Tribunal administratif Numéro 45004 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2020 2e chambre Audience publique du 16 novembre 2020 Recours formé par Monsieur …et consorts, Strassen, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 45004 du rôle et déposée le 18 septembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Noémie Sadler, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Afghanistan) et de Madame …, née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs …, né le … à … (Iran) et …, née le … à …, tous de nationalité afghane, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 septembre 2020 ayant déclaré irrecevable leur demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Noémie Sadler et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 novembre 2020.
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Le 3 septembre 2020, Monsieur …et Madame … agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs … et …, ci-après désignés par « les consorts …», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, les déclarations de Monsieur …et de Madame … sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale. Il s’avéra à cette occasion, suite à la comparaison de leurs empreintes digitales avec la base de données EURODAC, que ces derniers avaient auparavant introduit une demande de protection 1internationale en Grèce et qu’un statut de protection internationale leur avait été accordé par ce pays le 20 décembre 2018.
Toujours le 3 septembre 2020, Monsieur …et Madame … furent séparément entendus par un agent du ministère sur leur situation et sur la recevabilité de leur demande de protection internationale.
Par le biais d’une décision du 3 septembre 2020, notifiée aux consorts …en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », déclara irrecevable leur demande de protection internationale, en application de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduits auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 3 septembre 2020.
En mains le rapport « Eurodac », le rapport de police du 3 septembre 2020, ainsi que le rapport d’entretien sur la recevabilité de vos demandes de protection internationale du 3 septembre 2020.
Il en ressort que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 21 novembre 2017 et qu’une protection internationale vous a été accordée le 20 décembre 2018.
Vous indiquez de manière claire et non équivoque bénéficier en Grèce d’une protection internationale alors que dans l’entretien mené avec l’officier de police, vous précisez « Nous avons introduit une demande d’asile en Grèce qui a été acceptée », et puisque vous auriez eu « beaucoup de problèmes avec des arabes, nous avons décidé de partir ».
Vous confirmez avoir eu des passeports et des cartes d’identité, mais « nous avons tout jeté après avoir pris l’avion pour la Belgique », « nous voulions éviter d’être renvoyés vers la Grèce ».
Monsieur, vous affirmez avoir séjourné en Grèce pendant trois ans, mais que vous ne parleriez pas la langue grecque. Vous n’auriez pas assisté à des cours de langue à … parce que, lorsque vous vous seriez inscrit, vous seriez parti pour … où vous auriez été logés dans le camp de …. Vous estimez que l’inscription aux cours de langue dans ce camp aurait été compliquée, mais que « finalement ça a été fait ». Néanmoins, vous auriez été écarté des cours parce que vous auriez été absents des cours à deux reprises alors que vous auriez eu des rendez-vous chez un médecin.
Vous affirmez ensuite avoir quitté la Grèce parce que vous auriez eu des problèmes avec des Arabes. Vous relatez à cet égard que trois personnes « arabes » auraient vu sur votre portable une photo qui vous aurait montré avec un ami, lequel serait parti faire la guerre en Syrie et les personnes en questions auraient pensé que vous-même auriez également participé à la guerre en Syrie. Trois personnes d’origine arabe vous auraient attaqué à deux reprises :
une fois à … et une fois à …. Vous n’auriez pas porté plainte contre ces personnes auprès de la police, parce que la police ne ferait rien « seulement quand il y a des morts ».
2Madame, vous invoquez en substance les mêmes raisons pour avoir quitté la Grèce que votre mari, à savoir que ce dernier aurait eu des problèmes avec des personnes d’origine arabe qui auraient pensé que votre mari aurait fait la guerre en Syrie.
Vous évoquez encore des problèmes de santé et que vous auriez eu des problèmes avec les médecins. Vous relatez à cet égard ne pas supporter les bruits des enfants et des voitures qui claxonnent. Vous n’arriveriez pas à rester calme et votre main deviendrait froide. Vous perdrez alors le contrôle et « Je casse tout ». Vous affirmez que vous n’auriez pas facilement pu avoir un rendez-vous chez un médecin mais que vous auriez néanmoins été soignée et eu un traitement à … Vous rajoutez encore avoir mal au ventre avant d’avoir vos règles. Vous auriez été voir un médecin généraliste dans le camp, mais il vous aurait dirigé vers les « médecins sans frontières », ces derniers vous auraient à leur tour conseillé d’aller à l’hôpital. A l’hôpital, on ne vous aurait pas accepté parce qu’ils ne comprendraient pas l’anglais. Vous ne vous seriez pas adressée à un gynécologue et n’auriez pas non plus fait appel à l’aide d’un interprète aux fins de vous accompagner à l’hôpital.
Tel que relevé ci-avant, vous ne présentez aucune pièce d’identité, alors que vous auriez jeté vos passeports et cartes de séjour grecques aux fins d’éviter d’être renvoyés en Grèce.
Je suis au regret de vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, vos demandes de protection internationale sont irrecevables au motif qu’une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne.
En effet, il résulte du rapport « Eurodac », de même que de vos propres déclarations que vous bénéficiez d’une protection internationale en Grèce depuis le 20 décembre 2018.
Il ne ressort pas des éléments en notre possession qu’il existe, en cas de retour en Grèce, un risque d’atteintes graves au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme (ci-après « la CEDH »), sinon de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la CharteUE ») dans votre chef. En effet, la Grèce, en tant que Etat membre de l'Union européenne est signataire de la CharteUE, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est présumée en appliquer les dispositions. En tout état de cause, vous n'apportez pas la preuve que, dans votre cas précis, vos droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Grèce ou encore que vous n'auriez aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques. Ce constat ne saurait être ébranlé par la prétendue existence d’agressions dont vous auriez été la victime de la part de trois personnes arabes non autrement identifiées. En effet, vous affirmez ne pas vous être adressé à la police grecque parce que cette dernière ne ferait rien et qu’elle ne viendrait uniquement lorsqu’il y aurait des morts ou blessés. Or, cette simple allégation non établie est insuffisante pour conclure à l’existence d’un risque de traitements inhumains ou dégradants dans vos chefs en cas de retour en Grèce. Par ailleurs, il convient de préciser à ce propos que la protection fournie par les autorités d’un pays n’implique pas une sécurité physique absolue de ses habitants contre la commission de tout acte de violence, protection qui relève de l’utopie.
Il ne ressort en effet pas de vos dires que les autorités grecques ne seraient pas à même ou refuseraient de vous aider. En effet, et même à admettre que la police ne serait pas venue au camp après la bagarre, il vous aurait appartenu de vous déplacer vous-même auprès d’un commissariat de police aux fins de porter plainte contre vos prétendus agresseurs, de sorte que 3vous restez donc en défaut de démontrer un quelconque risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Grèce.
En ce qui concerne vos affirmations relativement aux problèmes que vous auriez pu rencontrer à assister à des cours de langue et que vous vous seriez fait écarter alors que vous auriez été absents pendant deux cours parce que vous auriez été chez le médecin, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas de vos déclarations, d’une part, que vous n’auriez, pendant les trois années de séjour en Grèce, eu aucune possibilité d’apprendre la langue grecque, d’autre part, que les autorités grecques vous auraient refusé l’accès à des cours de langue. Les éventuelles difficultés d’inscription dans des cours de langues ne constituent en tout état de cause pas un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH et ne justifient manifestement pas l’introduction d’une demande de protection internationale au Luxembourg.
Concernant ensuite les prétendus problèmes de santé que vous, Madame, invoquez, il y a lieu de préciser que d’une part, il ressort de vos propres affirmations, concernant vos problèmes avec votre main, que vous aviez accès à un médecin « Oui je suis allée voir un médecin et on m’a donné un traitement ». En ce qui est de vos problèmes de menstruations, il ressort également de vos affirmations que vous avez eu accès à des médecins à l’hôpital. Le fait que ces derniers ne comprendraient pas l’anglais n’étant pas de nature de permettre de conclure à une absence d’accès à des traitements médicaux nécessaires. En effet, vous affirmez vous-même ne pas avoir fait le nécessaire de vous faire accompagner par une personne qui vous pourrez servir de traducteur. Vous affirmez par ailleurs ne pas avoir contacté de gynécologue concernant vos problèmes. Madame, il ressort ainsi de vos affirmations que vous restez en défaut de rapporter la preuve qu’un retour en Grèce engendrerait dans votre chef un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH ni que vous auriez été ou seriez, en cas de retour en Grèce, dans l’impossibilité de vous procurer les soins nécessaires quant aux problèmes de santé invoqués.
En outre, la Grèce respecte le principe de non refoulement conformément à la Convention de Genève et l’interdiction de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à vos demandes déclarées irrecevables.
Conformément à l'article 34 (2) votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Grèce, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. (…) ».
Le 8 septembre 2020, les autorités luxembourgeoises requirent des autorités grecques la réadmission de Monsieur …, Madame … et des enfants … et …sur le territoire grec sur base de l’article 6 (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », demande à laquelle les autorités grecques firent droit le 15 septembre 2020.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2020, les consorts …ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle 4précitée du 3 septembre 2020, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours visant la décision du ministre ayant déclaré la demande de protection internationale irrecevable Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond contre une décision ayant déclaré irrecevable une demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 35 (3) de la même loi prévoyant expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 3 septembre 2020.
Le recours en annulation introduit, en l’espèce, est, par ailleurs, recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs exposent être originaires d’Afghanistan et d’ethnie Hazara. Leurs enfants seraient nés en Iran. Du fait de leur appartenance ethnique, ils auraient été la cible de violences en Afghanistan et en Iran. Ils auraient quitté l’Iran pour se rendre en Grèce, où ils auraient été logés à …, sur l’île de Lesbos, pendant deux mois. Lors de leur séjour, un groupe d’Arabes auraient fouillé les affaires de Monsieur …et auraient trouvé une photo dans son téléphone portable, où il aurait été accompagné de personnes portant l’uniforme de l’armée syrienne. Il aurait été par la suite menacé d’un couteau et sa famille aurait été harcelée sans cesse. Le même jour, un incendie se serait produit, lors duquel leur tente et leurs affaires personnelles auraient brûlé. Cet incident aurait profondément affecté Madame … et les enfants. Les demandeurs se seraient rendus auprès de la police pour déposer plainte mais les policiers leur auraient répondu qu’ils pourraient retourner en Afghanistan. Par la suite, ils auraient été transférés au camp de Kara Tape, à Lesbos, avant d’être envoyés au camp de … à …. Une fois qu’ils auraient obtenu le statut de « réfugié », l’aide financière étatique aurait été coupée, de sorte qu’ils n’auraient plus été à même de subvenir à leurs besoins. Ils invoquent également des difficultés auxquelles ils auraient eu à faire face, notamment quant à l’accès aux cours de langue et aux soins médicaux. En ce qui concerne ce dernier point, les demandeurs font valoir qu’ils auraient souvent attendu pour avoir une consultation médicale, mais que souvent le médecin serait parti avant d’avoir ausculté tous les patients. Lors des visites médicales, aucun interprète n’aurait été présent, de sorte qu’ils n’auraient pas pu communiquer avec le médecin. Ils donnent encore à considérer qu’… aurait été menacé et frappé par un autre réfugié pour qu’il ne serve pas d’interprète pour les services médicaux et qu’il aurait abandonné les cours après avoir été « tabassé » par d’autres élèves. Ils font encore valoir que … aurait eu peur des autres personnes et qu’elle aurait subi des violences et des menaces de la part des autres élèves et qu’elle aurait également abandonné l’école. Il leur aurait été dès lors impossible d’apprendre la langue grecque, même si Monsieur …et son épouse auraient été très motivés. Quant à l’accès au logement, les demandeurs donnent à considérer que l’aide financière accordée par les autorités grecques aurait diminué après qu’ils se seraient vu octroyer une protection internationale.
Lorsqu’ils auraient perdu leur logement, ils se seraient résignés à quitter la Grèce. A leur arrivée au Luxembourg, leur demande de protection internationale n’aurait pas été enregistrée et les demandeurs auraient été contraints de signer une renonciation à l’introduction d’une demande de protection internationale. Ce document n’aurait pas été signé en toute connaissance de cause par Monsieur …. A cet égard, ils s’appuient sur un communiqué de presse du Lëtzebuerger Flüchtligsrot du 11 août 2020, intitulé « Des cas de violation des droits fondamentaux lors de l’introduction des demandes d’asile au Luxembourg », qui relate que de nombreux demandeurs 5de protection internationale seraient découragés, voire intimidés, de demander une protection au sein des locaux du ministère. Ils précisent s’être présentés à nouveau auprès du ministère et avoir finalement introduit une demande de protection internationale en date du 3 septembre 2020. Cependant, aucun document attestant de ce dépôt ne leur aurait été fourni, ce qui aurait engendré des difficultés lors de leur placement dans un foyer. Ils auraient trouvé au départ refuge dans un foyer à …, avant d’être transférés au centre de primo-accueil de ….
En droit, les demandeurs reprochent tout d’abord au ministre d’avoir violé l’article 7 (1) de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il ne leur aurait pas remis une attestation de dépôt de demande de protection internationale alors qu’il aurait reconnu le fait qu’ils en aient déposé une. Or, cette attestation leur permettrait de pouvoir se maintenir sur le territoire luxembourgeois et d’y circuler, tant que la décision d’irrecevabilité ne serait pas devenue définitive. Enregistrer leur demande sans leur fournir cette attestation constituerait une violation d’une formalité substantielle conçue pour protéger les intérêts des administrés, ce qui entraînerait l’annulation de la décision litigieuse.
En se prévalant, ensuite, de l’article 18 de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 41 (2) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ci-après désignée par « la Charte », les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir communiqué leur dossier administratif à leur litismandataire, bien que ce dernier en aurait demandé la copie en date du 9 septembre 2020. De ce fait, il aurait été dans l’impossibilité matérielle de vérifier la motivation de la décision déférée, ce qui violerait leur droit à un recours effectif et à un procès équitable. Par ailleurs, ils donnent à considérer que la communication en cours de procédure de leur dossier administratif continuerait de constituer une violation grave du droit d’accès aux informations, puisqu’il ne serait pas possible de prendre position via un mémoire en réplique.
Les demandeurs font encore valoir, en se basant sur l’article 10 (3) de la loi du 18 décembre 2015, que la décision litigieuse n’aurait pas été prise individuellement, objectivement et impartialement, dans la mesure où … serait née le … à … en Iran, et non pas le 19 janvier 2011 à … en Afghanistan, tel que renseigné dans la décision déférée. De même, … serait également né à …, et non à …. Ces erreurs démontreraient que la décision ministérielle aurait été prise dans la précipitation, d’autant plus qu’elle aurait été prise en seulement quelques heures. Ils affirment à cet égard, en s’appuyant sur un article de Woxx du 10 septembre 2020, intitulé « Politique d’asile : Chiens de faïence », que le ministère afficherait, d’ailleurs, une certaine partialité concernant les dossiers de personnes qui auraient un statut de réfugié en Grèce.
Ils poursuivent en soulevant le manque de motivation de la décision ministérielle, ce qui violerait l’article 41 (2) c) de la Charte, ainsi que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin relative à la procédure à suivre par les administrations ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». Ainsi, le ministre ne prendrait pas position sur l’absence de scolarisation des enfants en Grèce, ni sur les problèmes de santé de Madame …. Ils font valoir à ce titre que la difficulté d’accès aux soins serait réelle en Grèce. Ils renvoient dans ce contexte à une note du Refugee Support Aegean du 23 juin 2017, dans lequel il est relevé que les professionnels de la santé grecs ne seraient pas correctement informés sur les droits des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale, qu’ils refuseraient souvent de s’en occuper ou de les adresser à des spécialistes et que le manque d’interprètes dans les hôpitaux rendrait la situation plus difficile pour eux, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 6 novembre 2019, portant le numéro 43536 du rôle, pour relever que le ministre aurait dû examiner si un accès effectifs aux soins adéquats serait garanti en Grèce.
6 Les consorts …invoquent encore la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », étant donné que la décision ministérielle aurait été notifiée le jour même de l’introduction de leur demande et qu’ils n’auraient de ce fait disposé que d’un délai de 15 jours pour trouver un hébergement, mandater et s’entretenir avec un avocat, demander la copie de leur dossier administratif, préparer et introduire un recours. Ils estiment qu’en agissant dans la précipitation, le ministre aurait violé le principe de l’égalité des armes, ainsi que leur droit à un recours effectif et à un procès équitable.
Ils concluent également à la violation des articles 1er et 4 de la Charte, en invoquant à cet effet l’existence de défaillances systémiques en Grèce et leur vulnérabilité particulière, de sorte que le renvoi en Grèce constituerait une violation des prédits articles. Dans ce contexte, ils se réfèrent à deux arrêts de la CJUE du 19 mars 20191,2. Ils font valoir que la Grèce serait de manière générale « l’exemple prototypique des défaillances systémiques » depuis que par son arrêt du 21 janvier 2011 « M.S.S c. Belgique et Grèce », la Cour européenne des droits de l'Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », aurait reconnu que les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Grèce seraient constitutives de violations de plusieurs dispositions de la CEDH. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) aurait ensuite admis que des défaillances systémiques dans le prédit pays empêcheraient un renvoi vers la Grèce. Personnellement, ils auraient été dans un dénuement matériel extrême. Pour renforcer leurs affirmations, ils renvoient à un article de l’UNHCR du 2 juin 2020, intitulé « La Grèce doit assurer un filet de sécurité et des possibilités d’intégration pour les réfugiés », dans lequel il est indiqué que les réfugiés seraient obligés de quitter leur logement pour céder leur place aux demandeurs de protection internationale, ce qui pourrait pousser les premiers à la pauvreté et les rendre sans-abri, et qu’ils se heurteraient à des obstacles dans l’accès à l’aide sociale. Diverses publications confirmeraient leur vécu, notamment un article d’un blog, relevant que la Grèce envisagerait d’éliminer progressivement les aides financières et l’hébergement pour les réfugiés. Les demandeurs renvoient encore à un article publié par Infomigrants le 19 juin 2020, intitulé « Grèce : des milliers de réfugiés expulsés de leur logement », duquel il ressort que depuis le 1er juin 2020, ceux qui auraient obtenu une protection internationale avant le 1er mai 2020 seraient sommés par les autorités grecques de quitter leur logement. Ils s’appuient aussi sur un article de Libération du 14 juin 2017 intitulé « Dans les hôpitaux grecs, « des malades renoncent à se soigner » », et sur un article de Médecins sans frontières du 23 janvier 2020, intitulé « La Grèce refuse de soigner les enfants réfugiés gravement malades à Lesbos », pour soutenir qu’ils n’auraient pas accès aux soins de santé. Ils ajoutent que la Grèce ferait face à une crise sans précédent à cause du coronavirus, mais également suite à la décision des autorités turques de ne plus faire barrage à l’afflux de demandeurs de protection internationale vers l’Europe. Enfin, les consorts …donnent à considérer que, suite à l’incendie du camp de …, des milliers de personnes auraient perdu leur domicile et leurs affaires personnelles, ce qui confirmerait leur vécu. Ils en concluent, qu’en cas de retour en Grèce, ils seraient condamnés à vivre dans la rue, que les enfants ne seraient pas scolarisés, qu’ils ne pourraient pas se nourrir ni se loger ni avoir accès aux soins médicaux, de sorte qu’ils seraient exposés à des traitements inhumains et dégradants. Ils soutiennent encore qu’ils se trouveraient, en raison de leur vulnérabilité particulière, dans une situation de dénuement matériel extrême en Grèce : cette vulnérabilité s’expliquerait par le fait qu’il s’agirait d’une « famille appartenant à une minorité ethnique, comportant une femme 1 CJUE, 19 mars 2019, Ibrahim c. Bundesrepublik Deutschland, affaires jointes C-297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17.
2 CJUE, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17.
7lourdement traumatisée et deux enfants mineurs » qui auraient été à plusieurs reprises victimes de violences en Grèce. En effet, en tant que …, ils seraient exposés à des violences commises par d’autres groupes de réfugiés, contre lesquelles les autorités grecques ne pourraient leur fournir de protection.
Finalement, les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision ministérielle pour violation de l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif au principe de précaution en invoquant à cet égard l’épidémie mondiale de COVID-19, de sorte qu’il y aurait lieu de ne pas les contraindre « à traverser l’Europe », ainsi que pour violation de l’article 3 du Traité sur l’Union européenne (TUE) relatif au principe de coopération loyale, en exigeant des autorités grecques qu’elles reprennent en charge une famille nombreuse dans une situation de crise géopolitique majeure qu’elles auraient actuellement à gérer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de la décision entreprise, et plus particulièrement l’obligation de délivrer le document visé à l’article 7 (1) de la loi du 18 décembre 2015, celui-ci dispose que « Dans un délai de trois jours à compter de l’introduction de sa demande de protection internationale, le demandeur reçoit un document délivré à son nom attestant son statut de demandeur et son droit de rester sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et d’y circuler librement. Ce droit de rester sur le territoire ne constitue pas un droit à un titre de séjour ».
Or, force est de relever que le tribunal est saisi d’un recours en annulation contre la décision ministérielle déclarant irrecevable la demande de protection internationale des consorts …et non d’un recours ayant trait à la non délivrance de l’attestation de dépôt d’une protection internationale, qui, elle, est une conséquence de l’irrecevabilité. Le moyen relatif à l’annulation de la décision d’irrecevabilité sur base de la non-délivrance de l’attestation visée à l’article 7 (1) de la loi du 18 décembre 2015 est dès lors à écarter.
Par ailleurs, à titre superfétatoire, selon le prédit article, le ministre dispose d’un délai de trois jours pour délivrer l’attestation de dépôt d’une protection internationale au demandeur après qu’il ait introduit sa demande. Or, en l’espèce, dans ce même délai, le ministre a conclu à l’irrecevabilité de la demande de protection internationale des consorts …- décision contre laquelle un recours n’est pas suspensif -, de sorte qu’il n’était plus dans l’obligation de leur délivrer une telle attestation. En outre, ils ont pu, malgré l’absence de cette attestation, être hébergés et bénéficier des mêmes conditions d’accueil que les demandeurs de protection internationale.
Concernant ensuite le moyen relatif à un défaut de motivation de la décision litigieuse, en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées limitativement, en l’occurrence celles refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, celles révoquant ou modifiant une décision antérieure, sauf si elles interviennent à la demande de l’intéressé et qu’elles y font droit, celles intervenant sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle, celles intervenant après procédure consultative, lorsqu’elles diffèrent de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu´elles accordent une dérogation à une règle générale, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
8 Il convient à cet égard de rappeler que la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois à la phase contentieuse3.
Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment où l’affaire est prise en délibéré, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.
Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas leur avoir donné accès à la copie de leur rapport d’entretien ni à celle de leur demande de protection internationale. Ils se seraient trouvés dans l’impossibilité de vérifier la motivation du ministre.
Or, il y a lieu de constater que la décision ministérielle attaquée est suffisamment motivée en fait et en droit de manière à satisfaire aux prescriptions de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant donné que le ministre, après avoir résumé les déclarations de Monsieur …et de Madame …, a constaté que ces derniers étaient bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce et qu’il ne ressortait pas des éléments en sa possession qu’ils seraient susceptibles d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH. Il ajouta que le fait que Monsieur …se plaigne de violences commises par des personnes non identifiées, que Madame … ait des problèmes de santé et qu’ils aient eu des difficultés à accéder à des cours de langue grecque ne démontreraient pas un risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Grèce.
Partant, il échet de conclure que le moyen des demandeurs ayant trait au défaut de motivation est à rejeter pour être non fondé.
En ce qui concerne le moyen des demandeurs tendant à la violation de l’article 18 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 41 (2) de la Charte par le ministre pour ne pas avoir communiqué leur dossier administratif à leur litismandataire, il est de jurisprudence constante que l’absence de communication ou la communication tardive du dossier administratif n’entraîne l’annulation de la décision ministérielle que dans l’hypothèse d’une lésion vérifiée des droits de la défense4, et que dans l’hypothèse contraire, elle engendre une suspension des délais de recours jusqu’à la communication complète de la décision ministérielle et de l’entièreté du dossier administratif5.
A cet égard, les consorts …s’appuient sur le fait qu’ils n’auraient pas pu comprendre la motivation du ministre à la base de sa décision d’irrecevabilité et qu’ils n’auraient eu que 15 jours pour trouver un avocat.
Or, force est de constater que les consorts …ont pu prendre position par rapport à la décision ministérielle litigieuse dans leur requête introductive d’instance, et ce, dans le délai légal. S’il est exact que le dossier administratif n’a été déposé qu’ensemble avec le mémoire 3 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2020, V° PANC, n° 90 et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 29 octobre 2009, n° 24429, Pas. adm. 2020, V° PANC, n° 140 et les autres références y citées.
5 Trib. adm., 24 septembre 2013, n° 31309, Pas. adm. 2020, V° PANC, n° 141 et les autres références y citées.
9en réponse en date du 30 octobre 2020 et que l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015 ne permet pas au demandeur de fournir un mémoire en réplique en la présente matière, il n’en reste pas moins que si les demandeurs avaient souhaité prendre position par rapport au dossier administratif ainsi fourni par la partie étatique, et, notamment, par rapport à d’éventuels éléments nouveaux y contenus, il leur aurait été loisible de solliciter l’autorisation de fournir un mémoire supplémentaire, ce qu’ils sont cependant restés en défaut de faire. Dans ces circonstances, le tribunal ne saurait déceler de lésion dans leurs droits de la défense, de sorte que le moyen sous analyse encourt le rejet.
Quant à la violation de l’article 10 (3) a) de la loi du 18 décembre 2015, celui-ci dispose que « Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:
a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement (…) ».
Les demandeurs soutiennent que la décision litigieuse n’aurait pas été prise individuellement, objectivement et impartialement en s’appuyant sur le fait que la décision ne renseignerait pas les dates et lieux de naissance exacts des enfants … et …, ce qui démontrerait que cette décision aurait été prise dans la précipitation. Dès lors, le ministre n’aurait pas correctement analysé leur dossier, en violation de leurs droits à un recours effectif et à un procès équitable au sens de l’article 6 de la CEDH.
Il ressort des explications de la partie étatique, à ce sujet, qu’une erreur matérielle aurait été commise lors de la transcription des données des enfants et que cette erreur ne pourrait pas remettre en cause le fait que le ministre ait analysé la situation des consorts …de manière individuelle, objective et impartiale, tel qu’il ressortirait de la décision déférée.
En l’espèce, le tribunal est amené à suivre le raisonnement de la partie étatique, dans la mesure où une erreur matérielle ne peut prouver qu’une décision n’a pas été prise conformément à l’article 10 (3) de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, il a retenu, dans les développements qui précèdent, que la décision ministérielle était suffisamment motivée. Il échet, en outre, de constater que le ministre a pris en considération l’intégralité des déclarations de Monsieur …et de Madame … pour en tirer la conclusion que leur demande ne serait pas justifiée, sans qu’il ne ressorte des éléments soumis à l’examen du tribunal que l’analyse ministérielle n’aurait pas été individuelle, objective, appropriée et impartiale.
A cet égard, le fait que la décision litigieuse ait été rendue le jour même du dépôt de la demande de protection internationale des consorts …peut témoigner d’une certaine rapidité de la part du ministre, mais ne remet pas en cause l’individualité, l’objectivité et l’impartialité de l’analyse ministérielle. Par ailleurs, les demandeurs restent en défaut de démontrer que la notification de la décision d’irrecevabilité le jour même du dépôt de leur demande de protection internationale leur aurait porté un quelconque préjudice ou réellement violé leurs droits à un recours effectif et à un procès équitable, ces derniers ayant pu, en effet, mandater et s’entretenir avec un avocat, qui a déposé dans le délai légal un recours exhaustif contre la prédite décision.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour être non fondé. Il en est de même en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la CEDH.
10Quant à la légalité interne de la décision entreprise, aux termes de l’article 28 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « (…) le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne ; (…) ».
Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.
En l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs sont bénéficiaires d’une protection subsidiaire accordée par les autorités grecques le 20 décembre 2018, de sorte qu’a priori, le ministre a valablement pu déclarer leur demande de protection internationale irrecevable, sur base de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015.
Les demandeurs invoquent de l’entendement du tribunal, de manière générale, une violation par les autorités grecques des dispositions de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dénommée ci-après « la directive Qualification », transposée en droit luxembourgeois par la loi du 19 juin 2013 portant modification de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, et de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, et plus particulièrement une violation, par ces dernières autorités, des articles 27, 30 et 32 de ladite directive relatifs à l’accès à l’éducation, aux soins de santé et au logement.
Le tribunal relève que l’objectif principal de la directive Qualification, tel que cela ressort de son préambule, est, d’une part, d’assurer que tous les Etats membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin d’une protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les Etats membres6. Le mécanisme mis en place par la directive, qui opère un rapprochement des règles relatives à la reconnaissance et au contenu du statut de réfugié et de la protection subsidiaire7, implique encore l’obligation pour les Etats membres de l’Union européenne de se conformer aux normes minimales communes ainsi édictées, plus particulièrement s’agissant du contenu de la protection internationale.
En effet, il échet de constater que les Etats membres de l’Union européenne se sont dotés d’un mécanisme visant à garantir l’application d’un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire sur l’ensemble du territoire européen et que la Commission européenne, chargée de présenter un rapport au moins tous les cinq ans au Parlement européen et au Conseil sur l’application de cette directive par les Etats membres, veille encore à sa bonne application par les Etats membres.
S’il est vrai que la directive Qualification impose aux Etats membres de prendre des 6 Cf. considérant n°12 de la directive 2011/95/UE.
7 Cf. considérant n°13 de la directive 2011/95/UE.
11mesures nationales garantissant un certain nombre de mesures minimales en ce qui concerne le contenu du statut de réfugié ou celui du statut conféré par la protection subsidiaire, cette directive ne constitue toutefois pas une base légale suffisante pour obliger le ministre à examiner, avant de prendre une décision d’irrecevabilité en application de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015, si l’Etat membre de l’Union européenne dans lequel un demandeur de protection internationale s’est vu accorder le statut de réfugié ou celui de la protection subsidiaire a correctement transposé les dispositions de la directive Qualification, respectivement si cet Etat respecte effectivement le contenu des normes minimales y consacrées. Par ailleurs, il convient encore de relever, à cet égard, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, y compris la Grèce, respectent les droits fondamentaux ainsi consacrés, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard8. Cette conclusion est encore renforcée par la circonstance suivant laquelle le préambule de la directive Qualification dispose que, concernant le traitement des personnes relevant de son champ d’application, les Etats membres sont liés par les obligations qui découlent des instruments de droit international auxquels ils sont parties, notamment ceux qui interdisent la discrimination9.
Le moyen fondé sur une violation, par la Grèce, de la directive Qualification est partant rejeté pour être non fondé.
S’agissant ensuite du moyen fondé sur une violation des articles 1er ayant trait au respect de la dignité humaine et 4 de la Charte interdisant la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, le tribunal rappelle tout d’abord, tel que relevé ci-avant, que la Grèce est censée respecter les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et le protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard10.
Le tribunal relève encore que la CJUE a, dans un arrêt du 19 mars 201911, cité par les demandeurs, confirmé ce principe selon lequel le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque Etat membre partage avec tous les autres Etats membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les Etats membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre, ainsi que dans le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment aux articles 1er et 4 de celle-ci, qui consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses Etats membres, de sorte qu’il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs ou aux bénéficiaires d’une protection internationale dans chaque Etat membre est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention de Genève ainsi que de la CEDH. Il en va ainsi, notamment, lors de l’application de l’article 33 (2) a) de la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dite « directive Procédure », aux termes duquel: « 2. Les Etats membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque: a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat 8 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a. C-411/10 et C-493/10, point 78.
9 Cf. considérant n°17 de la directive 2011/95/UE.
10 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.
11 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, n° C-163/17.
12membre ; », qui constitue, dans le cadre de la procédure d’asile commune établie par cette directive, une expression du principe de confiance mutuelle.
Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un Etat membre déterminé, de telle sorte qu’il existe un risque sérieux que des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale soient traités, dans cet Etat membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux.
Ainsi, le tribunal relève que dans ses arrêts du 19 mars 2019, rendus dans les affaires jointes C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-428/17, ainsi que dans l’affaire C-163/17, la CJUE a retenu que lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision rejetant une nouvelle demande de protection internationale comme irrecevable dispose d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes12. Elle a, à cet égard, souligné que, pour relever de l’article 4 de la Charte, qui correspond à l’article 3 de la CEDH, et dont le sens et la portée sont donc, en vertu de l’article 52 (3) de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère ladite convention, les défaillances en question doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Elle a encore précisé que ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant : le seul fait que la protection sociale et/ou les conditions de vie sont plus favorables dans l’Etat membre requérant que dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale n’est ainsi pas de nature à conforter la conclusion selon laquelle la personne concernée serait exposée, en cas de retour dans ce dernier Etat membre, à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 4 de la Charte.
Les demandeurs remettant en question la présomption du respect par les autorités grecques de leurs droits fondamentaux tels que consacrés notamment par la Charte, la CEDH et la Convention de Genève, puisqu’ils affirment risquer des traitements inhumains et dégradants en Grèce, il leur incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.
Il y a néanmoins lieu de constater qu’en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de démontrer qu’en cas de retour en Grèce, ils risquent d’encourir un quelconque traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions internationales précitées, respectivement dans le sens retenu par la CJUE, nécessitant des actes devant revêtir un certain seuil de gravité et entraînant des souffrances physiques ou psychologiques intenses.
12 Point 88 de l’arrêt précité de la CJUE du 19 mars 2019.
13 En effet, s’il est certes exact qu’il ressort des rapports invoqués par les demandeurs à l’appui de leur recours que les conditions de vie des bénéficiaires d’une protection internationale ne sont pas évidentes en Grèce, il ne s’en dégage cependant pas que leur situation est telle qu’il y a lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour les personnes concernées, d’être systématiquement exposées à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur renvoi dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
Pour ce qui est de la situation personnelle des demandeurs, il ne se dégage pas de leur récit auprès du ministère, ni d’ailleurs du recours sous analyse qu’en tant que bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce, ils aient personnellement été confrontés à des difficultés quant à leurs conditions de vie, qui auraient atteint un seuil de gravité tel qu’elles pourraient être qualifiées de traitements inhumains ou dégradants. En effet, les demandeurs se contentent d’affirmer, en s’appuyant sur les rapports internationaux et les articles de presse, précités, qu’en cas de retour en Grèce, ils seraient amenés à vivre dans la rue, que Madame … ne pourrait pas être soignée et que les enfants seraient condamnés à rester des « ignobles » toute leur vie en l’absence d’accès au système scolaire grec.
En ce qui concerne l’accès aux soins de santé, si les demandeurs reprochent aux médecins grecs de ne pas parler l’anglais, de ne pas avoir d’interprète lors des rendez-vous médicaux et d’avoir à attendre parfois de longues heures pour être auscultés, de telles considérations ne permettent cependant pas de conclure que l’accès aux soins médicaux serait impossible pour les bénéficiaires d’une protection internationale, d’autant plus qu’il ressort de leurs déclarations que Madame … a pu avoir accès à plusieurs reprises à un médecin, notamment pour ses problèmes à la main et de menstruations. Cette dernière, reprochant le manque de sérieux des médecins à l’hôpital et d’interprètes, n’a cependant pas cherché à consulter un gynécologue dans un cabinet privé ou y aller avec un interprète.
Quant à l’accès aux cours de langue et à l’éducation, le tribunal constate que les consorts …ont pu être inscrits à un cours de langue grecque et qu’ils en ont été renvoyés après avoir été absents à deux reprises. En outre, ces derniers n’ont fourni aucune information sur les démarches entreprises pour pouvoir s’inscrire à d’autres cours. Pour ce qui est de l’accès à l’éducation des enfants, il ressort de leurs dires qu’… a décidé de ne plus se rendre en classe suite à des altercations avec d’autres élèves et que … aurait également abandonné après avoir eu peur des autres personnes et aurait été menacée par des élèves, de sorte qu’ils se sont exclus du système scolaire de leur propre chef. Les demandeurs n’ont par ailleurs ni soutenu que l’accès à l’éducation serait impossible pour les bénéficiaires de protection internationale ni qu’ils n’auraient pas pu inscrire leurs enfants dans d’autres écoles ou dans des classes qui leur seraient plus adaptées. S’ils évoquent leur appartenance ethnique dans ce contexte comme frein à l’accès à l’éducation, ils ne démontrent cependant pas que cet accès leur serait restreint par les autorités grecques en raison de leur ethnie.
En ce qui concerne le logement, outre le fait que les consorts …étaient logés jusqu’à ce qu’ils viennent au Luxembourg, s’ils affirment à présent qu’ils auraient été sommés par les autorités grecques de quitter leur logement, ils n’ont cependant pas donné de précisions quant 14aux démarches qu’ils auraient concrètement entamées auprès de ces dernières pour bénéficier d’un accès à un autre hébergement, respectivement à des aides étatiques, ni dans quelle mesure ces démarches se seraient avérées infructueuses. Par ailleurs, il échet de relever que les difficultés pour trouver un logement invoquées par les demandeurs ne peuvent pas être considérées en elles-mêmes comme étant contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, dans la mesure où il n’existe dans aucun pays une obligation de l’Etat de garantir à l’un de ses résidents, et, par extension, à un bénéficiaire d’une protection internationale, l’accès à un logement. En effet, s’il ne peut être nié que l’accès à l’hébergement en Grèce peut s’avérer limité, force est toutefois de constater qu’outre le fait qu’il n’est pas contesté que les bénéficiaires d’une protection internationale sont dans une situation identique à celle des citoyens grecs, il ne peut être retenu, en l’espèce, pour les bénéficiaires d’une protection internationale, une absence totale et systématique d’accès à un hébergement.
Au vu des considérations qui précèdent, il doit dès lors être admis que les difficultés d’ordre matériel auxquelles les demandeurs déclarent avoir dû faire face en Grèce ne permettent pas de retenir qu’en cas de retour dans ce pays, ils seraient confrontés à une grande précarité ou à une forte dégradation de leurs conditions de vie impliquant un dénuement matériel extrême les plaçant dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant, étant, à cet égard, rappelé qu’une personne ne saurait choisir le pays dans lequel elle souhaite introduire une demande de protection internationale en fonction de la qualité des prestations sociales ou des aides financières dont elle pourra éventuellement bénéficier dans ce pays plutôt que dans un autre.
Enfin, en ce qui concerne les agressions subies par Monsieur …, il convient de relever que ce dernier, s’il a pu se sentir rejeté par les policiers auxquels il s’est adressé une première fois, ne justifie pas son inaction et le fait qu’il n’ait pas été déposer une plainte à l’encontre de ses agresseurs auprès d’autres policiers ou d’un autre commissariat. Il échet encore de préciser à ce propos que la protection fournie par les autorités d’un pays n’implique pas une sécurité physique absolue de ses habitants contre la commission de tout acte de violence, protection qui relève de l’utopie.
Il y a dès lors lieu de conclure que les demandeurs n’apportent pas la preuve que, dans leur cas précis, leurs droits, tels que prévus par les articles 3 de la CEDH, 1er et 4 de la Charte, ne seraient pas garantis en cas de retour en Grèce, ni que, de manière générale, les droits des bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Grèce aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques en usant des voies de droit adéquates, étant encore relevé que la Grèce est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève, ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.
L’ensemble des considérations qui précédent amènent, dès lors, le tribunal à rejeter le moyen tiré d’une violation des articles 1er et 4 de la Charte et 3 de la CEDH.
En ce qui concerne, finalement, le moyen fondé sur une violation par le ministre des dispositions des articles 3 du TUE et 191 du TFUE, le tribunal relève que la directive 2008/115/CE sur laquelle s’est basé le ministre pour requérir la réadmission des consorts …sur le territoire grec a été prise dans le respect des droits fondamentaux et qu’elle observe les 15principes reconnus, en particulier, par la Charte13. En outre, ladite directive, en tant que droit dérivé, est censée respecter le droit primaire se dégageant du TUE et du TFUE. Par ailleurs, les demandeurs ne démontrent pas que la décision litigieuse ne respecterait pas le principe de précaution invoqué par ces derniers pour ne pas être contraints à traverser l’Europe, - ces derniers ayant pourtant traversé l’Europe une première fois pour se rendre au Luxembourg après avoir passé plusieurs années en Grèce -, ainsi que le principe de coopération loyale, celui-
ci étant en outre consacré par la directive 2008/115/CE dans ses considérants n° 4 et 7. En effet, la référence vague et générale faite par les demandeurs à la pandémie liée à la COVID-19 est insuffisante à cet égard. Partant, le moyen des demandeurs tendant à la violation des articles 3 du TUE et 191 du TFUE est à écarter.
A défaut d’autres moyens, le recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision déclarant irrecevable la demande de protection internationale des consorts …, est à rejeter comme non fondé.
2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond contre un ordre de quitter le territoire décidé dans le présent contexte, seul un recours en annulation a pu valablement être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en annulation, ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Les demandeurs invoquent, à cet égard, une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », renvoyant à l’article 3 de la CEDH, dans la mesure où un retour en Grèce les exposerait à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’ordre de quitter le territoire devrait donc également encourir l’annulation pour violation de la loi.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet dudit recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015 « une décision du ministre vaut décision de retour, à l’exception des décisions prises en vertu de l’article 28, paragraphe (1) et (2), point d) (…) ». La décision de l’espèce étant prise sur le fondement de l’article 28 (2) a), de la loi du 18 décembre 2015, non visé parmi les exceptions de l’article 34 (2), précité, l’ordre de quitter est dès lors la conséquence automatique de la décision ministérielle d’irrecevabilité de la demande de protection internationale.
Etant donné que le tribunal vient de rejeter le recours tendant à l’annulation de la décision d’irrecevabilité, précitée, en retenant que les moyens tirés d’une violation par ladite décision des articles 3 de la CEDH, 1er et 4 de la Charte n’étaient pas fondés, lesdits moyens sont également à rejeter, en ce qu’ils sont invoqués à l’appui de l’ordre de quitter le territoire.
Dans la mesure où, par ailleurs, aucun autre moyen n’a été avancé dans ce contexte, le recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour être non fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est 13 Cf. considérant n° 24 de la directive 2008/115/CE.
16à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses deux volets.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 3 septembre 2020 ayant déclaré la demande de protection internationale des consorts …irrecevable aux termes de l’article 28 (2) a) de la loi du 18 décembre 2015 ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 3 septembre 2020 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Hélène Steichen, premier juge, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 16 novembre 2020 par le premier juge Hélène Steichen en présence du greffier Lejila Adrovic.
s. Lejila Adrovic s. Hélène Steichen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 novembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 17