La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2021 | LUXEMBOURG | N°41671

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 janvier 2021, 41671


Tribunal administratif N° 41671 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2018 2e chambre Audience publique du 4 janvier 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Santé en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41671 du rôle et déposée le 5 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaëlle Relouzat, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-â€

¦, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Santé du...

Tribunal administratif N° 41671 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2018 2e chambre Audience publique du 4 janvier 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Santé en matière d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41671 du rôle et déposée le 5 septembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaëlle Relouzat, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Santé du 31 juillet 2018 refusant de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2018 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 14 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaëlle Relouzat, préqualifiée, pour compte de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique du 9 novembre 2020, lors de laquelle l’affaire fut refixée pour plaidoiries à l’audience publique du 16 novembre 2020, afin de permettre aux parties de répondre à une question soulevée d’office par le tribunal ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 10 novembre 2020 informant les parties du fait qu’à la susdite audience publique du 9 novembre 2020, l’affaire avait été refixée à l’audience publique du 16 novembre 2020 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom Hansen en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 novembre 2020.

1Le 30 novembre 2017, Madame … introduisit, par un formulaire de demande daté du 27 novembre 2017, une demande tendant à l’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Le 31 janvier 2018, le Collège médical avisa négativement la demande de l’intéressée, ledit avis reposant sur les considérations suivantes : « (…) A l’examen du dossier la candidate ne satisfait pas aux critères exigés par la Loi et du Règlement. En effet elle ne fait état ni d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures (formation courte en DBT-A-curriculum largement inférieure à 450 heures) ni ne peut justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue pa[r] le collège médical selon l’article 20 de la loi précitée (une pratique dans un cadre pédagogique à … ne peut être considérée comme une pratique de psychothérapie avec des patients présentant un trouble mental et consultant le psychothérapeute à cette fin). Elle ne satisfait pas non plus aux critères de l’article 2c de la loi précitée (…) ».

Le 31 mai 2018, le Conseil scientifique de psychothérapie, ci-après désigné par « le Conseil », rendit, lui aussi, un avis défavorable par rapport à ladite demande, au motif que l’intéressée ne « (…) rempli[rait] pas les conditions de formation de base et continue ou de pratique en psychothérapie exigées par la Loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute pour l’accès à l’exercice de la profession de psychothérapeute (Cf. Art 2 et 20) (…) », ledit avis indiquant plus spécifiquement comme motif de refus : « (…) pas de formation en psychothérapie qualifiante (…) ».

Par décision du 31 juillet 2018, le ministre de la Santé, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande de Madame …, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) En référence à votre demande du 27 novembre 2017, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

En effet, je me rallie aux avis que viennent d’émettre le Collège médical et le Conseil scientifique de psychothérapie, qui retiennent que vous ne remplissez pas les conditions de formation prévues par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute.

Je vous prie de trouver en annexe une copie des avis négatifs qui font partie intégrante de la présente (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2018, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 31 juillet 2018.

Etant donné que l’article 2 (6) de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute, ci-après désignée par « la loi du 14 juillet 2015 », prévoit un recours au fond contre les décisions de refus d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, telles que la décision déférée, le tribunal est compétent pour connaître du 2recours principal en réformation, lequel est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient qu’il ressortirait de l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015 que le Conseil ne pourrait valablement délibérer que si au moins deux tiers de ses membres sont présents et qu’il se prononcerait à la majorité des membres présents. Or, en l’espèce, l’avis du Conseil indiquerait seulement les noms de ses membres, sans comporter les informations essentielles à la vérification de la validité de l’avis, à savoir celles portant sur le nombre des membres présents et sur le nombre de voix exprimées pour ou contre la délivrance de l’autorisation sollicitée. Faute de procès-verbal de séance, il serait impossible de savoir si deux tiers des membres au moins ont été présents et si le Conseil s’est prononcé à la majorité des membres présents.

Par ailleurs, la demanderesse soutient que la décision déférée ne serait pas motivée et violerait de ce fait les dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce qu’elle se rallierait de manière générale aux avis du Collège médical et du Conseil, qui seraient, à leur tour, insuffisamment motivés.

Quant à l’avis du Conseil, la demanderesse soutient que ce dernier contiendrait quatre cases correspondant à des motifs de refus, à savoir (i) une formation de base non reconnue, (ii) une pratique de psychothérapie non reconnue, (iii) l’absence de formation psychothérapeutique qualifiante et (iv) un volume horaire de formation en psychothérapie insuffisant. En l’espèce, seule la case relative à l’absence de formation psychothérapeutique qualifiante aurait été cochée. Ainsi, contrairement au Collège médical, le Conseil aurait jugé positivement sa pratique de psychothérapie, à moins qu’il s’agirait d’une erreur matérielle. La demanderesse donne à considérer qu’elle ne serait pas en mesure de prendre position par rapport à une telle motivation.

De toute manière, la ratio legis aurait imposé de trancher cette divergence dans le cadre d’un échange avec l’intéressée. La décision litigieuse elle-même ne comporterait aucune motivation distincte de la simple référence générale à la loi que constituerait la mention « (…) pas de formation en psychothérapie qualifiante (…) ».

Quant à l’avis du Collège médical, la demanderesse fait valoir que ce dernier n’expliquerait pas pour quelles raisons elle ne remplirait pas les exigences d’aptitude physique et psychique qui seraient prévues par l’article « 2 c) » de la loi du 14 juillet 2015, alors que cette aptitude serait attestée par un certificat médical, conformément à l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 ». Par ailleurs, l’avis du Collège médical, à l’instar de la décision déférée, ne serait motivé que par rapport à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, et non pas par rapport à l’article 2 de la même loi, ce qui ne serait pas justifié, étant donné qu’il n’existerait qu’un seul formulaire pour tous les demandeurs de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, sans que ce formulaire permettrait de choisir entre les articles 2 et 20 de ladite loi du 14 juillet 2015, de sorte que le Collège médical aurait dû prendre position par rapport à chacune de ces deux bases légales.

3 Par ailleurs, la demanderesse fait plaider que ni l’avis du Conseil ni celui du Collège médical ne préciseraient les circonstances de fait à leur base, qui seraient distinctes de la seule référence aux conditions légales prétendument non remplies par elle.

Ensuite, la demanderesse soutient que la décision déférée violerait l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, en ce qu’elle n’aurait pas été convoquée à l’entretien avec le Collège médical y visé, entretien qui n’aurait, dès lors, pas eu lieu. Or, une simple discussion entre elle-même et les membres du Collège médical aurait permis à ces derniers de se rendre compte de ce qu’elle disposerait de toutes les qualifications requises pour exercer la profession de psychothérapeute. En se prévalant d’un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2018, portant le numéro 40014 du rôle, ayant constaté le caractère obligatoire de l’entretien prévu par l’article 4 (3), précité, du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, la demanderesse conclut qu’il y aurait eu violation de la loi en l’une de ses formalités substantielles, de sorte que la décision déférée devrait encourir l’annulation.

Quant au fond, la demanderesse fait valoir qu’en France, où elle aurait obtenu son diplôme de « Master sciences humaines et sociales, à finalité professionnelle, mention psychologie, spécialité psychologie clinique et pathologique, psychopathologie clinique interculturelle et transculturelle », aurait été adopté, en date du 7 mai 2012, le décret n° … modifiant le décret n° … du 20 mai 2010 relatif à l’usage du titre de psychothérapeute, qui lui permettrait de s’y inscrire sans autre formalité sur le registre national des psychothérapeutes. Etant donné qu’elle aurait fait reconnaître son diplôme au Luxembourg le 20 mai 2014, elle aurait été en droit de s’attendre à s’établir au Grand-Duché de la même manière qu’elle aurait pu le faire en France, ce d’autant plus qu’au moment de cette reconnaissance de son diplôme, il n’y aurait pas encore existé de législation ni de formation spécifiques en la matière.

En outre, Madame … fait valoir que le législateur n’exigerait pas que le diplôme de psychothérapeute devrait être distinct du diplôme visé à l’article 2 (1) a) de la loi du 14 juillet 2015 et elle souligne que les matières de la formation en psychothérapie, telles que requises par l’article 4 de la même loi, auraient été enseignées dans le cadre de son master, qu’elle aurait justement choisi parce qu’il lui permettrait de prétendre tant au titre de psychologue qu’à celui de psychothérapeute, selon la législation française. Il n’existerait, dès lors, aucun motif valable de considérer qu’elle ne disposerait pas d’une formation qualifiante. Le refus de l’autorisation sollicitée constituerait, par ailleurs, une discrimination par rapport à la situation d’une personne titulaire du même diplôme qui se serait inscrite sur le registre français et qui pourrait, en application de l’article 3 (3) de la loi du 14 juillet 2015, obtenir l’autorisation ministérielle de s’établir au Luxembourg sans avoir à justifier d’une formation complémentaire.

Finalement, la demanderesse fait plaider que le Collège médical n’aurait à aucun moment expliqué en quoi sa pratique professionnelle ne serait pas à considérer comme de la psychothérapie.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur le fait que le compte-rendu de la réunion du Conseil du 31 mai 2018, tel que figurant au dossier administratif, ne permettrait toujours pas de vérifier combien de votes auraient été exprimés en faveur ou en défaveur de l’octroi de l’autorisation sollicitée.

4 Par ailleurs, à l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 4 (3) du règlement grand-

ducal du 31 juillet 2015, elle réfute l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle toutes les demandes introduites pendant la période transitoire visée à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 relèveraient du régime spécifique mise en place par cette disposition légale, et non pas du régime de droit commun prévu par l’article 2 de la même loi. En effet, cette argumentation ne serait pas corroborée par une quelconque disposition normative en ce sens et elle serait d’ailleurs illogique, étant donné qu’à suivre l’argumentation en question, une personne remplissant les critères de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, mais pas ceux de l’article 20 de ladite loi se verrait refuser l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute pendant la phase transitoire. En tout état de cause, le jugement, précité, du tribunal administratif du 18 juin 2018 ayant conclu au caractère obligatoire de l’entretien prévu par l’article 4 (3) du règlement grand-

ducal du 31 juillet 2015 aurait concerné une demande basée sur l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015. Dans ce contexte, Madame … souligne qu’il n’appartiendrait pas au délégué du gouvernement de se prononcer en lieu et place du Collège médical et elle conteste l’argumentation de ce dernier selon laquelle le défaut de convocation à l’entretien prévu à l’article 4 (3), précité, du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 ne lui aurait causé aucun grief, la demanderesse soulignant, à cet égard, qu’elle remplirait toutes les conditions légales de l’octroi de l’autorisation litigieuse. Elle rappelle qu’il existerait une contradiction entre les avis respectifs du Conseil et du Collège médical et qu’elle disposerait d’un diplôme l’autorisant à exercer la profession de psychothérapeute dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Ces deux points auraient, à eux seuls, justifié une discussion entre scientifiques. La demanderesse insiste encore sur le fait qu’il serait certes exact que les avis du Conseil et du Collège médical ne seraient pas à qualifier d’avis conformes. Ces avis seraient néanmoins obligatoires, contrairement à l’argumentation de la partie étatique. Si le ministre conserve le pouvoir d’accorder ou non l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, tel que souligné par le délégué du gouvernement, il n’en resterait pas moins qu’en l’espèce, il se serait rallié aux avis du Conseil et du Collège médical.

Quant au fond, la demanderesse donne à considérer que l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 subordonnerait l’octroi de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute à deux conditions, à savoir, premièrement, détenir un master en psychologie et, deuxièmement, pouvoir faire état de 450 heures de formation ou justifier d’une pratique professionnelle d’au moins cinq années. Etant donné qu’en ce qui concerne les motifs de refus, le Conseil n’aurait, dans son avis, pas coché les cases « formation de base non reconnue », « pratique de psychothérapie non reconnue » et « volume horaire de formation en psychothérapie insuffisant », il y aurait lieu de conclure que selon le Conseil, ces trois conditions seraient remplies en l’espèce. Or, deux de ces trois conditions seraient suffisantes pour l’octroi de l’autorisation sollicitée sur base de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015. Il serait, dès lors, incompréhensible que le Conseil aurait néanmoins émis un avis défavorable. En tout état de cause, au cours de sa formation ayant abouti à la délivrance de son master, elle aurait effectué plus de 500 heures de stage en psychothérapie, de sorte qu’elle pourrait se prévaloir d’une formation spécifique et continue en psychothérapie dont le volume horaire dépasserait les exigences légales.

Par ailleurs, ni le délégué du gouvernement, ni le Conseil, ni le Collège médical n’auraient expliqué pour quelles raisons son diplôme, dont l’équivalence aurait été reconnue par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et qui lui permettrait de s’installer en France en 5tant que psychothérapeute, ne satisferait pas aux exigences de l’article 2 (1) c) de la loi du 14 juillet 2015, la demanderesse citant, dans ce contexte, les dispositions des articles 3 et 4 de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après désignée par « la loi du 28 octobre 2016 ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il réfute les contestations de la demanderesse quant à la validité de la délibération du Conseil, en faisant valoir que d’après l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015, ce dernier ne pourrait valablement délibérer qu’en présence d’au moins deux tiers de ces membres. Or, il se dégagerait du compte-rendu de la réunion du Conseil du 31 mai 2018 que le Dr. … et le Dr. … auraient été absents lors de cette réunion, de sorte que la présence minimale de quatre membres aurait été atteinte et que, dès lors, le Conseil aurait pu valablement délibérer.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le délégué du gouvernement soutient que selon la jurisprudence de la Cour administrative, la motivation d’une décision pourrait être fournie au cours de la phase contentieuse.

S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, au motif que Madame … n’aurait pas été convoquée à l’entretien avec le Collège médical y prévu, le représentant étatique fait valoir que la formalité en question ne s’appliquerait pas en l’espèce, étant donné, d’une part, qu’elle trouverait son fondement légal à l’article 2 (4) de la loi du 14 juillet 2015 et, d’autre part, que toutes les demandes tendant à l’obtention d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute introduites au cours de la période transitoire prévue par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, telles que celle présentée par la demanderesse, relèveraient exclusivement de cette dernière disposition légale, et non pas de l’article 2 de la même loi.

A titre subsidiaire, le délégué du gouvernement donne à considérer que le caractère substantiel de la formalité d’entretien préalable serait à relativiser, étant donné que l’entretien « (…) ne porte[rait] pas d’incidence sur l’existence des conditions intrinsèques donnant accès à la profession de psychothérapeute, dans le chef de la postulante (…) ». Par ailleurs, l’avis du Collège médical serait de nature consultative, dans la mesure où le ministre conserverait le pouvoir d’accorder ou non l’autorisation sollicitée. L’entretien permettrait non seulement de vérifier le niveau des connaissances linguistiques du candidat, mais aussi de lui fournir des informations utiles pour son activité professionnelle future. Ces informations seraient publiées sur le site internet du ministère de la Santé et les candidats pourraient en prendre connaissance avant de télécharger le formulaire de demande d’autorisation à soumettre à l’autorité ministérielle. En outre, l’entretien en question ne serait pas de nature à modifier les conditions légales et réglementaires de la délivrance de l’autorisation litigieuse, ni les éléments du dossier fondant la motivation de l’avis du Collège médical, qui aurait été porté à la connaissance de l’intéressée. Le défaut de convocation par le Collège médical en vue de l’entretien susmentionné n’aurait causé aucun grief à la demanderesse. Cette convocation ne serait, dès lors, pas à qualifier de formalité substantielle ayant une incidence ou non sur l’autorisation à délivrer par le ministre.

6Quant au fond, le délégué du gouvernement fait valoir que le 22 mars 2016, le Conseil aurait adopté un document définissant les critères de reconnaissance des diplômes en psychologie, d’une part, et des méthodes psychothérapeutiques, d’autre part. Les principales méthodes psychothérapeutiques seraient les approches psychodynamiques, cognitivo-comportementales, systémiques et humanistes. Dans le cadre de ces quatre orientations fondamentales, le Conseil reconnaîtrait comme techniques l’hypnothérapie, la rétroaction biologique et la désensibilisation par mouvements oculaires. Ces techniques, utilisées en dehors d’un contexte psychothérapeutique de l’une des quatre méthodes reconnues, ne pourraient être considérées comme méthodes psychothérapeutiques. Des formations plus particulières, portant, par exemple sur les approches psychothérapeutiques pour les dépendances, l’autisme et la gestion du stress ou encore sur la traumathérapie, pourraient venir se greffer sur ces formations de base.

En l’espèce, le master en psychologie de la demanderesse ne pourrait être considéré comme une formation en psychothérapie. Sa formation « (…) en DBT-A (…) » serait certes d’orientation cognitivo-comportementaliste, mais elle n’aurait effectué que le niveau 1 des qualifications de base, de sorte que ladite formation n’équivaudrait pas à une formation complète en psychothérapie.

La même conclusion s’imposerait quant à la journée d’étude sur « l’enfant déchiré » à laquelle elle aurait participé, même s’il s’agit d’une formation dans l’une des quatre approches psychothérapeutiques reconnues par le Conseil.

Le délégué du gouvernement ajoute que contrairement à l’argumentation de la demanderesse, qui se serait erronément référée à la version de la loi du 14 juillet 2015 ayant précédé la modification opérée par la loi du 28 octobre 2016, le Collège médical, en se référant à l’article « 2, point c » de la loi du 14 juillet 2015, aurait bien analysé le dossier de Madame … sous l’angle de l’article 2 de ladite loi, en constatant qu’elle ne rempliraient pas les critères y prévus, le représentant étatique faisant valoir que la demanderesse n’aurait fourni ni un diplôme luxembourgeois de psychothérapie, ni un diplôme étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions. Si son diplôme de « Master sciences humaines et sociales à finalité professionnelle mention psychologie spécialité psychologie clinique et pathologique, psychopathologie clinique interculturelle et transculturelle » est susceptible de remplir les conditions de l’article 2 (1) b) de la loi du 14 juillet 2015, il ne satisferait, en revanche, pas aux critères de l’article 2 (1) c) de la même loi. Le Conseil et le Collège médical en auraient déduit qu’il ne s’agirait pas d’une formation continue et spécifique en psychothérapie qualifiante.

Le délégué du gouvernement réfute encore l’argumentation de la demanderesse relative à une contradiction entre les avis respectifs du Conseil et du Collège médical, en faisant valoir qu’aux termes de l’article 20 (2) de la loi du 14 juillet 2015, il reviendrait au Collège médical, et non pas au Conseil, de prendre position par rapport à la pratique professionnelle du demandeur d’autorisation, même s’il n’est pas interdit au Conseil de se prononcer sur ce point. Le délégué du gouvernement souligne ensuite que les activités professionnelles que la demanderesse aurait exercées de 2005 à 2014, à savoir celles de cadre commercial, d’employée commerciale, d’assistante dans un cabinet d’avocat et de chargée d’enseignement, n’auraient comporté aucune activité psychothérapeutique. De même, si elle a expliqué qu’elle aurait travaillé à partir de septembre 2014 en tant que psychologue dans une structure scolaire accueillant des jeunes présentant des difficultés scolaires liées à des troubles du comportement et/ou des troubles émotionnels et qu’à ce titre, elle aurait fait des test cognitifs et projectifs, sensibilisé les parents 7aux difficultés rencontrées à la maison, cerné l’orientation future des adolescents et travaillé avec des institutions pour discuter de diagnostics et mettre en place les mesures nécessaires, ces activités ne correspondraient, selon le Collège médical, pas à un travail psychothérapeutique. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement souligne que l’article 1er de la loi du 14 juillet 2015 préciserait que la psychothérapie irait au-delà d’un accompagnement sous forme d’aide psychologique visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien. En conclusion, le représentant étatique soutient que l’activité professionnelle de Madame … ne constituerait pas une activité essentiellement psychothérapeutique d’au moins cinq ans, telle que requise par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement réfute l’argumentation de la demanderesse selon laquelle le compte-rendu de la réunion du Conseil du 31 mai 2018 ne permettrait toujours pas de vérifier combien de votes auraient été exprimés en faveur ou en défaveur de l’octroi de l’autorisation sollicitée, en donnant à considérer que le principe du secret des délibérations prévu par l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015 permettrait au Conseil de se prononcer sous forme d’organe unique sur les demandes, sans que ses avis devraient mentionner nominativement les personnes ayant émis un vote positif ou négatif.

Quant à l’argumentation de la demanderesse ayant trait à une contradiction entre les avis respectifs du Conseil et du Collège médical quant à la question de savoir si elle remplit les conditions de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, le délégué du gouvernement souligne que ce dernier exigerait soit une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années. Il se dégagerait du libellé des avis litigieux que ni le Conseil ni le Collège médical n’auraient reconnu que la demanderesse remplirait les exigences de formation spécifique en psychothérapie, telles que prévues par ledit article 20 de la loi du 14 juillet 2015. Quant à la condition ayant trait à une pratique de psychothérapie d’au moins cinq ans, le délégué du gouvernement réitère son argumentation selon laquelle cette même disposition légale prévoirait clairement qu’il reviendrait au Collège médical de se prononcer sur ce point, de sorte qu’il serait logique que le Conseil n’aurait pas pris position à cet égard. La demanderesse ne remplirait aucune des deux conditions prévues par l’article 20, précité, de la loi du 14 juillet 2015, de sorte que la demande de Madame … n’aurait pu être avisée favorablement sur base de ce même article.

Quant à la question de savoir si la demanderesse peut prétendre à l’octroi de l’autorisation litigieuse sur base de l’article 2 (1) de la loi du 14 juillet 2015, le délégué du gouvernement souligne que le point b) de cet article concernerait la formation de base exigée, tandis que le point c) de ce même article aurait trait à la formation en psychothérapie requise. Si le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a certes autorisé la demanderesse à porter le titre de « Master en sciences humaines et sociales à finalité professionnelle, mention psychologie, spécialité psychologie clinique et pathologique, psychopathologie clinique interculturelle et transculturelle », qui aurait également été inscrit au registre des diplômes, cette autorisation se distinguerait d’une reconnaissance d’équivalence à un diplôme, certificat ou autre titre de formation par la « Commission ad hoc psychothérapie » du ministère de l’Enseignement supérieur, en application de l’article 2 (1) c) de la loi du 14 juillet 2015. A cet égard, le délégué du gouvernement explique que cette commission, qui aurait été instituée par arrêté ministériel du 12 juillet 2018, interviendrait dans le contexte de demandes de reconnaissance d’équivalences 8introduites après la période transitoire prévue par la loi du 14 juillet 2015. Or, la demande d’autorisation de Madame … aurait été introduite sur base desdites dispositions transitoires et antérieurement à l’institution de ladite commission.

Le tribunal n’étant pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis, il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, le contrôle de la légalité externe de l’acte devant précéder celui de son bien-fondé.

Pour autant qu’à travers son moyen tiré d’un défaut de motivation des avis du Collège médical et du Conseil, la demanderesse ait entendu se prévaloir de l’article 4, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le tribunal précise que ce dernier prévoit ce qui suit : « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent. ».

Quant à l’avis du Collège médical, le tribunal constate qu’il ressort du libellé de l’avis en question, cité par extraits ci-avant, qu’il est motivé tant en fait qu’en droit, en ce qu’il précise que Madame … ne remplirait pas les conditions posées par la loi du 14 juillet 2015 et le règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, étant donné, d’une part, qu’elle ne justifierait ni d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, alors que sa formation en « (…) DBT-A-curriculum (…) » aurait été d’une durée largement inférieure à 450 heures, ni d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical selon l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, alors que sa pratique dans un cadre pédagogique à … ne pourrait être considérée comme une pratique de psychothérapie avec des patients présentant un trouble mental et consultant le psychothérapeute à cette fin, et, d’autre part, qu’elle ne remplirait pas non plus les conditions de l’article 2 (1) c) de ladite loi, la référence, faite par le Collège médical, à un article « 2 c) » de cette même loi étant constitutive d’une erreur matérielle.

Sur ce dernier point, le tribunal précise que c’est à tort que la demanderesse reproche au Collège médical, d’une part, d’avoir exclusivement analysé sa demande par rapport au régime transitoire prévu par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, sans aborder les conditions de droit commun régissant l’octroi de l’autorisation litigieuse, telles que prévues à l’article 2 de la même loi, et, d’autre part, d’avoir indûment retenu qu’elle ne remplirait pas les conditions de santé physique et psychique nécessaire à l’exercice de la profession, en indiquant qu’elle ne satisferait pas aux exigences de l’article 2 (1) c) de la loi du 14 juillet 2015. En effet, la demanderesse se réfère erronément à la version de cette dernière disposition légale, telle qu’elle était en vigueur avant sa modification par la loi du 28 octobre 2016 et aux termes de laquelle « (…) [le demandeur] doit remplir les conditions de santé physique et psychique nécessaires à l’exercice de la profession (…) ». Dans sa version modifiée, qui est seule applicable en l’espèce – la loi du 28 octobre 2016 étant, en application de son article 80, entrée en vigueur le jour de sa publication au Mémorial, en l’occurrence le 18 novembre 2016, soit antérieurement à l’introduction de la demande de Madame … en date du 30 novembre 2017 – et qui a, dès lors, nécessairement été visée par le Collège médical, ledit article 2 (1) c) de la loi du 14 juillet 2015 précise, en revanche, que « (…) le demandeur doit être titulaire soit d’un diplôme, certificat ou autre titre de formation luxembourgeois relatif à la profession de psychothérapeute, soit d’un diplôme, certificat ou autre titre étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, selon les dispositions de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des 9qualifications professionnelles (…) », de sorte à énoncer l’une des conditions de droit commun de l’octroi de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, auxquelles l’article 20 de la même loi permet de déroger pendant une période transitoire de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi. En indiquant que la demanderesse ne remplirait pas les critères dudit article 2 (1) c) de la loi du 14 juillet 2015, le Collège médical a, dès lors, nécessairement estimé que la demanderesse n’était titulaire ni d’un diplôme, certificat ou autre titre de formation luxembourgeois relatif à la profession de psychothérapeute, ni d’un diplôme, certificat ou autre titre étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, selon les dispositions de la loi du 28 octobre 2016. Ainsi, sa demande a été analysée au regard tant des dispositions de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 que de celles de l’article 2 de la même loi, contrairement à ce que soutient la demanderesse.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal retient que la motivation fournie par le Collège médical satisfait aux exigences de motivation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant précisé que la mission de développer davantage les motifs de refus incombait au ministre dans sa décision1 et, par la suite, au délégué du gouvernement, au cours de la phase contentieuse.

Quant à l’avis du Conseil, le tribunal constate qu’il ressort du libellé de l’avis en question, dont un extrait a été cité ci-avant, que selon ce dernier, la demanderesse ne remplirait pas les conditions de formation de base et continue ou de pratique en psychothérapie exigées par les articles 2 et 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ce qu’elle ne justifierait « (…) pas [d’une] formation en psychothérapie qualifiante (…) ». Il s’ensuit que même si la formulation de l’avis sous examen est succincte, il n’en reste pas moins que l’avis en question énonce tant les éléments de droit que ceux de fait à sa base. Dans ces circonstances, le tribunal retient que l’avis du Conseil est, lui aussi, conforme à l’article 4, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant rappelé que la mission de développer davantage les motifs de refus incombait au ministre dans sa décision2 et, par la suite, au délégué du gouvernement, au cours de la phase contentieuse. Par ailleurs, la question, soulevée par Madame …, du bien-fondé de la motivation ainsi fournie par le Conseil et à laquelle le ministre s’est rallié relève de la légalité interne de la décision déférée.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation des avis du Conseil et du Collège médical est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen tiré de la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ce dernier prévoit ce qui suit :

« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé;

1 Sur ce dernier point et par analogie : Cour adm., 28 juillet 2010, n° 26875C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

2 Ibid..

10- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. (…) ».

Il ressort de cette disposition réglementaire que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et que certaines catégories de décisions, énumérées à l’alinéa 2 de ladite disposition, parmi lesquelles figurent celles qui refusent de faire droit à la demande de l’intéressé, ainsi que cela est le cas de la décision déférée, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

A cet égard, le tribunal constate que dans sa décision déférée du 31 juillet 2018, le ministre s’est rallié aux avis du Collège médical et du Conseil, tout en précisant que ces avis, qui étaient annexés à la décision en question, feraient partie intégrante de cette dernière. Etant donné que le tribunal a ci-avant retenu que les avis auxquels le ministre s’est ainsi référé sont eux-mêmes suffisamment motivés tant en fait qu’en droit, la même conclusion s’impose logiquement quant à la décision ministérielle qui s’y rallie.3 Cette motivation a été complétée en cours d’instance par le délégué du gouvernement, qui a pris position de façon détaillée, non seulement quant au bien-fondé de la demande de Madame …, au regard tant des conditions de droit commun prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 que de celles du régime transitoire mis en place par l’article 20 de la même loi, mais aussi quant à la prétendue contradiction entre les avis respectifs du Collège médical et du Conseil, telle qu’invoquée par la demanderesse. Le tribunal est amené à conclure que la motivation ainsi fournie par la partie étatique est suffisamment précise pour permettre à Madame … d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause. Le moyen tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 encourt, dès lors, le rejet.

S’agissant ensuite du moyen ayant trait au défaut de convocation à un entretien avec le Collège médical, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, « (1) Le Collège médical est chargé de procéder à l’instruction du dossier en vue d’émettre un avis sur la recevabilité et la justification de la demande d’établissement des psychothérapeutes.

(…) (3) Le Collège médical convoque l’intéressé en vue d’un entretien portant sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute. Si, à l’occasion de cet entretien, il s’avère que les connaissances du candidat concernant les législations sanitaire et sociale et, le cas échéant, la déontologie luxembourgeoise nécessaires à 3 Voir, sur ce point : trib. adm., 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 70 et les autres références y citées.

11l’exercice de la profession sont insuffisantes, le Collège médical attire l’attention du candidat sur les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute.

Il lui recommande d’élargir lesdites connaissances et lui indique les possibilités dont il dispose pour les améliorer. Mention de cette recommandation est faite dans l’avis. (…) ».

Il est constant en cause que la demanderesse n’a pas été convoquée à l’entretien prévu par le paragraphe (3) dudit article 4 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015.

Pour justifier le défaut de cette convocation, le délégué du gouvernement soutient, d’une part, que la formalité relative à cet entretien et à la convocation afférente ne serait pas applicable en l’espèce, étant donné (i) qu’elle trouverait son fondement légal à l’article 2 (4) de la loi du 14 juillet 2015 et (ii) que toutes les demandes tendant à l’obtention d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute introduites au cours de la période transitoire prévue par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, telles que celle présentée par la demanderesse, relèveraient exclusivement de cette dernière disposition légale, et non pas de l’article 2 de la même loi. D’autre part et à titre subsidiaire, le délégué du gouvernement met en doute le caractère substantiel de la formalité en question, tout en soulignant que sa méconnaissance n’aurait pas causé de grief à la demanderesse.

Quant à la question de l’applicabilité de la formalité litigieuse au cas d’espèce, le tribunal relève que les conditions d’obtention de l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute et la procédure à suivre en vue de la délivrance de l’autorisation en question sont prévues par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, libellé comme suit :

« (1) L’exercice de la profession de psychothérapeute est subordonné à une autorisation du ministre ayant la Santé dans ses attributions, ci-après «le ministre». La demande pour l’obtention de l’autorisation doit être adressée au ministre qui la délivre aux conditions suivantes:

a) le demandeur doit être ressortissant au sens de l’article 3, point q) de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles;

b) le demandeur doit être en possession soit d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre des titres de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation médicale de base dont question à l’article 1er, paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire;

c) le demandeur doit être titulaire soit d’un diplôme, certificat ou autre titre de formation luxembourgeois relatif à la profession de psychothérapeute, soit d’un diplôme, certificat ou autre titre étranger reconnu équivalent par le ministre ayant l’Enseignement supérieur dans ses attributions, selon les dispositions de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles;

12 d) il doit remplir les conditions de santé physique et psychique nécessaires à l’exercice de la profession;

e) il doit répondre aux conditions d’honorabilité et de moralité nécessaires à l’exercice de la profession;

f) il doit avoir les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession, soit en allemand, soit en français, et comprendre les trois langues administratives du Grand-

Duché de Luxembourg ou acquérir les connaissances lui permettant de les comprendre.

Une vérification des connaissances linguistiques du candidat d’une des trois langues luxembourgeoise, allemande ou française peut être faite à la demande du ministre par le Collège médical.

Le président du Collège médical ou son délégué entend le psychothérapeute et transmet au ministre le résultat de la vérification.

(2) Dès son installation il doit recueillir les informations nécessaires concernant les législations sanitaire et sociale et la déontologie applicables au Luxembourg.

(3) Le psychothérapeute exerçant au Luxembourg est tenu, sous peine de sanctions disciplinaires, de disposer d’une assurance destinée à garantir sa responsabilité civile susceptible d’être engagée en raison de dommages survenus dans le cadre de son activité professionnelle.

(4) Un règlement grand-ducal détermine la procédure à suivre et les documents à présenter pour obtenir l’autorisation d’exercer.

(5) Les demandes en autorisation d’exercer sont soumises pour avis au Collège médical.

(…) ».

L’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 met en place un régime transitoire en les termes suivants : « Par dérogation aux points b) et c) du paragraphe 1er de l’article 2, et dans un délai de trois ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’autorisation d’exercer en tant que psychothérapeute pourra être accordée par le ministre, sur avis du conseil, au requérant à condition qu’il:

1) soit détenteur d’un master en psychologie clinique ou d’un diplôme en psychologie reconnu équivalent par le ministre, sur avis du Conseil scientifique de psychothérapie, inscrit au registre de formation visé à l’article 66 de la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, soit d’un des titres de formation de médecin avec formation médicale de base dont question à l’article 1er , paragraphe 1er, point b) de la loi modifiée du 29 avril 1983 concernant l’exercice des professions de médecin, de médecin-dentiste et de médecin-vétérinaire; ou d’un autre titre, certificat ou diplôme reconnu équivalent par le ministre sur avis du Collège médical;

132) puisse soit faire état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures, soit justifier d’une pratique de psychothérapie d’au moins cinq années reconnue par le Collège médical. ».

Force est au tribunal de constater qu’il se dégage du libellé dudit article 20 que le régime transitoire mis en place par cette disposition légale ne déroge à l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 qu’en ce qui concerne les seules dispositions du paragraphe 1er, points b) et c) de cet article, de sorte que l’ensemble des autres dispositions de ce dernier, en ce compris son paragraphe (4), renvoyant, pour la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, à un règlement grand-ducal, sont applicables aux demandes introduites sur base de l’article 20.

Le règlement grand-ducal auquel il est renvoyé au paragraphe (4) de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 étant celui du 31 juillet 2015, le tribunal conclut, en l’absence de disposition expresse contraire, que ledit règlement grand-ducal et, dès lors, son article 4 (3), invoqué par la demanderesse, sont applicables non seulement aux demandes introduites sur base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, mais aussi à celles introduites sur base de l’article 20 de la même loi, contrairement à ce que soutient le délégué du gouvernement.

Par ailleurs, le tribunal précise qu’il ne saurait partager l’argumentation du représentant étatique selon laquelle les demandes introduites au cours de la période de trois ans visée à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, telles que celle de Madame …, relèveraient exclusivement de cette dernière disposition légale.

En effet, si ledit article 20 de la loi du 14 juillet 2015 permet certes au ministre, pendant le susdit délai de trois ans et par dérogation aux dispositions de l’article 2 (1) b) et c) de la même loi, d’accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute aux demandeurs remplissant les exigences prévues par la disposition légale en question, cette même disposition légale n’a néanmoins pas eu pour effet de reporter l’entrée en vigueur de l’article 2 (1) b) et c) de la loi du 14 juillet 2015 et il ne se dégage ni de son libellé, ni d’une autre disposition légale, ni des travaux parlementaires relatives à ladite loi du 14 juillet 2015 que pendant ce même délai de trois ans, le régime mis en place par l’article 20, précité, de la loi du 14 juillet 2015 aurait vocation à se substituer au régime de droit commun prévu par l’article 2 de la même loi. A cet égard, le tribunal précise qu’il ressort des travaux parlementaires afférents que l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 a pour finalité de permettre, pendant une période transitoire, aux personnes ne remplissant pas les conditions pour exercer en tant que psychothérapeute, mais qui peuvent justifier d’une pratique de psychothérapie, de continuer à l’exercer4, et vise essentiellement les psychothérapeutes de formation psychologue ayant pratiqué lors de l’entrée en vigueur de la loi en l’absence d’une réglementation5, de sorte à ne pas exclure, d’un point de vue juridique, la délivrance d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute sur base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 au cours de la phase de trois ans prévue par l’article 20 de la même loi, à condition que le demandeur remplisse les conditions de formation y prévues. Ainsi, au cours de la période de trois ans prévue par l’article 20, précité, de la loi du 14 juillet 2015, deux sortes de demandes 4 Document parlementaire n° 657810, rapport de la commission de la Santé, de l’Egalité des chances et des Sports, ad art. 20 (art. 25 du projet de loi initial), p. 34.

5 Projet de loi n° 6578, commentaire des articles, ad art. 25, p. 15.

14d’exercer coexistent, l’une sur base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, l’autre prévue de manière transitoire à l’article 206. Dans ce contexte, le tribunal précise que la question, soulevée par lui à l’audience publique des plaidoiries du 9 novembre 2020, de l’applicabilité au cas d’espèce du régime transitoire mis en place par l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 et, plus précisément, celle de savoir si le ministre pouvait encore légalement accorder l’autorisation sollicitée sur cette base légale, compte tenu du fait que le délai de trois ans prévu par cette disposition légale a a priori expiré le 25 juillet 2018, alors que la décision déférée n’a été adoptée que le 31 juillet 2018, a trait au bien-fondé de la motivation fournie par le ministre à l’appui de sa décision, selon laquelle la demanderesse ne remplirait justement pas les conditions dudit article 20 de la loi du 14 juillet 2015, et, dès lors, à la légalité interne de ladite décision.

Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où la demande de Madame … ne précise pas sa base légale, il y a lieu de conclure qu’elle était basée tant sur les dispositions de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 que sur celles de l’article 20 de la même loi.

Dès lors, et dans la mesure où il vient de retenir que l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 est applicable non seulement aux demandes introduites sur base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, mais aussi à celles introduites sur base de l’article 20 de la même loi, le tribunal est amené à conclure que la formalité ayant trait à l’entretien avec le Collège médical et à la convocation afférente, telle que prévue par ledit article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, était bien applicable en l’espèce, contrairement à l’argumentation du représentant étatique.

Le tribunal précise ensuite qu’il se dégage de l’emploi, par l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, des termes non équivoques « [l]e Collège médical convoque (…) », au lieu d’une formulation telle que, par exemple : « le collège médical peut convoquer (…) », que ladite convocation revêt un caractère obligatoire. Cette conclusion est encore corroborée par le fait qu’il ressort de la disposition réglementaire en question que le but de l’entretien y prévu est, notamment, de détecter d’éventuelles lacunes dans les connaissances de l’intéressé des législations sanitaire et sociale, voire de la déontologie luxembourgeoise nécessaires à l’exercice de la profession et d’indiquer au demandeur les démarches à suivre pour les améliorer. Or, il est manifestement dans l’intérêt des patients que cette vérification soit faite pour l’ensemble des demandeurs d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.7 Le tribunal est ainsi amené à conclure que dans la mesure où la demanderesse n’a pas été convoquée par le Collège médical en vue d’un entretien portant sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute, contrairement au prescrit de l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, la décision déférée a été adoptée en violation de la disposition réglementaire en question.

Il est certes exact que l’avis du Collège médical n’est que consultatif, que l’entretien permet non seulement de vérifier les connaissances linguistiques de l’intéressé, mais aussi de lui fournir des informations relatives à l’exercice de la profession, et que selon les explications du délégué du 6 Voir, en ce sens: projet de loi n° 6893 ayant abouti à la loi du 28 octobre 2016, commentaire des articles, ad art. 77, p. 85.

7 Trib. adm., 18 juin 2018, n° 40014 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

15gouvernement, non contestées sur ce point, ces informations feraient l’objet d’une publication sur le site internet du ministère de la Santé. Il n’en reste pas moins que selon l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, l’entretien y prévu porte sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute, en ce compris les conditions de formation et/ou d’expérience professionnelle prévues à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, qui, selon la partie étatique, ne seraient pas remplies dans le chef de l’intéressée, à l’instar de celles prévues par l’article 2 de la même loi. Dès lors, en conférant un caractère obligatoire à la convocation à l’entretien, le pouvoir réglementaire a accordé un véritable droit à l’administré de faire valoir, à un stade précontentieux, ses observations quant à la question de savoir s’il remplit ces conditions, lui permettant ainsi d’influer, le cas échéant, sur la teneur de l’avis à adopter par le Collège médical, notamment en ce qui concerne le caractère qualifiant ou non de sa formation en vue de l’exercice de la profession de psychothérapeute, et ainsi sur celle de la décision adoptée par le ministre en considération de cet avis. Etant donné qu’en l’espèce, la demanderesse a été privée de cette possibilité et qu’il se dégage des développements qui précèdent que la convocation litigieuse constitue une formalité procédurale ayant trait aux droits de la défense, le tribunal est amené à retenir que la décision déférée, qui repose sur l’avis litigieux du Collège médical, est affectée d’une irrégularité substantielle entachant sa légalité, étant précisé que la question – soulevée dans ce contexte par le délégué du gouvernement – de savoir si la demanderesse remplit effectivement les conditions légales de l’octroi de l’autorisation sollicitée a trait à la légalité interne de la décision litigieuse. Il suit de ces considérations que ladite décision encourt l’annulation, dans le cadre du recours en réformation, pour être entachée d’un vice de forme auquel il n’a pas pu être remédié au cours de la procédure contentieuse.

A titre superfétatoire, en ce qui concerne les contestations de la demanderesse quant à la régularité de l’avis du Conseil, le tribunal relève que l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015, prévoit ce qui suit, en ses alinéas 1er, 5, 6 et 7 :

« Il est créé un Conseil scientifique de psychothérapie, ci-après « le conseil », composé de six membres nommés par le ministre pour un mandat de six ans renouvelable.

(…) Pour que le conseil puisse délibérer valablement, au moins deux tiers des membres doivent être présents.

Le conseil se prononce à la majorité des membres présents.

Le conseil se dotera d’un règlement d’ordre intérieur. Les séances du conseil ne sont pas publiques. Les membres sont tenus au secret des délibérations. (…) ».

La demanderesse soutient qu’à défaut, pour l’avis en question, de contenir des renseignements afférents et en l’absence de procès-verbal de séance, il serait impossible de vérifier si le quorum légal a été atteint et si l’avis a été adopté à la majorité des membres présents.

Pour autant qu’à travers ces contestations, elle ait entendu viser l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, relatif aux conditions de forme à respecter par les avis 16d’organismes consultatifs pris préalablement à une décision, tels que l’avis litigieux, le tribunal précise que ladite disposition réglementaire prévoit que « Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. ».

La finalité des mentions ainsi exigées pour les conditions de forme de l’avis est de permettre la vérification du respect des règles relatives à la composition de l’organisme et à la procédure suivie, de même que celles relatives à la majorité à laquelle l’avis a été adopté.8 Quant à la question de savoir si le quorum légal a été atteint lors de l’adoption de l’avis litigieux, le tribunal constate qu’il se dégage de l’alinéa 1er de l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015 que le Conseil comprend six membres, de sorte que le quorum de deux tiers des membres fixé à l’alinéa 5 de la même disposition légale est atteint si au moins quatre membres sont présents lors de la délibération concernée.

En l’espèce, le tribunal relève que l’avis litigieux indique que le Conseil « (…) est composé des membres suivants : Dr …, …, Dr …, Dr …, Dr …, Dr … (…) », tandis que le compte-rendu de la réunion du Conseil du 31 mai 2018, tel que figurant au dossier administratif, précise que parmi lesdits membres du Conseil, étaient physiquement présents lors de ladite réunion le Dr. …, le Dr.

…, Monsieur … et le Dr. …, le Dr. …ayant assisté à la réunion par « skype », tandis que le Dr.

…était absente. Ainsi, indépendamment de la question de savoir si le Dr. …peut être considéré comme ayant été présent lors de la réunion, la présence avérée du Dr. …, du Dr. …, de Monsieur … et du Dr. …, telle qu’elle se dégage du susdit compte-rendu, permet de conclure que le quorum légal était atteint. Dans ces conditions et dans la mesure où, sur ce point, la finalité poursuivie par l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 de permettre la vérification du respect des règles relatives à la composition de l’organisme et à la procédure suivie a été atteinte par la production du susdit compte-rendu de réunion, le tribunal conclut que les contestations afférentes de la demanderesse sont à rejeter.

Quant à la question de savoir si l’avis litigieux a été adopté à la majorité requise, le tribunal constate que ni l’avis en question, qui indique la composition du Conseil de la manière décrite ci-avant et qui est signé par le Dr. … et Monsieur …, en leurs qualités respectives de président et de vice-président du Conseil, ni le susdit compte-rendu de réunion, qui est signé par le président du Conseil et qui indique que le dossier de Madame … a été préparé par le « … & … », n’indiquent expressément le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis litigieux, ni ne permettent de l’établir à suffisance de droit à partir des autres mentions y figurant.

A cet égard, le délégué du gouvernement se prévaut du secret des délibérations du Conseil prévu à l’article 6, alinéa 7 de la loi du 14 juillet 2015.

Or, le secret des délibérations n’est pas, en principe, incompatible avec l’indication du seul nombre des voix exprimées en faveur de l’avis, du moment que les membres ayant voté en faveur ou en défaveur de ce dernier ne sont pas nominativement désignés9, sauf l’hypothèse d’un vote à 8 Trib. adm., 10 mai 2004, n° 17365 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 39.

9 Par analogie : trib. adm., 20 juin 2001, n° 12467 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 303.

17l’unanimité, où pareille indication révèle, par la force des choses, le sens dans lequel chacun des membres présents a voté10. Compte tenu de cette difficulté, une manière de concilier la finalité de l’exigence de l’indication du nombre de voix exprimées en faveur de l’avis, telle que prévue par l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à savoir permettre la vérification du respect des règles relatives à la majorité à laquelle l’avis doit être adopté, avec le secret des délibérations serait, par exemple, d’y inclure une mention, selon laquelle l’avis a reçu au moins le nombre de votes favorables correspondant, dans le cas concret, à la majorité des membres présents.

En l’espèce, à défaut de toute mention en ce sens et, par ailleurs, de tout autre élément d’information concluant, soumis, le cas échéant, exclusivement au tribunal, sans être communiqué à la partie demanderesse, le secret des délibérations opposé par l’Etat non seulement à la demanderesse, mais aussi au tribunal met ce dernier dans l’impossibilité de vérifier si la condition légale ayant trait à l’adoption de l’avis à la majorité des membres présents du Conseil, telle que prévue par l’article 6, alinéa 6 de la loi du 14 juillet 2015, a été respectée et, ainsi, d’exercer son contrôle de légalité à cet égard, face aux contestations de la demanderesse. La décision déférée, qui repose sur ledit avis du Conseil, encourt, dès lors, également l’annulation de ce chef, toujours dans le cadre du recours en réformation, pour être affectée d’un vice de forme auquel il n’a pas pu être remédié au cours de la procédure contentieuse.

La demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, telle que formulée par la demanderesse dans son mémoire en réplique, est à rejeter, étant donné qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non répétibles à sa charge.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision ministérielle du 31 juillet 2018 et renvoie l’affaire devant le ministre de la Santé en prosécution de cause ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros, telle que formulée par la demanderesse ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par:

10 Par analogie : trib. adm., 16 juin 2008, n° 21853 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 303.

18 Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 4 janvier 2021 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 janvier 2021 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 41671
Date de la décision : 04/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-01-04;41671 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award