Tribunal administratif Numéro 43153 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2019 3e chambre Audience publique du 28 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 43153 du rôle et déposée le 20 juin 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Catherine HORNUNG, avocat à la Cour, assistée de Maître Arnaud FREULET, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition … en date du 22 octobre 2018, ainsi que de la décision du 28 mars 2019 prise par le directeur de l’administration des Contributions directes portant rejet de la réclamation introduite à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2019 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 novembre 2019 par Maître Arnault FREULET au nom et pour le compte de Monsieur … ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour, déposée le 28 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud FLEURET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Arnaud FREULET et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2020.
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Par convention portant cession d’actions conclue en date du 5 octobre 2017 entre la société anonyme … SA, ci-après désignée par « la société … SA », et la société à responsabilité limitée …, société de droit français, cette dernière se vit céder la pleine propriété des 310 actions composant le capital de la société anonyme … SA, ci-après désignée par « la société … SA ».
Le même jour, une « convention de garantie accessoire à une convention de cession d’actions » fut conclue entre Monsieur …, administrateur unique de la société … SA et la société de droit français …, représentée par Monsieur …, lui-même représenté par Monsieur …, laquelle dispose en son article 1.3.8. que « La Société [… SA] a toujours régulièrement, et dans les 1délais requis par la réglementation, rempli ses obligations concernant toutes ses déclarations fiscales et sociales. Toutes ces déclarations sont exactes et complètes et ont toujours été établies conformément aux réglementations en vigueur tant en ce qui concerne la détermination de l’assiette des impôts et cotisations sociales que les taux applicables. A la date des présentes, tous les impôts et les cotisations sociales ou de retraites exigibles à la connaissance du garant ou dus par la Société ont été intégralement payés ou les provisions adéquates constituées.
Aucune notification de redressement et/ou aucune autre notification portant sur le paiement de tous impôts ou cotisations sociales faisant suite à tout contrôle ou vérification des administrations compétentes n’est actuellement pendante ou sur le point d’être signifiée auprès de la Société, laquelle n’a reçu aucun avis concernant un contrôle ou une vérification à venir ou en cours ».
Lors d’une assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 2017, la société de droit français …, actionnaire unique de la société … SA, décida de changer la dénomination sociale de ladite société en « … SA ».
Par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, du …, la société anonyme … SA, ci-après dénommée la « société … SA » fut déclarée en faillite sur aveu.
Le 5 septembre 2018, et suite à un contrôle des livres de salaires, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit, par voie de taxation d’office, à l’égard de la société … SA un bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue pour les années 2014, 2015, 2017 et 2018.
En date du 22 octobre 2018, le bureau d’imposition émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Monsieur … en sa qualité d’administrateur de la société … SA, ledit bulletin déclarant Monsieur … codébiteur solidaire d’un montant de …,- euros, en principal et intérêts au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui aurait dû être retenu et continué à l’administration des Contributions directes par la société … SA pour les années d’imposition 2014 et 2015 et les années d’imposition 2017 et 2018.
Par un courrier recommandé du 21 décembre 2018, réceptionné le 24 décembre 2018, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, une réclamation à l’encontre dudit bulletin d’appel en garantie du 22 octobre 2018 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur ».
Par une décision du 28 mars 2019, référencée sous le numéro … du rôle, notifiée à Monsieur … par courrier recommandé du 29 mars 2019, le directeur rejeta ladite réclamation lui adressée le 24 décembre 2018 dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite le 24 décembre 2018 par Me Arnaud Freulet, au nom du sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d’imposition … en date du 22 octobre 2018 ;
Vu le dossier fiscal ;
2 Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2014, 2015, 2017 et 2018 au motif qu’il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme …, en état de faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les salaires, et dont la société était et est toujours redevable ;
Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d’une personne morale est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ;
qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l’inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ;
Considérant qu’il s’avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu’en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre l’autre, quod non en l’espèce, étant donné que deux autres bulletins d’appel en garantie ont été émis à l’encontre des sieurs … et … ;
Considérant, matériellement, qu’en vertu de l’article 136, alinéa 4 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers (§ 103 AO) ; que le responsabilité de l’administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu’il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l’empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l’imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en 3vertu du § 2 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm.
5 Abs. 3) ; que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu’il n’accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d’avant son entrée en fonction, à l’aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l’emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu’elle s’est présentée durant les années antérieures ;
Considérant dans ce contexte, et notamment d’après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant encore qu’en ce qui concerne la notion de l’inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n’est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n’ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n’ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d’imposition à procéder par la voie de la taxation d’office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d’avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d’imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l’appelant, étant donné qu’en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu’il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d’impôt et que l’omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.
Or, le fait pour l’appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d’impôt soient déposées en temps utile auprès de l’administration des Contributions directes, est à qualifier d’inexécution fautive des obligations du représentant d’une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l’égard des créances d’impôt visées dans le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par 4l’argumentation de l’appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu’il est resté trop longtemps inactif et qu’il semblerait, d’après les éléments du dossier, qu’il n’est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d’une société à l’obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l’obligation des représentants d’une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d’imposition est aux antipodes de l’attitude que l’on peut attendre d’une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d’administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d’imposition et qu’il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C);
Considérant que les retenues d’impôt sur traitements et salaires impayées s’avèrent originaires d’un contrôle des livres de salaires effectué par le bureau d’imposition … en date du 5 septembre 2018 qui, en fin de compte, a permis de s’apercevoir que l’impôt retenu sur les traitements et salaires des années 2014, 2015, 2017 et 2018 fut insuffisant ; que le dit contrôle, matérialisé en date du 5 septembre 2018 sous forme d’un bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires, n’a cependant jamais fait l’objet d’une quelconque réclamation ; qu’il y a par ailleurs lieu de rappeler en mémoire que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ; qu’il découle de ce qui précède que c’est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des arriérés de la société au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2014, 2015, 2017 et 2018, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».
5Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2019, inscrite sous le numéro 43153 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation du bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition en date du 22 octobre 2018, ainsi que de la décision directoriale précitée du 28 mars 2019.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition en date du 22 octobre 2018.
Le demandeur n’a pas pris positon quant au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé.
En vertu des dispositions de l’article 8, paragraphe (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.
Par contre, lorsque le directeur a statué sur la réclamation par une décision définitive, le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre le bulletin1.
Dans la mesure où, en l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation du demandeur par une décision du 28 mars 2019, il y a lieu de conclure à l’irrecevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin d’appel en garantie du 22 octobre 2018.
Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 28 mars 2019, force est de rappeler que conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Or, conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, Monsieur …, et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de la décision directoriale litigieuse, soutient que le directeur resterait en défaut de justifier la régularité des montants réclamés, tant en ce qui concerne leur principe, qu’en ce qui concerne leur quantum.
A cet égard, le demandeur fait valoir que l’administration fiscale ne verserait non seulement aucun bulletin d’imposition « de base », mais resterait également en défaut de produire un quelconque bulletin complémentaire de retenue d’impôt sur les traitements et salaires conformément au paragraphe 222 AO, de sorte qu’un tel bulletin complémentaire serait 1 Trib. adm., 6 janvier 1999, n° 10357 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1128 et les autres références y citées.
6réputé inexistant. Par ailleurs, la partie étatique ne justifierait pas d’une déclaration de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société … SA.
Dans un deuxième temps, Monsieur … fait plaider qu’à défaut de manquement fautif dans son chef et compte tenu du caractère personnel du régime de responsabilité tel qu’il serait défini aux paragraphes 103 et 109 AO, il ne saurait être déclaré solidairement responsable pour l’ensemble des années visées dans la décision directoriale litigieuse.
A cet égard, et après avoir expliqué que la société de droit français … se serait vue céder la pleine propriété de toutes les parts de la société … SA par convention de cession d’actions conclue entre ladite société de droit français et la société anonyme … SA en date du 5 octobre 2017, le demandeur fait plaider qu’au vu de la convention de garantie accessoire qui aurait été conclue le même jour entre le représentant de la société anonyme dénommée … SA et la société de droit français …, il n’aurait eu aucune raison de penser que les déclarations fiscales établies et déposées par la société anonyme … SA auraient pu être inexactes ou incomplètes. Il ajoute qu’à la date de reprise de la société … SA, les comptes sociaux de celle-ci n’auraient laissé apparaître aucune dette fiscale qui aurait pu laisser conclure au non-paiement des retenues de l’impôt sur les traitements et salaires, le demandeur précisant que cette dette fiscale n’aurait été constatée que suite au contrôle des livres et salaires effectué le 5 septembre 2018 par le bureau d’imposition. Il est dès lors d’avis qu’avant son entrée en fonctions d’administrateur de la société … SA en date du 13 décembre 2017, il n’était pas en mesure d’avoir connaissance de l’existence d’une quelconque dette envers l’administration fiscale. Ainsi, et en se référant à un arrêt de la Cour administrative du 4 avril 2017, n°38119C du rôle, le demandeur fait plaider qu’il ne saurait être déclaré responsable solidaire dans le cadre du bulletin d’appel en garantie litigieux pour la période antérieure au 13 décembre 2017.
Il insiste ensuite sur le fait que le bulletin d’impôt complémentaire n’aurait été émis qu’en date du 5 septembre 2018, date à laquelle il n’aurait plus été administrateur de la société … SA et il fait valoir qu’avant cette date, la dette fiscale qui résulterait des rectifications opérées dans le cadre du contrôle des livres de salaires n’aurait pas été homologuée et n’aurait pas eu d’existence juridique, de sorte qu’il ne saurait lui être fait grief de ne pas l’avoir payée. En rappelant qu’au moment de la cession de la société … SA à la société de droit français …, il aurait demandé au cédant de lui garantir que la société en question n’aurait pas eu de dettes fiscales, le demandeur estime qu’il ne saurait être déclaré responsable en ce qui concerne le non-paiement des retenues sur traitements et salaires des années 2014, 2015 et 2017.
Il fait encore plaider qu’à partir du …, date de la déclaration en faillite de la société … SA, seul le curateur aurait été en mesure de se conformer aux obligations fiscales en procédant aux paiements des rappels des retenues d’impôt sur traitements et salaires.
Monsieur … fait ensuite valoir que durant la période où il aurait occupé la fonction d’administrateur de la société … SA, les déclarations de la retenue d’impôts sur salaires auraient toujours été effectuées et les montants redûs à ce titre auraient été continués à l’administration des Contributions directes. En précisant que la société … SA aurait versé …,-euros à titre de retenues d’impôts sur salaires durant la période de novembre 2017 à juillet 2018, le demandeur souligne ne jamais avoir cherché à se soustraire à ses obligations fiscales.
En se prévalant du paragraphe 109 AO, ainsi que de diverses jurisprudences des juridictions administratives en ce qui concerne la notion de « Schuldhafte Verletzung », le demandeur conteste encore toute inexécution fautive dans son chef. A cet égard, il insiste d’une 7part, sur le fait qu’il se serait assuré, à travers la prédite convention de garantie du 5 octobre 2017, que la société … SA n’aurait eu aucune dette fiscale au moment de la cession d’actions entre la société … SA et la société …, et, d’autre part, sur le fait qu’il aurait rempli toutes les obligations fiscales lui incombant durant la période où il aurait occupé les fonctions d’administrateur, le demandeur exclu toute inexécution fautive dans son chef. Il ajoute qu’aucune faute ne saurait lui être reprochée en ce qui concerne le non-paiement des retenues d’impôts échues après le jugement déclaratif de faillite de la société … SA, alors qu’à partir de cette date, il n’aurait plus disposé des pouvoirs nécessaires pour continuer les retenues d’impôts à l’administration fiscale et il conclut à la réformation de la décision directoriale litigieuse.
Dans son mémoire en réponse, et quant à l’affirmation du demandeur qu’aucun bulletin de retenue d’impôt sur traitements et salaires n’aurait été émis, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il serait de jurisprudence que la déclaration de retenues d’impôt à l’administration des contributions directes devrait être considérée comme constitutive d’un bulletin d’impôt non écrit. Ainsi il y aurait lieu d’admettre que lors de chaque déclaration de retenues d’impôts sur traitements et salaires effectuées durant les années 2017 et 2018 par la société … SA, déclarations qui n’auraient pas été contestées, le bureau d’imposition compétent aurait émis un bulletin d’impôt non écrit ayant fixé le montant des retenues déclarées comme montant des retenues d’impôt sur traitements et salaires à prélever par ladite société sur les rémunérations allouées à ses salariés. Dans la mesure où le demandeur n’aurait introduit aucun recours contre lesdits bulletins d’impôts endéans le délai de trois mois de l’émission desdits bulletins de retenues d’impôts sur traitements et salaires, il serait actuellement forclos à contester tant le principe que le quantum du montant réclamé pour les années 2017 et 2018.
En ajoutant qu’un bulletin d’impôt complémentaire aurait été émis le 5 septembre 2018 en ce qui concerne les années fiscales de 2014 et 2015 et en soulignant que la déclaration de créance de l’administration des Contributions directes se trouverait dans le dossier fiscal, la partie étatique estime que le demandeur serait malvenu de contester le principe et le quantum de la créance fiscale litigieuse.
Le délégué du gouvernement réfute encore l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne pourrait être tenu responsable pour les retenues échues avant son entrée en fonctions d’administrateur, alors qu’il serait de jurisprudence que non seulement l’ancien représentant d’une société pourrait être appelé en garantie en raison des manquements survenus lors de la période pendant laquelle il assumait ses fonctions, mais également le nouveau représentant, lequel ne pourrait ignorer les manquements survenus antérieurement à son entrée en fonctions et aurait l’obligation d’y remédier.
Dans la mesure où le demandeur aurait été le représentant légal de la société … SA à partir de décembre 2017, il aurait été responsable des retenues sur salaires ainsi que de leur continuation, le délégué du gouvernement contestant encore que le demandeur aurait rempli toutes ses obligations fiscales durant la période où il aurait rempli les fonctions d’administrateur.
Finalement, la partie étatique fait valoir que la cession de parts entre la société … SA et la société de droit français …, ainsi que la convention de garantie y relative ne seraient pas opposables à l’administration des Contributions directes et il conclut au rejet du recours sous analyse.
8Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait plaider que les pièces figurant au dossier fiscal ne permettraient toujours pas de vérifier la régularité de la créance dont se prévaut l’administration fiscale, le demandeur soutenant que lesdites pièces, qui concerneraient, d’après lui, une année d’imposition non litigieuse en l’espèce, ne justifieraient ni de l’assiette d’imposition, ni des modalités de calcul des créances du Trésor. En outre, le rapport de l’administration des Contributions directes du 30 août 2018 ferait état dans ses observations d’une absence de livres, comptes de salaires et frais généraux, éléments qui seraient pourtant indispensables au calcul et à la liquidation de l’impôt.
Il fait ensuite état d’une incohérence au niveau du quantum de la créance, le demandeur affirmant que l’état des soldes dus pour l’impôt sur les salaires pour les années 2014, 2015, 2017 et 2018 ne correspondrait pas au solde renseigné dans les feuilles d’établissement d’impôt sur salaires. Cette incohérence serait contraire au principe de la sécurité juridique et il ne saurait être admis que la base de liquidation des créances ne serait pas justifiée. Le demandeur ajoute qu’il serait fort probable que d’autres incohérences existeraient en l’espèce.
Il insiste ensuite sur le fait qu’il ne saurait être appelé en garantie pour la période avant son entrée en fonctions ni pour la période postérieure à son entrée en fonctions. Il affirme par ailleurs que durant le temps où il aurait été représentant de la société litigieuse, toutes les déclarations de retenue d’impôts auraient été faites et les retenues en question auraient, par ailleurs, été versées au Trésor, le demandeur soutenant encore que le paiement de salaire effectué avec une retenue d’impôt insuffisante ne serait qu’une simple erreur constitutive d’un manquement qui ne saurait engager sa responsabilité pour ne pas constituer de faute dans son chef.
Finalement il insiste sur la convention de garantie qui aurait été conclue en même temps que la convention de cession d’actions, pour affirmer qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir eu connaissance des retenues non continuées au Trésor avant son entrée en fonctions.
Il conclut ainsi à la réformation de la décision directoriale litigieuse.
Force est de constater qu’à travers son recours sous analyse, le demandeur met d’abord en cause l’existence-même de la créance dont se prévaut l’administration des Contributions directes en soutenant en substance que cette dernière n’aurait produit aucun bulletin d’impôt susceptible de justifier ladite créance, pour ensuite contester sa responsabilité personnelle pour les années précédant et succédant son entrée en fonctions d’administrateur de la société … SA, ainsi que l’existence de toute inexécution fautive dans son chef.
Il convient de prime abord de souligner qu’un bulletin d’appel en garantie fixe une dette d’impôt à l’égard non pas du contribuable, débiteur principal, mais d’une tierce personne tenue, en vertu de la loi fiscale, avec le contribuable ou à sa place, au paiement de l’impôt2. Il s’ensuit que l’établissement d’un bulletin d’appel en garantie présuppose comme condition sine qua non une dette fiscale dans le chef du débiteur principal3.
A cet égard, et en ce qui concerne l’affirmation du demandeur qu’il n’existerait aucun bulletin d’impôt en l’espèce, susceptible de justifier la créance fiscale litigieuse, il convient de souligner qu’en l’espèce, les impôts en souffrance n’ont pas été fixés par voie d’assiette à 2 Alain Steichen, Manuel de Droit Fiscal, Editions Saint Paul, 2006, Tome 1, p.612 3 Trib. adm., 1er février 2018, n° 38832 du rôle, disponible sous www.ja.etat.lu 9travers des bulletins d’impôt formels, mais qu’il s’agit de retenues d’impôt sur traitements et salaires que l’employeur est tenu de par la loi de retenir lors de chaque allocation des rémunérations au personnel et de verser au Trésor public sans l’accomplissement d’une procédure préalable par l’administration compétente.
En effet, les retenues d’impôt à opérer au titre de l’impôt sur le revenu ne rentrent pas dans le champ d’application du paragraphe 210b AO disposant « Für die Steueren vom Einkommen, vom Ertrag, vom Vermögen und vom Umstaz wird der Steuerbescheid schriftlich erteilt », étant donné qu’elles ne font pas l’objet d’une procédure d’imposition préalable mais directement d’un prélèvement et d’un paiement au Trésor public par le débiteur du revenu soumis à retenue, l’administration compétente pouvant se limiter à recevoir les déclarations et les paiements sous réserve d’un contrôle ultérieur selon les prévisions de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », et de ses règlements d’exécution. Or, il convient de souligner que le fait pour l’administration d’accepter le paiement d’un montant déterminé du chef de retenue d’impôts sur revenus de capitaux prélevée sur les revenus distribués et la déclaration afférente de la part du débiteur de revenus de capitaux doit être considéré comme constitutif d’un bulletin d’impôt non écrit pris à l’égard du débiteur des revenus de capitaux lui imposant l’obligation de prélever des revenus distribués le montant retenu et de verser ce dernier au Trésor4. Ce même principe doit s’appliquer pour toutes les autres retenues à la source en matière d’impôt sur le revenu et plus particulièrement en matière de retenues d’impôt sur les traitements et salaires5.
Il s’ensuit que lors de chaque déclaration et paiement de retenues d’impôt sur traitements et salaires de la société … SA, le bureau d’imposition compétent était censé avoir émis un bulletin d’impôt non écrit ayant fixé le montant des retenues déclarées, de sorte que les affirmations du demandeur en ce qui concerne l’inexistence de bulletins d’imposition « de base » sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Il convient en outre de souligner que contrairement aux affirmations du demandeur, le dossier fiscal tel que soumis au tribunal contient non seulement le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue émis le 5 septembre 2018, mais également la déclaration de créance déposée par l’administration fiscale dans le cadre de la faillite de la société … SA.
Au vu de ces considérations, le demandeur est dès lors malvenu de contester l’existence-même de la créance fiscale litigieuse, le bien-fondé de celle-ci étant examiné ci-après.
A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article 136 (4) LIR l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln, die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und 4 Tipke-Kruse : Reichsabgabenordnung, 1ère éd. 1961, ad § 212 A 2 ; Jean Olinger : La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes Fiscales nos 81/82/83/84/85, n° 117, p. 73 5 Cour adm., 27 juillet 2016, n° 37634C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 892 et les autres références y citées.
10Sicherungsgelder, die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln, die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Dès lors, le représentant d’une société anonyme est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui.
En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause et plus particulièrement d’un dépôt au registre de commerce et des sociétés du 27 décembre 2017 portant la référence … que par décision du 13 décembre 2017, l’administrateur unique de la société … SA a nommé Monsieur … au poste d’administrateur de ladite société. Il ressort en outre de ce même dépôt au registre de commerce et des sociétés que la société en question se trouvait, d’après ses statuts, engagée soit par la signature individuelle de l’administrateur unique, soit par la signature conjointe des deux administrateurs dont obligatoirement celle du délégué à la gestion journalière, soit par la signature individuelle du délégué à la gestion journalière dans la limite de ses pouvoirs, ou encore par la signature individuelle ou conjointe d’un ou plusieurs mandataires dûment autorités par le conseil d’administration.
Il s’ensuit que Monsieur … doit être considéré comme ayant effectivement et actuellement été en charge de la gestion journalière de la société … SA.
Or, en tant que personne de jure en charge de la gestion journalière de ladite société, Monsieur … était personnellement tenu de veiller à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société … SA.
Il n’en demeure cependant pas moins, comme retenu à juste titre par le demandeur, que le dirigeant d’une société ne peut être tenu personnellement responsable du non-paiement de ces impôts que dans les conditions plus particulièrement prévues au paragraphe 109 AO qui dispose, comme retenu ci-avant, dans son alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütungen zu unrecht gewährt worden sind ».
Il se dégage de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.
Le paragraphe 7, alinéa (3) de la loi modifiée d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après désignée par « StAnpG », disposant par ailleurs que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation 11du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.
En cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG qui dispose que ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix6.
Conformément au paragraphe 2 StAnpG disposant dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles, en raison et en équité, de fonder sa décision.
En l’espèce le demandeur conclut à une absence de faute et de responsabilité dans son chef en affirmant d’un côté qu’il ne saurait être tenu responsable du non-paiement des retenues d’impôt sur traitements et salaires avant son entrée en fonctions en tant qu’administrateur, ni pour la période où il n’occupait plus ces mêmes fonctions, et, de l’autre côté, que durant son mandant d’administrateur de la société en question, il aurait rempli toutes les obligations fiscales lui incombant.
S’agissant des affirmations du demandeur qu’il ne saurait être tenu responsable pour la période précédant son entrée en fonctions d’administrateur, de la société … SA et qu’aucune faute ne pourrait lui être reprochée pour cette même période, il convient de retenir, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, que ce n’est pas seulement l’ancien représentant qui peut se voir opposer après la cessation de ses fonctions des manquements aux obligations fiscales du représenté survenus au cours de la période pendant laquelle il assumait les fonctions de représentant, mais également le nouveau représentant, étant donné que celui-ci ne peut ignorer les manquements qui sont survenus antérieurement à son entrée en fonction. La circonstance qu’une obligation aurait dû être exécutée avant son entrée en fonction ne le libère pas et il doit remédier au manquement dès qu’il en a connaissance. Ainsi, le nouveau représentant n’est pas dispensé de veiller au dépôt des déclarations même si le délai a expiré avant sa prise de fonctions ou de verser au receveur la retenue d’impôt sur les salaires qui aurait dû être payée avant son entrée en fonction7.
En l’espèce, le demandeur entend s’exonérer de toute responsabilité éventuelle en ce qui concerne la période précédant son entrée en fonctions, en se prévalant de la conclusion de la convention de garantie accessoire à la convention de cession d’actions entre la société … SA et la société de droit français …, convention de laquelle il résulterait que la société … SA avait 6 Trib. adm., 14 juin 2010 n° 26277, confirmé par arrêt du 6 janvier 2011, n° 27126C, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 497, et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 21 décembre 2016 n° 37104 du rôle, Pas. adm 2020, V° Impôts, n° 518, et l’autre référence y citée.
12« toujours régulièrement, et dans les délais requis par la réglementation, rempli ses obligations concernant toutes ses déclarations fiscales et sociales » et qu’à la date de la signature de ladite convention de garantie, « tous les impôts et les cotisations sociales ou de retraites exigibles à la connaissance du garant ou dus par la Société […] ont été intégralement payés ou les provisions adéquates constituées. ».
Force est toutefois de relever qu’une telle convention de garantie n’est pas de nature à faire échec à l’engagement de la responsabilité de Monsieur … pour ne pas être opposable, en tant qu’acte privé, à l’autorité fiscale, de sorte que celui-ci ne saurait s’en prévaloir pour exclure toute responsabilité et inexécution fautive dans son chef à l’égard du fisc.
Il convient néanmoins également de relever, comme retenu ci-avant, que dans le bulletin d’appel en garantie litigieux, la responsabilité du demandeur a été engagée pour les années 2014, 2015, 2017 et 2018. En ce qui concerne plus particulièrement les années 2014 et 2015, le bulletin d’appel en garantie reprend les montants figurant dans le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue prémentionné du 5 septembre 2018 à titre de « nicht angemeldete Lohnsteuer ».
Or, conformément aux principes dégagés ci-avant, c’est le fait pour l’administration fiscale d’accepter le paiement d’un montant déterminé du chef de retenue d’impôts sur traitements et salaires, respectivement la déclaration afférente de la part du débiteur desdites retenues qui doit être considéré comme constitutif d’un bulletin d’impôt non écrit pris à l’égard du même débiteur lui imposant l’obligation de prélever des traitements et salaires le montant retenu et de verser ce dernier au Trésor.
Ainsi, et faute pour le responsable sortant de la société … SA, anciennement … SA, d’avoir déclaré l’ensemble des retenues d’impôts sur les traitements et salaires pour les années 2014 et 2015, aucun bulletin d’impôt non écrit et ayant fixé les montants actuellement réclamés n’a pu être émis à ce titre avant l’entrée en fonctions de Monsieur …. En effet, à la date de l’entrée en fonctions de Monsieur …, l’existence de la dette d’impôt litigieuse relative aux années 2014 et 2015 n’avait pas encore été constatée, cette même dette n’ayant, comme retenu ci-avant, été établie qu’à travers l’émission du bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue prémentionné du 5 septembre 2018, soit à un moment où la société … SA était déjà en faillite et Monsieur … déchargé de l’administration de cette dernière. Il ne saurait dès lors être reproché au demandeur de ne pas s’être assuré du paiement de cette même dette à une date où elle n’avait pas encore été constatée, de sorte qu’aucune inexécution fautive ne saurait lui être reprochée en ce qui concerne les années fiscales 2014 et 2015.
Au vu de ce qui précède, le demandeur ne saurait être déclaré responsable des défauts de perception de l’impôt légalement dû par la société anonyme … SA sur les traitements et salaires de son personnel pour les années fiscales 2014 et 2015, tel que repris dans bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue du 5 septembre 2018.
En ce qui concerne toutefois les sommes redues pour 2017, et pour autant que celle-ci concernent la période précédant l’entrée en fonctions de Monsieur …, c’est à juste titre que le demandeur a été constitué codébiteur solidaire pour la période précédant son entrée en fonctions, dans la mesure où il ne saurait, tel que retenu ci-avant, se retrancher derrière un acte purement privé pour s’exonérer de toute responsabilité pour cette même période, mais qu’il 13aurait dû faire preuve de diligence et veiller au dépôt des déclarations des retenues d’impôt sur traitements et salaires même si le délai a expiré avant sa prise de fonctions et verser au receveur la retenue d’impôt sur les salaires qui aurait dû être payée avant cette date.
En ce qui concerne ensuite la période pendant laquelle le demandeur a occupé les fonctions d’administrateur de la société … SA, force est de constater que celui-ci était responsable de veiller à la retenue des impôts sur salaires et traitements. En effet, en tant que représentant de ladite société, agissant en lieu et place de celle-ci, le demandeur aurait dû veiller à l’exécution des obligations fiscales de celle qu’il représente, une de ces obligations consistant à opérer, déclarer et verser les retenues d’impôt et, de manière générale, à payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable.
Si le demandeur affirme certes avoir continué toutes retenues d’impôt sur traitements et salaires pendant la période où il était représentant de la société en question, cette affirmation est cependant contredite par les pièces figurant au dossier fiscal et plus particulièrement par la « liste de mouvement de l’impôt sur les salaires » de laquelle il résulte que les montants redûs n’ont que partiellement été continués au Trésor mais non en leur intégralité.
Par ailleurs et si, dans son mémoire en réplique, le demandeur entend minimiser cette omission de sa part en affirmant qu’il s’agirait d’une simple erreur constitutive d’un manquement qui ne pourrait engager sa responsabilité, il convient toutefois de rappeler que la faute n’implique pas de la part du responsable un agissement actif. La responsabilité de l’administrateur peut être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie8, étant encore rappelé que le comportement du demandeur est d’autant plus fautif qu’il s’agit en l’occurrence de retenues sur salaires, partant d’un impôt que l’employeur doit payer pour compte des salariés. En effet, dès lors que le débiteur du revenu a opéré la retenue sans la continuer au fisc et a de ce fait nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins, son comportement est en règle générale à considérer comme fautif puisque celui qui opère des retenues ne peut ignorer que la loi qui l’oblige à effectuer les retenues l’oblige également de transférer ces fonds au receveur9.
En ce qui concerne ensuite les développements du demandeur selon lesquels il ne saurait être tenu responsable en ce qui concerne les obligations de paiement échues après le jugement en faillite de la société … SA, ceux-ci sont à rejeter pour défaut de pertinence, alors qu’après le jugement déclaratif de faillite aucune nouvelle retenue d’impôt sur traitement et salaires n’a dû être continuée au fisc.
Si le tribunal vient de retenir dans le chef de Monsieur … un comportement fautif et de constater l’existence d’un dommage consistant en une insuffisance d’impôt (« Verkürzung der auferlegten Steueransprüche ») - résultant du défaut de paiement de l’impôt fixé à l’échéance -
il y a encore lieu de retenir que ce dommage se trouve dans un lien de causalité direct avec les agissements fautifs de celui-ci. En effet, il ne saurait être conclu à l’absence d’un lien de causalité que si le dommage était survenu alors même que le représentant aurait eu un 8 P.Thielen et J. Delvaux, La responsabilité civile des administrateurs de sociétés anonymes en droit luxembourgeois - situation actuelle et tendance future, Bulletin Droit et banque, 4/1948, p.6, et N. Schaeffer, Réflexions sur la responsabilité des administrateurs et dirigeants de sociétés commerciales de capitaux, Bulletin de la Conférence St Yves, n° 77, novembre 1990, p.18 9 Trib. adm. 22 mai 2013, n° 31503 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 533, et les autres références y citées.
14comportement conforme aux lois ou à ses obligations10. En l’espèce, il convient de rappeler que la responsabilité personnelle du demandeur a été mise en cause pour ne pas avoir accompli et/ou veillé à l’accomplissement des obligations incombant au contribuable … SA, ainsi que pour son manque de diligence ou de soin apporté à l’exécution des obligations fiscales de la société représentée. Or, si le demandeur avait respecté ses obligations, en veillant, en sa qualité d’administrateur, à la perception des retenues d’impôt sur traitement et salaires et de leur transmission au Trésor, la non-perception des impôts redûs aurait été évitée, de sorte que la violation des obligations incombant à Monsieur … a engendré le résultat dommageable.
Il s’ensuit qu’il y a lieu d’admettre, à l’instar de ce qui a été retenu par le directeur, que Monsieur …, en sa qualité d’administrateur de la société … SA, a activement contribué par sa négligence coupable à ne pas avoir procédé aux retenues d’impôts et à ne pas les avoir continuées, de sorte que c’est à bon droit qu’il a été appelé en garantie pour les années fiscales 2017 et 2018.
Ensuite, et en ce qui concerne les contestations du demandeur quant au quantum de la créance d’impôt réclamée, il convient de rappeler, comme retenu ci-avant que la mise en œuvre de la garantie d’un représentant d’une société nécessite l’existence d’un dommage pour l’Etat consistant dans l'insuffisance de l'impôt effectivement perçu par rapport à celui légalement dû conformément aux bulletins d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, à travers soit des défauts de paiements de cotes d’impôts dues ou des diminutions indues des cotes d’impôts fixées, soit par le biais de l’obtention de restitutions ou de crédits d’impôts indus (« … Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind … »).
Ce sont partant les bulletins ayant fixé des cotes d’impôt qui constituent, à côté des paiements accomplis ou non par le débiteur principal, le facteur à la base du montant d’impôts pouvant donner lieu à un appel en garantie à l’égard d’un représentant du débiteur principal, et non pas les feuilles d’établissement d’impôt dont le demandeur fait état, étant encore précisé à cet égard que les feuilles en question, telles que versées en cause par le demandeur, ne reprennent que les seules retenues d’impôts sur traitement et salaires non déclarés pour les années 2014 et 2015, années pour lesquelles, le demandeur, tel que retenu ci-avant, ne saurait être appelé en garantie.
Il convient ensuite de souligner que les bases d’imposition telles que retenues dans les bulletins d’impôt en tant que fondement des cotes d’impôt ne sauraient partant plus être remises en cause par le garant que pour autant qu’il est encore en mesure, conformément au paragraphe 119 AO, de contester, au-delà des conditions de son appel en garantie, également la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard11.
La portée du recours introduit par une personne appelée en garantie d’impôts redus par un autre débiteur principal et partant l’étendue des moyens qu’il peut soulever contre le bulletin d’appel en garantie émis à son égard se trouvent régies par le paragraphe 119 AO qui dispose comme suit :
10 F. Rosen, « Obligations et responsabilité des dirigeants de société en matière de contributions directes », Livre Jubilaire de l’IFA Luxembourg, Bruylant, point 7.17 p. 212.
11 Cour adm. 10 mai 2016, n°37313C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 15« (1) Wer neben dem Steuerpflichtigen oder an dessen Stelle persönlich auf Zahlung einer Steuer in Anspruch genommen wird (§ 97 Absatz 2), kann gegen seine Heranziehung die Rechtsmittel geltend machen, die dem Steuerpflichtigen zustehen. Die Frist zur Einlegung des Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem Ihm der Beschluss über seine Heranziehung zugestellt oder, wenn keine Zustellung vorgeschrieben ist, bekannt gemacht worden ist.
(2) Ist die Steuerschuld dem Steuerpflichtigen gegenüber unanfechtbar festgestellt, so hat dies gegen sich gelten zu lassen, wer als Rechtsnachfolger des Steuerpflichtigen haftet oder wer in der Lage gewesen wäre, den gegen den Steuerpflichtigen erlassenen Bescheid als dessen Vertreter, Bevollmächtigter oder kraft eigenen Rechts anzufechten ».
Cette disposition pose le principe que le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt.
Cette faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt implique que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard. Le paragraphe 119 AO est sous cet aspect une application de l’assimilation de la personne appelée en garantie au débiteur même de l’impôt posée par le paragraphe 97 (2) AO12.
Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le paragraphe 119 (2) AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin. Si un représentant d’une société omet d’introduire une telle voie de recours, il ne saurait conclure par après à une violation de ses droits de la défense.
En l’espèce, la situation est particulière en ce sens que les impôts en souffrance n’ont pas été fixés par voie d’assiette à travers des bulletins d’impôt formels, mais bien de bulletins d’impôt non écrits qui ont censés avoir été émis à l’égard de la société … SA et qui lui ont imposé de procéder aux retenues d’impôt sur traitements et salaires et de les continuer au Trésor.
Il s’ensuit, comme retenu ci-avant, que lors de chaque déclaration et paiement de retenues d’impôt sur traitements et salaires de la société …, le bureau d’imposition compétent était censé avoir émis un bulletin d’impôt non écrit ayant fixé le montant des retenues déclarées.
Il échet encore de souligner que conformément au paragraphe 228 AO, les bulletins non formels visés au paragraphe 212 AO figurent parmi les décisions qui peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur ou son délégué, la décision directoriale étant susceptible d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, ledit délai de recours de trois mois prévu au paragraphe 228 AO commençant à courir en toute hypothèse à partir de la date supposée d’émission d’un bulletin de retenues 12 Tipke-Kruse, RAO, édit. 1961, ad § 119, nos 2-3 ; Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur RAO, ad § 119, Anm. 2a 16d’impôts qui correspond, en principe, à la date de la réception de la déclaration des retenues opérées par le débiteur des revenus et du paiement afférent de sa part13.
A cet égard, il convient de constater qu’à la date du jugement déclaratif de faillite de la société … SA, à savoir le … tous les bulletins non formels découlant de déclarations de retenues d’impôts sur traitements et salaires soumises au bureau d’imposition compétent par ladite société jusqu’à 11 avril 2018 avaient acquis autorité de chose décidée. Dans la mesure où le demandeur revêtait à partir du 13 décembre 2017 le mandat d’administrateur de la société … SA, et ce jusqu’au jour du jugement déclaratif de faillite, fonction qui l’a mis en mesure d’exercer les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins et qu’il n’est pas contesté en cause qu’aucune voie de recours n’a été introduite en fait, le paragraphe 119 (2) AO l’empêche de pouvoir valablement critiquer la validité de ces bulletins non écrits émis avant le 11 avril 2018, de manière que le caractère définitif de ces bulletins emporte la conséquence que l’Etat peut légalement se prévaloir des montants renseignés dans les déclarations à la base de ces bulletins, mais non encore réglés par la société … SA comme constituant son préjudice justifiant l’appel en garantie de l’intimé.
En ce qui concerne les bulletins non formels découlant de déclarations de retenues d’impôts sur traitements et salaires soumises au bureau d’imposition à partir du 11 avril 2018 jusqu’au jugement déclaratif de faillite, le paragraphe 119 (2) AO ne saurait être valablement opposé par l’Etat au demandeur, vu qu’il n’avait pas, durant tout le délai de recours contre ces bulletins, la qualité nécessaire afin de pouvoir introduire une voie de recours à leur encontre.
Force est dès lors de retenir que le demandeur est en principe autorisé à contester le quantum de ces mêmes bulletins non formels de retenues d’impôt sur traitements et salaires. A cet égard, il convient de préciser que la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la côte d’impôt appartient au contribuable, cette preuve pouvant être rapportée par tous les moyens hormis le serment. En l’espèce, il échet cependant de constater que Monsieur … reste en défaut de faire valoir un quelconque moyen utile pour contester les bulletins en question, le demandeur se contentant en effet de mettre en évidence une prétendue incohérence entre les feuilles d’établissement de l’impôt sur salaires et les montants finalement retenus. Or, et comme retenu ci-avant les feuilles d’établissement de l’impôt sur salaires telles que versées en cause par le demandeur font référence à la vérification faite en date du 30 août 2018 et ne renseignent que sur les montants non déclarés des années 2014 et 2015, années pour lesquelles le tribunal vient de retenir que la responsabilité du demandeur ne peut en tout état de cause pas être engagée.
Au vu des considérations qui précèdent, il échet de retenir que le demandeur, outre de ne plus être en mesure de contester les bulletins non formels émis avant le 11 avril 2018, reste en défaut d’énerver valablement la légalité des bulletins émis postérieurement, de sorte que les contestations relatives au quantum de la dette d’impôt réclamée sont à rejeter pour ne pas être fondées.
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout autre moyen, il y a lieu de déclarer le recours en réformation sous analyse partiellement fondé et de réformer la décision directoriale déférée en ce sens que le demandeur n’est pas responsable des défauts de perception de l’impôt légalement dû par la société anonyme … SA sur les traitements et salaires de son personnel pour les années fiscales 2014 et 2015 tel que repris dans bulletin de 13 Cour adm., 27 juillet 2016, n° 37634C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu 17la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue du 5 septembre 2018.
La demande en paiement d’une indemnité de procédure de 2.000,- euros telle que formulée par le demandeur est rejetée en ce qu’il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens.
Au vu de l’issue au fond du litige et plus particulièrement du fait que le recours n’est que partiellement fondé, il y a lieu de faire masse des frais et dépens et de les imputer à raison de la moitié à la demanderesse et de l’autre moitié à l’Etat.
Quant à la demande de Monsieur … figurant au dispositif de son recours et visant la distraction des frais au profit du mandataire concluant qui la demande, affirmant en avoir fait l’avance, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à la demande en distraction des frais posée par le mandataire d’une partie, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours principal en réformation recevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 mars 2019 répertoriée sous le numéro … du rôle, portant rejet de la réclamation introduite par Monsieur … à l’encontre d’un bulletin d’appel en garantie émis par le bureau d’imposition … en date du 22 octobre 2018 ;
le déclare irrecevable pour le surplus ;
au fond, le déclare partiellement justifié ;
partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 mars 2019, dit que Monsieur … n’est pas responsable des défauts de perception de l’impôt légalement dû par la société anonyme … SA sur les traitements et salaires de son personnel pour les années fiscales 2014 et 2015 tel que repris dans le bulletin de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions portant fixation de compléments de retenue du 5 septembre 2018 ;
renvoie le dossier devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;
fait masse des frais et dépens et les met pour moitié à charge du demandeur et pour moitié à charge de l’Etat.
18 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 octobre 2020 par :
Thessy Kuborn, vice-président, Paul Nourissier, vice-président, Géraldine Anelli, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 19