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02/12/2020 | LUXEMBOURG | N°42761

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 décembre 2020, 42761


Tribunal administratif N° 42761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2019 1re chambre Audience publique du 2 décembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Niederanven, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42761 du rôle et déposée le 2 mai 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant, suivan

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Tribunal administratif N° 42761 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2019 1re chambre Audience publique du 2 décembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Niederanven, en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42761 du rôle et déposée le 2 mai 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, à l’annulation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Niederanven à la suite du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois par rapport à la demande d’autorisation de démolition d’une grange située sur un terrain sis …, telle que formulée le 10 janvier 2019 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine Kovelter, en remplacement de l’huissier de justice Frank Schaal, demeurant à Luxembourg, du 15 mai 2019, portant signification de ladite requête à la commune de Niederanven représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-6977 Oberanven, 18, rue d’Ernster ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Serge Marx, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2019 pour compte de la commune de Niederanven, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Serge Marx, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2019 au nom et pour le compte de la commune de Niederanven, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Georges Krieger, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 octobre 2019 au nom et pour le compte Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Serge Marx, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2019 au nom et pour le compte de la commune de Niederanven, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Raffaela Fernandino, en remplacement de Maître Georges Krieger, et Maître Stéphanie Elvinger, en remplacement de Maître Serge Marx, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2020.

___________________________________________________________________________

Par courrier du 11 décembre 2018, la commune de Niederanven s’adressa à Monsieur … en sa qualité de propriétaire d’un terrain sis au numéro …, inscrit au cadastre de la commune de Niederanven, section … , sous le numéro …, afin de le rendre attentif sur le fait que la grange lui appartenant et se trouvant sur le terrain en question présenterait des problèmes de stabilité, tout en lui recommandant de procéder dans les meilleurs délais aux travaux de consolidation et de stabilisation afin d’éviter tout incident éventuel.

Par courrier recommandé du 10 janvier 2019, Monsieur … sollicita par l’intermédiaire de son litismandataire l’autorisation pour procéder à la démolition de la grange en question, ladite demande étant formulée comme suit :

« […] Mon mandant est propriétaire d’une ferme sise …, inscrite au cadastre de la commune de Niederanven, section …, sous le numéro ….

Par un courrier du 11 décembre 2018, vous lui avez recommandé de procéder dans les meilleurs délais aux travaux de consolidation et de stabilisation de l’ancienne bâtisse/grange afin d’éviter tout incident éventuel suite à un avis technique relatif à « la stabilité d’une ancienne bâtisse sise en face du n°… » datant du 16 décembre 2015 et effectué par ….

Mon mandant ayant l’intention de réaliser un projet immobilier au lieudit, il sollicite la démolition de l’immeuble précité qui lui parait être une solution écartant tout risque lié à l’état détérioré du bâtiment et toute éventuelle future complication contrairement aux travaux de consolidation et de stabilisation demandés.

En effet, l’état dudit bâtiment est délabré, il présente des problèmes de stabilité et menace de s’effondrer ; dans une optique de sécurité à long terme, la démolition apparait comme le moyen la plus efficace.

Dès lors que l’immeuble risquant de s’effondrer et les problèmes de stabilité constituent un danger sérieux à moyen terme pour les riverains, cela entrerait clairement dans votre mission d’exécution des lois de police. La démolition du bâtiment rencontrerait ainsi les intérêts de mon mandant et ceux de la commune.

En effet, en vertu de l’article 67 de la loi du 13 décembre 1988, le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police et il lui incombe de façon générale, dans la cadre de sa mission d’exécution des lois de police, de faire jouir les habitants de la commune des avantage d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. […] ».

Par courrier de son litismandataire du 28 mars 2019, la commune de Niederanven prit position comme suit par rapport au courrier précité du 10 janvier 2019 :

« […] 1 Nous sommes les conseils de l’administration communale de Niederanven qui nous a chargé de vous faire parvenir sa prise de position par rapport à votre courrier du 10 janvier 2019 par lequel vous intervenez au sujet des travaux de consolidation et de stabilisation d’une grange sise à … (parcelle numéro …) et qui fait suite à l’avertissement adressé en date du 11 décembre 2018 par l’administration communale de Niederanven à votre mandant, Monsieur …, en tant que propriétaire de la grange susmentionnée.

2 L’administration communale de Niederanven prend acte de l’intention de votre mandant de réaliser un projet immobilier au lieudit et de son intention corrélative de procéder à la démolition de la bâtisse en question.

Dans ce cadre, nous attirons toutefois votre attention sur le fait que la parcelle concernée (numéro …) ainsi que certaines constructions y situées font l’objet de mesures de protection tant au niveau communal qu’au niveau national. Tout projet immobilier éventuel et de manière plus générale, tous travaux de consolidation, de stabilisation voire le cas échéant de démolition devront dès lors impérativement tenir compte de mesures de protection existantes.

3 Nous vous rappelons également que par lettre en date du 11 décembre 2018, l’administration communale de Niederanven a recommandé à votre mandant de procéder dans les meilleurs délais aux travaux de consolidation et de stabilisation de la grange susmentionnée afin d’éviter tout incident éventuel.

En effet, des problèmes de stabilité ont été mis en exergue par un rapport technique dressé par un bureau d’étude dûment agrée. Ce rapport d’expertise, qui a été communiqué à votre mandant, établit que la stabilité de l’ancienne bâtisse dont question n’est plus garantie.

Notre mandante réitère dès lors formellement son avertissement quant à la nécessité de procéder dans les meilleurs délais aux travaux de consolidation et de stabilisation de la grange susmentionnée afin d’éviter tout incident éventuel.

4 A ce titre, nous tenons à souligner que la responsabilité d’une construction menaçant ruine appartient au seul propriétaire de la construction en cause et non à la commune sur le territoire de laquelle est située la construction.

L’article 1386 du Code civil dispose sans aucune ambiguïté que le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. En revanche, l’administration communale n’est certainement pas responsable de la ruine de bâtiments dont elle n’est pas propriétaire.

Sans préjudice des pouvoirs de police qui appartiennent au bourgmestre dans le cadre de la démolition des constructions menaçant ruine tels que prévus aux articles 97 et suivants du règlement communal sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Niederanven, il incombe dès lors au seul propriétaire d’une construction d’en garantir l’entretien nécessaire et de procéder, le cas échéant, aux travaux de consolidation et de stabilisation qui s’imposent.

5 Au vu de ce qui précède, la présente vaut mise en demeure de procéder dans les meilleurs délais aux travaux de consolidation et de stabilisation de la grange susmentionnée en conformité avec les mesures de protection existantes.

La présente vous est adressée sous toute réserve et sans reconnaissance préjudiciable aucune dans le chef de notre mandante. […] ».

Par courrier de son litismandataire du 12 avril 2019, Monsieur … prit position comme suit par rapport au courrier précité de la commune :

« […] En premier lieu, mon mandant prend acte que l’administration communale de Niederanven prend acte de son intention de procéder à la démolition de la grange ainsi que de réaliser un projet immobilier.

Ensuite, concernant la réitération de la commune sur la nécessité de procéder aux travaux de consolidation et de stabilisation de la grange afin d’éviter tout incident éventuel, j’estime que mon mandant a clairement fait le nécessaire en sollicitant la démolition de ladite bâtisse, solution qui écarterait tout risque lié à l’état détérioré du bâtiment et toute éventuelle future complication contrairement aux travaux de consolidation et de stabilisation demandés qui, dans une optique de sécurité à long terme, n’apparaissent pas comme étant le moyen le plus efficace.

Ladite demande de démolition a été introduite en date du 10 janvier 2019 et est restée lettre morte depuis lors de sorte qu’une décision implicite de refus s’est cristallisée en date du 10 avril 2019.

Mon mandant s’étonne du manque de réactivité de la commune par rapport à sa demande de démolition puisque l’article 20.2.e) de la partie écrite du PAG prévoit ce qui suit :

« La démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal est à considérer comme exceptionnelle. Tout projet de démolition doit être dûment motivé par des raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité. Le projet de reconstruction qui remplace l’immeuble doit en respecter l’identité et le caractère d’origine. ».

En l’espèce, le projet de démolition est motivé par des raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité.

Il est indéniable que mon mandant prend clairement ses responsabilités afin d’éviter tout risque d’effondrement de l’immeuble dont question.

En revanche, c’est la commune qui ne rempli[t] absolument pas sa mission d’exécution des lois de police, Pour rappel, en vertu de l’article 67 de la loi du 13 décembre 1988, le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police et il lui incombe de façon générale, dans le cadre de sa mission d’exécution des lois de police, de faire jouir les habitants de la commune des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.

Le silence gardé pendant plus de trois mois quant à la demande de mon client témoigne des carences de votre mandante.

Dès lors, il revient à la commune de prendre ses responsabilités et d’accorder la démolition dudit bâtiment. […] ».

A défaut de réponse à sa demande d’autorisation de démolition introduite le 10 janvier 2019, Monsieur … a fait introduire, par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2019, un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance auquel le tribunal est en principe seul tenu, à l’annulation d’une décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Niederanven, ci-après désigné par « le bourgmestre », découlant du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois à la suite de l’introduction de la demande d’autorisation de démolition.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’autorisation de construire, respectivement de démolition, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit contre le refus de l’autorisation de démolition déféré au tribunal, ledit recours étant encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur réitère, en substance, les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, tout en expliquant que ce serait en raison de l’état clairement délabré de la grange en cause qu’il a sollicité l’autorisation pour la démolir et ce, dans le but d’écarter définitivement tout risque lié à cet état détérioré et toute éventuelle future complication, le demandeur insistant sur le fait que, selon lui, des travaux de consolidation et de stabilisation n’apparaîtraient pas comme étant un moyen efficace à long terme pour remédier aux problèmes liés à l’état détérioré de la bâtisse litigieuse.

Il ajoute que l’inscription de la grange en question à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux ainsi qu’à l’inventaire communal n’empêcheraient pas une démolition, ce d’autant plus que l’article 20.2.e) de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Niederanven (PAG) permettrait une telle démolition pour des raisons notamment de sécurité, telles qu’elles existeraient en l’espèce.

En droit, le demandeur s’appuie tout d’abord sur l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », pour solliciter l’annulation pure et simple de la décision litigieuse pour défaut de motivation. Il critique plus particulièrement le fait qu’en l’absence de décision expresse et de toute prise de position du bourgmestre susceptible de documenter les motifs à la base de son refus implicite, le tribunal serait mis dans l’incapacité d’examiner de manière utile les motifs sous-tendant la décision litigieuse. Il ajoute que si, suivant la jurisprudence des juridictions administratives, il était possible pour l’administration de motiver sa décision implicite de refus en cours d’instance, il n’en resterait pas moins que les motifs ainsi invoqués devraient être avérés en fait et admissibles en droit, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

En second lieu, le demandeur invoque une violation de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », au motif que dans la mesure où les conditions prévues audit article seraient remplies, le bourgmestre n’aurait pas d’autre choix que d’accorder l’autorisation sollicitée.

Finalement, il demande l’allocation d’une indemnité de procédure du 3.000.- euros sur le fondement de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », en insistant sur le fait que, face au silence gardé par le bourgmestre suite à sa demande d’autorisation, il n’aurait pas eu d’autre choix que d’introduire le recours sous analyse.

Dans son mémoire en réponse et quant au moyen tenant au défaut de motivation de la décision implicite de refus, la commune fait valoir qu’il se dégagerait de la jurisprudence solidement établie des juridictions administratives qu’une violation par l’administration de son obligation de motivation n’était pas à sanctionner par l’annulation de la décision concernée, mais qu’il appartiendrait plutôt au juge de la légalité de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse. Elle ajoute que, conformément à cette jurisprudence, elle exposerait dans le cadre de son mémoire en réponse les motifs se trouvant à la base du refus de l’autorisation sollicitée.

Il s’ensuivrait que le moyen fondé sur une violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 serait à écarter pour ne pas être fondé.

Ensuite, la commune explique que l’article 20 de son PAG ne permettrait pas d’autoriser la démolition sollicitée.

Elle relate, à cet égard, tout d’abord que la parcelle accueillant la grange concernée ferait l’objet de mesures de protection en ce sens qu’elle serait inscrite en secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit » régi par l’article 20 du PAG. De ce fait, la maison d’habitation et ses annexes, y compris la grange litigieuse, figureraient sur la liste des immeubles protégés inscrits à l’inventaire communal et tous ces bâtiments tomberaient sous le régime de l’article 20.2. du PAG, état de fait que le demandeur aurait d’ailleurs reconnu lui-

même dans son courrier du 12 avril 2019 et dans sa requête introductive d’instance en se référant expressément à l’article 20.2.e) du PAG qui prévoit le régime de démolition s’appliquant spécifiquement aux immeubles inscrits à l’inventaire communal.

Elle ajoute que si certes un immeuble inscrit à l’inventaire communal pouvait être démoli, il n’en resterait pas moins que, suivant les termes de l’article 20.2.e) du PAG, une telle démolition devrait toujours garder un caractère exceptionnel, tout en insistant sur le fait qu’un régime d’exception devrait nécessairement être d’interprétation restrictive.

Toujours par référence aux dispositions de l’article 20.2.e) du PAG, la commune soulève à titre principal qu’en l’espèce, il n’existerait pas de raisons impérieuses justifiant la démolition de la grange litigieuse et ce, au motif que les problèmes de stabilité mis en avant par le demandeur ne justifieraient pas en eux-mêmes une démolition, étant donné qu’il pourrait y être remédié sans problème par le biais de travaux de consolidation et de stabilisation. Elle insiste sur le fait qu’encore que la démolition devrait être une solution exceptionnelle et donc être motivée par des raisons impérieuses, le demandeur n’avancerait pas de telles raisons, mais se contenterait d’invoquer de manière générale et abstraite les dispositions de l’article 20.2.e) du PAG, ce qui serait toutefois insuffisant pour valoir justification de raisons impérieuses exigées par la disposition règlementaire en question.

A titre subsidiaire et même si le tribunal devait conclure à l’existence de raisons impérieuses pour démolir la grange litigieuse, la commune fait valoir qu’une telle démolition resterait en pratique impossible aussi longtemps qu’un plan d’aménagement particulier-

Nouveau quartier (« PAP-NQ ») n’aurait pas été élaboré.

Elle donne, à cet égard, à considérer que, principalement, une démolition exceptionnelle d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal ne pourrait pas être autorisée en l’absence de l’existence concomitante d’un projet de reconstruction de l’immeuble détruit respectant l’identité et le caractère de celui-ci, la commune étant, en effet, d’avis qu’à défaut d’une telle reconstruction concomitante, la ratio legis de l’article 20 du PAG ne serait plus préservée dans la mesure où l’article en question viserait justement à protéger le caractère authentique de la substance bâtie et de son aménagement, de même que sa rareté, l’exemplarité du type de bâtiment, l’importance architecturale, le témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. Or, si un tel immeuble protégé était démoli sans qu’il n’existe un projet concomitant de reconstruction respectant son identité et son caractère d’origine, ces objectifs de protection ne seraient plus atteints puisque la démolition créerait à durée indéterminée et selon les bons vouloirs du propriétaire une déchirure dans la substance bâtie protégée sans que les autorités communales n’aient la garantie qu’un immeuble respectant l’identité et la caractère d’origine viendra remplacer l’immeuble démoli.

La commune ajoute qu’en l’espèce, la parcelle accueillant la grange litigieuse serait soumise à un PAP-NQ, de sorte qu’une reconstruction ne serait de toute façon envisageable qu’après l’élaboration et l’approbation passée en force de chose décidée d’un PAP-NQ et la délivrance d’une autorisation de construire conforme à celui-ci. Il s’ensuivrait qu’à défaut d’un tel PAP-NQ et à défaut d’une autorisation de construire relative à un immeuble venant remplacer l’immeuble détruit en respectant l’identité et le caractère d’origine de celui-ci, il serait impossible de délivrer une autorisation de démolir et ce serait dès lors à bon droit que l’autorisation sollicitée a été refusée.

A titre subsidiaire, la commune est d’avis qu’en cas de rejet de son argumentation développée à titre principal et afin de pouvoir assurer le respect des conditions posées par l’article 20.2.e) du PAG et d’éviter que cette disposition ne reste lettre morte, il serait indispensable pour le demandeur de dresser au moins un état des lieux descriptif de la bâtisse concernée afin d’acter de manière précise l’identité et le caractère d’origine de la bâtisse à démolir. Elle estime que ce ne serait, en effet, qu’à condition d’avoir obtenu un tel état des lieux descriptif qu’elle serait en mesure de vérifier que tout projet de (re)construction ultérieur respectera l’identité et le caractère d’origine de la construction démolie, tout en soulignant que ce ne serait que dans ces conditions que les prescriptions de l’article 20.2.e) du PAG pourraient être considérées comme étant respectées. Ainsi, à défaut de communication d’un tel état des lieux descriptif se serait encore à bon droit que l’autorisation de démolir a été refusée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise à titre liminaire que, depuis 2013, il serait à l’initiative de l’élaboration d’un PAP pour sa parcelle et que, dans ce contexte, il aurait eu des échanges réguliers avec la commune sans que toutefois ceux-ci n’aient abouti suite à la modification du PAG et à la procédure de classement du ministère de la Culture. Au vu de l’échec de ces échanges, un nouveau projet aurait été élaboré et aurait reçu l’accord de principe du ministère de la Culture. Il précise, à cet égard, qu’une extension récente en blocs de béton aurait été collée à l’ancien mur d’une partie de la grange, ce qui rendrait impossible toute consolidation sur cette partie. Comme dans le PAP il serait prévu que cette extension disparaisse, le demandeur est d’avis qu’il y aurait lieu de faire droit à sa demande d’autorisation de démolition.

Quant au fond et en ce qui concerne les motifs complémentaires de refus invoqués par la commune en cours d’instance, le demandeur insiste tout d’abord sur le fait que la démolition de la bâtisse litigieuse serait la solution qui écarterait tout risque lié à l’état détérioré du bâtiment, de même que toute éventuelle future complication et ce, contrairement aux travaux de consolidation et de stabilisation préconisés par la commune qui, selon lui, n’apparaîtraient pas comme étant le moyen le plus efficace dans une optique de sécurité à long terme. En se référant à l’avis technique émis le 16 décembre 2015 par le bureau d’ingénieurs-conseils …, il souligne que les risques liés aux problèmes de stabilisation du bâtiment pourraient, à moyen terme, constituer un danger sérieux pour les riverains, de sorte qu’il faudrait réagir rapidement.

Il donne à considérer que ce serait justement eu égard à la « nécessité de la situation » qu’il aurait demandé à pouvoir démolir le bâtiment en question, tout en s’étonnant du manque de réactivité de la commune malgré l’existence de raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité, qui justifieraient, en l’espèce le projet de démolition.

En ce qui concerne l’application de l’article 20.2.e) du PAG, il met en avant que suivant ledit article, la démolition devrait rester une solution exceptionnelle en ce sens que, comme cela serait le cas en l’espèce, elle devrait être dûment motivée par des raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité. Il ne serait dès lors pas requis que la démolition soit inévitable ou qu’elle soit la seule solution envisageable, mais elle devrait uniquement être motivée par des raisons, notamment de sécurité, impérieuses.

Le demandeur ajoute que si le tribunal devait venir à la conclusion que l’article 20.2.e) du PAG est à interpréter dans le sens qu’il ne permet la démolition que dans les cas où aucune autre solution n’est envisageable, il contreviendrait au principe de proportionnalité, alors qu’il serait toujours possible de trouver une autre solution technique moyennant des ressources financières suffisantes, en effectuant des travaux aussi coûteux soient-ils, le demandeur soulignant que si la démolition d’un immeuble n’était envisageable que lorsque d’autres solutions s’avéreraient impossibles, les contraintes imposées aux propriétaires ne seraient clairement pas proportionnées par rapport au but poursuivi qui serait celui de réagir vite dans un but de sécurité.

Afin d’appuyer son argumentation, il se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 3 mai 2018, inscrit sous le numéro 40380C du rôle, prononcé en matière de plan d’aménagement général, tout en faisant valoir que même si les circonstances dudit arrêt étaient différentes, il s’en dégagerait clairement que le fait de rendre impossible la démolition d’un bâtiment protégé reviendrait à limiter les droits des propriétaires de manière disproportionnée.

Le demandeur ajoute que si le tribunal devait retenir que l’article 20.2.e) du PAG est à interpréter dans le sens qu’il ne permet une démolition que lorsqu’aucune autre solution n’est envisageable, il y aurait également lieu de s’interroger sur le principe même de la possibilité pour une commune de limiter à ce point les droits du propriétaire et ce, à la lumière de l’article 16 de la Constitution. Il est, en effet, d’avis que s’il fallait interpréter l’article 20 du PAG de la manière dont le préconise la commune, les servitudes urbanistiques fixées à travers ledit article seraient contraires à la Constitution et cela reviendrait à ce que la commune décide elle-même des limitations qu’elle entend apporter aux droits des propriétaires.

Au vu de ces considérations, l’article 20 du PAG devrait, en tout état de cause, être écarté par le tribunal, en application de l’article 95 de la Constitution et la décision de refus implicite devrait être annulée.

Pour ce qui est du motif de refus lui opposé à titre subsidiaire et suivant lequel il serait impossible de démolir l’immeuble litigieux tant qu’un PAP-NQ n’aurait pas été élaboré, le demandeur fait valoir qu’il s’agirait d’un motif complémentaire qui n’aurait pas existé au moment de la prise de la décision litigieuse. Il en veut pour preuve qu’il se dégagerait clairement des échanges entre les parties et notamment du courrier du litismandataire de la commune du 28 mars 2019 que la seule base de la décision de refus implicite attaquée aurait été le problème de stabilité du bâtiment. Ce serait d’ailleurs sur cette base que la commune lui aurait enjoint d’effectuer les travaux de consolidation et qu’elle refuserait l’alternative de la démolition au vu du classement du bâtiment à l’inventaire communal. Or, il se dégagerait de la jurisprudence des juridictions administratives que si l’indication par la partie publique, au-

delà de la phase administrative non contentieuse, de motifs non invoqués jusque lors était certes admissible, même en instance d’appel, il faudrait toutefois que ces motifs soient vérifiés comme ayant existé au moment de la prise de la décision déférée au fond. Comme tel ne serait manifestement pas le cas en l’espèce, le demandeur sollicite de la part du tribunal de ne pas analyser ce motif de refus complémentaire opposé à sa demande.

Il ajoute que, selon lui, l’argumentation « jusqu’auboutiste » de la commune ne ferait que démontrer sa volonté d’empêcher la réalisation d’un projet immobilier par lui.

A titre superfétatoire et uniquement pour les besoins du débat, le demandeur donne à considérer que si certes l’article 20.2.e) du PAG prévoyait que le projet de reconstruction doit respecter l’identité et le caractère d’origine de l’immeuble détruit, en aucun cas, il n’y serait prévu que la demande de reconstruction devrait être concomitante à celle de la démolition.

Il s’ensuivrait que les craintes de la commune que la démolition ne puisse créer à durée indéterminée et selon les bons vouloirs du propriétaire une déchirure dans la substance bâtie protégée, sans que les autorités communales n’aient la garantie qu’un immeuble respectant l’identité et le caractère d’origine viendra remplacer l’immeuble démoli, seraient infondées alors que même dans l’hypothèse d’une demande d’autorisation de construire accordée, son bénéficiaire resterait libre de l’exécuter.

Au vu de ces considérations, il y aurait lieu d’admettre qu’une reconstruction concomitante ne « préserverait » pas l’interprétation donnée par la commune à la ratio legis de l’article 20 du PAG. A cela s’ajouterait qu’à la lecture de l’article concernant les zones soumises à l’élaboration d’un PAP-NQ, en l’occurrence, l’article 17.1. du PAG, ainsi que de celui concernant la procédure d’octroi d’une autorisation de construire, en l’occurrence, l’article 86 du règlement sur les bâtisses, il n’apparaîtrait pas que l’élaboration d’un PAP-NQ soit un préalable requis pour obtenir une autorisation de démolition.

Dans son mémoire en duplique, et en ce qui concerne les développements du demandeur suivant lesquels il aurait été impliqué dans l’élaboration d’un projet de PAP sur la parcelle concernée, la commune entend préciser que si ledit projet n’avait pas abouti ce serait en raison de sa non-conformité par rapport tant au PAG qu’au projet d’aménagement général en cours de procédure.

Elle ajoute ne pas être au courant d’un avant-projet de PAP ayant prétendument été élaboré postérieurement au projet de PAP avorté en 2015, tout en soulignant qu’un tel projet n’aurait en tout état de cause pas été mis en procédure d’adoption conformément à l’article 30 de la loi du 19 juillet 2004. Par ailleurs, selon la commune, un prétendu « accord de principe » émanant du ministère de la Culture, dont elle ignorerait d’ailleurs l’existence, ne conférerait aucune valeur juridique à un avant-projet de PAP et ne lui serait pas opposable alors qu’elle statuerait sur le fondement de la loi du 19 juillet 2004 et de sa réglementation communale et non pas sur le fondement de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 ».

La commune ajoute qu’à défaut pour le demandeur d’avoir versé l’avant-projet de PAP aux débats, ses explications techniques y relatives seraient difficilement compréhensibles et il serait impossible de prendre position y relativement de manière circonstanciée. Elle fait valoir qu’en tout état de cause, il ne faudrait pas perdre de vue que le problème de stabilité affectant la bâtisse litigieuse ne se réduirait pas à un mur mais qu’il concernerait la grange entière, tout en soulignant que, sous cette réserve, il faudrait toutefois noter qu’il se dégagerait de la pièce versée par le demandeur à l’appui de ses explications techniques que son propre architecte, tout en réduisant indûment la problématique à un seul mur, admettrait que le rapport d’expertise du 16 décembre 2015 ne pourrait pas être remis en cause.

Quant au fond, la commune conteste que les raisons techniques telles que mises en avant par le demandeur pour justifier la démolition litigieuse puissent être qualifiées d’impérieuses au sens de l’article 20.2.e) du PAG.

Elle fait tout d’abord valoir que les affirmations du demandeur se limiteraient à de simples allégations non étayées par le moindre élément de preuve, tout en soulignant que si, tel que le plaide le demandeur, la démolition avait effectivement été la seule solution envisageable, l’expert n’aurait pas manqué de mettre cette solution en avant dans son rapport du 16 décembre 2015, ce qu’il n’aurait toutefois pas fait, puisqu’il aurait, au contraire, préconisé des travaux de consolidation et de stabilisation de la remise agricole.

La commune insiste ensuite sur le fait que, selon elle, l’article 20.2.e) du PAG poserait un régime dérogatoire par rapport au principe de préservation des immeubles inscrits à l’inventaire communal découlant plus généralement de l’article 20.2. du PAG. Or, tel que ce serait le cas pour toute exception, ce régime dérogatoire serait d’interprétation stricte, de sorte que toute démolition serait, en l’espèce, exclue sous au moins deux aspects.

Ainsi, d’une part, une démolition ne serait-elle concevable que si aucune autre solution technique n’était envisageable, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, puisque même l’expert préconiserait des travaux de consolidation et de stabilisation.

D’autre part, l’état de l’immeuble protégé ne devrait pas résulter de la propre inaction du propriétaire en ce sens que la possibilité exceptionnelle de démolir un immeuble protégé ne pourrait pas découler du comportement passif du propriétaire, au risque qu’il ne soit trop facile de contourner les contraintes résultant d’une mesure de protection communale en laissant tout simplement une bâtisse à l’abandon pour ensuite se prévaloir d’un risque d’atteinte à la sécurité.

La commune ajoute que la grange concernée ferait partie d’un ensemble inscrit à l’inventaire communal en raison de sa qualité de construction authentique de l’époque baroque datant de 1777, dont il n’existerait plus qu’une vingtaine d’exemplaires dans le pays. Comme en l’espèce, le demandeur aurait laissé la grange à l’abandon, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-

même et son inaction ne pourrait manifestement pas déboucher sur la démolition de constructions méritant d’être protégées.

En ce qui concerne ensuite l’application de l’article 20.2.e) du PAG, la commune en conteste la lecture adverse suivant laquelle une démolition ne devrait pas être inévitable ou être la seule solution envisageable mais qu’il suffirait qu’elle soit simplement motivée par des raisons notamment de sécurité impérieuses, tout en renvoyant à ses développements contenus dans son mémoire en réponse.

Pour ce qui est du renvoi par le demandeur à un arrêt de la Cour administrative du 3 mai 2018 afin d’argumenter que l’article 20.2.e) du PAG ne pourrait pas être interprété comme permettant la démolition uniquement dans les cas où aucune autre solution n’était envisageable, sous peine de violation du principe de proportionnalité, la commune s’oppose à tout raisonnement par analogie par rapport à l’arrêt en question, au motif que celui-ci ne viendrait nullement à l’appui de l’argumentation adverse pour ne pas se prononcer sur le principe de proportionnalité invoqué par le demandeur.

En ce qui concerne concrètement le reproche d’une atteinte par les dispositions de l’article 20.2.e) du PAG au principe de proportionnalité, la commune souligne que l’immeuble du demandeur ne ferait pas seulement l’objet d’un classement à l’inventaire communal, mais qu’il serait également inscrit sur l’inventaire supplémentaire national suivant arrêté ministériel du 11 juillet 2018. Il s’ensuivrait que l’immeuble en question pourrait bénéficier de subventions sur base du règlement grand-ducal du 19 décembre 2014 concernant l’allocation de subventions pour des travaux de restauration d’immeubles qui prévoirait, en effet, des subventions en faveur des immeubles classés comme monument national ou inscrits à l’inventaire supplémentaire ou bien faisant l’objet d’une mesure de protection communale, la commune précisant que suivant l’article 3, point 2, dudit règlement grand-ducal, les immeubles classés monument national, proposés au classement ou inscrits à l’inventaire supplémentaire pourraient bénéficier de subsides pouvant s’élever jusqu’à 50% des frais encourus.

La commune estime que la possibilité de se voir allouer de telles subventions serait fondamentale et permettrait, en l’espèce, de faire un raisonnement par analogie par rapport aux principes retenus par les juridictions administratives en matière de conservation et de protection des sites et monuments nationaux sur base de la loi précitée du 18 juillet 1983 et plus particulièrement au principe suivant lequel il pourrait être considéré que la loi avait institué un équilibre équitablement balancé entre l’ingérence indéniable d’un classement dans les droits du propriétaire d’un immeuble classé, ensemble les obligations et servitudes découlant du classement et l’indemnisation afférente et le conseil gratuit du service compétent ensemble les aides et subsides étatiques prévues en la matière, la Cour administrative ayant, en conséquence, conclu à l’absence de contrariété d’une décision de classement par rapport à l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), respectivement à l’article 16 de la Constitution.

Il conviendrait, en tout état de cause, d’appliquer cette motivation jurisprudentielle mutatis mutandis aux mesures de protection communales et d’exclure, en conséquence, toute atteinte au principe de proportionnalité.

Pour ce qui est de l’atteinte alléguée par l’article 20.2.e) du PAG à l’article 16 de la Constitution, la commune renvoie à ses développements visant à voir écarter le moyen tenant à une violation du principe de proportionnalité pour voir également constater tout absence de violation de l’article 16 de la Constitution, tout en soulignant que le tribunal administratif se serait déjà prononcé sur la question en décidant qu’une mesure de protection communale « environnement construit » ne serait pas contraire à cette disposition constitutionnelle.

La commune maintient ensuite qu’il serait impossible de détruire l’immeuble concerné tant qu’un PAP-NQ n’aurait pas été adopté, tout en contestant tout d’abord, par renvoi à « une jurisprudence bien établie suite à un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, n°25783C du rôle », l’inadmissibilité de ce moyen de refus tel que lui opposé par le demandeur.

Ainsi, elle donne à considérer qu’un complément de motivation serait toujours admissible pour autant qu’il ait existé au jour de la prise de la décision querellée, tel que ce serait le cas en l’espèce, puisque le motif de refus litigieux découlerait directement de la réglementation urbanistique applicable au moment de la prise de la décision attaquée, de sorte qu’en toute logique, il aurait existé à ce moment précis et devrait, en conséquence, être accueilli favorablement par le tribunal.

En ce qui concerne le bien-fondé de ce motif de refus complémentaire, la commune insiste tout d’abord sur le fait que son but ne serait aucunement, tel que le prétend le demandeur, d’empêcher un projet immobilier dans son chef, ce qui serait d’ailleurs confirmé par le fait qu’elle aurait procédé en 2017 à une modification ponctuelle de son PAG afin d’augmenter le coefficient de densité maximale de logement à l’hectare du PAP-NQ « ER01-… » de 12 à 15 unités « afin de permettre la réalisation du programme de logements prévu sur le site dans la continuité des typologies des quartiers voisins existants. ». Il serait dès lors faux de prétendre qu’elle cherche à bloquer le projet du demandeur, puisqu’elle voudrait, au contraire, s’assurer, conformément à sa mission légale, que la réglementation urbanistique soit pleinement respectée, en l’occurrence la protection des immeubles inscrits à l’inventaire communal.

Elle rappelle, à ce sujet, que l’article 20.2.e) du PAG n’admettrait la démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal que pour des motifs tenant à des raisons techniques impérieuses et à condition que le projet de reconstruction remplaçant l’immeuble détruit en respecte l’identité et le caractère d’origine. Il serait dès lors impératif qu’elle puisse s’assurer, avant d’accorder une autorisation de démolir lorsque la condition tenant à des raisons techniques impérieuses est remplie, que l’immeuble protégé soit vraiment reconstruit dans le respect de son identité et de son caractère d’origine. Or, le seul moyen de s’assurer que cette exigence est remplie consisterait en ce que la reconstruction de l’immeuble démoli ait lieu de manière concomitante à sa démolition. Elle affirme que ce serait pour cette raison que certaines réglementations communales poseraient expressément comme principe que dans les secteurs communaux protégés une autorisation de démolition ne sera délivrée qu’ensemble avec l’autorisation de construire. Elle ajoute que si certes sa propre réglementation urbanistique n’inclurait pas expressément une telle exigence, il n’en resterait pas moins que celle-ci découlerait implicitement mais nécessairement de la ratio legis de l’article 20 du PAG.

Il s’ensuivrait qu’à défaut de reconstruction concomitante à la démolition, la ratio legis de l’article 20 du PAG ne serait plus préservée et les objectifs de protection y visés ne seraient plus atteints.

Elle ajoute qu’en cas d’existence d’un PAP-NQ, il serait possible de délivrer une autorisation de construire et de conditionner l’autorisation de démolir en ce sens que la démolition ne serait autorisée que si la nouvelle construction était entamée immédiatement à la suite de la démolition.

Finalement, elle souligne qu’en raison du lien intime qui existerait dans le présent contexte entre l’autorisation de démolir et celle de reconstruire, le PAP-NQ serait incontestablement un préalable à la délivrance de l’autorisation de reconstruire et de l’autorisation de démolir, alors qu’à défaut d’un tel PAP-NQ, aucune autorisation de reconstruire ni de démolir conditionnée ne pourrait être légalement délivrée.

Il appartient de prime abord au tribunal d’examiner la légalité externe de la décision litigieuse, pour ensuite se livrer à celui de la légalité interne.

S’agissant plus particulièrement du moyen fondé sur une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il y a lieu de relever qu’en vertu de cette disposition, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, notamment lorsqu’elle refuse, tel que cela est le cas en l’espèce, de faire droit à la demande de l’intéressé.

Force est au tribunal de constater que si, en l’espèce, la décision implicite de refus tirée du silence du bourgmestre, par la force des choses, ne comporte aucune motivation, cette seule circonstance ne saurait emporter son annulation, dans la mesure où l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif1.

C’est ainsi que les motifs sur lesquels repose l’acte, si l’acte lui-même ne les précise pas, ce qui est forcément le cas de la fiction légale d’une décision de refus se dégageant du silence de l’administration, peuvent être précisés au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d’exercer son contrôle de légalité2.

Or, en l’espèce, le constat s’impose que dans la mesure où la commune de Niederanven a fourni les motifs à la base du refus du bourgmestre à travers ses mémoires en réponse et en duplique et que le demandeur a pu prendre position y relativement, le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs est rejeté et ce, indépendamment de la question de leur bien-

fondé qui sera analysé ci-après.

S’agissant ensuite du caractère fondé des motifs de refus avancés, force est de constater que ceux-ci se résument à l’invocation (i), à titre principal, de l’absence de raisons techniques impérieuses justifiant la démolition sollicitée, telles qu’elles seraient toutefois requises à l’article 20.2.e) du PAG et (ii), à titre subsidiaire, et même en cas d’existence de raisons techniques impérieuses, de l’absence d’un projet de reconstruction concomitante à la démolition respectant l’identité et le caractère de l’immeuble démoli, projet qui lui-même ne serait envisageable qu’après l’élaboration et l’approbation passée en force de chose décidée d’un PAP-NQ, sinon de l’absence d’au moins un état des lieux descriptif de la bâtisse existante afin de permettre à la commune de vérifier que tout projet de reconstruction ultérieur respectera l’identité et le caractère d’origine de la construction démolie.

Conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, « sur l’ensemble du territoire communal, toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre. […] L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ». Le bourgmestre, saisi d’une demande d’autorisation en matière 1 Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90 et les autres références y citées.

2 Cour 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n°87 et les autres références y citées.

d’urbanisme est dès lors appelé à statuer dans le cadre de la réglementation communale d’urbanisme applicable et, le cas échéant, par rapport aux règles nationales d’urbanisme dans la mesure de leur interférence par rapport au projet présenté.

Lors de la délivrance d’une autorisation en matière d’urbanisme, le bourgmestre doit vérifier la conformité de la demande en autorisation, d’une part, par rapport au plan d’aménagement général et, le cas échéant, par rapport au plan d’aménagement particulier applicable, et, d’autre part, par rapport au règlement sur les bâtisses, textes d’interprétation stricte. La conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions d’urbanisme existantes entraîne en principe dans le chef du bourgmestre l’obligation de délivrer le permis sollicité sans prendre en considération d’autres considérations d’intérêt privé ou tenant à l’exécutabilité technique ou matérielle du projet, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir3.

Il est, en l’espèce, constant en cause que le terrain accueillant la grange pour laquelle une autorisation de démolition est sollicitée est inscrit en secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit », régi par l’article 20 du PAG, intitulé « Secteurs protégés d’intérêt communal « environnement construit » (SP-c) », qui définit dans son point 1. lesdits secteurs comme constituant « les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection car ils répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle », étant relevé que l’article 20.1. du PAG s’inscrit dans la logique du système mis en place par le législateur à travers l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement général, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 » -

applicable en l’espèce dans la mesure où le PAG a été réalisé en application dudit règlement grand-ducal4, intitulé « Secteurs protégés d’intérêt communal » pour assurer le respect du patrimoine culturel en autorisant les autorités communales à désigner de manière individuelle à l’intérieur des secteurs protégés de type « environnement construit » tout immeuble ou parties d’immeuble digne de protection.

Les parties s’accordent également pour dire que la grange en question figure sur la liste des immeubles protégés inscrits à l’inventaire communal, tel que cela se dégage, par ailleurs, de l’annexe 1 du PAG, et qu’en conséquence, elle tombe dans le champ d’application de l’article 20.2. du PAG, intitulé « Servitudes de protection touchant les immeubles inscrits » et fixant dans ses points a) à h) un certain nombre de servitudes de protection touchant les immeubles inscrits à cet inventaire, le point e) dudit article réglementant plus particulièrement leur démolition.

Les parties sont toutefois en désaccord sur l’interprétation à donner à l’article 20.2.e) du PAG, la commune estimant qu’une démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal devrait rester une solution exceptionnelle et qu’en tant que telle, elle serait uniquement autorisable si aucune autre solution n’était envisageable, tandis que le demandeur est d’avis que si l’article 20.2.e) du PAG prévoyait certes la démolition comme étant 3 Cour administrative, 22 mars 2011, n° 27064C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n°777 et les autres références y citées.

4 Cf. partie écrite du PAG : « Partie 1 : Dispositions générales […] La partie graphique et la partie écrite du plan d’aménagement général ont été réalisées en application du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du PAG ».

exceptionnelle, ce serait uniquement dans le sens qu’elle devrait être dûment motivée par des raisons techniques impérieuses, ce qui serait le cas en l’espèce, mais non pas dans le sens qu’elle devrait être inévitable ou être la seule solution envisageable.

L’article 20.2.e) du PAG dispose comme suit : « e) La démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal est à considérer comme exceptionnelle. Tout projet de démolition doit être dûment motivé par des raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité. Le projet de reconstruction qui remplace l’immeuble détruit doit en respecter l’identité et le caractère d’origine. ».

Il se dégage sans équivoque de la lecture combinée des articles 20.1. et 20.2.e) du PAG que la préservation des immeubles inscrits à l’inventaire communal doit être le principe -

principe dont le respect est garanti par la mise en place de servitudes de protection touchant les immeubles protégés -, tandis que leur démolition ne peut avoir lieu qu’à titre exceptionnel, lorsqu’il existe des raisons techniques impérieuses tenant notamment à la sécurité, à la salubrité ou à l’habitabilité de l’immeuble en cause et qui doivent être dûment motivées.

Il appartient, en tout état de cause, à celui qui demande à pouvoir démolir un immeuble protégé de justifier de telles raisons techniques impérieuses, étant relevé que l’emploi de l’adjectif « impérieux » - qui, suivant la définition contenue dans le dictionnaire Larousse, décrit quelque chose « qui s’impose avec le caractère d’une obligation qu’il faut absolument satisfaire » - pour préciser la nature des raisons techniques pouvant justifier une démolition, en combinaison avec la précision que la démolition doit rester exceptionnelle, ne permet de tirer aucune autre conclusion que celle que l’article 20.2.e) est à lire de manière restrictive dans le sens qu’un immeuble inscrit à l’inventaire communal ne peut être démoli que s’il est établi que sa démolition est la seule solution permettant d’écarter tout risque lié à son état détérioré qui affecte sa sécurité, sa salubrité ou son habitabilité.

En l’espèce, le demandeur justifie la démolition de la bâtisse en invoquant un problème de stabilité, tout en affirmant péremptoirement, sur base d’un renvoi général et abstrait au libellé de l’article 20.2.e) du PAG, que la démolition serait la seule solution qui écarterait tout risque lié à l’état détérioré de la bâtisse et toute éventuelle future complication, sans qu’il ne se dégage toutefois concrètement des éléments soumis en cause qu’il ne pourrait pas être remédié aux problèmes de stabilité rencontrés par la bâtisse en ayant recours à d’autres solutions qu’une démolition et notamment, tel que le plaide la commune, par le biais de travaux de stabilisation et de consolidation.

Il y a, à cet égard, lieu de relever que, suite à une visite des lieux ayant eu lieu le 19 novembre 2015, le bureau d’ingénieurs-conseils … n’a, dans son avis technique émis le 16 décembre 2015 relatif à la stabilité de la bâtisse et ce, sur demande du service technique de la commune de Niederanven qui envisageait d’aménager éventuellement un tronçon de voirie carrossable à proximité immédiate et le long de la façade Ouest dudit bâtiment, aucunement préconisé une démolition de la grange litigieuse, mais suggéré de procéder à des travaux de consolidation et de stabilisation. En effet, après avoir certes relevé que « même si des travaux de voirie ne sont pas réalisés, le bâtiment présente des problèmes de stabilité qui peuvent constituer un danger sérieux à moyen terme pour les riverains, en particulier pour le voisin du n° … qui emprunte la bande de verdure existante pour accéder à son garage », il a conseillé aux autorités communales d’intervenir auprès du propriétaire « de la remise agricole afin que celui-ci entreprenne dans les meilleurs délais des travaux de consolidation et de stabilisation de son bâtiment : ancrages des maçonneries par tirants métalliques en particulier sur l’angle Nord-Ouest, chaînage en béton en tête de mur, ragréage et réfection de la maçonnerie en pierres, réparation de la toiture et des gouttières, etc. …. ». Si certes cet avis a été émis dans un autre contexte, il n’en reste pas moins que la problématique relatif à la stabilité de la bâtisse litigieuse y a été soulevée et que les conclusions dudit expert ont été transmises par courrier du 11 décembre 2018 au demandeur qui, s’il avait été d’avis que les travaux de consolidation et de stabilisation y préconisés n’étaient pas faisables, aurait pu et dû, au plus tard au cours de la procédure contentieuse dans le cadre de laquelle les conclusions dudit expert lui ont été opposées par la commune à la base de son argumentation, fournir des éléments concluants afin de sous-tendre son affirmation suivant laquelle de tels travaux ne permettraient pas de remédier aux problèmes de stabilité rencontrés par la bâtisse litigieuse et qu’une démolition serait la seule solution pour écarter en l’espèce tout risque lié à l’état détérioré de la bâtisse.

Or, force est de constater que le demandeur produit uniquement un avis émis par son architecte le 8 octobre 2019 qui se contente de tirer des conclusions par rapport au « besoin de consolidation du mur entre la … et la propriété de Monsieur … », de sorte à réduire la problématique à un seul mur, tandis que par le biais de son argumentation, le demandeur cherche à justifier la démolition de l’intégralité de la grange en arguant qu’il existerait des raisons techniques impérieuses au sens de l’article 20.2.e) du PAG.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que, contrairement à ce qui est exigé à l’article 20.2.e) du PAG, le demandeur n’a pas avancé à la base de sa demande en autorisation de démolir la moindre raison technique impérieuse de nature à justifier, en l’espèce, et par dérogation au principe visant à préserver les immeubles inscrits à l’inventaire communal, une démolition de la bâtisse concernée, de sorte que le bourgmestre a a priori valablement pu refuser de délivrer une autorisation de démolition sur base de ce seul motif.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les reproches suivant lesquels l’interprétation de l’article 20.2.e) du PAG telle que retenue par le tribunal, à savoir celle que cette disposition est à lire en ce sens que la démolition d’un immeuble protégé doit être la seule solution permettant d’écarter tout risque lié à son état détérioré qui affecte sa sécurité, sa salubrité ou son habitabilité, porterait atteinte au principe de proportionnalité, dans la mesure où une telle solution rendrait de facto impossible toute démolition au motif qu’il pourrait toujours être opposé à un propriétaire qu’il est possible de trouver une autre solution technique « moyennant finances », ce qui consisterait à lui imposer des contraintes disproportionnées par rapport au but poursuivi par l’article 20.2.e) du PAG et qui serait celui d’apporter une réaction rapide dans un but de sécurité.

En effet, il y a tout d’abord lieu de rappeler que, tel que relevé ci-avant, contrairement à ce qu’allègue le demandeur, le but poursuivi à travers l’article 20 du PAG en général et l’article 20.2.e) en particulier n’est pas celui « de réagir vite dans un but de sécurité », mais d’assurer la préservation des immeubles se situant dans un secteur protégé en les grevant de servitudes visant à les protéger.

L’analyse du respect du principe de proportionnalité à la lumière des droits des propriétaires concernés doit dès lors se faire par rapport au but ainsi réellement poursuivi par ces dispositions.

Le tribunal constate ensuite que l’article 20.2.e) du PAG n’interdit pas purement et simplement toute démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal, mais qu’afin d’atteindre le but recherché, à savoir celui de préserver autant que possible les immeubles protégés, il la subordonne uniquement à la réunion de certaines conditions dont celle litigieuse de soumettre des raisons techniques impérieuses, notamment de sécurité, de salubrité ou d’habitabilité, tout en n’autorisant leur démolition qu’en dernière instance. En effet, tel que relevé plus haut, les servitudes découlant de l’article 20.2. du PAG s’inscrivent dans la logique du système mis en place par le législateur à travers l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 pour assurer le respect du patrimoine culturel en autorisant les autorités communales à désigner de manière individuelle à l’intérieur des secteurs protégés de type environnement construit tout immeuble ou parties d’immeuble digne de protection, étant relevé que le demandeur n’a d’ailleurs jamais contesté le classement de sa parcelle dans un tel secteur.

Or, s’il ne peut certes être nié que même si une démolition n’est pas purement et simplement interdite, l’article 20.2.e) du PAG en n’autorisant la démolition d’un immeuble inscrit à l’inventaire communal que s’il est établi qu’il s’agit de la seule solution permettant d’écarter tout risque lié à l’état détérioré de la bâtisse, opère une certaine ingérence dans les droits des propriétaires concernés, de l’autre côté, il n’est pas contesté qu’en vertu du règlement grand-ducal du 19 décembre 2014 concernant l’allocation de subventions pour des travaux de restauration d’immeubles, les immeubles jouissant d’une protection au niveau communal peuvent bénéficier de subventions pouvant aller jusqu’à 25% des frais encourus, respectivement jusqu’à 50% de ces frais lorsque, comme en l’espèce, ils bénéficient également d’une mesure de protection nationale. Il convient encore de relever que si le demandeur entend sous-tendre son moyen tenant au non-respect du principe de proportionnalité en invoquant les contraintes qui seraient susceptibles de s’imposer aux propriétaires d’un point de vue financier s’ils ne pouvaient procéder à une démolition qu’à condition d’établir que celle-ci est la seule solution permettant d’écarter tout risque lié à l’état détérioré de leur bâtisse et ce, sur la toile de fond qu’à condition de disposer des moyens financiers nécessaires, il serait toujours possible de trouver une autre solution qu’une démolition, force est de constater qu’il s’agit là d’une argumentation tout à fait théorique et stérile pour n’être étayée par aucun élément concret.

Le tribunal estime dès lors qu’au vu des éléments à sa disposition, il se dégage de la mise en balance entre le but poursuivi par l’article 20.2.e) du PAG, ensemble les subventions étatiques prévues en la matière, d’un côté, et l’ingérence in concreto dans les droits des propriétaires, de l’autre côté, que le principe de proportionnalité ne se trouve pas atteint en l’espèce.

Pour ce qui est du renvoi à un arrêt de la Cour administrative du 3 mai 2018, inscrit sous le numéro 40380C du rôle, le tribunal rejoint la commune dans son constat suivant lequel aucun raisonnement par analogie ne saurait être effectué par rapport audit arrêt qui a, en effet, été pris dans un contexte différent, à savoir dans le cadre de recours introduits contre la procédure de refonte d’un PAG par des propriétaires d’immeubles classés en tant que bâtiments protégés et ce, parce que suite à l’approbation du PAG par le conseil communal, une démolition des immeubles classés devait rester possible, tandis qu’une telle démolition était en principe exclue suite à la décision du ministre compétent, intervenue en fin de procédure de refonte, d’imposer, en substance, qu’une démolition ne puisse être envisagée qu’en cas de danger d’écroulement ou de vétusté risquant de porter préjudice à la sécurité publique. La Cour a, en conséquence, annulé le classement des immeubles concernés en tant que bâtisses protégées du fait que ce classement avait été effectué sur base de fausses prémisses, les propriétaires concernés ayant été trompés sur la portée effective du classement opéré, sans toutefois se prononcer sur la question de savoir si la disposition imposée par le ministre de l’Intérieur suivant laquelle une démolition partielle ou totale des immeubles concernés pouvait seulement être envisagée dans des cas très restrictifs était ou non conforme au principe de proportionnalité.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen fondé sur une violation par l’article 20.2.e) du PAG du principe de proportionnalité pour ne pas être fondé.

Le même sort est à réserver au moyen du demandeur visant à soutenir que si l’article 20.2.e) du PAG était à interpréter en ce sens que la démolition d’un immeuble protégé doit être la seule solution permettant d’écarter tout risque lié à l’état détérioré de celui-ci, alors les servitudes urbanistiques y prévues seraient contraires à l’article 16 de la Constitution.

Le tribunal relève, à cet égard, tout d’abord que, de son entendement, le moyen en question est à comprendre en ce sens que ce ne serait pas le classement de sa parcelle en secteur protégé de type « environnement construit » en vertu de l’article 20.1. du PAG qui serait constitutif d’une violation de l’article 16 de la Constitution, mais que les servitudes urbanistiques prévues à l’article 20.2.e) du PAG seraient contraires à l’article 16 de la Constitution aux termes duquel : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière établis par la loi. ».

Or, les critiques ainsi formulées par le demandeur quant à l’atteinte à son droit de propriété, outre le fait qu’il reste en défaut de préciser en quoi consiste concrètement cette atteinte, sont à écarter comme non fondées.

En effet, le droit de propriété est garanti par l’article 16 de la Constitution qui prohibe l’expropriation autrement que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 26 septembre 2008 (n° 00046 du registre), a dans ce contexte retenu qu’un changement dans les attributs de la propriété qui est à tel point substantiel qu’il prive le propriétaire de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation. A la lumière de cet arrêt, le tribunal constate que s’il est vrai, tel que relevé ci-avant, que la servitude prévue par l’article 20.2.e) du PAG affecte l’usage, par les propriétaires concernés, de leur droit de propriété, en ce que les démolitions pures et simples des biens immobiliers concernés sont interdites, elle n’entrave cependant pas les attributs de ce droit d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation5. Une atteinte par l’article 20.2.e) du PAG au droit de propriété du demandeur au regard de l’article 16 de la Constitution laisse partant d’être vérifiée et le moyen afférent est à rejeter.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le refus du bourgmestre est justifié par le seul motif avéré que le demandeur n’a pas, tel qu’exigé par l’article 20.2.e) du PAG, avancé à la base de sa demande en autorisation de démolir la moindre raison technique impérieuse de nature à justifier, en l’espèce, la démolition de la bâtisse concernée, l’examen des autres motifs de refus et des moyens soulevés à cet égard par le demandeur devenant ainsi surabondant.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.

5 Voir, par analogie: Cour adm., 28 avril 2015, n° 35396C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n° 368, ayant retenu que les servitudes résultant des articles C.6.2 et C.6.4 du PAG de la Ville de Luxembourg ne sont pas équivalentes à une expropriation.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 3.000.- euros formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit par Monsieur … contre la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Niederanven de lui octroyer à une autorisation de démolition ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … ;

met les frais et dépens à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 décembre 2020 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 42761
Date de la décision : 02/12/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-12-02;42761 ?

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