Tribunal administratif N° 41399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2018 4e chambre Audience publique du 17 novembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois bulletins d’impôts de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41339 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2018 par Maître Jérôme Guillot, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de trois bulletins d’impôt sur le revenu des années 2011 à 2013 émis le 25 octobre 2017 ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 7 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2019 par Maître Jérôme Guillot au nom de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique déposé le 4 février 2019 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 2019, par laquelle Maître Marianne Goebel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare avoir repris le mandat pour la défense des intérêts de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins d’impôt critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Allyson Noel, en remplacement de Maître Marianne Goebel, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives.
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Par un courrier du 5 août 2016, l’administration des Contributions directes, direction, division « révisions » informa Monsieur … que le service de révision fut chargé par le préposé du bureau d'imposition Luxembourg 2 de procéder, en vertu des paragraphes 162(9), 193 et 206(1) de la loi générale des impôts du 21 mai 1931, dite « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à une vérification de ses livres et documents comptables ainsi que de ses revenus imposables pour les années d'imposition 2011 à 2014.
1 Les conclusions du service de révision furent matérialisées dans un rapport de révision du 9 octobre 2017 de la teneur suivante : « … ».
En date du 25 octobre 2017 le bureau d’imposition Luxembourg 2 de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le bureau d’imposition », émit les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 2011 à 2013.
Par un courrier du 28 décembre 2017, entré à l’administration des Contributions directes le 2 janvier 2018, Monsieur … introduisit une réclamation contre lesdits bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », réclamation qui resta sans réponse.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu du 25 octobre 2017 relatifs aux années 2011 - 2013.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, et de l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin de l’impôt sur 2 les revenus, en cas de silence du directeur suite à une réclamation y relative lui adressée dans les délais.
Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi. Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur fait expliquer qu’il serait avocat à la Cour ayant presté serment au courant de l'année 2004, et que, durant l'année 2008, il se serait installé à son compte avec un de ses confrères en ouvrant une étude de droit des affaires, qui aurait été intégrée en 2011 au réseau international … dans lequel il serait « Managing Partner » et qui occuperait une quarantaine de personnes à Luxembourg, d’abord …, ensuite …, puis, à son adresse actuelle, L-….
Il donne à considérer que sa position dans cette structure le contraindrait à une organisation particulière de ses activités, ainsi qu'à de très nombreux déplacements à l'étranger, le réseau international … étant composé de bureaux dans environ 70 Etats dans le monde. De plus, son état de santé, affecté par une vingtaine d'hospitalisations durant les douze dernières années, ne lui aurait pas permis d'assurer en continu l'exercice de ses fonctions depuis son bureau, mais l'aurait contraint à travailler depuis son domicile durant quatre années discontinues, de sorte qu’il se serait réservé un espace de travail dédié et séparé dans son domicile privé, conforme aux prescriptions légales et déontologiques en la matière.
Le demandeur affirme ensuite que, dans une logique de lutte contre les conflits d'intérêt en général et de développement d'activités distinctes de celles du groupe … en particulier, il en serait venu à continuer à louer une partie des locaux sis à L-….
Il fait relever que, dans le cadre du contrôle fiscal, non seulement il se serait présenté à une première réunion avec le réviseur le 18 août 2017 et à deux autres en dates des 15 septembre et 4 novembre 2016, mais que chaque demande de la part du service de révision aurait été suivie d'une réponse rapide de sa part en vue de faire avancer le dossier.
Or, au cours de la réunion du 4 novembre 2016, ayant eu pour objet la présentation du projet de rapport sur la vérification des livres et documents comptables, il lui aurait été demandé de renoncer, « sur le champ », au bénéfice de la prescription pour précisément l'année d'exercice 2011, mesure qu'il aurait refusé de prendre quelques semaines auparavant, mais qui se serait soldée au final par la taxation de l'année d'imposition 2011, le tout sans qu’une copie de son acceptation ne lui soit délivrée.
Le demandeur soulève que, malgré le fait qu’il aurait encore eu plusieurs échanges avec le réviseur, notamment en dates des 16 novembre, 14 décembre et 30 décembre 2016, ainsi que des 17 et 20 janvier, de même que des 8 et 27 février 2017, il se serait fait adresser, en date du 9 octobre 2017, le rapport dans sa version définitive et quasi-inchangée, sans que toutes ses questions et observations adressées au service de révision n’aient trouvé de réponses, de même qu’il se serait fait adresser, en date du 27 septembre 2017, une renonciation à la prescription pour l'exercice 2012, rédigée dans un style encore plus menaçant que cela aurait été le cas pour celle concernant l'année 2011.
3 Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait encore préciser que le dossier fiscal versé au greffe du tribunal comporterait enfin une copie de sa renonciation à la prescription pour l’année 2011, dont la délivrance lui aurait toujours été refusée et qu’il estime avoir été indûment forcé à signer pour recevoir une copie du rapport de révision litigieux.
D’un autre côté, il y aurait lieu de relever que manquerait au dossier un certain nombre d’annexes à ses déclarations d’impôt et notamment le contrat de bail auprès de la société … SA, pièce qu’il affirme avoir lui-même versée à l’appui de son mémoire en réplique.
Le demandeur donne encore à considérer que l’administration des Contributions directes ne contesterait pas les faits tels qu’il les aurait exposés dans sa requête introductive d’instance et notamment la circonstance qu’il aurait repris en 2011, sans préjudice quant à une date plus exacte, en son nom propre une partie des obligations de « l'Etude … & … » qui, elle, n’aurait d’ailleurs pas disposé de la personnalité juridique. Ainsi, il aurait été, ensemble avec son ancien associé, obligé d'honorer individuellement certaines de ces obligations et d'éteindre certains contrats non repris par la nouvelle association qu'ils auraient rejoint, tel le contrat avec la société … Ltd.
En droit, le demandeur sollicite la réformation des bulletins du 25 octobre 2017 pour, dans un ordre de subsidiarité, (i) violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, (ii) violation de la loi, (iii) erreur d'appréciation manifeste sinon (iv) excès de pouvoir.
En ce qui concerne la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, le demandeur fait plaider que les bulletins auraient été émis en violation de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 juillet 1996, des paragraphes 204, alinéa 1er et 205, alinéa 3 AO, ainsi que du principe général de la confiance légitime, alors qu’il n’aurait pas été entendu à la hauteur de ce qu'il aurait mérité dans le cadre de l'établissement des bulletins d'imposition du 25 octobre 2017, et ce, malgré sa réaction la plus constructive possible. Ainsi, mis à part le courrier du 27 février 2017, tous les autres courriers du service « révision » auraient plutôt posé de nouvelles questions au lieu de répondre aux siennes.
De plus, le rapport de révision final ne lui aurait été adressé qu’en date du 9 octobre 2017, soit plus de six mois après le dernier courrier reçu et près d'un an après la communication du projet initial.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser, à ce sujet, que l’administration des Contributions directes ne saurait prétendre qu’il aurait pu faire valoir ses droits à suffisance tout au long de la procédure, notamment par rapport au projet de rapport lui soumis, alors que, par son affirmation selon laquelle elle serait en droit de ne pas suivre les objections de son contribuable, l'échange d'informations voulu par la loi et soutenu par la jurisprudence aurait été purement et simplement unilatéral, chacune des questions posées à l’administration des Contributions directes étant restée sans réponse, tandis que chacune des interrogations émanant de l’administration des Contributions directes aurait été suivie d'effets de sa part.
Ainsi, malgré la tenue de réunions, il sauterait aux yeux que celles-ci n'auraient été tenues qu'à la seule fin de satisfaire les intérêts de l'administration des Contributions directes, en vue d'instruire le dossier à sa charge et de le taxer au maximum.
4 Le demandeur rappelle, dans ce contexte, que la remise du projet de rapport de révision, en date et à l'occasion de la réunion du 4 novembre 2016, aurait été conditionnée, preuve à l'appui figurant dans le dossier déposé par l'administration des Contributions directes, d'une demande de renonciation à la prescription pour l'exercice 2011 afin de couvrir et régulariser les retards du bureau d'imposition. Il souligne encore une fois que cette renonciation aurait seulement été remise en cours d'instance, malgré les itératives demandes à ce sujet auparavant, ce qui violerait le principe de confiance légitime protégeant l'administré contre les changements brusques et imprévisibles, plus largement potentiellement déloyaux de l'administration.
Dans ce contexte, le demandeur souligne encore, dans son mémoire en réplique, que le dossier remis au tribunal administratif par l'administration des Contributions directes aurait été épuré de toutes les pièces pourtant remises spontanément à l'appui de ses déclarations d'impôts pour les exercices 2011, 2012 et 2013, ce qui heurterait le respect des droits de la défense, ainsi que les prescriptions du paragraphe 204 (1) AO. Il souligne qu’il aurait dès lors lui-même versé ces pièces.
En deuxième lieu, le demandeur s’empare des dispositions de l’article 45 (1) de la loi modifiée concernant l’impôt sur le revenu du 4 décembre 1967, dénommée ci-après « LIR », en vertu duquel seraient considérées comme dépenses d'exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l'entreprise, applicable au bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale au vœu de l'article 93 du même texte, relevant que l’administration des Contributions directes aurait, à tort et sans prendre en considération ses explications et pièces, retenu, dans la majeure partie des cas, l'absence de lien entre ses dépenses et les besoins de son exploitation, le service de révision étant allé jusqu'à remettre en cause la rigueur de sa comptabilité.
Il se prévaut, dans ce contexte, tant du principe de la libre opportunité des dépenses, que de celui de l'interprétation stricte de la loi fiscale, tout en donnant à considérer que, vu que la structure, dans laquelle il aurait été « Managing Partner », aurait été dépourvue de toute comptabilité « en commun », faute d'association ou de société d'avocat, les dépenses exposées resteraient somme toutes limitées, étant relevé que cette période aurait correspondu au lancement d'une nouvelle activité au sein d'un réseau international, nécessitant un investissement important de sa part tout en préservant son indépendance à l'égard dudit réseau.
Si, au regard de ses revenus cumulés sur les années couvertes par le redressement de … euros, ses dépenses professionnelles exposées se seraient limitées à une somme de …, soit à 35% du total des revenus, il serait exagéré, de la part de l’administration des Contributions directes, de ne retenir en déduction que la somme de … euros, soit seulement 3,66% du total des revenus, taux irréaliste pour toute profession libérale.
Le demandeur estime que, face à ce constat, sa comptabilité ne pourrait pas être aussi peu rigoureuse que de telles discordances puissent être avérées dans les faits.
En s’appuyant sur une jurisprudence de la Cour administrative du 19 février 2009, le demandeur donne à considérer que si la nécessité de revoir tous les postes pointés du doigt par l'administration des Contributions directes était justifié dans son principe, il n'en resterait pas moins que le traitement lui réservé s’avérerait, malgré sa collaboration, au final plus sévère que celui d’un confrère taxé d’office.
5 Il relève qu’il ne faudrait pas perdre de vue que la remise d'un état des recettes par un avocat, dans le cadre d'une réclamation contre une taxation d'office, n'aurait pas la valeur probante suffisante pour établir que le bulletin d'impôt établi par voie de taxation s'écarte de manière significative des revenus réels et que seules des pièces telles que des extraits de compte bancaires pourraient prouver le caractère exhaustif des recettes. Dans ce contexte, le demandeur rappelle qu’il aurait non seulement été obligé de présenter des extraits de compte intégralement lisibles en violation de la loi, mais également faire face à certaines demandes présentées en violation complète avec les contraintes de sa profession, et notamment le secret professionnel pénalement sanctionné, telle que la demande d’identification du donataire d'une montre Rolex d'une valeur d'environ …,- euros, le demandeur estimant que le secret professionnel et les droits de refus de collaboration consacrés par les paragraphes 177 à 178bis AO empêcheraient qu’un contrôle fiscal ne puisse empiéter sur un tel secret d'ordre public.
Ainsi, en l’espèce, l'étendue du contrôle et les informations et documents auxquels le contribuable serait tenu de donner accès dans le cadre de ce contrôle devraient être qualifiés de décisions discrétionnaires lesquelles devraient répondre aux exigences de légalité, de proportionnalité et d'utilité posées par le paragraphe 2 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ».
Le demandeur s’offusque encore, dans son mémoire en réplique, du fait que l’administration des Contributions directes invoquerait, sans fondement aucun et en déconnexion complète avec la réalité des faits, le caractère fautif de son comportement sur base du principe de l'adage « Nemo turpitudinem », tout en continuant « son entreprise de dénigrement systématique, pour ne pas dire de diffamation », en se présentant comme « victime » ayant « épuisé toutes les possibilités d'investigation » passant néanmoins sous silence qu'elle aurait refusé de répondre aux interrogations de son contribuable.
Le demandeur cite la doctrine selon laquelle les contrôles fiscaux devraient être exercés avec impartialité et modération, tout en étant entourés d'un minimum de garanties tant pour le contribuable que pour l'Etat. L’obligation de modération ne serait rien d'autre que la transposition, en droit fiscal, du principe de proportionnalité connu en droit administratif général qui se décomposerait en trois sous-principes :
1.
L'Etat ne devrait utiliser que des moyens propres à atteindre le but visé (principe de l'adéquation) ;
2.
parmi les diverses mesures adéquates, il devrait choisir celle qui porte le moins atteinte aux intérêts privés (principe de nécessité) ;
3.
enfin la gravité des effets de la mesure résultant du principe de nécessité devrait être mise en balance avec l'impact attendu en fonction de l'intérêt public (principe de mise en balance).
Il considère que les « manœuvres dolosives » de l’administration des Contributions directes n’auraient pu aboutir à autre chose qu’à une imposition par voie de taxation d'office, relevant que la partie gouvernementale, même après son mémoire en réponse du 7 décembre 2018, resterait en défaut d'avoir répondu à un seul des moyens invoqués au sujet des différents chefs d'imposition.
En ce qui concerne les différents postes relevés par le rapport de révision, le demandeur rappelle, en ce qui concerne plus précisément les loyers, qu’il aurait fait état de trois locaux 6 professionnels pour pouvoir exercer son activité d'avocat à la Cour, de sorte que l’administration des Contributions directes serait mal venue, eu égard à ses explications et aux preuves délivrées, telles que l’attestation du bailleur, de ne pas reconnaître le lien des dépenses exposées avec l'exercice de sa profession, alors qu’au contraire, une requalification fiscale de l'opération devrait reposer sur des indices concrets et concordants se dégageant des éléments d'appréciation soumis en cause dont le niveau du loyer convenu entre parties ne constituerait qu’un élément d'appréciation dans l'analyse de la réalité économique de l'opération pour autant qu'il se situerait en-dessous du plafond légal admissible.
Ainsi, en ce qui concerne des locaux pris en location ou occupés sur base d'une mise à disposition, même la jurisprudence civile décèlerait « un contrat de bail « classique », tel que régi par le Code civil, dans une opération économique hybride où même les paiements qui ne sont pas appelés « loyers » sont considérés comme constituant un bail », de sorte que le demandeur sollicite de constater, dans ce contexte, une violation de l'article 45 (1) LIR et d'admettre la déductibilité intégrale de ce poste et de réduire, à concurrence de 3 x …,- euros = …,- euros , soit le montant équivalent au redressement prononcé, les bulletins d'imposition du 25 octobre 2017.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait rappeler que l’administration des Contributions directes manquerait à sa charge de la preuve contraire des éléments qu’il aurait fournis à l’appui de ses prétentions, à savoir le contrat de bail, les extraits bancaires ainsi que l’attestation complémentaire signée par le bailleur, d’autant plus que l’administration des Contributions directes aurait pu, dans le cadre d'un contrôle fiscal effectué au sein de la société … S.A. initié postérieurement au sien, constater l'existence des locaux en question ainsi qu’adresser au représentant de cette dernière toutes les questions possibles qui auraient permis de lever tout doute concernant son propre dossier.
Le demandeur souligne que non seulement la réalité juridique s'imposerait à l’administration des Contributions directes, mais aussi la réalité économique des opérations sous-jacentes à l'usage de certaines formes juridiques, en l'occurrence celle d'un contrat de bail.
En ce qui concerne le réalisme économique, le demandeur cite finalement un extrait d’un arrêt de la Cour administrative qui aurait retenu que la décision d’un bureau d'imposition de ne pas accepter comme perte déductible le résultat négatif pour une année donnée reviendrait en définitive à nier, du moins d'un point de vue économique, l'activité même de la production agricole concernée.
En ce qui concerne les cadeaux aux apporteurs d'affaires, le demandeur se prévaut du fait que la jurisprudence admettrait ce genre de rémunération, en qualifiant de dépenses d'exploitation les commissions qu'un contribuable paie à des tiers en contrepartie de la transmission de nouvelles affaires, pour demander d'admettre la déductibilité intégrale de ce poste et de réduire à concurrence de …,- euros le redressement opéré.
Dans le mémoire en réplique, le demandeur s’oppose encore à l’affirmation du délégué du gouvernement, selon laquelle le secret professionnel qui s'imposerait à lui serait seulement « prétendu » alors que ce dernier serait pourtant protégé par les juridictions administratives.
Cette affirmation porterait ainsi gravement atteinte à la séparation des pouvoirs, en particulier entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, relevant d’ailleurs que l'identité du signataire de l'attestation testimoniale n'apporterait rien à cette dernière puisque le texte de celle-ci serait 7 suffisamment explicite et précis pour comprendre que l'apporteur d'affaires serait un ancien avocat à la Cour ayant quitté la profession de même que les relations entre lui et ce dernier auraient un caractère professionnel.
En outre, l’administration des Contributions directes ne se serait pas posée la question de la proportionnalité du cadeau, d'une valeur de …,- euros, par rapport aux revenus déclarés, alors que la jurisprudence encadrant la rémunération et les gratifications en faveur des apporteurs d'affaires serait pragmatique et admettrait ce genre de pratique.
Il en irait de même des paiements au Centre Commun de la Sécurité Sociale, qui seraient également, en application de l'article 45 (1) LIR, à déduire intégralement à concurrence de …+ … + … = ….- euros.
Quant aux commissions, le demandeur donne à considérer que l’administration des Contributions directes n’aurait pas pris en considération la réalité de sa situation, et notamment le fait que son cabinet d'avocat serait parti de zéro sans aucun client dans un domaine quasi exclusivement international, de sorte qu’il serait évident qu’il aurait dû prendre recours à des apporteurs d'affaires, moyennant versement de commissions. Ainsi, rien ne justifierait la non prise en considération du contrat « Services agreement » signé en date du 1er janvier 2010 avec la société … LTD, certes à une époque où il n'aurait pas encore rejoint le réseau …, mais qui aurait sorti ses effets également sur l'exercice fiscal 2012, de sorte qu’il y aurait lieu d'en admettre la déductibilité intégrale et de réduire à concurrence de …,- euros le redressement litigieux.
En ce qui concerne les commissions, le demandeur fait encore répliquer que l’administration des Contributions directes s’obstinerait à faire des distinctions là où elles n'existeraient pas.
De même, il relève que cela n'aurait rien d'étonnant que les avocats, même agissant en association, seraient libres de rechercher leur clientèle moyennant des dépenses qui leur seraient propres afin de contribuer la plus grande part possible à l'association à laquelle ils appartiennent.
Quant aux frais de comptabilité, le demandeur relève qu’étant donné que l’intervention d'un tiers chargé de sa comptabilité ne serait pas discutée par l'administration des Contributions directes, il n’existerait aucune raison valable pour refuser la déduction demandée sur base de la facture émanant du prestataire … SA, à savoir de l’ordre de … + … = ….- euros.
Le demandeur fait encore répliquer, concernant ses frais de comptabilité, que le délégué du gouvernement ne saurait prétendre qu’aucune comptabilité n’aurait été tenue, au risque de se contredire avec l’administration des Contributions directes qui, dans le passé, n'aurait jamais discuté l'intervention d'un tiers en la personne de la société … SA dont le détail des prestations aurait été « fourni à l'oral et pièce à l'appui » au réviseur qui, lui, aurait à nouveau dû profiter du contrôle fiscal opéré chez la société … SA pour obtenir le détail des factures contestées.
Le demandeur donne à considérer que pour les années fiscales concernées, une comptabilité en partie simple sur base d'une comparaison des recettes et des dépenses, sans autre formalisme, aurait suffi pour tous les avocats, tel que cela aurait été retenu dans un jugement du tribunal administratif du 21 décembre 2018.
8 Le demandeur demande encore, sur base de l'article 45 (1) LIR, d'admettre la déductibilité intégrale des dépenses liées aux assurances au sens de l’article 111 LIR, à savoir … + … + … + … = ….- euros, de même que celles liées aux assurances prévoyance-vieillesse au sens de l’article 111bis LIR de l’ordre de … + … = …,- euros.
Concernant le poste d’honoraires juridiques, le demandeur estime que l’administration des Contributions directes n’aurait pas pris en compte son choix d'exercer sa profession au travers d'une personne juridique distincte, à savoir la société … SARL, qui devrait être reconnue dans son existence ou dans la réalité de ses activités. Il précise dans ce contexte que la facture sous ce poste ne ferait rien de plus que représenter simplement un forfait de prestations fournies à plusieurs clients finaux au cours de l'année 2012 qui auraient dû être facturées directement par la société … SARL, de sorte qu’une non-déductibilité de ces frais entraînerait automatiquement une double taxation des mêmes prestations, alors qu’il s'agirait de prestations uniques facturées à des clients tiers qui lui auraient été refacturées par sa société. Ainsi, la déductibilité intégrale de ce poste à concurrence de …,- euros serait à admettre sur base de l’article 45 (1) LIR.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur s’oppose encore à la non prise en compte des honoraires juridiques, alors que cela signifierait que l’administration des Contributions directes remettrait en cause l'exercice de la profession d'avocat du seul et simple fait que ledit exercice se serait effectué au travers d'une société à responsabilité limitée, choix qui n'aurait rien d'exceptionnel, relevant que cette solution permettrait de diminuer les risques de mise en cause personnelle dans le traitement de dossiers ayant bien souvent de lourds enjeux économiques.
Il renvoie, dans ce contexte, aux coordonnées de ses e-mails et notamment la section « disclaimer » en bas de chaque e-mail professionnel.
Malgré le fait que tous ces éléments auraient été largement expliqués à l'administration des Contributions directes, pièces à l’appui, cette dernière se serait bornée à écarter cette dépense sous un motif fallacieux.
En ce qui concerne les frais de téléphone, le demandeur en réclame la déductibilité totale à concurrence de ….- euros, s’étonnant que l’administration des Contributions directes admettrait, sans preuve aucune et sans justificatif aucun, l'admission d'une déductibilité à concurrence de 50%.
Quant aux frais de bureau, le demandeur estime qu’il ne serait pas compréhensible pour quelle raison l’administration des Contributions directes serait d’accord à admettre la déductibilité des chaises, mais pas celle des tableaux acryliques, qui seraient pourtant également à déduire en application de l'article 45 (1) LIR, à concurrence de …,- euros.
En ce qui concerne les frais de bureau, le demandeur fait encore remarquer, dans son mémoire en réplique, que le délégué du gouvernement irait plus loin dans le refus de la reconnaissance de ces dépenses, en refusant la déductibilité de chaises en plus du refus de la déductibilité de tableaux acryliques. En effet, ce ne serait pas « parce que ces meubles meublants s[eraie]nt signés qu'ils ne sauraient être déductibles », De même, la non-
9 déductibilité ne saurait se baser sur le constat que ces meubles auraient été livrés à son domicile, alors que ce dernier comporterait justement un espace de travail professionnel dédié.
En ce qui concerne les frais de port et de transport, le demandeur estime que le refus d'en accepter la déduction ne serait pas justifiable, alors qu’il constituerait « un déni des efforts développés par ses soins pour mettre l'Etude … au niveau auquel celle-ci se trouve aujourd'hui », de sorte que par analogie avec son raisonnement en matière de frais de téléphone, il y aurait lieu, en application de l'article 45 (1) LIR, d'admettre la déductibilité intégrale de ce poste à concurrence de ….- euros.
Il en irait de même, pour les mêmes motifs, du poste de « Réparation et entretien machines » qui serait à déduire à concurrence de …,- euros, du poste « Autres frais divers » dont il faudrait admettre la déductibilité intégrale à concurrence de ….- euros, du poste « Autres frais financiers » qui seraient à déduire à concurrence de …,- euros, du poste « Nouvelles acquisitions » à concurrence de … + … + … = ….- euros et du poste « Autres réparations ou fournitures » à concurrence de … + … + … = ….- euros.
En ce qui concerne les frais de voyage, de déplacement et de représentation, le demandeur fait remarquer que l’administration des Contributions directes ne prendrait pas en considération la réalité des efforts fournis par ses soins en termes de voyages, déplacements et représentations, relevant que les doutes de l’administration des Contributions directes auraient été fondés si sa structure n'avait pas évolué au fil des années. Invoquant la réalité économique, le demandeur estime qu’il faudrait reconnaître la déductibilité des dépenses exposées, du moins à l'instar des frais de téléphone, de 50% d'entre eux.
Il relève, dans son mémoire en réplique, qu’il aurait fourni un tableau récapitulatif reprenant la majeure partie de ses déplacements professionnels pour les périodes concernées.
En conclusion, en application de l'article 45 (1) LIR, il y aurait lieu d'admettre la déductibilité intégrale de ce poste à concurrence de … + … + … + … = …,- euros.
Quant aux travaux exécutés par des tiers, le demandeur estime qu’étant donné que l’administration des Contributions directes admettrait une déductibilité forfaitaire à raison de 50%, sans preuve aucune et sans justificatif aucun, il pourrait en aller de même pour tous les autres chefs de déductions. Or, il faudrait, au vœu de l’article 45 (1) LIR, admettre la déductibilité intégrale de ce poste à concurrence de ….- euros.
Finalement, concernant le poste « Remboursement maladie – CCSS », le demandeur estime que la non admissibilité en déduction de la somme de … + … = ….- euros, constituerait également une violation de l'article 45 (1) LIR.
En troisième lieu, le demandeur estime que les bulletins litigieux auraient été émis sur base d’une erreur d'appréciation manifeste, alors que l’administration des Contributions directes, au lieu de « se fonder sur des faits réels et en entreprendre une appréciation correcte », aurait procédé à son imposition, de manière expéditive, sans prendre le temps et surtout sans prendre en considération ses explications données dans le cadre de son contrôle fiscal.
10 Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait relever que l’administration des Contributions directes resterait en défaut de prendre position par rapport à ce moyen, Il souligne que le pouvoir discrétionnaire reconnu à l'administration des Contributions directes impliquerait en contrepartie de la part de cette dernière une obligation de procéder à une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifieraient la décision en raison et en équité. Or, en l’espèce, l’administration des Contributions directes aurait procédé de manière expéditive et déloyale jusqu’en instance contentieuse, sans prendre en considération les explications qu’il aurait données lors de son contrôle.
En quatrième et dernier lieu, le demandeur fait plaider que l’administration des Contributions directes aurait commis un excès de pouvoir du fait de ne pas avoir agi de manière conforme aux principes généraux du droit, en premier lieu desquels, le principe de proportionnalité, étant donné qu’en l’espèce, il y aurait une disproportion manifeste de l'application du redressement voulu par l'administration des Contributions directes par rapport aux revenus déclarés (taux de 3.6%).
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser que l’administration des Contributions directes manquerait également de prendre position sur ce moyen.
Il rajoute qu’en l’espèce, un excès de pouvoir serait également caractérisé non seulement par le fait que l’administration des Contributions directes lui aurait extorqué son consentement à la renonciation à la prescription pour l'exercice 2011, en s'abstenant sciemment de mentionner l'existence du droit qu'il aurait eu de refuser la signature d'une telle renonciation et d'obtenir malgré tout une copie du rapport de révision, mais aussi par le fait que cette dernière se serait abstenue de verser les pièces en sa faveur.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en tous ses moyens, précisant, en fait, que le 4 novembre 2016, le projet de rapport de révision n°1846 aurait été adressé au demandeur et que la version définitive datant du 9 octobre 2017 préciserait à sa page 15 que les formalités prévues au paragraphe 205 AO auraient été respectées par le constat que le contribuable aurait été informé par plusieurs lettres et entrevues de toutes les constatations et conclusions renseignées dans ledit rapport.
Il en conclut que le demandeur aurait dès lors disposé de toutes les données requises pour faire valoir ses droits de la défense en pleine connaissance de cause.
Etant donné que, tel que mentionné dans la conclusion du rapport de révision, malgré le fait que le demandeur aurait, à d'innombrables reprises, répété qu'il se réserverait la possibilité de présenter des pièces et éléments probants devant une instance impartiale en vue de faire valoir ses droits, ceci concernant tout particulièrement les points 9, 12 et 16 du projet de rapport, il faudrait cependant constater que malgré les deux courriers l’y invitant, datés respectivement du 14 décembre 2016 ainsi que du 27 février 2017, ce dernier serait resté en défaut de ce faire, y compris dans le cadre de sa requête introductive d’instance.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement s’oppose encore à l’argumentation du demandeur selon laquelle il y aurait eu chantage, dysfonctionnements et stratagèmes employés par l'administration, alors que, dans le cadre d'une procédure de révision, l'administration adopterait toujours une attitude de respect scrupuleux des procédures.
11 Il donne à considérer que le demandeur, en tant que professionnel du droit, ne saurait certainement pas invoquer ne pas connaître ses droits, relevant encore que la remise du rapport de révision serait légalement prévue.
Le délégué du gouvernement conteste l’allégation du demandeur selon laquelle, il aurait été contraint de signer un formulaire de renonciation à la prescription. Tout au plus, aurait-il été expliqué au demandeur qu'en l'absence de renonciation à la prescription, l'administration des Contributions directes pourrait immédiatement procéder à l'imposition, ce qui aurait eu pour conséquence qu’il devrait alors faire valoir ses observations par voie de réclamation contre les bulletins émis.
Le délégué du gouvernement relève que ce serait, au contraire, le demandeur qui aurait affiché une attitude manifestement non-coopérative, alors que malgré des demandes écrites y afférentes des 14 décembre 2016 et 27 février 2017, il aurait constamment promis la remise de pièces et d'informations, remise qui aurait été reportée sans cesse et finalement non réalisée à suffisance, les pièces étant soient absentes, soit lacunaires, soit caviardées, de façon à les rendre inexploitables.
En tout état de cause la partie gouvernementale souligne qu’elle conteste la version des faits telle que présentée par le demandeur, tout en se rapportant à celle qui serait exposée dans le rapport de révision n°1846.
En droit, le délégué du gouvernement conclut au rejet tant des arguments développés dans la réclamation, que de ceux développés dans la requête introductive d’instance.
En ce qui concerne le moyen tenant à une violation des intérêts privés, des paragraphes 204, alinéa 1er et 205, alinéa (3) AO, ainsi que du principe général de confiance légitime, le délégué du gouvernement considère qu’aucune violation du principe du contradictoire ne serait à déplorer en l'espèce, alors que le demandeur aurait pu assister à des réunions pour faire valoir ses droits tout au long de la procédure de révision à l’issue de laquelle un projet de rapport lui aurait été soumis.
Il donne à considérer que si les explications fournies par le contribuable ne seraient pas de nature à infléchir la position de l'administration, celle-ci pourrait émettre la décision administrative conformément au projet initial.
La partie gouvernementale réitère encore dans son mémoire en duplique qu’il serait contesté que le demandeur n’aurait pas signé le formulaire de renonciation à la prescription en connaissance de cause.
Au vu des échanges entre les services fiscaux et le contribuable, aucune violation du principe du contradictoire ne serait à déplorer dans le cadre de la procédure.
Le délégué du gouvernement souligne que les pièces que le demandeur prétend voir manquer dans le dossier fiscal figureraient dans les deux classeurs compilés dans le cadre de l'élaboration du rapport de révision.
12 Il n’y aurait pas non plus violation de la loi, alors que le bien-fondé des taxations d'office ne serait pas contestable, le demandeur restant en défaut d'apporter la preuve que ses revenus s'écartent de manière significative des bases d'imposition fixées par les bulletins d'impôts, le délégué du gouvernement relevant, dans ce contexte que dans le cadre de la preuve à rapporter, les déclarations du contribuable ne bénéficieraient d'aucune présomption de véracité.
Malgré d’itératifs rappels à cette fin, le demandeur resterait toujours en défaut de produire des pièces relatives à ses prétentions, de sorte que le demandeur ne devrait s'imputer qu'à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation, lorsque ce serait par suite de son propre comportement fautif qu'il aurait été nécessaire de recourir à cette mesure.
Le délégué du gouvernement rappelle que la taxation des revenus constituerait le moyen devant permettre aux instances d'imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d'investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d'imposition, d'arriver néanmoins à la fixation de l'impôt. Ainsi, en vertu du paragraphe 217, alinéa (2) AO, la taxation des revenus serait possible si le contribuable ne peut pas fournir d'explications suffisantes à l'appui de ses déclarations (comme en l'espèce) ou si le contribuable, devant effectuer une comptabilité, ne peut pas présenter sa comptabilité ou si cette dernière est incomplète respectivement formellement ou matériellement incorrecte. Ainsi, le paragraphe 217 AO consacrerait le principe de la taxation d'office par voie d'estimation du bénéfice d'après les éléments et circonstances d'exploitation dans l'hypothèse d'une irrégularité au niveau de la comptabilité non clarifiée à suffisance de droit et de fait. Le contribuable étant censé se contenter de l’approximation résultant de la taxation à moins qu’il rapporte la preuve que ses revenus s'écartent de manière significative des bases d'imposition fixées par le bulletin d'impôt.
Quant aux majorations des recettes, le délégué du gouvernement renvoie aux développements du rapport de révision aux points 9 à 28.
Ce serait notamment à bon droit que le réviseur aurait considéré que le montant du loyer admis en déduction à titre de dépense d'exploitation serait fixé à …,- euros par an, de sorte à redresser de …,- euros le bénéfice pour les 3 exercices de ce chef.
Le délégué du gouvernement précise, à ce sujet, dans son mémoire en duplique, qu’il ressortirait du rapport de révision qu'il serait impossible, au vu des pièces versées par le demandeur, de déterminer avec exactitude la véracité du contrat de bail conclu en date du 10 janvier 2011 entre lui et la société … SA. Il cite les conclusions afférentes du rapport concernant la confusion régnant quant aux différents locaux concernés et quant aux sommes réglées.
Il estime que le tribunal ne pourrait que constater que les développements d’ordre général du demandeur tirés du « réalisme économique » et relatifs à un prétendu caractère arbitraire de la procédure, ne permettraient nullement de remettre en cause les développements du réviseur.
Le délégué du gouvernement relève qu’il ne saurait être reproché au réviseur de ne pas avoir pris en compte des informations qu'il aurait pu obtenir dans le cadre d'un contrôle fiscal 13 opéré auprès d'un autre contribuable, en l’espèce la société … SA, alors qu’une telle démarche serait de nature à violer le secret fiscal.
Il faudrait constater en l’occurrence que ni les pièces versées, ni la requête, ni la réplique ne permettraient d'établir la différence entre les versements des loyers privés et des loyers professionnels, étant relevé que non seulement les libellés apportés sur les extraits bancaires renseigneraient uniquement la mention « virement … SA », mais aussi les sommes versées par le demandeur à ladite société divergeraient fortement de mois en mois, et auraient été réglées de façon non régulière.
Concernant le prétendu secret professionnel qui justifierait de ne pas révéler l'identité d'un mystérieux donataire d'une Rolex d'une valeur de …,- euros prétendument offerte à un « apporteur d'affaire », le délégué du gouvernement estime qu’une telle argumentation ne suffirait pas à prouver que cette dépense aurait un caractère professionnel et déductible.
Le délégué du gouvernement précise, dans son mémoire en duplique, que les arguments du demandeur ne sauraient en aucun cas contrecarrer la position du réviseur quant au bien-
fondé de la reprise opérée, alors que le demandeur resterait en défaut d'établir l’identité du donataire, alors même que conformément au paragraphe 205a, alinéa (2) AO, la désignation exacte des bénéficiaires par le contribuable constituerait une condition de la déductibilité en tant que dépenses d'exploitation.
L'attestation anonyme versée par le demandeur ne saurait pallier cette carence, alors qu’elle ne comporterait aucune des mentions prescrites aux articles 401 et 402 du nouveau Code de procédure civile, tenant notamment à l’identité du témoin et à l’indication qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. Cette irrégularité formelle serait d’autant plus curieuse que tant le demandeur que le prétendu donataire seraient des professionnels du droit.
Ainsi, ni la question du secret professionnel, ni celle de la proportionnalité du cadeau ne seraient pertinentes pour la détermination du caractère déductible de la dépense exposée.
Il aurait encore été à bon droit que le réviseur aurait redressé la mise en déduction d'une facture … LTD qui serait sans objet clair et dont la relation économique avec une dépense d'exploitation ne serait nullement établie. Le montant de la commission serait d'ailleurs exagéré eu égard au chiffre d'affaire de l’année 2012.
Le délégué du gouvernement souligne que ce serait également à bon droit que les frais de comptabilité auraient été rejetés pour les motifs exposés au point 13 du rapport, du fait que la comptabilité invoquée n'existerait pas.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement, tout en citant des extraits du rapport de révision ayant retenu que le caractère vague et imprécis du libellé des factures présentées ne permettrait pas de distinguer clairement, sans équivoque et avec certitude, l'objet exact des prestations facturées, surtout en cas d'absence de comptabilité, fait préciser à cet égard que les explications du demandeur selon lesquelles lesdites factures regrouperaient différents services (comptables et administratifs) rendus aussi bien dans l'exercice de sa 14 profession en tant qu'avocat (à 30%) qu'en tant qu'administrateur ou conseil dans différentes sociétés (à 70%) ne seraient pas concluantes.
En outre, les montants d'un total de …,- euros ne seraient aucunement en rapport avec les frais normalement facturés pour l'élaboration d'une comparaison des recettes et dépenses au sens de l'article 18 (3) LIR, d’autant plus qu’il aurait été retenu par le rapport de révision qu'aucune forme de comptabilité n’aurait été visible dans les pièces remises par le demandeur.
Dans ce contexte, le délégué du gouvernement rappelle, pour les raisons évoquées plus en avant à ce sujet, qu’il ne saurait être attendu du réviseur, tel que le suggèrerait le demandeur, de chercher à obtenir le détail des factures contestées lors du contrôle fiscal opéré par le même agent au sein de la société … SA à la même époque.
Il conteste encore les dépenses « Honoraires juridiques » pour 2012 du fait que ces factures n'auraient pas de libellé suffisamment précis et qu’il ne serait pas prouvé qu’elles seraient en rapport avec l'exploitation d'une profession libérale.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement relève qu’il ne serait nullement question de remettre en question la qualité d'avocat du demandeur, mais qu’il aurait seulement été retenu que le libellé d'une telle refacturation, en l'occurrence de prestations fournies par le demandeur en sa qualité d'avocat à un ou plusieurs clients, devrait par conséquent être clair et précis, afin de permettre à tout tiers expert en la matière de reconnaître l'origine et comprendre la signification de ces écritures et documents comptables. Or, la simple référence à des « Legal services » ne suffirait pas à cet égard, d’autant plus que le demandeur aurait expliqué que cette facture représenterait simplement un forfait de prestations fournies à un ou plusieurs clients finaux au cours de l'année 2012, qui auraient dû être facturées directement par la société … SARL.
Il en irait de même des prétendus frais de bureaux qui ne seraient autres que des œuvres d'art et des meubles design livrés de surcroît au domicile du demandeur.
La partie gouvernementale fait encore préciser sur ce point, dans sa duplique, que le réviseur ayant admis la déductibilité des deux chaises Knoll, ce poste ne serait plus litigieux.
Quant aux tableaux, le délégué du gouvernement relève qu’il serait constant, en application des dispositions du règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 instituant un mode de détermination en exécution de l'article 18, alinéa 3 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, que les dépenses faites pour l'acquisition d'immobilisations non amortissables ne seraient pas déductibles tant que les immobilisations feraient partie de l'actif net investi, alors que ce ne serait que lorsque l'immobilisation sera aliénée, que la recette serait imposable et le prix d'acquisition serait déductible à titre de dépense, permettant ainsi de prendre en considération, au moment de la vente, de dégager un bénéfice ou une perte de cession.
Il ne serait pas non plus possible de retracer le caractère professionnel des frais de port et de transports ainsi que les frais de voyage, notamment la facture « … voyage » de … euros, alors que la mention « déplacement professionnel et forfait à déterminer selon disponibilités » y apportée, laisserait penser qu'il pourrait s'agir d'une sorte de provision pour des voyages à venir, ce qui exigerait un relevé détaillé émis par la société … voyages permettant d'identifier 15 la destination et la durée des voyages/déplacements exclusivement professionnels, preuve qui ne ressortirait pas non plus de la liste très sommaire des déplacements entre juin 2011 et décembre 2012 telle que déposée par le demandeur, alors que cette liste n'indiquerait aucune date précise quant aux divers déplacements.
La partie gouvernementale fait encore relever, dans sa duplique, que les extraits Visa ne permettraient pas de distinguer si les dépenses avaient été exclusivement provoquées par l'exercice de la profession libérale et effectuées au profit de celle-ci, les extraits mensuels VISA et les souches des cartes de crédit, faute de factures originales, ne renseignant que la date de la transaction, la date de la comptabilisation, une description sommaire de la partie créditée, le lieu où l'opération a eu lieu ainsi que le montant de l'opération, sans qu’il ne soit révélé la nature et l'objet exact de l'opération, d’autant plus qu'un certain nombre d'opérations concerneraient des frais engagés les samedis, dimanches et jours fériés et que la consommation alimentaire sans lien apparent avec son activité professionnelle en raison de la modicité du montant ne serait pas déductible.
Quant aux cotisations de sécurité sociale, le délégué du gouvernement soutient que ces dernières seraient à déduire en qualité de dépense spéciale et non en tant que dépense d'exploitation.
En effet, tel qu’il le précise dans le cadre de son mémoire en duplique, les cotisations versées au Centre commun de la sécurité sociale en raison de l'affiliation obligatoire des non-
salariés (CCSS-60) ne seraient en effet pas déductibles dans le cadre de l'établissement du bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale, c'est à dire sur base de l'article 45 (1) LIR, mais comme dépenses spéciales sur base de l'article 110 LIR qui disposerait explicitement que sont déductibles, à titre de dépense spéciale, les cotisations versées en raison de l'affiliation obligatoire des non-salariés au titre de l'assurance maladie, de l'assurance contre les accidents et de l'assurance pension.
De plus, l'analyse des bulletins montrerait que ces dépenses spéciales auraient effectivement été déduites à ce titre, d'ailleurs même à des montants supérieurs.
En tout état de cause, le délégué du gouvernement souligne que les pièces versées par le demandeur ne permettraient en aucun cas d'établir que la taxation d'office et les redressements établis par l'administration des Contributions directes ne seraient pas exacts ou se situeraient en dehors des marges acceptables, étant relevé que le principe et le quantum de ces majorations pourraient respecter une marge de sécurité.
Etant donné qu’il n’y aurait pas non plus d’erreur manifeste d'appréciation ou d’excès de pouvoir, le recours serait à déclarer non fondé dans son intégralité.
Dans ce contexte, le délégué du gouvernement précise, dans son mémoire en duplique, que l'imposition serait intervenue à l'issue d'une procédure de révision contradictoire, au cours de laquelle le demandeur aurait eu l’occasion de faire valoir des explications et de verser des pièces, de sorte qu’il ne saurait être soutenu que l’administration des Contributions directes aurait agi de façon expéditive et déloyale et n'aurait pas pris en compte les explications données par le demandeur lors de son contrôle.
16 La simple lecture des pièces versées par le demandeur suffirait à se convaincre qu’il y aurait non seulement eu de multiples réunions, mais encore des demandes écrites d'informations complémentaires lui adressées par l'administration des Contributions directes, tel que cela ressortirait notamment du courrier du 14 décembre 2016 et de celui du 27 février 2017.
Ainsi, l'instruction du dossier par le service de révision aurait été faite à charge et à décharge sur base des pièces qui lui auraient été versées, sans que ce dernier ne puisse être tenu de suivre les objections du contribuable qui n'emporteraient pas sa conviction.
Le délégué du gouvernement conteste encore le prétendu excès de pouvoir invoqué par le demandeur, tiré de la violation par les services fiscaux d'une éventuelle obligation d’informer ce dernier qu'il aurait été en droit de ne pas signer le formulaire de renonciation à la prescription pour l'exercice 2011, alors qu’aucune obligation en ce sens ne serait prévue par la loi.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés, au sens de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 juillet 1996, des paragraphes 204, alinéa 1er et 205, alinéa 3 AO, ainsi que du principe général de la confiance légitime, force est au tribunal de constater que le demandeur entend, en substance, faire valoir que la procédure ayant abouti à l’émission des bulletins litigieux n’aurait pas respecté le principe du contradictoire ainsi que ses droits de la défense, en ce que sa position n’aurait pas été entendue à sa juste valeur.
Or, le simple constat suivant lequel l’administration des Contributions directes n’a pas suivi les observations du demandeur quant au projet d’imposition n’est d’aucune pertinence dans le cadre de ce moyen de légalité externe, alors que la question du bien-fondé de la décision de l’administration des Contributions directes de camper sur sa position, malgré les observations en sens contraire du demandeur, est un problème de fond devant faire l’objet de l’analyse de la légalité interne des bulletins déférés.
En ce qui concerne par contre le devoir de collaboration de l’administration des Contributions directes dans le cadre de la fixation de l’impôt, il suffit que cette dernière permette au contribuable de faire valoir sa position quant au projet d’imposition s’écartant de ses déclarations ainsi que de faire parvenir au bureau d'imposition toute pièce qu’il juge utile dans le cadre de l’imposition dont il fait l’objet.
En l’espèce, il ressort à suffisance de droit tant du rapport de révision que des propres explications du demandeur que ce dernier a été, à maintes reprises tout au long de la procédure de révision et avant l’émission des bulletins, sollicité par l’administration des Contributions directes dans le but, par écrit ou au moyen d’une réunion, de répondre aux interrogations des services saisis de son imposition pour les années litigieuses, ainsi que de leur faire part de ses observations y relatives, sans que cette conclusion ne puisse être énervée par l’impression du demandeur selon laquelle il estime que cette collaboration aurait été plutôt unilatérale du fait que l’administration des Contributions directes n’aurait pas répondu aux questions qu’il aurait posées à cette dernière, étant rappelé que le bien-fondé du refus de l’administration des Contributions directes de faire droit aux objections du demandeur est une question de fond non pertinente à ce stade-ci de l’analyse.
17 Il en va de même du reproche selon lequel l’administration des Contributions directes n’aurait pas inclus dans le dossier fiscal déposé au tribunal administratif toutes les pièces qu’il aurait invoquées dans le cadre de la procédure précontentieuse.
Finalement, force est encore de relever dans ce contexte et nonobstant le constat que le demandeur, en tant que professionnel du droit plus encore que le contribuable lambda, ne saurait, en tout état de cause, se dérober derrière son ignorance de ses droits, que l’allégation de ce dernier selon laquelle il aurait été forcé à signer la renonciation à la prescription en vue de se voir remettre le projet de rapport de révision reste à l’état de pure allégation.
Le demandeur reste également en défaut de préciser en quelle mesure la circonstance selon laquelle il aurait dû attendre la présente instance contentieuse pour recevoir une copie de ladite renonciation serait de nature à violer le principe de confiance légitime devant protéger les administrés contre les changements brusques et imprévisibles de l’attitude de l’administration, le tribunal n’étant pas censé pallier la carence d’une partie dans la présentation de ses moyens.
Il suit de ces considérations que le moyen de légalité externe, relevant d’une violation du principe du contradictoire, est à rejeter.
En ce qui concerne le deuxième moyen tenant à la légalité interne des bulletins déférés et notamment à une violation de l’article 45 (1) LIR, en ce que ce serait à tort que le bureau d'imposition aurait refusé la déduction de certains frais que le demandeur aurait fait valoir, au motif que ces derniers ne pourraient pas être considérés comme des dépenses d'exploitation provoquées exclusivement par son activité professionnelle, force est d’abord au tribunal de rappeler que le demandeur a fait l’objet d’une taxation d’office suite à une procédure de révision.
Conformément à sa dénomination allemande (« Schätzung »), la taxation d’office consiste à déterminer et à utiliser une valeur probable et (ou) approximative, lorsque la détermination de la valeur réelle et exacte n’est pas possible1, les cas d’ouverture d’une taxation d’office étant énumérés par le paragraphe 217 AO, libellé comme suit :
« (1) Soweit das Finanzamt die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, die für eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat es sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind.
(2) Zu schätzen ist insbesondere dann, wenn der Steuerpflichtige über seine Angaben keine ausreichenden Aufklärungen zu geben vermag oder weitere Auskunft oder eine Versicherung an Eides Statt verweigert. Das Gleiche gilt, wenn der Steuerpflichtige Bücher oder Aufzeichnungen, die er nach den Steuergesetzen zu führen hat, nicht vorlegen kann oder wenn die Bücher oder Aufzeichnungen unvollständig oder formell oder sachlich unrichtig sind ».
1 trib. adm., 22 janvier 2015, n° 33372 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 854 et les autres références y citées.
18 S’il n’est pas contesté en cause que le demandeur, en tant qu’avocat, n’était pas obligé, pour les années litigieuses, de tenir une comptabilité correspondant aux normes et usages comptables tels que prévus par les dispositions de droit commercial luxembourgeois, il aurait néanmoins dû tenir une comptabilité simplifiée et ainsi procéder notamment à une inscription continue des écritures comptables2.
Force est au tribunal de constater, dans ce contexte, que le demandeur ne met pas valablement en cause la circonstance qu’il ait fait l’objet d’une procédure de révision, suivie d’une taxation justifiée notamment par le constat que la comptabilité simplifiée à laquelle il est tenu n’était pas assez rigoureuse. En effet, les simples affirmations non autrement circonstanciées du demandeur à cet égard selon lesquelles sa comptabilité « ne p[ourrai]t pas être aussi peu rigoureuse » et que prévaudrait « le principe de la libre opportunité des dépenses » ne sauraient suffire à énerver les constatations du rapport de révision, tel que cité in extenso ci-avant, relatives au caractère vague et confus d’une grande partie de la documentation versée au service de révision par le demandeur.
Il échet de rappeler que la taxation des revenus constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt3. Ainsi, en vertu du paragraphe 217 (2) AO, la taxation des revenus est possible si le contribuable ne peut pas fournir d’explications suffisantes à l’appui de ses déclarations ou si le contribuable devant effectuer une comptabilité, ne peut pas présenter sa comptabilité ou si cette dernière est incomplète respectivement formellement ou matériellement incorrecte : le paragraphe 217 AO consacre ainsi le principe de la taxation d’office par voie d’estimation du bénéfice d’après les éléments et circonstances d’exploitation dans l’hypothèse d’une irrégularité au niveau de la comptabilité non clarifiée à suffisance de droit et de fait4.
Il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité. Au cas cependant où le contribuable mettrait le bureau d’imposition dans l’impossibilité de déterminer de manière exacte le revenu imposable, il est censé se contenter de cette approximation, qu’elle opère en sa faveur ou en sa défaveur, et il ne saurait utilement réclamer devant le directeur contre un bulletin d’impôt établi par voie de taxation, respectivement par après devant les juridictions administratives au seul motif que la cote d’impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Il ne saurait dans une telle hypothèse prospérer dans sa réclamation que s’il rapporte la preuve que ses revenus s’écartent de manière significative des bases d’imposition fixées par le bulletin d’impôt5. Il s’ensuit que la charge de la preuve de l’inexactitude de la taxation incombe au demandeur, preuve dans le cadre de laquelle ses déclarations ne bénéficient en effet d’aucune présomption de véracité. Aussi, le contribuable qui veut renverser la présomption découlant d’une taxation d’office doit se ménager des preuves6.
2 trib. adm. 19 octobre 2016, n° 35966 et 35967 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 3 trib. adm. 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 853 et les autres références y citées.
4 trib. adm 17 mai 1999, n° 10651 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 847 et les autres références y citées.
5 trib. adm. 19 avril 2010, n° 26049 du rôle, conf. par Cour adm. 18 janvier 2011, n° 26959C du rôle, Pas. adm.
2020, Vo Impôts, n° 859 et les autres références y citées.
6 trib. adm. 23 octobre 2013, n° 30943 du rôle, Pas. adm. 2020, Vo Impôts, n° 859.
19 C’est sur cette toile de fond que le tribunal procédera à l’examen des bulletins lui déférés par rapport aux moyens développés par le demandeur, nonobstant le fait que le tribunal n’a pas vocation à procéder de sa propre initiative à l’examen de la situation fiscale du contribuable sur base du dossier fiscal afférent, mais uniquement à examiner le bien-fondé de la décision administrative lui soumise, le tribunal n’étant en effet pas appelé à faire œuvre d’administration par rapport à une situation générale donnée, mais à juger une décision administrative par rapport aux moyens lui opposés par un administré, quitte à réformer celle-
ci en les points jugés illégaux ou erronés7.
En l’espèce, le demandeur ne conteste pas le montant des recettes pris en considération pour la taxation d’office, mais s’oppose au refus de déductibilité de certains frais en tant que dépenses d’exploitation.
Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler le prescrit de l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la côte d’impôt appartient au contribuable tenu d’établir que les frais dont il fait état répondent aux conditions posées en vue de la déductibilité fiscale.
Dès lors, en ce qui concerne plus particulièrement la question de la déductibilité de dépenses d’exploitation, il appartient au contribuable de rapporter non seulement la preuve de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore la preuve, ainsi que le relève à bon droit le délégué du gouvernement, de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie.
En application des articles 12 et 45 LIR, il appartient dès lors au demandeur qui entend déduire de ses recettes provenant de l’exercice de la profession d’avocat de rapporter la preuve que les frais mis en avant se rapportent exclusivement à l’exploitation de l’entreprise8.
A cet égard, force est de retenir que le demandeur ne saurait se limiter de façon générale à se référer au « principe de la libre opportunité des dépenses », respectivement à celui de l'interprétation stricte de la loi fiscale, ou encore à un prorata jugé réaliste entre ses dépenses d’exploitation et son revenu, alors qu’il convient d’examiner, au regard des conditions exposées ci-dessus, les différentes dépenses qui font l’objet du présent recours et que le demandeur entend faire admettre en déduction du bénéfice de son activité indépendante.
Avant de passer en revue les différentes catégories de dépenses litigieuses, force est au tribunal de relever que le demandeur n’a pas fourni d’autres pièces que celles qui ont été prises en compte dans le cadre de la procédure de révision respectivement de taxation litigieuses.
En ce qui concerne d’abord les frais de loyer, le demandeur reste en défaut de clarifier la situation telle que déplorée par le service de révision selon laquelle il y a une confusion totale entre loyers professionnels et privés, résultant de l’absence de pièces suffisamment claires 7 trib. adm. 22 janvier 2015, n° 33372 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts n° 862.
8 trib. adm. 23 mars 2009, n° 24703 du rôle, conf. par Cour adm. 29 octobre 2009, n° 25700C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 197 et les autres références y citées.
20 permettant de faire la part des choses, d’autant plus qu’il n’apporte aucun élément permettant d’élucider la divergence entre ses propres affirmations et celles de son bailleur, telle qu’elle a été relevée par le rapport de révision.
La preuve concrète du caractère professionnel des loyers incombant au seul demandeur, cette conclusion n’est énervée ni par les considérations théoriques du demandeur quant à la preuve de l’existence d’un contrat de bail en droit civil, respectivement quant au réalisme économique, ni par son affirmation selon laquelle il aurait appartenu à l’administration des Contributions directes de profiter du contrôle fiscal à l’égard de son comptable de se procurer des pièces manquantes nécessaires à ses propres prétentions.
En ce qui concerne la montre Rolex, c’est à tort que le demandeur se cache derrière son secret professionnel d’avocat pour refuser de dévoiler le nom du donataire, alors qu’il ressort de ses propres explications que ce dernier n’est pas un de ses clients, mais un autre avocat ayant quitté le barreau, de sorte que le secret professionnel de l’avocat qui oblige ce dernier à la discrétion concernant ses clients et leurs affaires ne saurait trouver application.
Quant aux paiements au Centre Commun de la Sécurité Sociale, force est au tribunal de constater que le demandeur ne fournit aucun argument juridique permettant de contrer l’argumentation de la partie gouvernementale selon laquelle ces dépenses sont à déduire en qualité de dépense spéciale et non en tant que dépense d'exploitation. Il s’ensuit que ce volet du moyen est d’ores et déjà à rejeter, alors que le tribunal n’est pas censé pallier la carence d’une partie dans la présentation de ses moyens.
Il en va de même en ce qui concerne les frais d’assurance prévoyance et des remboursements de la sécurité sociale, poste pour lesquels le demandeur reste en défaut d’avoir présenté le moindre argument juridique de nature à contredire la position de la partie gouvernementale à ce sujet.
Quant aux commissions payées à la société … LTD, le demandeur se limite toujours à présenter des considérations vagues quant à la nécessité des apporteurs d’affaires pour son cabinet, sans pour autant fournir, au vu du libellé imprécis de la facture y relative, une explication concrète permettant de préciser les services exacts facturés par la société … LTD et de prouver le lien avec ses recettes professionnelles, de sorte que la considération de la partie gouvernementale selon laquelle le demandeur n’a pas pallié le manque de précision de la facture y relative n’est pas énervée par le recours du demandeur.
Il en va de même en ce qui concerne les frais de comptabilité, poste pour lequel le demandeur reste également en défaut de préciser, au vu du libellé vague de ces factures, l'objet exact des prestations facturées, d’autant plus qu’il ressort de ses propres explications que lesdites factures regrouperaient différents services comptables et administratifs, rendus aussi bien dans l'exercice de sa profession en tant qu'avocat qu'en tant qu'administrateur ou conseil dans différentes sociétés et qu’il ne ressort pas du dossier soumis au tribunal que la société … SA ait effectivement établi une comptabilité en bonne et due forme pour le demandeur, les trois pages de rapport de comptabilité versées par année fiscale ainsi que les tableaux de comparaison entre recettes et dépenses, dont il n’est pas possible de déterminer leur auteur, ne suffisant pas à énerver ce constat. Le demandeur ne saurait pas non plus se délier de sa charge de la preuve à cet égard en soutenant qu’il aurait appartenu à l’administration des Contributions 21 directes de profiter d’un contrôle fiscal auprès de son comptable pour se procurer des précisions à cet égard.
Quant au poste des honoraires juridiques, force est de relever que l’administration des Contributions directes n’a, à aucun moment, mis en cause le choix du demandeur d'exercer sa profession au travers d'une personne juridique distincte, mais conteste la refacturation, de surcroît par forfait, de prestations que ce dernier a, de son propre aveu, facturées à son propre compte, de sorte que s’il estime avoir dû sous-traiter certaines de ses prestations à sa propre société, il lui aurait alors appartenu de refacturer les prestations de cette dernière directement à ses clients. En effet, il a été jugé que des honoraires d’avocat qui ont accompli des prestations pour le compte de ses clients personnels ne constituent pas des dépenses qui demeurent à la charge dudit avocat, ce dernier devant se les faire rembourser par ses clients9. Le demandeur ne fournissant en plus aucun détail concernant les prestations concrètement visées, le lien concret avec ses recettes professionnelles laisse également d’être établi.
La même conclusion vaut pour les frais de voyage, de déplacement et de représentation, dépenses qui doivent par ailleurs également être basées sur des factures suffisamment précises permettant d’établir un lien exclusif entre les postes de frais et la catégorie de recettes à laquelle ils sont censés correspondre, respectivement qui doivent être refacturés aux clients pour lesquels ces frais ont été engagés. Or, en ne fournissant que des explications générales relatives à ce poste, le demandeur reste toujours en défaut d’avoir établi le caractère déductible de ces frais.
Quant aux frais de bureau, et notamment les factures pour les deux tableaux acryliques, force est au tribunal de constater que le demandeur ne fournit aucune argumentation juridique permettant d’énerver la position y relative de l’administration des Contributions directes, de sorte qu’en l’absence d’une obligation pour le tribunal de pallier la carence du demandeur dans la présentation de ses moyens, ce volet est également d’ores et déjà à rejeter.
Il suit de toutes ces considérations que le demandeur est resté en défaut, pour tous les postes litigieux, d’avoir énervé les conclusions du service de révision telles qu’elles ont été reprises dans les bulletins litigieux, de sorte que le moyen tablé sur l'article 45 (1) LIR est à rejeter.
En conséquence, le demandeur est également resté en défaut d’avoir établi que la taxation s’écarterait de manière significative des bases d’imposition réelles, de sorte que le recours doit encourir le rejet sur ce point, le demandeur n’ayant, au regard des considérations qui précèdent, pas non plus fait état d’une erreur d'appréciation manifeste des faits entachant les bulletins litigieux, la non-prise en considération de ses explications se justifiant par le caractère non pertinent et concluant de ces dernières et non par une instruction prétendument hâtive de son dossier.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par le dernier moyen du demandeur tenant à l’existence d’un prétendu excès de pouvoir, alors que le principe de proportionnalité auquel toute administration est tenue ne saurait impliquer l’obligation de retenir une proportion déterminée de frais par rapport à une activité donnée, tel que le sous-entend le demandeur se plaignant que les dépenses d’exploitation reconnues ne correspondraient qu’à 3,6% de ses 9 trib. adm. 19 octobre 2016, nos 35966 et 35967 du rôle, Pas.adm. 2020, V° Impôts, n°195.
22 recettes. Au vu de ce qui a été retenu plus en avant, en ce qu’il n’est pas établi que la renonciation à la prescription lui aurait été « extorquée », le demandeur ne saurait pas non plus conclure à un excès de pouvoir à cet égard.
Il suit de ces considérations que le recours encourt le rejet en tous ses volets.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, et lu à l’audience publique du 17 novembre 2020, par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 novembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 23