Tribunal administratif N° 43885 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 décembre 2019 1re chambre Audience publique du 14 décembre 2020 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Sanem en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43885 du rôle et déposée le 11 décembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude Clemes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, et de son épouse, Madame …, salariée, les deux demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Sanem du 22 mars 2018 qualifiée « d’avenant » et se référant à une décision du même bourgmestre portant le numéro … et datant du 8 octobre 2012 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine Lisé, demeurant à Luxembourg, du 18 décembre 2019 portant signification de ce recours à 1) la commune de Sanem, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-477 Belvaux, 60, rue de la Poste, et 2) Monsieur …, demeurant à L-… ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve Helminger, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposée le 24 décembre 2019 au greffe du tribunal administratif pour compte de la commune de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2020 par Maître Steve Helminger pour compte de la commune de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 juin 2020 par Maître Claude Clemes pour compte de Monsieur … et de Madame …, préqualifés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 septembre 2020 par Maître Steve Helminger pour compte de la commune de Sanem, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 14 octobre 2020, et vu les remarques écrites de Maître Claude Clemes et Maître Steve Helminger du 13 octobre 2020, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant audience publique.
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En date du 8 octobre 2012, le bourgmestre de la commune de Sanem, ci-après désigné par « le bourgmestre », accorda à Monsieur … une autorisation portant le numéro … pour « l’agrandissement de la terrasse et la rénovation de l’entrée » d’une maison sise à L-….
Le 27 septembre 2013, le bourgmestre accorda à Monsieur … une deuxième autorisation portant le même numéro … et ayant pour objet la : « modification des plans, pour le rajout d’une plateforme en béton et d’une rampe, le changement de l’escalier et la suppression d’une poutre », par rapport à la même maison.
En date du 22 mars 2018, le bourgmestre délivra encore une autorisation libellée comme suit :
« Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;
Vu le plan d’aménagement général modifié de la commune de Sanem approuvé définitivement par le conseil communal en date du 27 janvier 2003, approuvé par Monsieur le Ministre de l’Intérieur en date du 2 juillet 2004, réf. 39C NK ;
Vu le règlement sur les bâtisses modifié de la commune de Sanem approuvé définitivement par le conseil communal en date du 27 janvier 2003, approuvé par Monsieur le Ministre de l’Intérieur en date du 2 juillet 2004, réf. 39C NK ;
Vu la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 ;
Vu le règlement-taxe de la commune de Sanem en vigueur et la taxe de participation au financement des équipements collectifs ;
Vu le règlement-taxe relatif aux cautions à déposer avant la délivrance de toute autorisation entraînant des travaux au domaine public ;
Vu la demande du 23/07/2012 et les plans y relatifs présentés par :
Vu l’autorisation de bâtir du 08/10/2012 ;
Vu la demande de modification du 06/07/2017 et les plans y relatifs présentés par :
Maître d’ouvrage :
Architecte/bureau d’étude/entrepreneur :
Monsieur … … L-… Accorde en date du 08/10/2012 Un avenant à l’autorisation de bâtir N° … pour la mise en conformité du mur longeant l’escalier.». Cette autorisation comprend en outre des photos, revêtues de la signature du bourgmestre et portant la mention « avenant du : 22/03/2018 appartenant à mon autorisation N° : … du : 08/10/2012 », les photos représentant un escalier d’accès vers la terrasse, longé de chaque côté d’un mur et comportant les indications de la hauteur du mur tel que réalisé, respectivement celles des parties du mur du côté de la propriété voisine en avec la mention « à supprimer ».
Cette autorisation fit suite à une demande introduite par Monsieur … suivant un courrier daté du 4 juillet 2017, mentionnant comme objet « construction gênante », libellé comme suit :
2« Suite à votre demande je vous joins en annexe les modifications en straffée rouge ça serait la partie à enlever.
Si besoin je suis disponible pour une visite sur le site.
Vu que depuis le commencement de la construction M. … nous a refusé l’accès sur son terrain pour faire les travaux.
Et vu que pour faire cette adaptation nous avons besoins de mettre en place un échafaudage sur son terrain.
Je ne vais pas faire venir une entreprise sans avoir une autorisation écrite par M. … pour accéder sur son terrain.
Tant que je n’ai pas cette autorisation écrite je n’engage pas d’entreprise pour faire les travaux. […] ».
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 décembre 2019, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après désignés par « les consorts … », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision, précitée, du 22 mars 2018.
Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce.
Il convient de prime abord de prendre position par rapport à la demande de suppression d’une partie des écrits telle que formulée en substance dans le mémoire en duplique et visant les développements du mémoire en réplique à la 1re page faisant état de termes et de définitions relevant du domaine de la psychologie et référant plus particulièrement à la qualification de « pervers narcissique ».
Le tribunal est amené à retenir qu’il y a lieu de faire abstraction de ces développements figurant à la 1re page du mémoire en réplique, la comparaison d’une argumentation de la commune de Sanem, ci-après désignée par « la commune », à des pathologies psychiques étant à considérer comme déplacée et étant en tout état de cause sans lien avec des considérations juridiques qui seules sont susceptibles d’être pertinentes en l’espèce.
Les parties sont ensuite en désaccord sur la recevabilité du recours, la commune contestant tant la recevabilité ratione temporis du recours que l’intérêt à agir des consorts ….
Dans leur requête introductive d’instance, les consorts … exposent qu’à la suite de l’octroi d’une première autorisation le 8 octobre 2012 au bénéfice de leur voisin, Monsieur …, une deuxième autorisation du 27 septembre 2013 aurait eu pour objet la régularisation de certains travaux réalisés à l’arrière de l’immeuble, à savoir le rajout d’une plate-forme en béton, la construction d’une rampe, le changement de l’escalier et la suppression d’une poutre.
Ils font valoir que Monsieur … ne se serait toutefois pas conformé aux autorisations ainsi émises, ni au règlement sur les bâtisses du 27 janvier 2003.
En effet, en changeant l’escalier menant au jardin, il aurait construit un mur à la limite de leur propriété et cela en violation de l’article 5.5 de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Sanem (PAG), le mur dépassant largement la hauteur maximale autorisée de 1 m.
3Les parties requérantes exposent ensuite que le 17 octobre 2016, à la suite d’une réclamation de leur part, le bourgmestre aurait informé leur voisin que l’escalier litigieux se trouverait à l’extérieur du gabarit maximal autorisable et que la hauteur du mur de séparation devrait se mesurer à partir du niveau du jardin et non pas à partir de la terrasse. Par la même occasion, le bourgmestre aurait invité Monsieur … à adapter les plans et à diminuer la hauteur du mur longeant l’escalier jusqu’à une hauteur de 1 m à partir du gabarit maximal de 15 m, tel que prévu par l’autorisation du 27 septembre 2013.
Or, malgré les relances lui adressées, leur voisin n’aurait donné aucune suite à cette invitation de procéder à la démolition du mur litigieux.
Ensuite, le 7 août 2017, le conseil juridique de Monsieur … leur aurait soumis une proposition portant la signature du bourgmestre et se matérialisant par une photo indiquant une suppression partielle du mur litigieux, proposition qu’ils auraient toutefois refusée au motif que Monsieur … devrait se conformer à la décision du bourgmestre du 17 octobre 2016.
Enfin, à la suite de diverses interventions auprès du ministre de l’Intérieur, ils auraient été informés de la délivrance d’une nouvelle autorisation le 22 mars 2018 par le bourgmestre.
Ils font valoir qu’en qualifiant cette autorisation d’avenant à l’autorisation initiale du 8 octobre 2012, le bourgmestre aurait validé indirectement, sans les avertir, la construction litigieuse en limitant la démolition du mur litigieux, malgré les termes de l’article 5.5. de la partie écrite du plan d’aménagement général (PAG) et cela en contradiction avec ses propres autorisations et décisions antérieurement prises.
Pour justifier la recevabilité de leur recours, les consorts … font valoir que la décision du 22 mars 2018, qu’ils qualifient d’autorisation de démolition partielle, constituerait indirectement une autorisation pour une construction illégale et condamnée par le bourgmestre lui-même par une décision du 17 octobre 2016.
Ils précisent encore qu’à défaut d’émission d’un certificat point rouge par la commune, Monsieur … n’aurait à aucun moment affiché l’avenant du 22 mars 2018.
Ce ne serait que par le courrier du ministre de l’Intérieur du 21 octobre 2019 que « l’autorisation non écrite correspondant […] à une photo » leur aurait été communiquée.
Le recours serait dès lors recevable ratione temporis, dans la mesure où le délai de recours n’aurait commencé à courir qu’à partir de la prise de connaissance de la décision.
Les consorts … justifient encore leur intérêt à agir par la considération que le mur litigieux, qui serait totalement disproportionné et qui serait adjacent à leur propriété, aurait été érigé en violation de la partie écrite du PAG et du règlement sur les bâtisses.
La commune quant à elle conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation introduit par les consorts ….
A cet égard, elle affirme que les décisions des 8 octobre 2012 et 27 septembre 2013, ayant autorisé les travaux réalisés, auraient acquis force de chose décidée, constat qui ne serait pas affecté par la circonstance que la décision du 22 mars 2018 autorise la démolition partielle de ces travaux, autorisation qui d’après la commune n’aurait, le cas échéant, pas été nécessaire dans la mesure où il s’agirait d’une « remise en état autorisée » d’une construction 4à la suite d’une dénonciation d’une non-conformité des travaux réalisés de la part des consorts … eux-mêmes. La commune souligne que la décision relative à la seule démolition d’une partie d’un mur n’aurait pas pour objet de remplacer une autorisation délivrée antérieurement. La qualification d’avenant par le bourgmestre ne lui enlèverait, par ailleurs, pas le caractère d’acte administratif individuel autonome existant indépendamment de l’autorisation initiale. La commune fait encore valoir qu’une autorisation de démolition ne porterait que sur des travaux de démolition et qu’il ne saurait être retenu qu’en même temps, elle ait autorisé une nouvelle fois la partie de la construction à conserver.
Dans ces conditions, toute argumentation relative à la construction du mur, autorisé le 8 octobre 2012 respectivement le 27 septembre 2013, échapperait au contrôle de légalité à exercer dans le cadre du présent recours.
S’agissant de la recevabilité ratione temporis du recours, la commune affirme qu’elle laisserait au bénéficiaire de l’autorisation le soin de rapporter la preuve de l’affichage du point rouge, tout en précisant toutefois qu’elle-même aurait procédé à un contrôle de chantier le 27 juin 2019, lors duquel il aurait été constaté que « le mur est démoli conformément à l’autorisation. Il manque encore le finissage ». La commune en déduit que les travaux de démolition auraient nécessairement commencé avant ce contrôle sur place et qu’en conséquence, les consorts …, en leur qualité de voisins directs, ne pourraient prétendre que les travaux leur causeraient un préjudice pour ensuite soulever qu’ils n’auraient pas eu connaissance de ces mêmes travaux jusqu’au courrier du ministre de l’Intérieur du 21 octobre 2019. A cet égard, elle renvoie à la jurisprudence des juridictions administratives ayant pris en considération la confrontation visuelle journalière des tiers intéressés avec le chantier de construction pour l’appréciation du point de départ du délai de recours contentieux et ayant retenu une obligation du tiers intéressé de se renseigner.
Dès lors, au plus tard au moment où les consorts … auraient constaté la réalisation des travaux, ils auraient dû se renseigner et consulter le dossier. En tout état de cause, au plus tard le 27 juin 2019, ils auraient dû constater qu’il s’agirait d’une simple destruction partielle.
De plus, au regard des photos du mur partiellement détruit, on constaterait que le mur tel qu’issu des travaux serait en forme d’escalier, ce qui aurait dû appeler l’attention des parties requérantes et leur permettre d’exclure qu’il s’agissait de travaux de destruction de l’intégralité du mur.
La commune conclut qu’en l’espèce, les parties requérantes auraient non seulement eu la possibilité mais également l’obligation de se renseigner auprès des autorités communales et auraient au plus tard le 27 juin 2019 nécessairement eu une connaissance pleine et parfaite du contenu de l’autorisation, dans la mesure où l’essentiel des travaux, sous réserve du finissage, aurait été achevé à cette date.
En conséquence, le délai contentieux aurait commencé à courir au plus tard le 27 juin 2019, de sorte que le recours, déposé le 11 décembre 2019, serait à considérer comme tardif.
Par ailleurs, la commune conteste tout intérêt à agir dans le chef des parties requérantes. A cet égard, elle souligne que l’autorisation du 22 mars 2018 ne remplacerait pas l’autorisation initiale, mais n’emportait qu’une modification ponctuelle de celle-ci, se matérialisant, pour le surplus, par une suppression partielle de la construction litigieuse et ce à la suite de dénonciations par les parties requérantes.
5 Concrètement, l’autorisation du 22 mars 2018 s’analyserait ainsi en une amélioration de la situation des parties requérantes.
A contrario, l’annulation de cette décision aurait pour conséquence le retour à la situation antérieure, à savoir un mur plus élevé ce qui ne pourrait être dans l’intérêt des parties requérantes.
La commune souligne encore que si les parties requérantes fondaient leur intérêt à agir sur la construction d’un mur qui serait disproportionné et qui aurait été érigé en violation du PAG, il conviendrait de retenir que la construction du mur en tant que tel aurait déjà été autorisée le 8 octobre 2012, respectivement le 27 septembre 2013, à travers des autorisations ayant actuellement acquis autorité de chose décidée. Les considérations avancées par les demandeurs pour justifier leur intérêt à agir seraient dès lors étrangères à l’autorisation du 22 mars 2018, qui serait relative à la démolition partielle du mur.
Dans leur réplique, les consorts … réitèrent leurs explications que Monsieur … aurait le 27 septembre 2013, suite à l’autorisation initiale du 8 octobre 2012, obtenu une seconde autorisation afin de régulariser des travaux non conformes. Ils font valoir que par cette deuxième autorisation du 27 septembre 2013, seule l’orientation de l’escalier menant au jardin aurait été régularisée. Or, à la suite, Monsieur … aurait commis une nouvelle illégalité en construisant le mur actuellement litigieux à la limite de leur propriété sans être couvert par une autorisation et cela en violation de l’article 5.5 de la partie écrite du PAG, puisque ce mur dépasserait largement la hauteur maximale autorisable de 1 m. La commune ne serait dès lors pas fondée à contester leur intérêt à agir, alors qu’il suffirait de se référer aux photos versées aux débats qui illustreraient le « mur de Berlin » qui se dresserait à côté de leur jardin. Ce mur aurait évolué de 3,50 m à 2,90 m pour ensuite redescendre à 2,30 m et remonter de nouveau à 2,40 m pour finalement terminer à 1,60 m.
Ce serait encore à tort que la commune argumente que la décision litigieuse porterait uniquement sur la démolition partielle du mur, puisqu’elle aurait reconnu dans son mémoire en réponse que le bourgmestre aurait accordé une modification des plans autorisés le 8 octobre 2012 en vue d’une adaptation ponctuelle du mur longeant l’escalier, tout en affirmant que cette décision individuelle détachable des autorisations antérieures aurait été prise en violation du PAG et du règlement sur les bâtisses.
Dans sa duplique, la commune insiste sur la question de la recevabilité du recours ratione temporis.
Par ailleurs, tout en renvoyant à ses explications fournies dans son mémoire en réponse, elle souligne qu’elle pourrait comprendre la frustration des consorts …, confrontés à un voisin ayant érigé une construction en violation d’une autorisation accordée et qui, pendant très longtemps, aurait tardé à réagir aux injonctions communales pour redresser la situation. Il n’en resterait toutefois pas moins que l’objet de la décision entreprise viserait justement à conformer la construction aux autorisations de 2012 et de 2013.
Elle poursuit que si Monsieur … s’était vu opposer en 2016 un refus pour des plans soumis au bourgmestre au motif de leur non-conformité à la réglementation urbanistique, ces plans auraient visé non pas la régularisation de cette situation existante, mais une nouvelle 6construction non autorisable. Suite à ce constat d’une non-conformité, Monsieur … aurait été invité une nouvelle fois de conformer les travaux réalisés aux autorisations de 2012 et 2013.
La commune donne encore à considérer que les consorts …, en affirmant que la hauteur du mur aurait évolué au fil du temps, confirmeraient les explications fournies par elle dans son mémoire en réponse à propos de leur intérêt à agir.
Elle réitère la considération que le recours serait dirigé contre la seule autorisation du 22 mars 2018 qui ne viserait qu’une modification ponctuelle de l’autorisation originaire du 8 octobre 2012, l’autorisation querellée étant, d’après la commune, relative à une suppression partielle du mur litigieux se manifestant par une amélioration de la situation de voisins.
En réalité, les consorts … fonderaient leur intérêt à agir sur la construction initiale du mur longeant l’escalier, autorisé en 2012 respectivement 2013, alors que l’annulation de l’autorisation du 22 mars 2018 aurait pour conséquence un retour à la situation antérieure, à savoir un mur plus élevé.
Indépendamment de la question de la recevabilité ratione temporis du recours, et au regard des contestations afférentes de la commune, le tribunal est de prime abord amené à examiner la question de l’intérêt à agir des consorts ….
A cet égard, il convient de relever qu’en matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif1.
En effet, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle2. Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences3.
Force est de constater que les consorts … justifient leur intérêt à agir en substance par des considérations tenant au caractère démesuré du mur longeant un escalier qui aurait été érigé par leur voisin en violation des autorisations délivrées en 2012 et 2013 et dont la suppression aurait été exigée par le bourgmestre par le passé, tout en affirmant que ce dernier aurait, à travers son autorisation du 22 mars 2018, non seulement autorisé la démolition d’une partie du mur, mais aurait en plus implicitement avalisé un mur construit illégalement.
Le tribunal retient de prime abord et de manière générale qu’il n’est pas saisi de l’examen de la situation administrative des requérants par rapport à celle de leur voisin, mais exclusivement de l’examen de l’acte attaqué, de sorte que la question de l’intérêt à agir des consorts … s’apprécie exclusivement par rapport aux incidences de cette décision.
1 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°3 et les autres références y citées.
2 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.
3 En ce sens : Trib. adm. 7 novembre 2016, n° 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 13 et les autres références y citées.
7 Par ailleurs, le tribunal administratif a pour mission le contrôle de légalité des décisions administratives dont il est saisi, mais il n’est pas le juge de l’exécution de celles-ci, de sorte que des considérations avancées par les consorts … quant à l’exécution des autorisations de construire délivrées par le passé ne sauraient être invoquées pour justifier leur intérêt à agir contre la décision actuellement soumise au tribunal.
Le tribunal retient qu’en l’espèce, ni la qualité non contestée de voisins directs, ni le fait que le mur à propos duquel l’autorisation litigieuse a été prise longe directement leur propriété, ni encore celui que les parties sont, tel que cela se dégage des pièces du dossier, ensemble les explications fournies de part et d’autre, en litige depuis des années à propos de la construction de ce mur, ne sont, à eux seuls, suffisants pour justifier en l’espèce l’intérêt à agir des consorts …, mais il convient, au contraire, de s’interroger en quoi la décision litigieuse, seule objet du recours, heurte les intérêts des consorts … et corrélativement en quoi l’annulation de celle-ci puisse y remédier.
A cet égard, il convient de relever que dans la mesure où le présent recours est dirigé contre la seule autorisation du 22 mars 2018, le tribunal ne saurait dans ce contexte pas remettre en question la légalité des autorisations accordées les 8 octobre 2012 et 27 septembre 2013, celles-ci ayant de manière non contestée acquis autorité de chose décidée, de sorte que l’existence et les dimensions des constructions pour autant qu’elles sont couvertes par ces autorisations ne sauraient être invoquées pour justifier l’intérêt à agir des consorts ….
A cet égard, le tribunal relève que tant l’escalier que le mur litigieux figuraient d’ores et déjà sur les plans joints aux autorisations de 2012 et de 2013, à savoir tant sur les plans visant la cave et le rez-de-chaussée, que sur le croquis de la vue sur la partie arrière de la maison de Monsieur … donnant sur le jardin, plan faisant partie de l’autorisation du 8 octobre 2012, ce dernier plan renseignant en l’occurrence une hauteur de la terrasse de 2,3 m mesurée à partir du niveau du jardin et une hauteur du mur, du côté du terrain des consorts …, de 2 m mesurée à partir du niveau de la terrasse. Si les consorts … devaient, le cas échéant, estimer que l’implantation de l’escalier, respectivement celle du mur ou sa hauteur telles qu’elles ressortent de ces plans et telles qu’autorisées en 2012, respectivement en 2013, sont contraires à la réglementation urbanistique de la commune de Sanem, il leur aurait appartenu d’introduire à l’époque un recours contre ces autorisations, mais ils ne sauraient invoquer de telles contestations actuellement pour justifier leur intérêt à agir contre l’autorisation du 22 mars 2018.
Pour le surplus, le tribunal retient que la question de la satisfaction que les consorts … entendent obtenir de l’annulation de la décision du 22 mars 2018 est liée à la portée exacte de celle-ci, de sorte qu’il convient de qualifier celle-ci et en l’occurrence d’examiner si elle vise exclusivement la démolition d’une partie du mur, comme l’entend la commune de Sanem, ou si, en plus, comme l’entendent les demandeurs, le bourgmestre a en même temps avalisé des constructions non conformes aux autorisations antérieures, constructions qu’il aurait pourtant antérieurement refusé d’avaliser.
Suivant le libellé de la décision litigieuse, il s’agit d’un « avenant à l’autorisation de bâtir N° … pour la mise en conformité du mur longeant l’escalier », l’autorisation se référant à une « demande de modification du 06/07/2017 et les plans y relatifs ». Tel que cela a été relevé ci-avant, les photos faisant partie intégrante de l’autorisation litigieuse et que le bourgmestre qualifie de plans, représentent l’escalier et le mur tels que réalisés, avec 8l’indication des hauteurs existantes du mur du côté opposé au mur longeant la propriété des consorts … et la mention de la suppression d’une partie du mur du côté des consorts ….
Le tribunal est amené à retenir que la thèse des consorts … suivant laquelle l’autorisation du 22 mars 2018 aurait régularisé une construction illégale, contraire aux autorisations antérieures, est contredite par les termes de la demande du 4 juillet 2017, dont le libellé a été repris ci-avant, que l’autorisation litigieuse est venue rencontrer et par rapport à laquelle la portée de l’autorisation doit nécessairement être appréciée.
Or, au regard des indications figurant sur les photos soumises au bourgmestre pour faire fonction de « plans », - celles-ci se limitant à la représentation de la partie du mur à supprimer -, ensemble les termes choisis dans le courrier précité du 4 juillet 2017, qui a l’objet suivant « construction gênante » et qui ne fait qu’exprimer la volonté de supprimer une partie du mur et qui contient, pour le surplus, des réflexions sur l’organisation matérielle des travaux de démolition, et plus particulièrement sur la mise en place d’un échafaudage dans le jardin des consorts …, sans mentionner d’une quelconque manière une demande de voir avaliser une construction d’ores et déjà érigée au-delà de ce qui a de toute façon été autorisé à travers les autorisations de 2012 et de 2013, le tribunal est amené à retenir qu’à travers son autorisation du 22 mars 2018, le bourgmestre a exclusivement autorisé la démolition partielle du mur érigé, le terme de « mise en conformité du mur » employé par le bourgmestre, terme qui certes pourrait à lui seul prêter à confusion, ne pouvant viser que ce qui a seul été demandé, à savoir la suppression d’une partie du mur pour le mettre en conformité avec ce qui avait été autorisé en 2012 et 2013, aucun élément du dossier ne permettant de retenir que le bourgmestre ait, par ailleurs, émis une nouvelle autorisation remplaçant celles des 8 octobre 2012 et 27 septembre 2013 et tendant à régulariser des constructions illégales.
Or, les consorts … restent en défaut d’expliquer et de justifier en quoi l’annulation d’une autorisation de démolition visant la suppression d’une partie du mur dont la hauteur a été incriminée par eux-mêmes pourrait leur procurer la satisfaction d’un intérêt personnel et direct, cette autorisation leur donnant au contraire justement satisfaction.
Au demeurant, si les consorts … devaient estimer que la hauteur du mur n’a pas été réduite à suffisance pour se conformer aux autorisations initiales de 2012 et 2013, étant relevé que le bourgmestre a clairement indiqué dans un courrier du 4 mai 2017 que le mur est à adapter aux plans autorisés, il s’agit alors d’un problème d’exécution de ces autorisations, qui ne relève pas de la compétence du tribunal et qui en toute hypothèse ne saurait être résolu par une annulation de l’autorisation attaquée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et indépendamment de la recevabilité du recours ratione temporis, que celui-ci est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des requérants.
Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 4.000 euros formulée par les consorts … est à rejeter.
9Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours en annulation ;
rejette les demandes en paiement d’une indemnité de procédure formulée par les consorts … ;
condamne les consorts … au paiement des frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 décembre 2020 par :
Annick Braun, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge en présence du greffier Luana Poiani.
s. Poiani s. Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 10