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13/01/2021 | LUXEMBOURG | N°43436

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 janvier 2021, 43436


Tribunal administratif N° 43436 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2019 3e chambre Audience publique du 13 janvier 2021 Recours formé par la société anonyme … SA, … contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016.

en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43436 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 août

2019 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 43436 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2019 3e chambre Audience publique du 13 janvier 2021 Recours formé par la société anonyme … SA, … contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016.

en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43436 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2019 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … SA, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation (i) des bulletins de l’impôt commercial communal des années 2014, 2015 et 2016 ;

(ii) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016 ;

(iii) des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2014, 2015 et 2016 ;

(iv) des bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017 ;

(v) des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, tous émis par le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes en date du 12 septembre 2018 ; et (vi) du décompte à la suite des bulletins de l’impôt précités émis par le service de recette … de l’administration des Contributions directes en date du 24 juillet 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2019 par Maître Marianne GOEBEL au nom de la société anonyme … SA, préqualifieé ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins et décompte attaqués ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Emmanuel GLOCK, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 octobre 2020.

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Suite au dépôt des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial des années 2013 à 2016, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, informa, par courrier du 27 juillet 2018, la société anonyme … SA, ci-

après désignée par la « société … », sur le fondement du paragraphe 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », qu’il envisageait de dévier des déclarations fiscales telles que déposées par ladite société pour les exercices 2013 à 2016, tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite jusqu’au 31 août 2018. Ledit courrier fut formulé comme suit :

« En vertu du paragraphe 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts (AO), je vous informe, préalablement à l’imposition, qu’il sera dérogé à vos déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal des années 2013-2016 sur le(s) point(s) suivant(s) :

°Calcul d’intérêts 5% sur les créances …, somme totale :

2013 : …€ 2014 : …€ 2015 : …€ 2016 : …€ - intérêts comptabilisés …€ = …€.

Ces montants seront ajoutés hors bilan aux résultats déclarés et soumis à une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers de 15% °Correction de valeur de la participation … en 2015 (…€) :

La dette y relative de …€, n’étant plus due, sera ajoutée hors bilan au résultat déclaré 2015.

°La correction de valeur de la créance … en 2015 (…€) sera considérée comme non déductible (cf art. 4 de la convention ΄Avances en compte΄).

°La différence de …€ dans les résultats reportés en 2014 sera ajoutée hors bilan au résultat déclaré et soumis à une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers de 15%.

°Voiture … : part privée évaluée à 100% resp. à …€/2016 ; ce montant sera ajouté hors bilan au résultat déclaré à une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers de 15%. […] ».

Par courrier électronique de sa fiduciaire du 20 août 2018, la société … formula ses objections à l’égard de l’imposition envisagée par le bureau d’imposition.

Par courrier électronique du 21 août 2018, le bureau d’imposition … sollicita des renseignements et pièces supplémentaires, lesquels lui furent communiqués par la société … à travers un courrier électronique du 31 août 2018.

En date du 12 septembre 2018, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par le « bureau d’imposition » émit à l’égard de la société … les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en y indiquant pour l’année 2014 :

« […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge […]15,000% de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … […] Différence résultats reportés : … Intérêts sur créances : … Redressement suivant notre lettre du 27.07.2018 et les réponses du 20.08.2018 et 31.08.2018 de votre Fiduciaire […] », pour l’année 2015 :

« […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge […] 15,000% de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … […] Intérêts sur créances Redressement suivant notre lettre du 27.07.2018 et les réponses du 20.08.2018 et 31.08.2018 de votre Fiduciaire […] », et pour l’année 2016 :

« […] La société n’a pas pris la retenue à sa charge […] 15,000% de EUR … = EUR … Base d’imposition totale et montant de la retenue repris au décompte […] base : EUR … retenue : EUR … […] Part privée voiture … Redressement suivant notre lettre du 27.07.2018 (les réponses du 20.08.2018 et 31.08.2018 de votre Fiduciaire bien reçues) […] ».

En date du même jour, le bureau d’imposition émit encore à l’égard de la société … les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, dont celui de l’année 2015 fait état d’un ajout de la « Dette s/participation … » de 898.000.-€ et de la « Correction valeur créance … » de ….-€, ainsi que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités de ces mêmes années, ces derniers ajoutant une distribution cachée de bénéfices de ….-€ pour l’année 2014, ….-€ pour l’année 2015, et ….-€ pour l’année 2016 au bénéfice commercial, en contenant la remarque suivante « Distribution cachée de bénéfice, voir explications sur le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux ».

Toujours le 12 septembre 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société … les bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017.

En date du 24 juillet 2019, le service de recette … de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de la société … un décompte à la suite des bulletins de l’impôt précités.

Par un courrier daté au 23 octobre 2018, la société … fit introduire une réclamation contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, auprès du directeur de l’administration desContributions directes, ci-après désigné par « le directeur » qui fut réceptionnée le 26 octobre 2018 et portée au rôle du contentieux sous le numéro ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 août 2019, inscrite sous le numéro 43436 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation (i) des bulletins de l’impôt commercial communal des années 2014, 2015 et 2016, (ii) des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, (iii) des bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2014, 2015 et 2016, (iv) des bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, (v) des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, tous émis par le bureau d’imposition en date du 12 septembre 2018, et (vi) du décompte à la suite des bulletins de l’impôt précités émis par le service de recette … de l’administration des Contributions directes en date du 24 juillet 2019.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre le décompte émis par le service de recette … de l’administration des Contributions directes en date du 24 juillet 2019.

La demanderesse s’est rapportée à prudence de justice en ce qui concerne le moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé.

Il échet de retenir qu’un extrait de compte émis par un bureau de recette ne fixe aucune cote de l’impôt et ne comporte aucune autre décision sur une obligation du contribuable concerné à l’égard de l’administration fiscale, mais se confine par essence à relater les cotes de l’impôt fixées moyennant bulletins de l’impôt par le bureau d’imposition et les échéances de paiement résultant de la loi ou, le cas échéant, de décisions du bureau d’imposition. Il ne constitue par voie de conséquence ni un bulletin au sens du paragraphe 228 AO ni une autre décision au sens du paragraphe 237 AO, de sorte qu’un recours contre un extrait de compte est à déclarer irrecevable, faute par celui-ci de constituer une décision soumise au contrôle des juridictions de l’ordre administratif1.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’extrait de compte du 24 juillet 2019 est à déclarer irrecevable.

Dans son mémoire en réponse, le délégué soulève encore l’irrecevabilité omisso medio du recours en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2014, 2015 et 2016, les bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, et contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, au motif que la demanderesse n’a pas réclamé contre lesdits bulletins auprès du directeur.

La société … s’est rapporté s’est rapportée à prudence de justice en ce qui concerne ce volet de son recours.

Il échet à cet égard de relever qu’aux termes du paragraphe 228 AO « Les décisions visées aux §§ …, 211, 212, 212a alinéa 1er, 214,215, 215a et 235 peuvent être attaqués dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l’Administration des 1 Trib. adm., 12 janvier 2000, n° 11513 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1054 et les autres références y citées.contributions directes ou son délégué. Il sera procédé conformément au § 299. La décision du directeur est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif qui statuera au fond ».

Il résulte de cette disposition qu’un bulletin au sens du paragraphe 228 AO doit être contesté au moyen d’une réclamation adressée dans un délai de trois mois au directeur, un recours contentieux pouvant, aux termes de l’article 8, paragraphe (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », seulement être introduit contre une décision directoriale expresse, voire contre le bulletin d’impôt en cas de silence du directeur durant plus de six mois à l’égard de la réclamation lui soumise relativement au bulletin d’impôt dont s’agit2.

En l’espèce, il résulte du libellé de la réclamation de la demanderesse adressée au directeur en date du 23 octobre 2018, que ladite réclamation vise exclusivement les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, émis le 12 septembre 2018 et que les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2014, 2015 et 2016, les bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, et les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017 n’ont pas fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable omisso medio en ce qu’il est dirigé contre ces derniers bulletins.

En ce qui concerne la recevabilité du recours pour autant qu’il est directement dirigé contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, force est tout de constater que conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre des bulletins de l’impôt si, dans un délai de six mois suite à l’introduction d’une réclamation, le directeur est resté en défaut de prendre une décision. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

En l’espèce, force est de constater que la réclamation introduite par la société … contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016 en date du 23 octobre 2018 n’a pas connue de réponse de la part du directeur, de sorte que le recours a valablement pu être dirigé directement contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016. Par ailleurs, un délai de plus de six mois s’est écoulé entre la réclamation de la société … et le dépôt du recours sous examen en date du 13 août 2019. Il s’ensuit que le recours en réformation contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours, la société … rappelle dans un premier temps les faits et rétroactes à la base des bulletins déférés, et précise, après avoir cité son objet social tel que défini dans ses statuts, que dans le cadre de ses activités elle aurait acquis, le 1er avril 2008, 8.990 des 9.000 parts sociales de la société de droit belge active dans le secteur de l’habillement …, ci-après désignée la « société … » pour un prix de ….-€ auprès de Monsieur … et que ce montant aurait été comptabilisé en 2008 dans le compte-courant actionnaire de 2 Trib. adm., 10 janvier 2001, n° 12038 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour adm., n° 12938C du rôle, Pas. adm.

2020, V° Impôts, n° 1114 et les autres références y citées.Monsieur …. La justification du prix d’achat aurait été basée sur l’augmentation de capital social réalisée en date du 19 mars 2008 et portant les fonds propres de la société … à ….-€. La créance d’un montant de ….-€ resterait cependant toujours exigible.

La demanderesse précise encore que dans le cadre de leurs relations contractuelles, elle aurait également concédé plusieurs avances en comptes à la société … et qu’au 31 décembre 2015, elle posséderait encore une créance de ….-€ envers la société … résultant (i) de différentes avances faites par elle, (ii) d’une réallocation correcte de dividendes versés par la société anonyme … SA, ci-après la « société … » avant le transfert de cette participation de la société … vers elle-même, (iii) du transfert en compte courant du prix d’achats des parts de la société … suite à l’acquisition de celles-ci par elle-même et (iv) de dividendes à verser par la société … suivant la clôture de l’année 2011.

L’évolution du marché de l’habillement ainsi que la concurrence accrue de la vente en ligne aurait toutefois conduit la société … en faillite le … 2016, faillite qui aurait été clôturée le … 2017. Ayant eu connaissance des difficultés financières de la société … sur base du projet des comptes annuels 2015 de cette même société, lesquels faisaient part d’un montant de capitaux propres évalué à ….-€, elle aurait décidé d’appliquer par prudence les corrections de valeur suivantes dans son bilan au 31 décembre 2015 :

Correction de valeur totale de la créance vers … ….-€ Correction de valeur partielle sur la participation … ….-€ Total :

….-€ Suite à cette correction de valeur partielle, la participation … serait apparue dans son bilan au 31 décembre 2015 pour un montant de ….-€ (soit … x 99%) tandis que la correction de valeur totale aurait anéanti la créance qui lui était due par la société ….

Le bureau d’imposition aurait toutefois décidé que la dette de ….-€ n’était plus due par elle à Monsieur …, de sorte que celle-ci devait être ajoutée hors bilan au résultat déclaré en 2015 et que la correction de valeur de la créance … de 2015 d’un montant de ….-€ devrait être considérée comme non déductible au regard de l’article 4 de la Convention Avances en Compte signée entre la société … et la société … en date du 1er février 2011.

La demanderesse ajoute qu’elle aurait acquis un véhicule de compétition le 21 janvier 2016 auprès de la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après la « société … » pour un montant de ….-€ afin de le louer lors de compétitions sportives. Elle aurait ainsi conclu une convention de collaboration avec ladite société afin que celle-ci lui procure le véhicule, assure les travaux de maintenance et lui trouve des locataires dans le cadre des épreuves de la ….

L’achat dudit véhicule aurait pour objectif principal d’en tirer des revenus locatifs et, en raison de la spécificité visuelle d’un tel véhicule, il pourrait encore être utilisé comme support publicitaire.

Le bureau d’imposition aurait toutefois décidé que l’intégralité des frais déclarés en lien avec l’utilisation de ce véhicule … devaient être considérés comme purement privés, lui imposant ainsi une reprise de part privée pour un montant de ….-€ au cours de l’exercice 2016.

En droit, et en ce qui concerne en premier lieu la correction de valeur de la dette liée à l’acquisition de la participation …, la société … souligne que le bureau d’imposition auraitreconnu la correction de valeur partielle de la participation … d’un montant de …€ dans son bilan au 31 décembre 2015, et aurait estimé que sa dette envers Monsieur … relative à l’acquisition de cette participation n’était plus due et que le montant de ….-€ devrait être ajouté hors bilan au résultat déclaré en 2015.

La demanderesse, tout en rappelant que les dettes sont à évaluer par application appropriée de dispositions relatives aux éléments de l’actif du bilan fiscal, explique que la dette inscrite dans le compte-courant actionnaire d’un montant de ….-€ résulterait de la Convention de Cession d’actions conclue entre Monsieur … et elle-même en date du 1er avril 2008 et que suivant cette convention, les actions de la société … auraient été immédiatement transférées lors de la signature dudit contrat, tandis qu’en ce qui concerne le paiement du prix de vente, les parties auraient, par la suite, décidé que le paiement ferait l’objet d’une inscription dans son compte courant actionnaire, de sorte que sa dette envers Monsieur … demeurerait toujours inscrite jusqu’à la réalisation du paiement et ce, même si la valeur de la participation … aurait subi une correction de valeur de ….-€ au cours de l’exercice fiscal 2015, la disparition de l’objet du contrat n’ayant aucun lien avec l’obligation de paiement issue de la convention initiale.

En effet, Monsieur … n’aurait non seulement pas renoncé au paiement de sa créance mais elle-même envisagerait également toujours de procéder à son règlement lorsque sa situation financière sera plus favorable.

La dette envers Monsieur … devrait donc rester inscrite dans son bilan et ne pas être considérée comme non existante au 31 décembre 2015 tant que Monsieur … n’y aurait pas renoncé, la demanderesse rappelant à cet égard le principe de la force obligatoire du contrat découlant de l’article 1134 du Code civil, l’article 6 de la loi modifiée de l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, ci-après désignée par « LIR », au titre duquel l’impôt frappe le revenu imposable réalisé par le contribuable pendant l’année d’imposition et, l’article 23 LIR fixant le principe que les règles d’évaluation des biens de l’actif net investi doivent répondre au principe de prudence. La demanderesse précise encore que si la correction de valeur ne serait pas obligatoire dans tous les cas en droit comptable, la décision prise par l’entreprise au moment de l’établissement du bilan commercial s’imposerait cependant également en droit fiscal, de sorte qu’en l’absence de toute correction de valeur au bilan comptable, il n’y aurait pas non plus de correction de valeur au bilan fiscal.

Concernant l’absence de présentation d’un plan échelonné, la demanderesse estime qu’il n’appartiendrait pas à l’administration des Contributions directes d’exiger un tel plan de paiement d’une dette qui ne lui appartiendrait pas, de telles modalités devraient être décidées par les parties elles-mêmes. Elle souligne à cet égard que l’administration des Contributions directes ne serait pas un contrôleur de gestion et qu’elle se devrait de respecter les principes de liberté de gestion des entreprises et de non-immixtion dans la gestion des entreprises.

Ainsi, le chef d’entreprise pourrait librement décider de la structure juridique qui encadrera son activité et de la stratégie commerciale à mener.

Elle en conclut que les bulletins litigieux devraient être réformés afin que l’imposition soit établie conformément à ses déclarations fiscales.

Concernant en deuxième lieu la correction de valeur de la créance …, le bureau d’imposition aurait considéré comme non déductible au regard de l’article 4 de la Convention Avances en Compte du 1er février 2011 la correction de valeur de la créance détenue par ellesur la société … d’un montant de ….-€. Elle précise à titre liminaire que le caractère irrécouvrable d’une créance ne saurait en aucun cas dépendre des clauses de garanties prévues contractuellement entre parties, comme celle prévue en l’espèce, par laquelle l’avance devient immédiatement exigible à défaut de garanties suffisantes prévues suite aux changements effectués dans l’actionnariat du débiteur, ou en cas de faillite, de non-paiement des intérêts dans le délai, de cessation d’activité, si les biens qui sont affectés en garantie font l’objet d’une saisie ou s’il est mis fin à une sûreté réelle ou personnelle fournie au créancier pour garantir ses engagements, tout en soulignant qu’elle aurait essayé de se couvrir un maximum quant au règlement des avances en compte de la société …, mais que cette dernière aurait été dans une impossibilité manifeste de régler ses dettes depuis plusieurs années.

Suivant la demanderesse, il s’agissait de distinguer deux notions, à savoir « l’exigibilité » - définie comme le caractère d’une dette dont le créancier est en droit de réclamer l’exécution immédiate sans être tenu de respecter un terme, ni d’attendre l’accomplissement d’une condition suspensive - au titre de laquelle le préavis prévu par l’article 2 de la Convention pour le remboursement de l’avance ne serait pas applicable lorsqu’un des événements prévus par l’article 4 de la Convention intervient, et la notion de « recouvrement », définie comme la perception de sommes d’argent dues. Dans ce contexte, elle fait valoir que si l’application de l’article 4 de la Convention permettrait de considérer la dette de … comme intégralement exigible à compter du moment où celle-ci a été déclarée en faillite, cela ne signifierait pas pour autant que ladite dette pouvait immédiatement être recouvrée, le paiement effectif de la dette dépendant de l’actif à distribuer lors de la clôture de la faillite.

Elle ne saurait dès lors en aucun cas être empêchée d’invoquer le caractère irrécouvrable de sa créance en raison du fait qu’elle a tenté de se prémunir contractuellement des défauts de paiement de son débiteur. Au contraire, il s’agirait plutôt de rapporter la preuve de l’existence de la créance et du fait que celle-ci serait devenue irrécouvrable afin qu’elle puisse être considérée comme déductible.

En se basant sur deux décisions des juridictions administratives3 concernant les critères à remplir pour donner lieu à une correction de valeur, la demanderesse fait valoir que le caractère irrécouvrable de la créance aurait été déterminé au 31 décembre 2015 après réception du projet de bilan de la société … au 31 décembre 2015, lequel aurait permis de constater l’aggravation de la situation financière de cette dernière, les fonds propres de celle-ci étant passés de ….-€ en 2008 à ….-€ au 31 décembre 2015. Tout en soulignant que le bureau d’imposition aurait implicitement reconnu l’existence des difficultés financières de la société … à la clôture de l’exercice alors qu’il n’aurait pas remis en cause la correction de valeur partielle effectuée sur la participation … pour un montant de ….-€, la société … explique qu’elle aurait eu connaissance des problèmes financiers de la société … depuis 2013, difficultés financières, qui auraient été confirmées par la suite à plusieurs reprises lors des exercices au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014. Cette baisse significative aurait été en lien avec les baisses généralement connues dans les domaines du textile et de l’habillement qui connaîtraient une crise sans précédent depuis quelques années. Elle ajoute qu’au cours des assemblées générales de la société … du 20 mai 2014 et du 13 juin 2015, elle aurait participé au vote quant à la continuation des activités de ladite société, mais lorsqu’elle aurait pris connaissance de l’ampleur des pertes de la participation … dans le cadre du projet de bilan obtenu au 31 décembre 2015, elle aurait simultanément pris la décision d’opérer une correction de valeur dans son propre bilan au 31 décembre 2015. La société … aurait, par la 3 Trib. adm., 3 avril 2014, n° 32167 du rôle et Cour adm., 27 septembre 2012, n° 30515C du rôle. suite, sollicité l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif en Belgique en date du 8 mars 2016, procédure qui aurait abouti à une déclaration de faillite en date du … 2016.

Le risque de non-recouvrement aurait encore été nettement précisé et individualisé alors qu’il s’agit d’une dette d’un montant de ….-€ provenant, du non-paiement d’avances en comptes, d’une réallocation correcte de dividendes versés par la société … avant le transfert de cette participation de … vers elle-même, du transfert en compte courant du prix d’achats des parts de la société … suite à l’acquisition de celles-ci par elle-même, et de dividendes à verser par la société … suivant la clôture de l’année 2011.

Concernant l’évaluation des créances, la demanderesse, en se référant aux paragraphes 10, alinéa 1er et 14 de la loi concernant l’évaluation des biens (BewG), suivant lesquels les créances devraient en principe être retenues pour leur valeur nominale, mais que les créances irrécouvrables seraient retenues pour zéro à condition qu’elles soient effectivement irrécouvrables et qu’il fallait prendre en considération tous les faits importants pour l’évaluation, même ceux qui, sans être connus, existaient déjà à la date de l’évaluation et auraient pu être constatés par une révision ultérieure, les circonstances qui ne pouvaient pas encore être envisagées à la date de l’évaluation restant par contre sans influence. Suivant la demanderesse, le risque de non-recouvrement aurait été certain alors que le dernier règlement d’une partie de la dette serait intervenu en 2012 et que depuis cette date, la société … lui aurait fait part, à plusieurs reprises, de l’état de sa situation financière l’empêchant de procéder au paiement intégral de la somme due. Elle n’aurait ainsi d’autre choix que de considérer la créance comme irrécouvrable.

Les bulletins litigieux devraient dès lors être réformés dans le sens que la créance détenue envers la société … est à qualifier d’irrécouvrable.

Concernant en troisième lieu la voiture …, le bureau d’imposition aurait décidé d’appliquer une majoration de la part privée de 100% sur l’utilisation dudit véhicule. Tout en soulignant que bureau d’imposition ne lui aurait jamais communiqué les bases de calcul lui permettant d’arriver à un tel montant retenu, la demanderesse fait plaider que ledit véhicule n’aurait pas servi les intérêts personnels de ses dirigeants ou actionnaires, mais que les frais déclarés en relation avec le véhicule seraient destinés à la réalisation de son objet social. De manière générale, elle indique qu’un véhicule de compétition ne saurait être utilisé pour d’autres motifs que ceux dédiés à la course automobile, les courses automobiles étant réalisées par des locataires externes sur base de contrats conclus avec elle. Elle souligne encore que l’acquisition d’un tel véhicule serait un véritable outil de communication pour elle, notamment en raison du marquage publicitaire présent sur la carrosserie, ce qui prouverait également que l’intégralité des frais y relatifs devraient être considérés comme professionnels.

Les frais déclarés devraient donc être intégralement pris en considération et aucune majoration de la quote-part privée ne saurait être appliquée en l’espèce, la demanderesse se basant encore sur des jugements du tribunal administratif4.

Les bulletins d’imposition concernant l’imposition pour l’exercice 2016 devraient donc être réformés sur ce point.

4 Trib. adm., 21 février 2001, n° 12028 du rôle, trib. adm., 2 février 2009, n° 24367 du rôle, trib. adm., 20 juillet 2011, n° 27298 du rôle. Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir cité l’objet social de la demanderesse tel qu’il figure dans ses statuts et avoir souligné que selon les indications contenues dans ses déclarations d’impôt, la ligne relative à son objet social renseignerait pour l’année 2014 « assistance administrative gestion de participations locations de voitures » et pour les années 2015 et 2016 « détention et gestion de participations financières, prestations de services administratifs », souligne en premier lieu que les contestations de la demanderesse ne porteraient pas sur les distributions cachées de bénéfices, telles que retenues par le bureau d’imposition dans les bulletins des années 2014 et 2015.

En ce qui concerne la correction de valeur sur la participation et la créance de … en 2015, le délégué du gouvernement fait valoir que suivant la convention de cession des actions de la participation de la société …, le bénéficiaire économique de ladite société aurait cédé, en 2008, la participation à la demanderesse, qui aurait été refinancée par ledit bénéficiaire économique par une dette comptabilisée à un compte courant et reprise au passif du bilan et que le bureau d’imposition aurait ajouté hors bilan le montant de cette dette et admis la correction de valeur opérée sur ladite participation d’un montant de ….-€ sans avoir admis la correction de valeur opérée sur la créance envers la société filiale d’un montant de ….-€. Il indique que suivant les règles d’évaluation en droit commercial et fiscal et notamment en vertu du principe de prudence, il devrait être tenu compte des risques qui auraient pris naissance au cours de l’exercice. Or, dans le cadre de l’instruction par le bureau d’imposition, la demanderesse serait restée en défaut de fournir des preuves concluantes corroborant la situation financière précaire éventuelle de la société … au 31 décembre 2015. L’administration fiscale pourrait ainsi supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement et le contribuable devrait prouver que la diminution de bénéfice est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées. La demanderesse n’aurait cependant pas fourni de telles preuves permettant d’aboutir à une évaluation différente de la créance au 31 décembre 2015.

Concernant la voiture …, le délégué du gouvernement estime que le contrat en relation avec ladite voiture versé en cause constituerait un projet de convention de collaboration qui serait certes signé mais ne porterait pas de date, de sorte qu’il ne saurait servir de moyen probant. Tout en soulignant que le bureau d’imposition aurait admis une distribution cachée de bénéfices à raison de l’amortissement, à savoir ….-€ et qu’il aurait admis, par estimation, l’existence de frais de maintenance à raison de ….-€, frais compris parmi les dépenses d’exploitation déclarées, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ressortirait cependant des bilans fournis par la demanderesse pour les exercices 2014, 2015 et 2016 que son objet principal consisterait en la détention de participations financières, de sorte que l’acquisition et l’entretien d’une telle voiture ne générant pas des recettes en 2016, respectivement des recettes avec une marge bénéficiaire insuffisante, tirerait son origine de la relation particulière entre associé et société. La partie étatique estime plus particulièrement qu’un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’aurait pas acquis une telle voiture sur base d’un projet de convention de collaboration ne portant pas de date et retenant des modalités assez vagues quant aux recettes à attendre et aux dépenses à engager, de sorte qu’en vertu de l’article 164, alinéa 3 LIR, il y aurait distribution cachée de bénéfices.

Le délégué du gouvernement estime dès lors que le recours sous analyse ne serait pas fondé.

La demanderesse réplique que le délégué du gouvernement ne se serait pas prononcé sur la correction de valeur de sa dette envers Monsieur … relative à l’acquisition de la participation … pour un montant de ….-€, mais se serait contenté de relever qu’une correction de valeur sur ladite participation pour un montant de ….-€ aurait été admise, et indique à cet égard que la correction de valeur de la participation elle-même n’aurait aucun lien avec le paiement de la dette à l’origine de l’achat de cette participation dès lors que le créancier n’aurait pas renoncé au paiement de sa dette et que le débiteur se serait engagé à la lui rembourser. Même si l’administration des Contributions directes avait reconnu la dévaluation de la participation pour un montant de ….-€, elle ne saurait exiger une autre dévaluation pour une dette qu’elle se serait engagée à payer à Monsieur … lors de la signature de la convention de cession d’actions du 1er avril 2008.

Concernant la correction de valeur de la créance … considérée comme non déductible, la demanderesse estime qu’elle aurait fourni des preuves concluantes corroborant la situation financière précaire de la société … au 31 décembre 2015. Elle indique à cet égard qu’elle aurait fourni toutes les preuves nécessaires permettant de justifier ladite correction de valeur de la créance dans la mesure où les fonds propres de la société … seraient passés de ….-€ en 2008 à ….- € au 31 décembre 2015, justifiant ainsi la correction de valeur de la participation ainsi que de la créance dans la mesure où le montant de cette créance dépasserait les fonds propres de la société et qu’il n’y aurait aucune perspective d’amélioration pour l’avenir. Elle aurait ainsi fourni ces justifications tant dans le courrier électronique du 31 août 2018 que dans sa réclamation auprès du directeur sans que l’administration des Contributions directes ne lui aurait précisé en quoi lesdits renseignements et documents ne permettraient pas de prouver que la correction de valeur de la créance était justifiée, et ce d’autant plus que parallèlement, la correction de la valeur de la société … aurait été admise. Elle considère dès lors que l’administration des Contributions directes aurait effectué une qualification erronée des faits et n’aurait pas été en mesure de lui communiquer les raisons pour lesquelles la correction de valeur ne saurait être admise. Or, les informations et documents fournis, ne lui permettrait pas d’aller au-delà de ce qu’elle aurait déjà expliqué et produit. Il y aurait dès lors lieu de constater qu’elle aurait fourni les informations et documents suffisants pour qualifier la créance détenue envers la société … d’irrécouvrable.

Concernant la reprise de part privée de la voiture …, la demanderesse précise que ses derniers statuts coordonnés du 29 octobre 2013 indiqueraient clairement qu’elle aurait, parmi ses attributions sociétaires, la possibilité de fournir « des services d’animation, d’organisation, de relations publiques relatives au monde de l’automobile, ainsi que la location de véhicules automobiles », de sorte que ce serait à tort que la partie étatique considérait que l’acquisition et l’entretien de la voiture en question tirait son origine de la relation particulière entre elle et ses associés. Elle insiste avoir acquis le véhicule en question conformément à son objet social, et souligne que la location, l’entretien, la maintenance, l’exposition et plus globalement l’utilisation du véhicule seraient gérés par un tiers, la société …, de sorte à exclure l’existence d’une distribution cachée de bénéfices. Elle rappelle que le véhicule serait homologué et exclusivement utilisé dans le cadre de la … et qu’il ne s’agirait donc pas d’un véhicule que son actionnaire pourrait utiliser dans le cadre de sa vie privée. Le véhicule serait encore loué par des tiers lors des courses automobiles, ce qui prouverait l’absence de lien entre l’utilisation du véhicule et son actionnaire, Le véhicule serait encore stationné et exposé dans les locaux de la société …. Suivant la demanderesse, la preuve de cette location serait rapportée, non seulement par le projet de convention de collaboration signé par les deux parties, mais aussi par lesfactures adressées à la société … pour sa location et par les marquages présents sur le véhicule.

Ce serait encore à tort que la partie étatique considère que le contrat en question ne comporterait pas de date dans la mesure où l’article 7 préciserait que le contrat s’applique à compter du 1er avril 2016 pour une période de trois ans. La référence à la notion de « projet » dans l’intitulé ne serait qu’une erreur de forme et ne permettrait pas de mettre en doute l’intégrité dudit contrat, la demanderesse rappelant à cet égard encore la définition même du contrat n’exigerait pas que celui-ci soit obligatoirement documenté par un écrit, la forme étant seulement l’apparence que prend la volonté.

Elle conteste également l’argument selon lequel un gestionnaire moyennement diligent n’aurait pas acquis une telle voiture sur un projet de convention de collaboration, au motif que le contrat en question ne porterait pas sur la vente du véhicule qui aurait été acquis préalablement, mais sur une collaboration mettant en relation elle-même et la société … dans le cadre de la mise en location du véhicule. Les revenus tirés de ce contrat dépendraient cependant des locations effectuées, ce qu’elle ne pourrait pas prévoir à l’avance. La société … se chargerait de la location du véhicule durant les diverses manifestations sportives dans la mesure où elle disposerait d’une certaine expérience dans le cadre de l’organisation de compétitions sportives et de contacts pouvant permettre la location du véhicule, à charge ensuite pour elle-même de facturer l’utilisation du véhicule durant ces compétitions sportives.

Il serait encore faux de prétendre que l’acquisition dudit véhicule ne générerait pas de recettes ou générerait des recettes avec une marge bénéficiaire insuffisante alors que la renommée de la … lui permettrait de bénéficier de recettes connexes qui ne seraient pas seulement liées à la location du véhicule par des tiers, tels que des frais publicitaires pour le marquage présent sur le véhicule, la demanderesse ajoutant qu’il n’importerait pas que les recettes découlant de cette location seraient dans un premier temps inférieures aux dépenses engagées, alors que s’agissant surtout d’actions publicitaires, les conséquences pourraient être significatives à un terme plus ou moins long. Elle explique encore qu’avec un marquage publicitaire présent sur tout le véhicule, la marque en question pourrait bénéficier d’une grande visibilité lors des compétitions sportives ou diverses expositions durant lesquelles le véhicule est présent ou exposé.

L’acquisition d’un tel véhicule ainsi que le paiement des frais y relatifs devraient dès lors être considérés comme des dépenses exclusivement professionnelles.

A titre liminaire, force est au tribunal de constater qu’en établissant les bases d’imposition des années 2014 à 2016, le bureau d’imposition a majoré le revenu imposable de la demanderesse de ….-€ pour l’année 2014 et de ….-€ pour l’année 2015 pour constituer des distributions cachées de bénéfices en relation avec différentes créances de la demanderesse envers des filiales, majorations qui n’ont pas fait l’objet de contestations de la demanderesse devant le tribunal de céans. En effet, la demanderesse critique exclusivement (i) l’ajout hors bilan de la dette relative à la valeur de la participation dans la société … de l’année 2015 d’un montant de ….-€, (ii) l’ajout hors bilan de la correction de valeur sur la créance … en 2015 d’un montant de ….-€ et (iii) la distribution cachée de bénéfices en relation avec le véhicule … pour l’année 2016 d’un montant de ….-€, de sorte que le tribunal limitera son analyse à ces trois points litigieux.

Dans cette optique, il convient d’ores et déjà de rejeter le recours de la demanderesse en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur lerevenu des collectivités de l’année 2014, dans la mesure où elle ne conteste pas l’imposition de l’année 2014 pour ne pas avoir soulevé de moyen à cet égard.

1. Concernant les corrections de valeur pour l’année d’imposition 2015 Il convient de prime abord de préciser que les corrections de valeur regroupent deux notions comptables distinctes à savoir d’un côté l’amortissement lequel est censé refléter la dépréciation économique irréversible d’un élément d’actif résultant notamment de son usage, du temps ou de changements techniques, et, de l’autre côté les corrections pour dépréciation, qui ont pour vocation de constater une diminution de la valeur d’un poste d’actif dont les effets ne sont pas jugés irréversibles. Le régime des corrections pour dépréciation, seul pertinent en l’espèce, vise les immobilisations non amortissables, ainsi que les éléments de l’actif circulant5, telles que les créances.

Ces corrections de valeur de l’actif circulant sont visées par l’article 61 (1) de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés, aux termes duquel :

« a) Les éléments de l’actif circulant doivent être évalués au prix d’acquisition ou au coût de revient, sans préjudice des points b) et c).

b) Les éléments de l’actif circulant font l’objet de corrections de valeur afin de donner à ces éléments la valeur inférieure du marché ou, dans des circonstances particulières, une autre valeur inférieure qui est à leur attribuer à la date de clôture du bilan.

c) L’évaluation à la valeur inférieure visée sous b) et c) ne peut pas être maintenue si les raisons qui ont motivé les corrections de valeur ont cessé d’exister.

d) Si les éléments de l’actif circulant font l’objet de corrections de valeur exceptionnelles pour la seule application de la législation fiscale, il y a lieu d’en indiquer dans l’annexe le montant dûment motivé. ».

C’est en vertu du principe de prudence, se retrouvant à l’article 51 (1) c) de la prédite loi du 19 décembre 2002 d’après lequel « seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits », et qui impose qu’il soit « tenu compte de tous les passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même si ces passifs sont connus qu’entre la date de clôture du bilan et la date à laquelle il est établi » ainsi que « des dépréciations, que l’exercice se solde par une perte ou par un bénéfice », qu’il y a lieu de constater une correction pour la dépréciation des créances dont le recouvrement paraît compromis6.

Une correction de valeur de l’actif circulant constitue ainsi une diminution de la valeur attribuée à une créance par rapport à sa valeur nominale pour tenir compte d’un risque concret de non-recouvrement et qui anticipe ainsi partiellement ou intégralement sur un exercice d’exploitation antérieur la perte définitive de cet élément de l’actif en cas de constat d’une impossibilité définitive de recouvrement au cours d’un exercice d’exploitation postérieur7.

En ce qui concerne la prise en compte d’un point de vue fiscal d’une telle correction de valeur effectuée sur le plan comptable, il convient de prime abord de se référer à l’article 23 (1) LIR lequel pose la règle générale que « l’évaluation des biens de l’actif net investi doit 5 D, Colin, Précis de droit comptable, édition 2016, Legitech, page 37.

6 Ibidem. page 58.

7 Voir en ce sens Cour adm. 10 novembre 2015, n° 35818C du rôle, Pas. adm. 2019, V° Impôts, n°170.répondre aux règles prévues aux alinéas suivants et, en ce qui concerne les exploitants obligés à la tenue d’une comptabilité régulière, aux principes d’une comptabilité pareille ».

L’article 23 (3) LIR, quant à lui, pose à l’égard de tous les biens de l’actif autres que les immobilisations amortissables, et partant tant à l’égard des immobilisations financières, non amortissables, qu’à l’égard des créances de l’actif circulant, la règle qu’ils « sont à évaluer au prix d’acquisition ou de revient. Lorsque la valeur d’exploitation y est inférieure, l’évaluation peut se faire à cette valeur inférieure. Lorsque la valeur d’exploitation de biens ayant fait partie de l’actif net investi à la fin de l’exercice précédent est supérieure à la valeur retenue lors de la clôture de cet exercice, l’évaluation peut se faire à la valeur d’exploitation, sans que toutefois le prix d’acquisition ou de revient puisse être dépassé », tandis que l’article 23 (4) LIR indique que « Les dettes sont à évaluer par application appropriée des dispositions de l’alinéa qui précède. ».

L’article précité s’inspire du principe de prudence en autorisant l’exploitant à évaluer une créance déterminée à une valeur d’exploitation inférieure à la date de clôture de l’exercice, valeur qui est donc inférieure à celle du jour de la conclusion de l’opération.

Faute de dispositions légales contraires, il convient de retenir que conformément au principe du raccrochement du bilan fiscal au bilan commercial posé par l’article 40 (1) LIR aux termes duquel : « (1) Lorsque les prescriptions régissant l’évaluation au point de vue fiscal n’exigent pas une évaluation à un montant déterminé, les valeurs à retenir au bilan fiscal doivent être celles du bilan commercial ou s’en rapprocher le plus possible dans le cadre des prescriptions prévisées, suivant que les valeurs du bilan commercial répondent ou ne répondent pas aux mêmes prescriptions. […] », les règles du droit comptable sont en principe à respecter en l’espèce.

a) Concernant la correction de valeur sur créance … d’un montant de ….-€ pour l’année d’imposition 2015 Il convient de rappeler, comme retenu ci-avant, que la comptabilisation d’une correction de valeur sur base du principe de prudence se trouve soumise à la condition de l’existence d’une certaine probabilité d’une irrécouvrabilité.

Il y a, par ailleurs, lieu de rappeler, en ce qui concerne la charge de la preuve au cours de la procédure contentieuse se déroulant devant le tribunal administratif, qu’aux termes de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « La preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable […] ».

Dans la mesure où la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable, il appartient à la demanderesse d’établir que la créance à la base de la correction de valeur litigieuse a effectivement été irrécouvrable au moment où elle a effectué l’écriture comptable litigieuse, de sorte que ladite correction de valeur était justifiée et de ce fait déductible sur le plan fiscal.

Pour qu’une créance puisse être considérée comme étant effectivement irrécouvrable, et puisse, le cas échéant, donner lieu à la constatation d’une correction de valeur, elle doit répondre à un certain nombre de critères, à savoir notamment que le risque de non-recouvrement doit être nettement précisé et individualisé, c’est-à-dire qu’il doit concernerune créance déterminée et non pas un risque général, lié à la conjoncture par exemple et qu’il doit pouvoir être déterminé avec une certaine certitude, notamment au vu d’événements qui rendent probables la perte, tel que par exemple l’absence de réponse aux relances successives, ou encore l’existence de procédures contentieuses8.

En l’espèce, le bureau d’imposition conteste le principe-même de la déductibilité de la correction de valeur effectuée sur les créances … d’un montant de ….-€ en se basant sur l’article 4 de la Convention Avances en Compte signée entre la société … et la société … en date du 1er février 2011, lequel stipule ce qui suit : « […] En cas de modification de l’actionnariat [de la société …, la société …] se réserve le droit d’exiger les garanties nécessaires à la couverture de l’avance faite. A défaut de garanties ou en cas de garanties insuffisantes, l’avance deviendra immédiatement exigible.

Il en sera de même :

 En cas de faille [de la société …] ;

 En cas de non-paiement des intérêts dans le délai sis dit ;

 En cas de cessation d’activité ;

 Si les biens qui sont affectés en garantie en vertu du paragraphe précédent font l’objet d’une saisie ou s’il est mis fin à une sûreté réelle ou personnelle fournie [à la société …] pour garantie des engagements. […] », le délégué du gouvernement ajoutant encore que la demanderesse serait restée en défaut de fournir des preuves concluantes corroborant la situation financière précaire éventuelle de la société … au 31 décembre 2015.

Or, force est tout d’abord au tribunal de constater, tel que soutenu à juste titre par la demanderesse, que si l’article 4 précité permet de considérer la dette de … comme étant devenue intégralement exigible au moment de sa faillite le … 2016 ne signifie pas que ladite dette pouvait immédiatement être recouvrée, un tel recouvrement dépendant de l’actif à distribuer au moment de la clôture de la faillite. Ainsi, la seule existence de l’article 4 de la Convention Avances en Compte n’empêche pas la demanderesse d’invoquer le caractère irrécouvrable de sa créance envers la société ….

Concernant la preuve de la situation financière précaire de la société … au 31 décembre 2015, force est au tribunal de constater que la demanderesse a versé une analyse financière de la société … indiquant que ses fonds propres sont passés de ….-€ en 2008 à ….-

€ en 2014 pour arriver à ….-€ au 31 décembre 2015. Par ailleurs, il résulte des explications de la demanderesse à cet égard qu’elle a réceptionné le projet de bilan de la société … au 31 décembre 2015, lequel lui a permis de constater l’aggravation de la situation financière de la société …, et qu’elle a déjà eu connaissance des problèmes financiers de cette dernière depuis 2013, problèmes, qui ont été en lien avec les baisses généralement connues dans les domaines du textile et de l’habillement. Elle indique que risque de non-recouvrement a été certain alors que le dernier règlement d’une partie de la dette serait intervenu en 2012 et que depuis cette date, la société … lui avait fait part à plusieurs reprises de l’état de sa situation financière l’empêchant de procéder au paiement intégral de la somme due. Elle explique également que le risque de non-recouvrement était précisé et individualisé comme s’agissant d’une dette d’un montant de ….-€ provenant du non-paiement d’avances en comptes, d’une réallocation correcte de dividendes versés par la société … avant le transfert de cette participation de … vers elle-même, du transfert en compte courant du prix d’achats des parts de la société … suite 8 Trib. adm., 3 avril 2014, n°32167 du rôle, disponible sous www.ja.etat.luà l’acquisition de celles-ci par elle-même, et de dividendes à verser par la société … suivant la clôture de l’année 2011.

Face à ces explications circonstanciées de la situation factuelle ayant conduit la société demanderesse de considérer la créance litigieuse comme étant irrécouvrable, et eu égard aux circonstances que, d’un côté, le bureau d’imposition a en principe reconnu l’existence des difficultés financière de la société … au 31 décembre 2015 pour avoir admis une correction de valeur sur la participation … pour un montant de ….-€, et, de l’autre côté, le délégué du gouvernement s’est contenté d’alléguer de manière générale et abstraite que la situation financière précaire éventuelle de la société … au 31 décembre 2015 ne serait pas prouvée en l’espèce, sans cependant indiquer en quoi exactement les pièces et explications fournies par la demanderesse quant à sa façon de procéder seraient insuffisantes, voire injustifiées pour admettre le caractère irrécouvrable de sa créance envers la société …, il échet de retenir que la société … a, à suffisance, établi que la créance à la base de la correction de valeur litigieuse a effectivement été irrécouvrable au moment où elle a effectué l’écriture comptable litigieuse, de sorte que ladite correction de valeur était justifiée et de ce fait déductible sur le plan fiscal.

Il s’ensuit que les bulletins de l’impôt sont à réformer en ce sens.

b) Concernant la dette sur « participation … » d’un montant de ….-€ pour l’année d’imposition 2015 En l’espèce, il n’est pas contesté en cause que la demanderesse a acquis en date du 1er avril 2018, 8.990 des 9.000 parts sociales de la société … pour un prix de ….-€ auprès de Monsieur … et que ce montant a été comptabilisé en 2008 dans le compte-courant actionnaire de Monsieur …. Il n’est pas non plus contesté que le prix d’achat a été basé sur l’augmentation de capital social réalisée en date du 19 mars 2008 et portant les fonds propres de la société … à ….-€.

Il résulte par ailleurs des pièces soumises à l’appréciation du tribunal que la société … a été déclarée en état de faillite en date du le … 2016, faillite qui a été clôturée le … 2017 et que le bureau d’imposition a admis une correction de valeur partielle sur la « participation … » de ….-€ pour l’année d’imposition 2015.

Le bureau d’imposition a cependant estimé que la dette de la demanderesse envers Monsieur … relative à l’acquisition des actions en question n’était plus due et que le montant de ….-€ devrait être ajouté hors bilan au résultat déclaré en 2015, le délégué du gouvernement n’ayant pas particulièrement pris position quant à ce motif de refus du bureau d’imposition et aux développements de la demanderesse dans ce contexte.

Or, à cet égard, il résulte de la Convention de Cession d’action du 1er avril 2008 soumise au du tribunal que « Le cessionnaire acquiert à l’instant les actions en pleine propriété quitte et libres de tout gage, sûreté ou autres droits des tiers. Le transfert de propriété des actions a eu lieu à l’instant par la remise par les cédants au Cessionnaire des actions, objet des présentes. », de sorte que les actions en question ont été transférés à la demanderesse en date du 1er avril 2008. En ce qui concerne le prix d’achat, il résulte de la même Convention de Cession d’action que « Le prix de vente est payé par le cessionnaire, sarl … au cédant par virement sur le compte de Monsieur …. Le cessionnaire pourra payer le montant de …€ en plusieurs virements. ».

Il résulte ensuite des affirmations de la demanderesse, non autrement contestées, que le prix d’achat des actions en question n’a, à ce jour, pas été payé, mais que les parties ont convenu d’un paiement ultérieur du prix d’achat des actions transférés lors de la Convention de Cession d’actions le 1er avril 2008, et que le montant de ….-€ reste dès lors toujours exigible. Cette affirmation est corroborée par un courrier de Monsieur … daté au 15 avril 2016, suivant lequel il n’entend pas renoncer à sa créance liée à la cession des actions ….

Il échet dès lors de constater que la dette de la société … envers Monsieur … issue de la Convention de Cession d’action du 1er avril 2008 reste toujours due.

En effet, et tel que relevé à juste titre par la demanderesse, la disparition de l’objet de la Convention de Cession d’action suite à la faillite de la société … intervenue en date du … 2016 n’a aucune influence sur l’obligation de paiement du prix d’achat des actions en question, la demanderesse restant toujours tenue au paiement de sa dette envers Monsieur … dans la mesure où elle a acquis les actions de la société … le 1er avril 2008.

C’est dès lors à tort que le bureau d’imposition a considéré la dette de la demanderesse envers Monsieur … d’un montant de ….-€ comme n’étant plus due, de sorte que les bulletins de l’impôt doivent être réformés en ce sens.

2. Concernant la distribution cachée de bénéfices en relation avec le véhicule … pour l’année d’imposition 2016 En ce qui concerne la distribution cachée de bénéfices reprochée à la demanderesse, l’article 164 LIR, dispose que « 1) Pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit.

2) Sont à considérer comme distribution dans le sens de l’alinéa qui précède, les distributions de quelque nature qu’elles soient, faites à des porteurs d’actions, de parts bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation.

3) Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable.

Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité. ».

L’article 164, paragraphe (3), LIR reprend en fait le paragraphe (6), deuxième phrase, de l’ancienne Körperschaftssteuergesetz (KStG) allemande maintenue en vigueur au Luxembourg, conformément à l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes, cotisations et droits, dont il conserve le contenu matériel, vu que, selon les travaux parlementaires, le nouveau texte « n’entend pas innover par rapport à la législation actuellement en vigueur »9.

L’essence de la notion de distribution cachée doit être dégagée à partir du principe posé par l’article 164, paragraphe (1), LIR suivant lequel les distributions ne peuvent pas réduire le revenu imposable. La loi opère de la sorte une distinction entre la sphère de réalisation des revenus, qui détermine le revenu imposable devant être soumis à imposition, et 9 Projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 571, commentaire des articles, ad art. 239, p. 3.celle d’utilisation ou de distribution des revenus qui ne doit pas influer sur le revenu imposable. Ainsi, une distribution cachée de bénéfices s’analyse en une opération ayant l’apparence d’être intervenue dans le cadre de la réalisation de revenus, mais dont l’examen de sa substance permet de dégager sa qualification réelle d’une opération de distribution trouvant son fondement dans l’allocation d’un avantage direct ou indirect à un associé, actionnaire ou intéressé et ayant entraîné soit une diminution de l’actif (“Vermögensminderung”) soit un défaut d’accroissement de l’actif (“verhinderte Vermögensmehrung”).

Les distributions cachées de bénéfices visées par le paragraphe (3) de l’article précité existent si un associé, un actionnaire ou un intéressé reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qui s’analysent pour cette dernière en un emploi de revenus sans contrepartie effective et que l’associé, l’actionnaire ou l’intéressé n’aurait pas pu obtenir cet avantage en l’absence de ce lien. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers10.

Ces principes n’empêchent évidemment pas des relations économiques entre la collectivité et ses propres actionnaires ou associés, mais ils soumettent ces relations au respect des mêmes exigences de relations synallagmatiques respectant un certain équilibre entre la prestation et la contre-prestation entre les deux parties telles celles qui seraient convenues sur le marché entre deux parties indépendantes sans lien participatif. L’article 164, paragraphe (3), LIR, dans la mesure où il requalifie en distribution cachée l’allocation d’un avantage sans contrepartie effective, qui pourrait être obtenue sur le marché, et motivée seulement par le lien participatif, s’analyse dans cette mesure et dans les relations entre une société et ses associés, actionnaires ou intéressés en une concrétisation du principe plus général de pleine concurrence11.

Concernant la charge de la preuve, aux termes de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ». La charge de la preuve de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices repose donc en premier lieu sur le bureau d’imposition.

Celui-ci doit, en effet, procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable et relever des éléments qui lui paraissent douteux et qui pourraient indiquer l’existence de distributions cachées de bénéfices. Ainsi, c’est essentiellement lorsque le bureau d’imposition peut faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une telle distribution probable et qui n’ont pas été éclairées ou documentées par le contribuable que le prédit bureau peut mettre en cause la réalité économique des opérations et supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées12.

10 Cour adm., 1er février 2000, n° 11318C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 591 et les autres références y citées.

11 Cour adm., 26 mars 2015, n° 34024C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 603 et les autres références y citées.

12 Trib. adm., 9 juin 2008, n° 23324 du rôle, confirmé par Cour adm., 12 février 2009, n° 24642C du rôle, Pas.

adm. 2020, V° Impôts, n° 591, et les autres références y citées.En l’espèce, il ressort d’un extrait du Registre de Commerce et des Sociétés que suivant ses derniers statuts coordonnés en date du 29 octobre 2013, l’objet social de la demanderesse était notamment « la fourniture de services d’animation, d’organisation, de relations publiques relatives au monde de l’automobile, ainsi que la location de véhicules automobiles », de sorte que les frais en relation avec le véhicule … tombent a priori dans l’objet social de la demanderesse, les allégations de la partie étatique que son objet principal suivant bilans, serait la détention de participations financières n’étant pas de nature à reverser cette première constatation suivant laquelle l’objet social de la demanderesse prévoit expressément des activités relatives au monde de l’automobile.

Il résulte ensuite des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, et plus précisément d’une facture émise par la société … datée au 21 janvier 2016, que la demanderesse a acheté un véhicule … pour le montant de ….-€, facture qui, suivant mention manuscrite, a été payée le 28 janvier 2016. Il ressort encore d’un document intitulé « Projet de Convention de Collaboration » que pour une période de trois ans à partir du 1er avril 2016 l’exclusivité des travaux de maintenance, d’entretien et de réparations du véhicule … est confiée à la société … afin de permettre audit véhicule de participer aux épreuves dites « … » et à toute « … ». La Convention stipule également que la société … est chargée du transport du véhicule sur les lieux de l’épreuve et de la reprise du véhicule en ses ateliers. La société … dispose, par ailleurs, pour la période visée du droit d’exposer le véhicule dans le cadre de l’organisation de foires ou d’expositions pour les périodes où aucune épreuve n’est organisée. Par cette même Convention, la société … a également été chargée de rechercher des locataires susceptibles de prendre le véhicule en location pour les épreuves, dont les modalités font l’objet de contrats de location séparés pour chaque épreuve.

Or, force est au tribunal de constater que l’usage, la destination et la finalité du véhicule … ont bien été encadrés par les documents précités, desquels il résulte que le véhicule en question n’est, en principe, pas à disposition de la demanderesse, voire d’un associé de la demanderesse, mais est loué, entretenu, utilisé et exposé exclusivement par une société tierce, dans les locaux de laquelle il est stationné, situation ne permettant a priori pas de conclure que ledit véhicule aurait servi les intérêts personnels des dirigeants ou actionnaires de la demanderesse, et ainsi de retenir une distribution de bénéfices illégale.

Les contestations de la partie étatique mettant en doute la valeur probante de la Convention entre la demanderesse et la société … au motif qu’il ne s’agirait que d’un projet non daté, sont à rejeter dans ce contexte. En effet, le simple intitulé du document litigieux indiquant qu’il s’agit d’un projet, tout comme l’absence de date de conclusion, ne sont pas de nature à mettre en doute sa légalité, dans la mesure où d’un côté, la Convention litigieuse porte la signature tant de la demanderesse que de la société … et, de l’autre côté, il ressort des éléments soumis à l’appréciation du tribunal qu’elle a été suivie d’effets soulignant ainsi la volonté des parties de contracter. Il ressort ainsi d’une facture de rappel adressée par la demanderesse à la société … en date du 18 avril 2019, que le montant de ….-€ reste encore dû et d’un document relatif à l’historique des mouvements concernant la société … pour la période de 2017 à 2019 que des mouvements financiers entre les deux sociétés ont eu lieu.

Une facture émise par la demanderesse adressée à la société … SARL le 30 mai 2016 renseigne encore que les frais publicitaires « Saison 2016 – … », « Publicité Radio- Juin 2016 » et « Publicité – Braderie 2016 » ont été facturés pour un montant de ….-€. A cela s’ajoute qu’il ressort des informations contenues dans un courrier électronique adressé au bureau d’imposition du 31 août 2018 par une fiduciaire, non autrement contestées par la partie étatique, que le véhicule en question a été loué pour des événements en 2016 et que lafacturation a eu lieu en 2017, facture adressée à la société … en date du 22 février 2017 pour le montant de ….-€ et figurant parmi les pièces versées par la demanderesse.

L’allégation de la partie étatique que l’acquisition et l’entretien d’une telle voiture ne générait pas de recettes, voire des recettes avec une marge bénéficiaire insuffisante et qu’un gestionnaire moyennement diligent n’aurait pas acquis une telle voiture et conclu une telle de Convention de Collaboration comme celle conclu l’espèce, ne permet cependant pas au tribunal, à défaut de tout autre élément, de retenir une distribution cachée de bénéfices dans le chef de la demanderesse. Au contraire, force est de constater, d’une part, qu’il ressort des documents cités ci-avant que le véhicule … a bel et bien généré des revenus de location à la demanderesse pendant l’année 2016 et, d’autre part, que les explications circonstanciées fournies par la demanderesse et non contestées par la partie étatique, à savoir que les revenus tirés de la Convention de Collaboration dépendent des locations effectuées par les intéressés, que la renommée de la … lui permet encore de bénéficier de recettes connexes, tels que des frais publicitaires pour le marquage du véhicule, et que les conséquences de telles actions publicitaires peuvent être significatives à un terme plus long, ne sont pas dénouées de toute pertinence.

Il résulte de tout ce qui précède, ainsi que des documents et explications fournies par la demanderesse, que le bureau d’imposition est resté en défaut de faire état d’un faisceau de circonstances qui rendent une distribution cachée de bénéfices probable dans le chef de la société ….

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions de la qualification de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices ne sont pas remplies en l’espèce, de sorte que c’est à tort que le bureau d’imposition a retenu une distribution cachée de bénéfices en relation avec le véhicule … pour l’année 2016 d’un montant de ….-€, au sens de l’article 164 LIR et que les bulletins de l’impôt devraient partant être réformés en ce sens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’extrait de décompte émis par l’administration des Contributions directes en date du 24 juillet 2019 ;

le déclare encore irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux des années 2014, 2015 et 2016, les bulletins de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, et les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017, émis le 12 septembre 2018 ;

reçoit le recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, émis le 12 septembre 2018 en la forme ;

au fond le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation des bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 dit que c’est à tort que le bureau d’imposition a refusé la correction de valeur sur créance … d’un montant de ….-€ pour l’année 2015 ;

par réformation des bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 dit encore qu’il n’y a pas lieu d’ajouter la dette de ….-€ hors bilan au résultat déclaré de l’année 2015 ;

par réformation des bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2016 dit finalement qu’il n’y a pas de distribution cachée de bénéfices en relation avec le véhicule … ;

rejette le recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2014 ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre les bulletins de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2014, 2015 et 2016, émis le 12 septembre 2018 ;

renvoie le dossier devant le bureau d’imposition compétent pour exécution ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 janvier 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 janvier 2021 Le greffier du tribunal administratif 21


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 43436
Date de la décision : 13/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-01-13;43436 ?

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