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11/11/2020 | LUXEMBOURG | N°45183

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 novembre 2020, 45183


Tribunal administratif Numéro 45183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2020 3e chambre Audience publique du 11 novembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45183 du rôle et déposée le 5 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Katy DEMARCHE, avocat à la

Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, dé...

Tribunal administratif Numéro 45183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2020 3e chambre Audience publique du 11 novembre 2020 Recours formé par Monsieur …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45183 du rôle et déposée le 5 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Katy DEMARCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Inde) et être de nationalité indienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 octobre 2020 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 26 octobre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katy DEMARCHE et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Suite à son appréhension par la police grand-ducale le 9 septembre 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration constata, par arrêté du même jour, que le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois était irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 ».

Par arrêté séparé du même jour, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, mesure qui fut prorogée par arrêtés du 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 2011.

La mesure de placement en rétention fut levée en date du 20 décembre 2011.

En date du 3 mai 2012, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Le 8 mai 2014, Monsieur … introduisit une demande en obtention d’une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, demande qui fut refusée par décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile entretemps en charge du dossier, ci-après le « ministre », du 17 février et 7 août 2015.

Par décision du 12 juillet 2016, le ministre informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par un jugement du 10 mai 2017, inscrit sous le numéro 38335 du rôle, confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du 9 juin 2017, portant le numéro 39717C du rôle, Monsieur … fut débouté de son recours contentieux intenté contre la décision ministérielle du 12 juillet 2016.

Il ressort du dossier administratif que Monsieur … fut convoqué au ministère des Affaires étrangères, direction de l’immigration, pour le 18 décembre 2019 dans le cadre d’un retour volontaire.

Par arrêté du 18 décembre 2019, notifié en mains propres le même jour, le ministre assigna Monsieur … à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) pour une durée de trois mois, où celui-ci ne se présenta cependant pas.

Le 10 août 2020, Monsieur … fut appréhendé par la police grand-ducale.

En date du 21 août 2020, le ministre demanda au directeur général de la police grand-ducale de procéder au signalement national de Monsieur … aux fins de découvrir sa résidence et, en cas d’interception, d’en aviser le service de police judiciaire en vue d’un placement en rétention.

Il ressort d’un procès-verbal numéro … du 26 août 2020 établi par la police grand-ducale, région capitale, commissariat … que Monsieur … fut de nouveau appréhendé par la police grand-ducale.

Par arrêté du 26 août 2020, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008.

Par un arrêté du même jour, notifié à l’intéressé également le même jour, le ministre ordonna encore le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal N°… du 26 juin 2020 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat … ;

Vu ma décision de retour du 26 août 2020 ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 24 septembre 2020, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une première fois pour une durée d’un mois avec effet au 26 septembre 2020 l’arrêté de placement en rétention précité du 26 août 2020.

Par arrêté du 22 octobre 2020, notifié à l’intéressé le 26 octobre 2020, le ministre prorogea une deuxième fois le placement en rétention initial de Monsieur … pour une durée d’un mois avec effet au 26 octobre 2020. Ledit arrêté de prorogation est libellé comme suit :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 26 août 2020, notifié le même jour et 24 septembre 2020, notifié en date du 25 septembre 2020, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 26 août 2020 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 22 octobre 2020.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 22 octobre 2020. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre le même arrêté ministériel.

Le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur rappelle de prime abord les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tout en ajoutant qu’il aurait été marié avec une femme luxembourgeoise de 2013 à 2019 et qu’il aurait, pendant cette période, entamé des démarches en vue d’obtenir un titre de séjour au Luxembourg. Il indique également qu’il aurait récemment trouvé une famille en Belgique disposée de le prendre en charge en vue de la régularisation « de ses papiers avec une promesse d’embauche et une demande de titre de séjour ».

En droit, le demandeur invoque d’abord une absence de motivation voire une motivation stéréotypée sinon une motivation insuffisante de la décision déférée en ce que le ministre se contenterait de se référer à la loi applicable sans autres précisions.

Il conteste ensuite tout risque de fuite dans son chef, alors qu’il aurait indiqué « les informations utiles et nécessaires […] avec la prise en charge en bonne et due forme ».

Monsieur … conteste ensuite les démarches effectuées par le ministre en soulignant qu’il ne serait toujours pas informé d’un retour en Inde.

Par ailleurs, il fait valoir qu’un retour en Inde ne serait en tout état de cause pas envisageable au regard de la situation sanitaire actuelle.

Finalement, il estime que la décision ministérielle serait disproportionnée et qu’une « autre mesure aurait dû être recherchée ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

Quant au moyen de légalité externe tenant à un défaut de motivation de la décision déférée, force est de relever qu’il n’existe aucun texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée. Le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Par ailleurs, et de manière générale, la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse1.

Ainsi, un acte n’est susceptible d’encourir l’annulation qu’au cas où la motivation le sous-tendant ne ressort d’aucun élément soumis au tribunal au moment de la prise en délibéré de l’affaire, étant donné qu’une telle circonstance rend tout contrôle de la légalité des motifs impossible.

1 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90 et les autres références y citées.

En tout état de cause, et pour autant que de besoin, il échet de constater qu’en l’espèce, il appert à la lecture de la motivation de la décision déférée, reprise in extenso ci-avant, qu’elle énonce avec une précision suffisante et par référence aux textes légaux applicables, à savoir les articles 111, et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention, les motifs à sa base, en l’occurrence que les motifs à la base de la mesure de placement initiale du 26 août 2020 - à savoir qu’une décision de retour a été prise à l’égard du demandeur en date du 26 août 2020, qu’il existe un risque de fuite dans le chef du demandeur, alors qu’il ne dispose pas d’adresse au Grand-Duché de Luxembourg, que par conséquent des mesures moins coercitives ne sauraient être efficacement appliquées, que les démarches en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur seraient engagées dans les plus brefs délais et que l’exécution de la mesure d’éloignement serait subordonnée au résultat de ces démarches - subsisteraient dans le chef de Monsieur …, que les démarches en vue de son éloignement ont été engagées, que ces démarches n’ont pas encore abouti, et que toutes les diligences en vue de son éloignement auraient été entreprises auprès des autorités compétentes, cette motivation ayant encore été précisée par le délégué du gouvernement en cours d’instance contentieuse, de sorte que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation est également à rejeter sous cet angle.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, il échet d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En ce qui concerne les contestations du demandeur de tout risque de fuite dans son chef, force est d’abord de relever, qu’il a fait l’objet d’une décision de retour sans délai et une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans le 26 août 2020, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg et qu’il ne dispose, par ailleurs, pas de documents d’identité et de voyage en cours de validité. En vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il ne peut pas justifier la possession de documents d’identité ou de voyage valables, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

En ce qui concerne l’application de mesures moins coercitives, l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] […].

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Concernant plus particulièrement l’assignation à résidence, telle que prévue au paragraphe (1), point b), de la disposition légale précitée, force est au tribunal de constater que le demandeur a déjà fait l’objet d’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) en date du 18 décembre 2018, mais ne s’est jamais présenté à ladite structure pour avoir pris la fuite. Concernant l’attestation du 9 octobre 2020 versée en cause et établie par Monsieur …, suivant laquelle ce dernier serait disposé pour 2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées.

héberger le demandeur à son domicile à … en Belgique, force est au tribunal de constater, à l’instar de la partie étatique, que Monsieur … réside à l’étranger et que la compétence ministérielle d’assigner un étranger à résidence en application de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 se limite au seul territoire luxembourgeois. Par ailleurs, la volonté du demandeur de s’installer en Belgique n’est pas de nature à renverser la présomption du risque de fuite dans le chef du demandeur, mais la renforce d’avantage, dans la mesure où il ne serait ainsi plus à la disposition des autorités luxembourgeoises et risquerait ainsi de se soustraire à sa mesure d’éloignement.

Faute d’autres éléments, le demandeur est ainsi resté en défaut de justifier de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose. Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.

Dès lors, le moyen ayant trait à l’application d’une mesure moins coercitive que le placement en rétention à l’égard de Monsieur … est à rejeter pour être non fondé.

S’agissant ensuite des diligences concrètement entreprises par le ministre en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que dès le lendemain de son placement en rétention, à savoir le 27 août 2020, les services ministériels se sont adressés à l’agent compétent du Centre de rétention afin de savoir si Monsieur … était en possession des documents d’identité valables, demande qu’ils ont dû renouveler en date du 3 septembre 2020 en raison de la mise en quarantaine du demandeur. Le même jour, l’agent compétent du Centre de rétention a informé les services ministériels que Monsieur … n’était pas en possession de documents d’identité. En date du 9 septembre 2020, les services ministériels ont fait parvenir un document intitulé « National verification format » à l’agent au Centre de rétention pour le faire remplir par Monsieur … afin de pouvoir entamer sa procédure d’indentification auprès des autorités consulaires indiennes. Le même jour, les autorités ministérielles ont été informés du refus du demandeur de remplir le formulaire en question. En date du 10 septembre 2020, le ministre s’est adressé à l’ambassade de l’Inde, située à Bruxelles, en vue de procéder à l’identification de Monsieur …, demande qui a été réitérée en date du 2 octobre 2020. En date du 6 octobre 2020, l’autorité consulaire indienne a informé le ministre de la possibilité de mener un entretien d’identification avec Monsieur … dans les locaux de l’ambassade. Par courrier de réponse du même jour, le ministre a proposé de mener une entrevue via vidéoconférence dans les locaux de la représentation permanente du Luxembourg auprès de l’Union européenne à Bruxelles. En date du 9 novembre 2020, le ministre a réitéré sa demande de mener une entrevue via vidéoconférence dans les locaux de la représentation permanente du Luxembourg auprès de l’Union européenne à Bruxelles en raison de l’évolution de la situation sanitaire.

Au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités indiennes et le manque de coopération du demandeur, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes et que les contestations y relatives sont à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Quant à l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien en raison de la crise sanitaire actuelle, force est tout d’abord de constater que l’éloignement de Monsieur … requiert au stade actuel son identification formelle par les autorités indiennes, de sorte que le fait que son éloignement n’a pas encore abouti, n’est, à l’heure actuelle, point dû à la crise sanitaire internationale, mais au fait que son identification afin de permettre son éloignement est toujours en cours.

Le tribunal relève ensuite que s’il est vrai qu’en raison de la situation sanitaire actuelle, bon nombre de vols internationaux sont temporairement suspendus, cela ne signifie pas qu’il faille en dégager la preuve de ce qu’aucune perspective d’éloignement d’un étranger en séjour irrégulier n’existe plus. Ces suspensions, à vérifier au cas par cas, sont éminemment temporaires et ont vocation à être levées, au regard des informations actuellement disponibles, à moyen terme3.

En l’espèce, il est certes vrai que l’exécution de l’éloignement du demandeur dépend a priori de l’existence d’un vol vers son pays d’origine, qui serait a priori l’Inde, et qu’il est constant en cause que les liaisons aériennes à destination de l’Inde pourraient être temporairement suspendues. Cependant, étant donné que la mesure de placement en rétention litigieuse pourra encore être prorogée jusqu’au 26 février 2021, en vertu des dispositions de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008, le tribunal retient qu’au vu des éléments soumis à son appréciation, il n’est pas établi qu’il n’existerait à l’heure actuelle pas de chances sérieuses de croire que l’exécution de l’éloignement du demandeur ne pourrait avoir lieu dans un délai raisonnable et en tout cas avant l’expiration de la durée maximale de la mesure de rétention. Ainsi, le tribunal est amené à conclure qu’à ce stade et en l’état actuel du dossier, ladite mesure reste proportionnée.

Au vu des considérations qui précèdent, le moyen sous analyse, tiré de l’absence de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, encourt le rejet.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 novembre 2020 par :

3 Cour adm., 16 avril 2020, nos 44348C, 44352C et 44357C du rôle, disponibles sur www.jad.etat.lu.

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 novembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 45183
Date de la décision : 11/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-11-11;45183 ?

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