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26/10/2020 | LUXEMBOURG | N°42216

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2020, 42216


Tribunal administratif N° 42216 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 janvier 2019 2e chambre Audience publique du 26 octobre 2020 Recours formé par Madame …, … en matière de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42216 du rôle et déposée le 14 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaëlle Relouzat, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame â

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Tribunal administratif N° 42216 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 janvier 2019 2e chambre Audience publique du 26 octobre 2020 Recours formé par Madame …, … en matière de nomination d’un commissaire spécial

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42216 du rôle et déposée le 14 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaëlle Relouzat, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-… tendant à la nomination d’un commissaire spécial en vue de l’exécution du jugement rendu par le tribunal administratif en date du 18 juin 2018, inscrit sous le numéro 40014 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2019 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2019 par Maître Gaëlle Relouzat pour compte de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2019 ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 s’inscrivant dans le cadre du respect des mesures sanitaires lors des audiences publiques, invitant les parties d’informer le greffe du tribunal administratif par courrier électronique et à l’avance si elles souhaitent se présenter ou non à l’audience publique des plaidoiries ;

Vu le courrier adressé le 9 octobre 2020 par Maître Gaëlle Relouzat au tribunal administratif pour l’informer qu’à l’audience publique des plaidoiries, l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont l’exécution fait l’objet de la requête introductive d’instance ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en ses plaidoiries à l’audience publique du 12 octobre 2020.

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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2017, Madame … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre dela Santé, désigné ci-après par « le ministre » du 13 juillet 2017 refusant de lui accorder l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

Par jugement du 18 juin 2018, inscrit sous le numéro 40014 du rôle, le tribunal administratif déclara le recours principal en réformation justifié et annula la décision ministérielle du 13 juillet 2017 en renvoyant l’affaire devant le ministre de la Santé en prosécution de cause. Le tribunal dit, par ailleurs, qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation. Pour arriver à cette conclusion, le tribunal releva que préalablement à la prise de la décision déférée à l’époque, le Collège médical n’avait pas convoqué Madame … à un entretien portant sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute, contrairement au prescrit de l’article 4 (3) du règlement grand-ducal modifié du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 ».

Ledit jugement n’ayant pas été frappé d’appel, Madame … s’adressa par courriers de son mandataire des 21 août, 1er octobre, 6 novembre et 6 décembre 2018 au ministre pour s’enquérir des suites réservées au dossier, et notamment pour savoir si l’entretien avec le Collège médical pouvait « être d’ores et déjà fixé ».

A défaut de réponse du ministre, Madame … déposa le 14 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif une demande sur base de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », tendant à la désignation d’un commissaire spécial et de la charger de la mission « de satisfaire aux prescrits du jugement du 18 juin 2018 précité et de prendre en lieu et place et aux frais de l’Etat la décision en lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci, après avoir mené à bien la procédure idoine ».

La requête tendant à la nomination d’un commissaire spécial au sens de l’article 84 de la loi précitée du 7 novembre 1996 est recevable pour avoir été introduite dans les formes et délai prévus par la loi.

Par courrier électronique du 8 février 2019, le Collège médical adressa une convocation à un entretien à Madame … en application de l’article 4 (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015. Ledit rendez-vous fut fixé au 13 février 2019, à 18.30 heures. A défaut de réponse par Madame …, le secrétariat du Collège médical recontacta Madame … par sms en date du 14 février 2019 et proposa un nouveau rendez-vous le 6 mars 2019 à 18.30 heures, ce que Madame … accepta par retour d’sms.

Il ressort encore des explications des parties en cause que le 11 avril 2019, le ministre prit une nouvelle décision faisant suite au jugement du tribunal administratif du 18 juin 2018 et refusa de faire droit à la demande de Madame … en obtention d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute. Contre cette dernière décision ministérielle, d’ailleurs, soumise au tribunal par le délégué du gouvernement sur question afférente du tribunal à l’audience publique des plaidoiries, Madame … a entretemps fait déposer un recours contentieux au greffe du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 42837 du rôle.

Au vu de la convocation à un entretien de Madame … par le Collège médical et au vu de l’adoption de la décision ministérielle du 11 mai 2019, le délégué du gouvernement conclut à ce que la demande en nomination d’un commissaire spécial soit déclarée irrecevable, sinon qu’il soit rejeté comme non fondée.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, la demanderesse signale que la convocation à un entretien par le Collège médical ne serait intervenue que postérieurement à l’introduction de sa requête en nomination d’un commissaire spécial. Elle admet que la demande d’une telle nomination serait désormais devenue sans objet au vu de la décision ministérielle du 11 mai 2019, néanmoins, elle insiste premièrement sur le fait que la première convocation lui adressée par courrier électronique par le collège médical ne lui serait jamais parvenue, étant donné que l’adresse électronique concernée aurait été supprimée à l’époque et, deuxièmement sur le fait qu’elle maintiendrait sa demande en allocation d’une indemnité de procédure puisqu’elle aurait été obligée d’introduire une procédure judiciaire nécessitant la représentation par un avocat pour que le ministre prenne une décision suite au jugement du tribunal administratif du 18 juin 2018.

La demanderesse ajoute à cet égard, que le ministre aurait mis six mois pour rendre sa première décision, alors même que l’article 5 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 lui imposerait de statuer sur les demandes présentées dans un délai de trois mois. Suite au jugement du 18 juin 2018, le ministre aurait après un délai de six mois toujours pas pris de nouvelle décision.

Dans le cadre de son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur la mauvaise foi de la demanderesse qui aurait omis de relever que même si le premier rendez-vous au collège médical n’aurait pas pu avoir lieu, elle aurait été convoquée à un second rendez-vous qui aurait été fixé par sms au 6 mars 2019. Le délégué du gouvernement explique ensuite que s’il ne pouvait certes pas être prouvé que le message électronique comportant la convocation à l’entretien du 8 février 2019 aurait bien été réceptionné, il serait tout de même établi que le Collège médical n’aurait jamais eu un message d’erreur par retour. Il répète que la demande en nomination d’un commissaire spécial serait devenue nulle et sans objet et qu’elle serait à déclarer non fondée. Enfin, il conteste la demande en allocation d’une indemnité de procédure, en reprochant à la demanderesse de ne jamais avoir justifié l’engagement de frais dans le cadre de la procédure contentieuse d’espèce.

Aux termes de l’article 84 de la loi du 7 novembre 1996 : « Lorsqu’en cas d’annulation ou de réformation, coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la Constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé ou réformé la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant au jugement ou à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt ou du jugement, saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci. La juridiction fixe au commissaire spécial un délai dans lequel il doit accomplir sa mission. La désignation du commissaire spécial dessaisit l’autorité compétente. ».

A titre liminaire, le tribunal précise que lorsqu’au moment où le juge administratif est appelé à statuer sur la demande en désignation d’un commissaire spécial, l’autorité administrativea pris une nouvelle décision, la demande en désignation d’un commissaire est à considérer comme étant devenue sans objet1.

Il est constant en cause qu’en date du 11 mai 2019, le ministre a pris une décision portant rejet de la demande de Madame … tendant à l’obtention d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute. Il s’ensuit que les conditions pour la nomination d’un commissaire spécial chargé de l’exécution du jugement précité du 18 juin 2018 ne sont pas remplies, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande principale du recours sous examen tendant à la désignation d’un commissaire spécial qui est devenue sans objet.

En ce qui concerne ensuite la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros, telle que formulée par la demanderesse, il échet d’abord de retenir qu’une demande en allocation d'une indemnité de procédure procède d'une cause juridique particulière et autonome, de sorte que le rejet du recours principal pour défaut d'objet n'implique pas l'irrecevabilité de la demande en allocation d'une indemnité de procédure2. En effet, une demande en obtention d’une indemnité de procédure sort du cadre d’une simple défense à l’action et a une individualité propre et doit dès lors être toisée à la demande du demandeur ou du défendeur3.

En l’espèce, le tribunal est amené à constater que la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse est justifiée. En effet, force est de constater que le jugement précité du tribunal administratif du 18 juin 2018 ayant annulé la décision ministérielle précitée du 13 juillet 2017 et renvoyé le dossier en prosécution de cause au ministre n’a été suivi d’aucun effet jusqu’au 8 février 2019, date du courrier électronique adressé à la demanderesse et portant convocation à un entretien auprès du collège médical, soit pendant une durée de sept mois. Il s’y ajoute que durant ces sept mois, la demanderesse a relancé, en vain, à quatre reprises le ministre en vue de l’adoption d’une décision suite au jugement du 18 juin 2018.

Elle a ainsi envoyé des courriers de rappel au ministre les 21 août, 1er octobre, 6 novembre et 6 décembre 2018. Enfin, il échet de constater que la convocation à un entretien auprès du Collège médical le 8 février 2019 n’est intervenue que suite à l’introduction au tribunal administratif le 14 janvier 2019 par la demanderesse d’une demande en nomination d’un commissaire spécial. Il n’est pas pertinent dans ce contexte si la demanderesse a pu réceptionner ou non le message électronique du 8 février 2019. Ce qui importe, en revanche, c’est que la toute première réaction des autorités ministérielles suite au jugement du 18 juin 2018, n’a eu lieu que le 8 février 2019. Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que la convocation à un entretien auprès du collège médical le 8 février 2019 ainsi que la décision ministérielle ultérieure du 11 mai 2019 ne sont intervenues qu’en raison de la demande en nomination d’un commissaire spécial déposée au tribunal administratif en date du 14 janvier 2019. Or, dès lors qu'un administré est obligé d’engager une instance en justice impliquant la représentation obligatoire par un avocat, pour obtenir l’adoption d’une décision en conformité à un jugement du tribunal administratif ayant renvoyé le dossier en prosécution de cause à l’autorité administrative, il serait 1 cf. Cour adm. 8 février 2007, n° 22027C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1197.

2 en ce sens : trib. adm. 23 septembre 2013, n°31658 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1131.

3 cf. Cour adm. 9 octobre 2007, n° 22603C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1128 et trib. adm.

5 mars 2008, n° 23409 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1132 et autres références y citées.inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par lui pour faire valoir ses droits et qui ne sont pas comprises dans les dépens4.

A défaut, par le délégué du gouvernement, d’avoir, par ailleurs, apporté un quelconque élément tendant à justifier, sinon du moins expliquer, la réaction ministérielle tardive dans le dossier sous examen et compte tenu du fait que la demanderesse a dû recourir à une procédure contentieuse afin d’amener le ministre à prendre une décision en exécution du jugement du 18 juin 2018 ainsi qu’au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il paraît inéquitable de laisser en l’espèce à sa charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à sa demande et de lui accorder une indemnité de procédure évaluée ex æquo et bono au montant de 1.000 euros.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit la demande en nomination d’un commissaire spécial en la forme ;

au fond, dit qu’elle est devenue sans objet, partant en déboute ;

condamne la partie étatique à payer une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros à Madame …, ;

condamne la partie étatique aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 26 octobre 2020 par le vice-président en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27/10/2020 Le greffier du tribunal administratif 4 en ce sens : trib. adm. 21 mars 2012, n°29057 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1131.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 42216
Date de la décision : 26/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-26;42216 ?

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