Spalten, introduite le 22 fév. 2012.

-

la demande portant le n°7975/8 ayant pour objet une Direktsaatmaschine, introduite le 18 déc. 2012.

Ces six demandes et les décisions par lesquelles le ministre a décidé que les investissements projetés étaient susceptibles de bénéficier d’une aide, intervenues entre février 2012 et mars 2013, sont à rattacher aux années 2012 et 2013. L’expression aide accordée employée à l’article 4, paragraphe 9 du règlement (CE) n°1857/2006 se réfère à la décision par laquelle l’autorité décide que l’investissement 4projeté est susceptible de bénéficier d’une aide, indépendamment de la date à laquelle le paiement intervient, suite à la réalisation de l’investissement.

Par ordre chronologique, les paiements se rapportant à ces demandes sont les suivants :

-

la demande n° 6960/7 subventionnée à concurrence de 19.598,39 € -

la demande n° 7975/8 subventionnée à concurrence de 22.600,00 € -

la demande n° 8333/11 subventionnée à concurrence de 36.624,64 € -

la demande n° 8334/12 subventionnée à concurrence de 30.123,45 € -

la demande n° 8518/9 subventionnée à concurrence de 391.053,52 € La somme des montants payés s’élève exactement à 500.000 €.

Et pour cause l’aide payée sur la base de la dernière demande de paiement en date, avait déjà été réduite en raison de l’application du plafond.

La demande de paiement faisant l’objet du présent recours est partant à rejeter dans la mesure où la requérante à déjà bénéficié, en deux ans, d’un montant total d’aide égal au montant maximal pouvant être accordé au cours d’une période de trois ans.

L’application de la règle de l’article 4, paragraphe 9 du règlement (CE) n° 1857/2006 fait partie intégrante de la décision du 20 mars 2013.

Il aurait appartenu à la requérante de contester l’application du plafond dans le cadre de cette décision, ainsi que l’avait fait le requérant dans l’affaire inscrite sous le n° 34821 du rôle ayant donné lieu au jugement du Tribunal administratif du 26 octobre 2015.

La décision du 20 mars 2013 n’a pas fait l’objet d’un recours.

Elle est devenue définitive par l’effet de l’expiration du délai de recours.

La requérante n’est plus recevable à contester l’application du plafond dans le cadre de la demande de paiement. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la « décision explicite de refus n°137/18 du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs du 8 février 2019 refusant les subventions étatiques ».

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être déposé contre la décision du 8 février 2019. Le recours principal en annulation est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse réitère en substance les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant, en soulignant qu’en date du 20 mars 2013, elle se serait vue délivrer un accord de principe pour l’octroi de subventions étatiques dans le cadre du forage d’un puits destiné à alimenter en eau les porcs de son exploitation et que ledit accord aurait porté sur 45% de la dépense ayant été évaluée à 38.840.- euros.

5 Elle explique qu’après la finalisation du puits, elle aurait demandé le 13 novembre 2017 le paiement des aides, demande qui aurait été rejetée, au motif qu’elle aurait été introduite après le 15 novembre 2011 qui serait prétendument la date butoir après laquelle, selon le règlement (CE) n°1857/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du Traité aux aides d’Etat accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) n°70/2001, ci-

après désigné par « le règlement (CE) 1857/2006 », les aides maximales seraient limitées à 500.000.- euros sur une période de trois ans et ce, parce que les aides prévues dans le cadre du règlement (CE) 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (en abrégé « FEADER »), ci-après désigné par « le règlement (CE) 1698/2005 », auraient été épuisées.

En droit, la demanderesse s’appuie sur un jugement du tribunal administratif du 26 octobre 2015, inscrit sous le numéro 34821 du rôle, pour solliciter l’annulation de la décision entreprise pour violation de la loi, sinon excès ou détournement de pouvoir, voire pour incompétence, sinon pour violation des formes destinées à protéger les intérêts privés.

Ce serait plus particulièrement à tort que le ministre se baserait sur le caractère inattaquable de l’application du règlement (CE) 1857/2006 fixant le plafond d’investissement de 500.000.- euros, au motif qu’elle n’aurait pas contesté ce plafond tel qu’indiqué dans la décision ministérielle d’approbation du 20 mars 2013.

Après avoir insisté sur le fait que les règlements européens seraient d’application immédiate et prévaudraient sur une décision nationale, elle donne à considérer qu’au moment de la prise de la décision d’approbation, elle n’aurait pas pu savoir si celle-ci lui porterait préjudice ou non alors que ce ne serait qu’au moment de la liquidation des subventions que le plafond lui aurait été opposé.

En conséquence, elle estime que la décision portant sur la liquidation des aides, en ce qu’elle refuserait l’allocation de tout montant supérieur à ce plafond, comporterait un élément décisionnel nouveau lui permettant de l’attaquer également du point de vue du principe même de l’application du plafond en question. Ce constat serait d’autant plus vrai que ledit plafond n’aurait jamais dû être appliqué pour violer les règlements européens et les principes d’imputation comptable en matière de plan de développement rural (PDR), la demanderesse soulignant que le prétendu épuisement des fonds, de même que la prétendue date butoir du 15 novembre 2011 indiquée dans la décision d’approbation du 20 mars 2013 pour justifier l’application à sa demande d’aides du règlement (CE) n°1857/2006 et le plafond y prévu, auraient déjà été jugés comme se heurtant à la prévalence du droit communautaire dérivé et du PDR arrêté par la Commission européenne ensemble avec le Luxembourg.

Elle ajoute que la décision litigieuse se baserait de nouveau sur l’application du règlement (CE) n°1857/2006 fixant un plafond de subventions à hauteur de 500.000.- euros et ce, alors même que le tribunal aurait déjà jugé que la simple notification par l’Etat luxembourgeois de son intention de recourir à ce règlement ne suffirait pas pour prouver l’épuisement des fonds.

La demanderesse renvoie, à cet égard, à un jugement du tribunal administratif du 29 janvier 2018, inscrit sous le numéro 38657 du rôle, pour soutenir qu’il serait dorénavant acquis que l’Etat luxembourgeois aurait payé en 2007 et en 2008 des aides ayant relevé du PDR de 62000 à 2006, de sorte qu’un montant total de 32,68 millions d’euros aurait été erronément comptabilisé sous le PDR de 2007 à 2013 et que, contrairement aux allégations étatiques, à la date du 15 novembre 2011, un seuil de 32,68 millions d’euros aurait dès lors encore pu être distribué sous le régime du règlement (CE) 1698/2005 qui lui, contrairement au règlement (CE) 1857/2006, n’aurait pas contenu le plafond actuellement litigieux.

Elle estime que dans la mesure où l’Etat luxembourgeois ne pourrait pas se défaire de l’application directe des règlements européens et de l’enveloppe budgétaire non épuisée de 32,68 millions d’euros, tel que planifiée avec la Commission européenne, la décision de refus du 8 février 2019 serait viciée et elle serait en droit de contester le plafond lui opposé de 500.000.- euros pour refuser de procéder à la liquidation de l’aide litigieuse.

Finalement, la demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.500.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désigné par « la loi du 21 juin 1999 », en insistant sur le fait qu’il serait inéquitable « qu’un administré doit payer un mandataire ad litem pour agir contre l’Etat fautif qui est d’office tenu d’appliquer correctement les normes en vigueur et que l’Etat argumente de sa propre incurie et dysfonctionnements pour se permettre de reprendre une itérative décision de refus pour rendre sans objet le précédent recours, tactique de saucissonnage obligeant la requérante à se pourvoir une itérative fois en justice ».

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conclut à titre principal au caractère non fondé du recours sous analyse au motif que les moyens d’annulation tels qu’invoqués ne pourraient, selon elle, être dirigés contre la décision de paiement entreprise, mais auraient dû être invoqués à l’appui d’un recours dirigé contre la décision d’approbation de l’investissement en relation avec lequel des aides ont été demandées.

Pour sous-tendre son argumentation, elle explique le mode de fonctionnement du système des aides à l’investissement dans le secteur de l’agriculture et plus particulièrement les deux étapes qu’il comprendrait.

Ainsi, dans un premier temps, le demandeur d’aide devrait introduire une demande en vue de se voir octroyer une aide financière (Antrag auf Gewährung einer Beihilfe) en relation avec un projet d’investissement déterminé, la partie étatique soulignant que comme le but des aides concernées serait celui d’inciter leur bénéficiaire potentiel à adopter un comportement qu’il n’aurait pas de toute façon adopté, la réglementation exigerait que cette demande soit présentée avant la réalisation de l’investissement en cause. En cas de réponse positive, le ministre prendrait une décision d’approbation de l’aide par laquelle il (i) déciderait que le projet d’investissement remplit les conditions exigées par la loi pour bénéficier d’une aide financière, (ii) arrêterait le montant d’investissement maximal susceptible de bénéficier de l’aide et le taux de l’aide et (iii) imposerait, le cas échéant, d’autres conditions auxquelles l’allocation de l’aide est subordonnée.

Dans une deuxième phase, et suite à la réalisation de l’investissement, le demandeur d’aide devrait introduire une demande en vue de la liquidation et du paiement de l’aide (Auszahlungsantrag) accompagnée de toutes les pièces permettant la liquidation.

La partie étatique explique, à cet égard, que cette demande de liquidation donnerait lieu à une décision par le biais de laquelle le ministre arrêterait si l’investissement réalisé répond 7aux conditions fixées dans la décision d’allocation de l’aide et, dans l’affirmative, détermine le montant de l’aide à payer.

Elle insiste sur le fait que comme la condition selon laquelle le montant de l’aide était limité à un montant de 500.000.- euros sur une période de trois ans, aurait été contenue dès l’ingrès dans la décision d’approbation de l’aide du 20 mars 2013, ce serait contre cette décision que la demanderesse aurait dû, au vu des moyens invoqués, diriger son recours. Or, comme la décision qui lui causerait réellement grief, à savoir celle du 20 mars 2013, aurait acquis autorité de chose décidée, la demanderesse ne serait actuellement plus fondée à contester l’application du plafond de 500.000.- euros dans le cadre de la décision ayant statué sur sa demande de liquidation de l’aide sollicitée.

La partie étatique fait, dans ce contexte, valoir que la présente affaire divergerait de celle ayant abouti au jugement du tribunal administratif du 26 octobre 2015, alors que justement dans cette affaire, le recours avait été dirigé contre la décision d’approbation de l’aide financière qui avait limité l’aide approuvée dans son principe au montant de 500.000.- euros sur une période de trois ans.

Elle réfute, à cet égard, l’argumentation de la demanderesse suivant laquelle, au moment où elle s’est vue notifier la décision d’approbation de l’aide, elle n’aurait pas été en mesure de savoir si cette décision était susceptible de lui être préjudiciable et que ce ne serait qu’au moment de la liquidation de l’aide que le plafond lui aurait été opposé.

La partie étatique insiste sur le fait que la liquidation de l’aide serait une opération qui, par application de la décision d’approbation, consisterait à faire un nombre limité de calculs commençant par l’addition des montants effectivement payés au titre des aides octroyées sous le régime d’aide litigieux pendant une période de trois ans. Ainsi, lorsque le calcul révélerait que le plafond était épuisé, aucune aide ne serait payée pour l’investissement réalisé et ce, même si la demande avait initialement fait l’objet d’une décision d’approbation. Au contraire, lorsqu’il se dégagerait du calcul que le plafond n’était pas épuisé, le coût de l’investissement réalisé devrait être déterminé et il faudrait appliquer à ce coût, dans la limite du coût maximal fixé dans la décision d’approbation, le taux d’éligibilité arrêté dans cette même décision. La partie étatique précise que si le montant ainsi calculé était inférieur au solde disponible après déduction des montants payés au titre des aides concernées sous le même régime pendant une période de trois ans, le montant de l’aide à verser serait égal à ce montant, tandis que si le montant calculé était supérieur au solde disponible, le montant de l’aide à verser serait égal au solde disponible.

Il serait, en tout état de cause, inhérent au système que le montant de l’aide à payer ne pourrait être déterminé qu’au moment de la liquidation de l’aide, la partie étatique soulignant qu’il y aurait trois raisons pour lesquelles il ne serait pas dans l’intérêt des demandeurs d’aide que la décision d’approbation de l’aide garantisse que le plafond individuel de l’agriculteur est suffisant pour couvrir l’investissement tel qu’il a été approuvé.

La première raison serait celle que, dans un tel cas, il faudrait déterminer le solde disponible de chaque demandeur en fonction de la subvention maximale susceptible d’être payée. Or, comme le montant de l’investissement arrêté dans la décision d’approbation serait le montant maximum pour lequel la subvention pouvait être payée, le demandeur d’aides serait porté à surévaluer le montant plutôt qu’à le sous-évaluer avec comme conséquence - tel que cela se dégagerait de plusieurs décennies d’expérience - que les projets seraient souvent réalisés 8à un coût inférieur à celui retenu dans la décision d’approbation. La partie étatique précise que, une fois le plafond épuisé sur base des montants engagés, de nouveaux projets ne pourraient être approuvés qu’après la liquidation du montant de l’aide, rendant ainsi à nouveau disponible un éventuel excédent. Elle ajoute que l’expérience montrerait également que tous les projets ne seraient pas réalisés, surtout lorsque vers la fin d’une période de programmation, septennale, les demandeurs, par crainte d’un régime futur moins favorable, introduiraient des demandes pour des projets qu’ils ne seraient pas sûrs de vouloir réaliser. Elle souligne qu’une fois que le plafond serait épuisé sur base des montants engagés, de nouveaux projets ne pourraient être approuvés qu’après renonciation par le demandeur d’aide à un projet préalablement autorisé.

A titre subsidiaire, la partie étatique fait valoir que de toute façon le recours sous analyse ne serait pas fondé dans la mesure où les crédits à disposition de l’Etat luxembourgeois dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural auraient bien été épuisés au moment de la prise de la décision d’approbation le 20 mars 2013 et que dès lors l’application à la demande d’aide litigieuse du plafond prévu au règlement (CE) 1857/2006 ne porterait pas à critique.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse réfute l’argumentation principale lui opposée par la partie étatique pour demander le rejet de son recours en soutenant que, contrairement à ce qu’affirmerait la partie adverse, la décision de liquidation des aides lui ferait grief puisque ce ne serait qu’au moment de la liquidation de l’aide et de la décision y afférente, qu’il serait avéré si les aides dont le principe a été autorisé antérieurement font l’objet ou non d’une réduction.

Elle souligne que comme la partie étatique admettrait elle-même que lors de la demande de liquidation, le ministre devrait encore prendre une décision, la « question du combien » pourrait causer un grief. Elle estime d’ailleurs que la partie étatique peinerait à expliquer dans un alinéa entier la manière dont est opérée la liquidation des aides ce qui prouverait qu’il serait loin d’être évident au moment de l’accord de principe de savoir quel montant sera au final alloué à l’agriculteur, ce d’autant plus eu égard au fait que certaines sanctions et réductions administratives pourraient être appliquées.

Elle ajoute que la partie étatique serait également en aveu que le montant de l’aide à payer ne pourrait être déterminé qu’au moment de la liquidation de l’aide, tout en donnant à considérer que, selon elle, le fait que la partie étatique mette en avant la pratique en matière de demandes d’introduction d’aides agricoles ne ferait que confirmer sa position suivant laquelle il serait impossible de dire si un plafond maximal – par ailleurs, de toute façon, inapplicable selon elle – lors de l’accord de principe sera atteint et donc a fortiori de savoir si ce plafond causera ou non un préjudice.

Il s’ensuivrait que l’argumentation étatique suivant laquelle elle aurait dû attaquer la décision d’approbation de l’investissement ne saurait tenir la route.

La demanderesse ajoute que dans le dossier ayant amené le tribunal administratif à rendre les deux décisions inscrites sous les numéros 38657 et 34821 du rôle, l’investissement aurait été conséquent et il aurait dès le départ porté sur un projet de plus d’un million d’euros, de sorte qu’avec un taux d’éligibilité de 55%, il aurait immédiatement été évident que le plafond illégal de 500.000.- euros lui causerai prétendument grief. En l’espèce, ce n’aurait été que l’application cumulée de plusieurs demandes qui prétendument justifierait l’épuisement du plafond dont la demanderesse estime qu’il viole tant la réglementation européenne que 9nationale. Elle précise que, dans son cas, l’accord de principe du 20 mars 2013 ne mentionnerait qu’un montant de 38.840.- euros, subventionnable à hauteur de 45%, de sorte qu’il aurait été loin d’être évident que le seuil prétendument applicable ait été atteint.

Pour le surplus, elle prend position par rapport à l’argumentation subsidiaire de la partie étatique en expliquant les raisons pour lesquelles elle est d’avis que ce serait à tort que le plafond prévu au règlement (CE) 1857/2006 aurait été opposé à sa demande de liquidation de l’aide litigieuse pour refuser de faire droit à celle-ci.

Le tribunal est tout d’abord amené à relever qu’il se dégage des explications non contestées de la partie étatique que le système des aides à l’investissement au secteur de l’agriculture tombant, tel que c’est le cas en l’espèce, dans le champ d’application de la loi du 18 avril 2008 et du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, comprend deux étapes. Ainsi, il appartient tout d’abord à l’agriculteur de demander l’allocation d’une aide financière en remplissant un formulaire intitulé « Antrag auf Gewährung einer Beihilfe » et ce, en relation avec un projet d’investissement déterminé, cette demande devant être introduite avant de réaliser l’investissement en question.

Après avoir réceptionné la demande en question, le service compétent du ministère examine si le projet pour lequel une aide est sollicitée remplit les conditions légales nécessaires pour bénéficier d’une telle aide et dans l’affirmative, le ministre décide d’approuver le projet d’investissement, tout en arrêtant le montant d’investissement maximal susceptible de bénéficier de l’aide, ainsi que le taux d’éligibilité de l’aide, de même qu’en fixant, le cas échéant, d’autres conditions auxquelles l’allocation de l’aide est subordonnée.

Ensuite, lorsque le subventionnement du projet d’investissement a été approuvé dans son principe, il appartient au demandeur d’aide, une fois que l’investissement a été réalisé, d’introduire une demande en vue de la liquidation et du paiement de l’aide et ce, en remplissant un formulaire intitulé « Auszahlungsantrag », cette demande devant être accompagnée des pièces justificatives permettant de liquider l’aide.

Suite à l’introduction de cette demande, le ministre examine si l’investissement réalisé répond aux conditions fixées dans la décision d’approbation de l’aide et, dans l’affirmative, il fixe le montant de l’aide à verser et en informe le bénéficiaire. A contrario, lorsque le ministre arrive à la conclusion que les conditions prévues dans la décision d’approbation ne sont pas remplies, il informe l’agriculteur concerné que sa demande de liquidation et de paiement est rejetée, ainsi que des raisons de ce refus.

En l’espèce, il est constant en cause que, par le biais de quatre formulaires séparés entrés auprès de l’ASTA le 20 février 2013, la demanderesse a introduit quatre demandes de subventions agricoles sur le fondement de la loi du 18 avril 2008 et du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, en relation avec divers projets d’investissement, à savoir :

- une demande référencée sous le n°8334/12 ayant pour objet un « Güllehochbehälter » et des frais y relatifs évalués à 77.000.- euros HTVA ;

- une demande référencée sous le numéro 8333/11 ayant pour objet une « Hackschnitzelheizung » et des frais y relatifs évalués à 62.000.- euros HTVA, - une demande référencée sous le numéro 8518/9 ayant pour objet un « Mastschweinestall III (1.800 PI) » et des frais y relatifs évalués à 880.000.-

euros HTVA ;

10- une demande référencée sous le numéro 5546 ayant pour objet une « Brunnenbohrung » et des frais y relatifs évalués à 38.840.- euros HTVA.

Il se dégage également du dossier administratif qu’antérieurement à ces quatre demandes, la demanderesse avait déjà introduit en date respectivement des 22 février et 18 décembre 2012, deux demandes de subventions auprès de l’ASTA, également sur le fondement de la loi du 18 avril 2008 et du règlement grand-ducal du 25 avril 2008, en relation avec des projets d’investissement, à savoir :

- une demande référencée sous le n°6960/7 ayant pour objet des « Mastschweineställe Austausch Spalten » et des frais y relatifs évalués à 57.325.- euros HTVA ;

- une demande référencée sous le n° 7975/8 ayant pour objet une « Direktsaatmaschine » et des frais y relatifs évalués à 90.000.- euros HTVA.

Le tribunal constate ensuite que, par rapport à chacune de ces demandes, le ministre a émis des décisions par le biais desquelles il a approuvé individuellement les investissements projetés dans leur principe pour remplir les conditions fixées par la loi, tout en arrêtant à chaque fois le montant d’investissement maximal susceptible de bénéficier de l’aide, de même que le ou les taux d’éligibilité de l’aide susceptible d’être payée en relation avec les projets en question et en fixant les autres conditions auxquelles l’allocation de l’aide serait subordonnée au moment où sa liquidation serait demandée.

Cette approbation s’est concrètement matérialisée, en ce qui concerne les demandes de subventions introduites en date respectivement des 22 février et 18 décembre 2012 par des décisions ministérielles des 2 avril 2012 et 4 février 2013 ayant approuvé les investissements projetés à hauteur d’un montant maximal d’investissement de 57.325.- euros, respectivement 56.500.- euros, sous la réserve expresse que les conditions générales d’approbation étaient respectées et plus particulièrement celle que « die voraussichtlich zurückbehaltenen Kosten können nur bis zum maximal festgelegten Richtpreis berücksichtigt werden », en application du règlement grand-ducal du 25 avril 2008.

En ce qui concerne les quatre demandes introduites en date du 20 février 2013, le ministre a décidé le 20 mars 2013, que les projets y relatifs étaient approuvés pour remplir les conditions prévues par la loi, les quatre décisions ayant toutes, mis à part le montant de d’investissement maximal susceptible de bénéficier de l’aide, en l’occurrence des montants arrêtés à hauteur de respectivement 121.000.- euros, 62.000.- euros, 1.077.000.- euros et 38.840.- euros, ainsi que le ou les taux d’éligibilité des aides susceptibles de trouver application, la même teneur que celle entreprise par le biais du recours sous analyse, telle que citée in extenso ci-avant. Ainsi, elles indiquent chacune plus particulièrement que l’investissement pour lequel une demande d’aides était sollicitée tombait dans le champ d’application du règlement (CE) 1857/2006, étant donné que la demande y relative avait été introduite après le 15 novembre 2011 auprès de l’ASTA et qu’en conséquence, elle avait été approuvée sous la réserve expresse que les conditions générales d’approbation étaient respectées, tout en précisant que la somme des aides accordées au bénéficiaire pour l’ensemble des investissements réalisés ne pourrait pas dépasser 500.000.- euros au cours d’une période de trois exercices financiers et ce, dans le respect de l’article 4.9. du règlement (CE) 1857/2006 tel qu’il serait applicable aux demandes en question.

11Il y a, à cet égard, lieu de relever que l’article 4.9. du règlement (CE) 1857/2006 a la teneur suivante : « Le montant maximal de l'aide accordée à une entreprise individuelle ne doit pas dépasser 400 000 EUR au cours d'une période de trois exercices financiers, ou 500 000 EUR si l’entreprise est située dans une zone défavorisée ou dans une zone visée à l'article 36, points a), i), ii) ou iii), du règlement (CE) no1698/2005, délimitées par les États membres conformément aux articles 50 et 94 dudit règlement », étant relevé que ni la circonstance que toutes les exploitations agricoles installées sur le territoire luxembourgeois étaient classées en « zone défavorisée » au moment de la prise des décisions d’approbation, ni le fait que l’expression « aide accordée » vise, tel que cela se dégage de la décision ministérielle entreprise, la décision par laquelle l’autorité décide que l’investissement projeté est susceptible de bénéficier d’une aide, indépendamment de la date à laquelle le paiement intervient suite à la réalisation de l’investissement ne sont litigieux en l’espèce.

Il se dégage ensuite du dossier que suite à la réalisation des divers investissements projetés et annoncés sur le fondement de la loi du 18 avril 2008 et de son règlement grand-

ducal d’exécution, la demanderesse a introduit des formulaires de demande tendant à la liquidation et au paiement (« Auszahlungsantrag ») en relation avec les six demandes d’aides déposées entre le 22 février 2012 et le 20 février 2013, dont quatre demandes, à savoir celles référencées sous les numéros 6960/7, 7975/8, 8333/11 et 8334/12, ont été accueillies favorablement en ce sens qu’elles se sont soldées par le versement d’une aide à hauteur des taux d’éligibilité fixés dans la décision d’approbation afférente et calculés par rapport aux frais réellement déboursés en relation avec les investissements finalement réalisés. Il n’est, à cet égard, pas contesté que la demanderesse s’est au final vue verser en relation avec les investissements en question des montants respectifs de 19.598,39.- euros (6960/12), 22.600.-

euros (7975/8), 36.624,64.- euros (8333/11) et 30.123,45.- euros (8334/12).

Il n’est ensuite pas non plus contesté que, pour ce qui est de la demande portant la référence n°8518/9 ayant eu pour objet un « Mastschweinestall III (1.800 PI) » et dont le montant maximal de frais susceptibles d’être subventionné avait été fixé dans la décision ministérielle d’approbation à 1.077.000.- euros HTVA, celle-ci ne s’est pas soldée par le versement d’une aide à hauteur du taux d’éligibilité fixé dans la décision d’approbation afférente et calculée par rapport aux frais réellement déboursés en relation avec les investissements finalement réalisés, mais que l’aide susceptible d’être payée a été réduite afin que le plafond de 500.000.- euros ne soit pas dépassé, la demanderesse ne s’étant, en conséquence, vu verser qu’une aide à hauteur de 391.053,52.- euros. Pour ce qui est de la demande d’aide dont le refus de liquidation est actuellement litigieux, référencée sous le n°5546, celle-ci n’a pas été accueillie du tout, faute de solde disponible, tel que cela se dégage de la décision ministérielle du 8 février 2019.

Pour être tout à fait complet, le tribunal relève qu’il n’est pas contesté que la somme des montants versés à la demanderesse en relation avec cinq des six demandes d’aides introduites entre le 22 février 2012 et le 20 février 2013 équivaut exactement à 500.000.- euros, c’est-à-dire au plafond tel qu’il avait été annoncé notamment dans la décision d’approbation du 20 mars 2013 en relation avec l’aide actuellement litigieuse.

C’est sur base de toutes ces considérations que, par décision du 8 février 2019, le ministre a informé la demanderesse qu’il n’était pas fait droit à sa demande de liquidation de l’aide actuellement litigieuse, étant donné qu’elle avait bénéficié, en deux ans, d’un montant total d’aide égal au montant maximal pouvant lui être accordé au cours d’une période de trois ans, le ministre ayant encore pris le soin de rendre la demanderesse attentive au fait qu’en cas 12de désaccord avec le plafond lui opposé, il lui aurait appartenu d’en contester l’application dans le cadre de la décision d’approbation du 20 mars 2013, ce qu’elle n’aurait toutefois pas fait.

Le tribunal se doit, à cet égard, de relever qu’il n’est pas contesté ni contestable qu’aussi bien les courriers du ministre par le biais desquels les administrés sont informés, dans un premier temps, du sort réservé à leur demande de subvention en relation avec un projet d’investissement non encore réalisé que les courriers ministériels décidant du sort à réserver à une demande de liquidation et de paiement envoyée en relation avec des investissements réalisés après avoir été préalablement approuvés dans leur principe, constituent des décisions administratives individuelles contre lesquelles un recours contentieux peut être dirigé lorsque les décisions en question causent grief.

En l’espèce, le recours sous analyse tend à contester la légalité de la décision du 8 février 2019, au motif que, par le biais de celle-ci, la demanderesse se serait vue refuser à tort la liquidation et le paiement d’une aide dont le principe de l’allocation avait été approuvé par une décision du 20 mars 2013, la demanderesse étant d’avis que le motif de refus de paiement lui opposé, à savoir le fait qu’elle s’était vue octroyer en deux ans un montant total d’aides égal au montant maximal ayant pu lui être accordé au cours d’une période de trois ans, ne saurait tenir eu égard au fait que le plafond de 500.000.- euros sur lequel le ministre se baserait pour justifier son refus n’aurait jamais dû lui être appliqué pour violer les règlements européens et les principes d’imputation comptable en matière de PDR.

Or, en arguant plus particulièrement que le plafond lui opposé pour refuser à travers la décision entreprise de liquider l’aide litigieuse serait illégal, la demanderesse conteste en réalité les conditions auxquelles l’aide approuvée dans son principe a été subordonnée par le biais de la décision ministérielle du 20 mars 2013, dont l’une était justement celle que, conformément à l’article 4.9. du règlement (CE) 1857/2006 qui trouverait à s’appliquer à la demande d’aide et auquel il a été expressément fait référence dans la décision en question, le montant de l’aide susceptible d’être accordé en relation avec le projet d’investissement concerné était limité à 500.000.- euros sur une période de trois ans.

C’est dès lors à travers cette décision que le ministre compétent a arrêté le principe du plafonnement de l’aide susceptible d’être au final liquidée et par lequel la demanderesse se sent lésée, mais non pas celle du 8 février 2019 qui ne fixe, en effet, aucun plafond, puisqu’à travers celle-ci est uniquement opérée la liquidation d’une aide dont le principe a été antérieurement approuvé et les conditions de paiement fixées, cette opération de liquidation consistant, en pratique, et de manière non contestée, à déterminer le coût de l’investissement finalement réalisé et à appliquer à ce coût, dans la limite du coût maximal arrêté dans la décision d’approbation, le taux d’éligibilité arrêté dans cette même décision, le montant ainsi calculé n’étant toutefois, conformément aux conditions fixées dans la décision d’approbation, versé que dans la limite du solde disponible, - lui-même calculé par rapport au plafond fixé dans la décision d’approbation -, après déduction des montants payés au titre des aides accordées sous le même régime pendant une période de trois. Le tribunal relève, à cet égard, à l’instar de la partie étatique, que dans les affaires ayant donné lieu aux jugements invoqués par la demanderesse, les recours avaient justement été dirigés contre la décision ministérielle d’approbation de l’aide financière qui avait limité l’aide approuvée dans son principe à un plafond de 500.000.- euros sur une période de trois ans.

Au vu des considérations qui précèdent, c’est en tout état de cause en vain que la demanderesse tente de justifier le bien-fondé de son recours dirigé contre la décision de refus 13de liquidation litigieuse, en soutenant qu’au jour de la notification de la décision d’approbation de l’aide, il n’aurait pas encore été clair si cette décision lui porterait préjudice et que ce serait seulement au moment de la liquidation de l’aide que le plafond lui aurait été opposé, respectivement que jusqu’à la liquidation et de la décision afférente, il ne serait, de manière générale, pas établi si une quelconque réduction était appliquée aux aides dont le principe aurait été autorisé antérieurement et donc si le plafond serait atteint ou non, la demanderesse admettant, au contraire, à travers cet argumentaire avoir été parfaitement au courant du plafond applicable aux aides sollicitées dès la notification de la décision d’approbation. Ce constat s’impose d’autant plus que la demanderesse ne saurait en tout état de cause être considérée comme une profane en matière d’aides agricoles, tel qu’elle semble pourtant vouloir le faire croire, étant encore relevé que dans la mesure où à travers les seules décisions du 20 mars 2013, le ministre a approuvé dans leur principe l’allocation, sous l’égide de la loi du 18 avril 2008 et par renvoi au règlement (CE) 1857/2006, d’aides à l’investissement dont la somme totale maximale pouvait s’élever jusqu’à 1.298.840.- euros, tandis que les taux d’éligibilité d’aides retenus variaient entre 40% et 55%, son affirmation suivant laquelle, il n’aurait pas pu être clair au moment où elle s’est vue notifier les décisions d’approbation que le plafond lui opposé à travers celles-ci pourrait lui porter préjudice, est peu convaincante.

Il s’ensuit que les moyens actuellement invoqués par la demanderesse, en ce qu’ils visent en réalité à contester la légalité de l’application d’un plafond dont le principe a été retenu et opposé à la demanderesse dans la décision d’approbation du 20 mars 2013, dont il n’est pas contesté qu’elle a entretemps acquis autorité de chose décidée pour ne jamais avoir été contestée, ne sont pas pertinents dans le cadre de l’analyse de la légalité de la décision du 8 février 2019 qui n’a été prise qu’en exécution des conditions préalablement fixées dans la décision d’approbation du 20 mars 2013 et qui ne contient aucun élément décisionnel nouveau et propre par rapport à l’application du plafond critiqué par la demanderesse.

Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où il n’est pas contesté que la demanderesse s’est vue accorder au cours d’une période de deux ans un montant total d’aides égal au montant maximal ayant pu lui être accordé au cours d’une période de trois ans, conformément aux principes retenus dans la décision d’approbation du 20 mars 2013, en l’occurrence des aides s’étant chiffrées à 500.000.- euros, la décision ministérielle litigieuse refusant de faire droit à la demande de liquidation de la demanderesse ayant porté sur une aide d’un montant de 39.457,10.- euros en relation avec le forage d’un puits, au motif que le solde disponible était épuisé ne porte pas à critique, étant, à cet égard, encore relevé qu’il n’est pas contesté que le montant de l’aide susceptible d’être payée à la demanderesse en relation avec la demande référencée sous le numéro 8518/9, dont la liquidation a été demandée le 20 septembre 2013 et le 17 février 2017, avait déjà été réduit afin que le montant des aides accordées pendant une période de trois ans ne dépasse pas le plafond de 500.000.- euros tel qu’annoncé dans la décision d’approbation afférente du 20 mars 2013, sans que les décisions ministérielles afférentes des 4 novembre 2013 et 12 septembre 2017 n’aient d’ailleurs fait l’objet d’une contestation, de sorte que, selon le propre raisonnement de la demanderesse, ce serait alors au plus tard au moment de la réduction de l’aide en question, qu’il aurait déjà dû être évident pour elle que le plafond litigieux lui porte préjudice.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent et sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

14Eu égard à l’issue du litige, la demande de Madame … tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.500.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en réformation introduit à titre subsidiaire ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 janvier 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 janvier 2021 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 42838
Date de la décision : 20/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-01-20;42838 ?

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