Tribunal administratif Numéro 43608 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er octobre 2019 3e chambre Audience publique du 18 novembre 2020 Recours formé par la société à responsabilité limitée simplifiée … , …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43608 du rôle et déposée le 1er octobre 2019 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée simplifié …, ayant son siège social à L-…, au nom de la société à responsabilité limitée …, ayant eu son siège social à L-…, et ayant été immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro …, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 septembre 2019 portant rejet de sa demande en remise gracieuse au sujet de l’impôt sur la fortune de l’année 2018 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2019 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 octobre 2020.
Par courrier du 16 juillet 2019, la société à responsabilité limitée …, ayant eu son siège social à L-…, et ayant été immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro …, dissoute avec effet au 22 janvier 2018, ci-après la société « … » a introduit par l’intermédiaire de la société à responsabilité …, ayant son siège social à L-…, ci-après la société « … », une demande de remise gracieuse de l’impôt sur la fortune de l’année 2018 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « directeur ».
Par courrier du 16 juillet 2019, le gestionnaire dirigeant de la division du gracieux de la direction de l’administration des Contributions directes demanda à la société …, de justifier pour le 16 août 2019 au plus tard, son pouvoir d’agir en versant « la procuration qui établit votre mandat exprès et spécial pour l’instance introduite, étant entendu qu’une société est inhabile à postuler devant une juridiction des impôts ou devant le directeur des contributions », en application des paragraphes 107, 238, 254 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordung », en abrégé « AO ».
A défaut de réponse au courrier précité du 16 juillet 2019, le directeur rejeta par décision du 19 septembre 2019, inscrite sous le numéro …, la demande de remise gracieuse introduite par la société … dans les termes suivants :
« […] Vu la demande présentée le 16 juillet 2019 par la société …, établie à L-…, au nom de la société à responsabilité limitée …, antérieurement établie à L-…, ayant pour objet une remise de l'impôt sur la fortune de l'année 2018 par voie gracieuse ;
Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;
Vu les paragraphes 107, 238 et 254 AO ;
Considérant qu'en toutes matières, pour pouvoir exercer l'action d'autrui, il faut avoir reçu mandat à cette fin ;
Considérant que faute de procuration jointe à la requête, la requérante a été invitée à justifier de son pouvoir d'agir en versant au dossier la procuration qui établit son mandat pour l'instance introduite ;
Considérant qu'elle n'a pas donné suite à cette invitation ;
PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :
dit la demande en remise gracieuse irrecevable faute de qualité. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2019, la société … a fait introduire par l’intermédiaire de la société … un recours non autrement qualifié contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 septembre 2019 précitée.
Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, tel qu’en l’espèce, il y a lieu d’admettre que le demander a entendu introduire le recours admis par la loi1.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 131 AO, et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour défaut de personnalité juridique et partant de capacité à agir dans le chef de la société … au motif qu’elle ne serait pas immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés et qu’elle ne disposerait d’aucune autorisation d’établissement. Il conclut également à l’irrecevabilité du recours sur base de l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2002 1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1112 et les autres références y citées.
concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises et modifiant certaines autres dispositions légales.
Le délégué du gouvernement estime en outre que le recours serait à déclarer irrecevable en ce que la société … n’aurait pas la qualité d’avocat, de réviseur d’entreprise ou d’expert-comptable tel qu’exigé par la loi. Il ajoute que la société … aurait été dissoute le 22 janvier 2018, de sorte qu’elle n’aurait par ailleurs aucune personnalité juridique.
Finalement, la partie étatique conclut à l’irrecevabilité du recours pour libellé obscur au motif que la requête introductive d’instance ne contiendrait aucun moyen en droit ni l’invocation d’une violation, par le directeur, d’une disposition légale.
La demanderesse n’a pas pris position par rapport aux moyens et notamment aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du gouvernement, ni par le biais d’un mémoire en réplique conformément à la possibilité lui ouverte à travers l’article 5, paragraphe (5), de la loi modifiée du 31 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », ni à l’audience des plaidoiries à laquelle elle n’a été valablement représentée.
En ce qui concerne la question de la représentation en justice de la société …, l’article 57 de la loi du 21 juin 1999 dispose que : « La requête introductive d’instance signée par le requérant ou son mandataire contient outre les indications prévues à l’article 1er une élection de domicile au Grand-Duché lorsque le requérant ou son mandataire demeurent à l’étranger. ».
L’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1991 » dispose que : « (1) Les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, recevoir leurs pièces et titres afin de les représenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle à l’application de dispositions législatives spéciales et à la faculté : […] c) des justiciables d’agir par eux-
mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes ; […] ».
Il s’ensuit qu’en matière de contentieux des contributions directes, les justiciables peuvent, par exception à la règle suivant laquelle les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties devant les juridictions, soit agir directement par eux-mêmes, soit se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises.
En l’espèce, force est tout d’abord au tribunal de constater qu’il se dégage de la lecture de la requête introductive d’instance du 1er octobre 2019, que celle-ci a été introduite au nom de la société … par la société ….
Il convient encore de relever qu’il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve qu’elle avait les qualités requises par la loi du 10 août 1991, lue en combinaison avec l’article 57 de la loi du 21 juin 1999, pour introduire un recours auprès des juridictions administratives.
Or, la demanderesse n’a pas pris position quant à ses qualités, ni par le biais d’un mémoire en réplique, ni à l’audience des plaidoiries à laquelle elle n’a été valablement représentée. De même, il ne ressort d’aucun élément du dossier fiscal, ni d’aucune pièce versée en cause que la société … avait, au moment de l’introduction du recours sous examen, la qualité soit d’avocat, soit d’un expert-comptable, soit celle d’un réviseur d’entreprises.
A défaut par la demanderesse d’avoir rapporté la preuve de la qualité d’avocat, ni celle d’expert-comptable, ou encore de réviseur d’entreprises dans le chef de la société …, et au regard des contestations circonstanciées y relatives de la part du délégué du gouvernement, force est au tribunal de retenir qu’elle n’a pas qualité pour introduire un recours devant le tribunal administratif au nom et pour le compte de la société ….
Il s’ensuit que le recours est à déclarer irrecevable sans qu’il n’y a lieu de statuer plus en avant.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable, partant le rejette ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 novembre 2020 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 novembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 4