Tribunal administratif N° 42361 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 février 2019 4e chambre Audience publique du 23 octobre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 42361 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2019 par Maître Julien Boeckler, avocat à la Cour, assisté de Maître Brian Hellinckx, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 13 novembre 2018 prononçant à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l'article 10 du statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2019 par Maître Albert Rodesch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2019 par Maître Albert Rodesch, au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2019 par Maître Julien Boeckler, assisté de Maître Brian Hellinckx, au nom et pour compte de leur mandant ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 juillet 2019 par Maître Albert Rodesch, au nom et pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte de dé-confinement ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique des plaidoiries, les parties s’étant excusées.
Par un courrier du 22 juin 2018, le directeur du service … s’adressa au premier ministre, ministre d’Etat, dénommé ci-après le « premier ministre », pour l’avertir qu’une information judiciaire avait été ouverte à l’encontre de Monsieur …, huissier au ministère d’Etat, affecté temporairement au service … pour des « faits relatifs à une infraction à l’article 384 du Code Pénal ».
Par courrier du 25 juin 2018, le premier ministre demanda au Commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », d’ouvrir une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur … pour avoir contrevenu à son devoir de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose aux termes de l’article 9, paragraphe (1) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après le « statut général », et d’avoir eu un comportement qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public, au sens de l’article 10, paragraphe (1) de la même loi.
Par courrier recommandé du 28 juin 2018, Monsieur … fut informé de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre et des faits lui reprochés. Par ce même courrier, Monsieur … fut encore invité à se présenter devant le commissaire du gouvernement le 9 juillet 2018 afin d’être entendu en personne et de présenter ses observations.
Le 9 juillet 2018, le commissaire du gouvernement rédigea un rapport d’instruction relatif à l’instruction disciplinaire menée à l’encontre de Monsieur … et décida qu’il y aurait lieu de transmettre le dossier au conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par le « conseil de discipline ».
Par courrier recommandé du même jour, Monsieur … reçut communication dudit rapport d’instruction, de même qu’il fut informé de la transmission du dossier au conseil de discipline et de son droit de prendre inspection du dossier, de présenter ses observations et de demander un complément d’instruction.
Par arrêté du premier ministre du 9 juillet 2018, Monsieur … fut suspendu de l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours des procédures tant judiciaire que disciplinaire ordonnées à son encontre et ce, jusqu’à décision définitive.
Par courrier du 27 juillet 2018, le commissaire du gouvernement transmit le dossier au conseil de discipline.
Par décision du 13 novembre 2018, le conseil de discipline prononça à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l'article 10 du statut général.
Cette décision fut motivée comme suit :
« (…) Vu le dossier constitué à charge de … par le commissaire du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général, par lettre du Ministre de l'État du 25 juin 2018 pour procéder à une instruction disciplinaire à l'encontre de … et transmis pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 27 juillet 2018.
Vu le rapport d'instruction dressé en date du 9 juillet 2018.
A l'audience publique du Conseil du mardi, 9 octobre 2018, après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, … et son conseil Maître Avelino SANTOS MENDES, avocat, demeurant à Luxembourg, ont été entendus en leurs explications et moyens de défense ainsi que le délégué du Gouvernement … en ses conclusions.
Il résulte du dossier disciplinaire établi en cause, et il n'est pas contesté par le fonctionnaire poursuivi disciplinairement, que celui-ci a chargé le 16 juin 2018 sur l'ordinateur installé à son poste de travail des photos et images à caractère pornographique mettant en scène des mineurs. Ce faisant, il n'a pas seulement commis des faits qui sont susceptibles d'être qualifiés pénalement, mais a détenu du matériel pédopornographique à son lieu de travail et agréé ainsi les violences, pour le moins psychiques et aux conséquences très souvent irrémédiables, exercées sur les mineurs mis en scène sur ces images pornographiques.
… a de ce fait violé l'article 9, paragraphe 1., du statut général en omettant de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose, notamment celles de la charte de bonne conduite en matière de sécurité de l'information numérique de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information Luxembourg, et a de même manqué à ses obligations définies à l'article 10, paragraphe 1., alinéa 1 du statut général qui impose à tout fonctionnaire d'éviter, non seulement dans l'exercice de ses fonctions mais également en dehors de cet exercice, tout ce qui peut porter atteinte à la dignité de ces fonctions, donner lieu à scandale et compromettre les intérêts du service public.
Aux termes de l'article 53 du statut général, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
… est huissier dirigeant auprès du Ministère … et est affecté temporairement au Service …. Il a été suspendu de l'exercice de ses fonctions par arrêté ministériel du 9 juillet 2018.
Par décision du Conseil du 10 juillet 2012, … a d'ores et déjà été sanctionné disciplinairement pour avoir affiché un comportement hautement offensant et à connotation sexuelle à l'égard de deux collègues de travail et a été exclu temporairement de ses fonctions avec privation de la moitié de sa rémunération pour une période d'un mois du chef de violation des prescriptions énoncées à l'article 10. paragraphe 1., alinéas 1 et 2, ainsi que paragraphe 2. du statut général.
… n'a entrepris aucune démarche de soins suite à cette affaire. A l'audience des débats, il a affirmé avoir consulté à deux reprises un psychiatre après les faits ci-dessus retenus à sa charge, mais ne verse aucune pièce à l'appui de ces allégations.
Le Conseil retient que les actes commis par … sont d'une gravité particulière.
En effet, … a téléchargé des images à caractère pédopornographique sur son ordinateur installé à son poste de travail et a pris le risque que non seulement d'autres membres de l'administration, mais encore des personnes arrivant au Service … aient pu voir ces images.
Comme les agissements de … sont susceptibles d'être qualifiés pénalement, il y a eu des perquisition et saisie policières au ministère, ce qui a nécessairement porté les méfaits du fonctionnaire à la connaissance d'autrui.
… est ainsi mal venu à soutenir, comme il l'a fait plaider à l'audience, que le fait de divulguer ses agissements aux autres membres du service aurait constitué une atteinte indue à sa vie privée et une violation du secret de l'instruction, étant donné qu'il appartenait à ses supérieurs de renseigner les autres membres du service sur les raisons de la présence des policiers au ministère et sur les investigations qui y étaient exécutées.
Compte tenu des antécédents disciplinaires de …, de la gravité des actes retenus à sa charge dans le cadre de la présente procédure disciplinaire et du risque d'un nouveau passage à l'acte du fonctionnaire à son poste de travail, le Conseil retient que il est devenu inconcevable que … puisse continuer à travailler pour le compte de l'Etat.
La relation de confiance qui doit exister entre l'Etat et le fonctionnaire étant définitivement rompue suite aux fautes disciplinaires commises par …, le Conseil décide de prononcer la sanction prévue à l'article 47.9. du statut général, à savoir la mise à la retraite d'office pour non-respect de la dignité des fonctions définie à l'article 10 dudit statut. (…) ».
En date du 5 décembre 2018, le Grand-Duc arrêta à l’égard de Monsieur … sa mise à la retraite d’office avec effet à partir du 14 novembre 2018.
Par un courrier de son litismandataire du 5 février 2019, Monsieur … fit introduire un recours gracieux auprès du premier ministre contre la décision précitée du conseil de discipline du 13 novembre 2018, avec copie au ministre de la Fonction publique.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2019, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du conseil de discipline précitée du 13 novembre 2018.
Aux termes de l’article 54, paragraphe 2, du statut général, « En dehors des cas où le Conseil de discipline statue en appel, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil de discipline ou suspendu conformément à l’article 48, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. (…) Les recours du fonctionnaire intéressé et du délégué du Gouvernement sont obligatoirement dirigés contre la décision du Conseil de discipline. ».
Monsieur … ayant été frappé d’une sanction disciplinaire prononcée par le conseil de discipline en dehors des cas où celui-ci statue en appel, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Dans son mémoire en réponse, l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours « en la pure forme et quant au délai dans lequel ce dernier a été fait », sans pour autant fournir le moindre moyen à ce sujet.
Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser quelles formes n’auraient pas été respectées en l’espèce, respectivement dans quelle mesure le délai d’introduction du recours n’aurait pas été respecté, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
Il s’ensuit que le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée du 13 novembre 2018 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Force est, à titre liminaire, au tribunal de relever que, dans le cadre du dispositif de sa requête introductive d’instance, le demandeur sollicite encore de la part du tribunal de « déclarer que le recours gracieux adressé au Premier Ministre doit valoir recours gracieux au sens de l'article 13 alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les Juridictions Administratives », en soutenant dans le cadre de la motivation de son recours que le premier ministre serait à considérer comme supérieur hiérarchique du conseil de discipline. Ainsi, il fait valoir que le recours dont le tribunal est actuellement saisi interviendrait à titre subsidiaire, et ne serait « censé s'appliquer qu'aux seules hypothèses selon lesquelles [le] Tribunal estimerait qu'un recours gracieux, tel que défini à l'article susmentionné ne serait pas admis contre une décision du Conseil de Discipline des Fonctionnaires de l'Etat, ou que le recours du 7 février 2019 serait adressé à une autorité incompétente. ».
Dans son mémoire en réplique, le demandeur souligne que le recours gracieux se définirait comme un recours, non formellement prévu par un texte, porté soit devant l'autorité même qui a pris la décision, soit devant l'autorité hiérarchiquement supérieure, de sorte que son recours gracieux serait à déclarer recevable et fondé.
La partie gouvernementale conclut à l’irrecevabilité du recours gracieux du 7 février 2019, alors que l'article 54, paragraphe 2 du statut général prévoirait un recours au fond devant le tribunal administratif.
Or, force est de relever que, nonobstant la question de la possibilité d’un recours gracieux contre une décision du conseil de discipline, le tribunal est uniquement saisi d’un recours dirigé contre la décision du conseil de discipline du 13 novembre 2018 et non pas d’un recours gracieux, ni d’une éventuelle décision prise sur recours gracieux, de sorte que la demande de se prononcer sur la recevabilité d’un tel recours gracieux est d’ores et déjà à rejeter pour défaut d’objet.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur … rappelle dans un premier temps les faits et rétroactes gisant à la base de la décision du conseil de discipline déférée, précisant qu’il n’aurait jamais contesté avoir, en date du 16 juin 2018, chargé des photos et images à caractère érotique et mettant en scène des mineurs sur son ordinateur installé à son poste de travail.
En droit, Monsieur … se rapporte à prudence de justice quant aux causes d'illégalité externe dont pourrait le cas échéant être affectée la décision déférée du conseil de discipline et se réserve le droit de pouvoir se prévaloir d'une telle cause d'annulation en cours d'instance.
Quant à la légalité interne de l'acte déféré, le demandeur conclut, en premier lieu, à une violation du principe de proportionnalité sinon à une erreur manifeste d'appréciation.
S’il reconnaît que les comportements lui reprochés revêtiraient une certaine gravité, le demandeur fait répliquer, à ce sujet, que cette gravité mériterait néanmoins d’être nuancée en raison des circonstances de l’affaire et notamment de ses antécédents ainsi que de la nature et du grade de ses fonctions, à savoir du « grade de simple « huissier » ».
La décision déférée aurait ensuite été prise en violation du principe non bis in idem, alors que le conseil de discipline se baserait notamment sur une sanction disciplinaire intervenue en date du 10 juillet 2012 afin de conclure à une gravité particulière des actes lui actuellement reprochés.
Si le demandeur concède que rien n'aurait empêché le conseil de discipline de prendre en compte ses antécédents dans le cadre de la fixation de la sanction susceptible d'être prononcée, ce dernier n’aurait cependant pas été en droit de prendre en considération ces mêmes faits, pour lesquels il aurait déjà été sanctionné, afin de se prononcer sur la gravité des faits nouveaux, sous peine de le sanctionner à deux reprises pour les mêmes faits en violation du principe non bis in idem.
Le demandeur fait préciser que le raisonnement du conseil de discipline ne laisserait aucun doute sur le fait qu'il aurait assis la nouvelle décision spécifiquement sur la gravité du cumul entre les deux faits, cependant bien distincts, tout en invoquant l'absence de traitement psychiatrique suite à la première condamnation.
En troisième lieu, le demandeur conclut à une violation de l'article 6, paragraphe (3) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », alors qu’en relevant qu’il n’aurait établi avoir entrepris de démarches de soins après sa première sanction disciplinaire, le conseil de discipline aurait violé ses droits de la défense en exigeant de sa part de se défendre sur base de pièces relatives à des faits pour lesquels il avait déjà été sanctionné en date du 10 juillet 2012.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur affirme encore, dans ce contexte, que ce serait à tort que la partie gouvernementale aurait soulevé l’exception du libellé obscur par rapport à ce moyen, faute d’établir un grief en résultant au vu du constat qu’elle aurait été en mesure de répondre précisément à tous les arguments invoqués dans le recours.
Quant à la proportionnalité de la sanction, le demandeur reproche encore au conseil de discipline d’avoir justifié l'impossibilité du maintien de ses fonctions par la subsistance dans son chef d’un grave risque d'un nouveau passage à l'acte, risque de récidive qui serait cependant contredit autant par son repentir sincère que par sa prise de conscience véritable l’ayant amené à se faire suivre par un médecin psychiatre.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur fait préciser à cet égard que le suivi médical aurait notamment évité que le comportement pour lequel il a été sanctionné en 2012 ne se répète, estimant que les nouveaux faits, bien qu'ayant une connotation sexuelle, n'auraient pas la moindre relation avec les faits antérieurs.
De plus, le demandeur conteste, à cet égard, l’affirmation de la partie gouvernementale selon laquelle il aurait consulté des sites à caractère pédopornographique avec un degré d'intentionnalité et d'insubordination caractérisé, relevant qu’il ressortirait du dossier disciplinaire que les images auraient été téléchargées du site « Tumblr », « un réseau social sous forme de microblogs, avec un contenu similaire à Facebook », et donc aucunement à caractère pornographique, voire même pédopornographique, qui, au mois de juin 2018, aurait connu pas moins de 615,5 millions de visites, de sorte qu’il n’aurait pas pu se douter de tomber sur un blog exposant de telles photographies.
Le demandeur donne encore à considérer que toutes les photographies litigieuses auraient été téléchargées en date du 11 juin 2018 entre 9h45 et 9h49, soit endéans 4 minutes, et n'auraient été découvertes qu'en date du 19 juin suivant et que, pendant cette période, aucun autre téléchargement d'une quelconque image illicite n'aurait été effectué par ses soins, de sorte qu’il serait évident qu’il s’agirait en l’espèce d'un comportement fautif unique, dû au seul fait qu’il serait tombé par hasard sur un site Internet aucunement destiné à cette fin.
Il en conclut que le comportement litigieux, certes fautif, n'aurait été ni intentionnel ni constitutif d'une insubordination caractérisée, de même qu’il ne suffirait pas à retenir un risque de récidive accru dans son chef.
Quant à l’affirmation de la partie gouvernementale suivant laquelle le certificat psychiatrique du Dr. R. H. ne rapporterait pas à suffisance que le risque de récidive soit exclu, le demandeur fait relever que l’essence même d’un suivi psychiatrique serait, de toute évidence, le rétablissement du patient et partant l'endiguement de tout risque d'un nouveau passage à l'acte.
D’après le demandeur, le conseil de discipline resterait également en défaut de justifier en quelle mesure il aurait violé l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1er du statut général, c’est-à-
dire en quelle mesure une atteinte aurait été portée, ou du moins aurait pu être portée, à la dignité de ses fonctions.
Le conseil de discipline ne démontrerait pas non plus qu'un scandale respectivement un risque d'un tel scandale aurait pu avoir ou aurait eu lieu, ni que les intérêts du service auraient été ou auraient pu être compromis. De même, il ne démontrerait pas en quelle mesure la dignité de la fonction aurait été heurtée.
Le demandeur estime, au contraire, que ses agissements auraient été traités avec la plus grande discrétion jusqu’à ce que son supérieur hiérarchique aurait lui-même pris la résolution de dévoiler, sans raison impérieuse, les causes précises de la perquisition policière exécutée dans les locaux du ministère, à savoir que des poursuites pénales avaient été engagées à son encontre pour possession d'images pédo-érotiques, et ce, sans le moindre égard ni à son droit à la vie privée ni au secret de l'instruction.
Le demandeur invoque finalement sa situation personnelle et familiale dont le conseil de discipline aurait complètement fait abstraction et notamment des conséquences financières que la sanction disciplinaire pourrait avoir sur son entourage, relevant qu’il serait marié et père de deux enfants, âgés de 19 et de 13 ans, et que les rémunérations dans le secteur public seraient supérieures à celles du secteur privé.
La partie gouvernementale conclut au rejet du recours en tous ses moyens.
Elle demande encore l'adjudication à son avantage d'un montant de 1.000,- euros, sous réserve de toute somme même supérieure à arbitrer ex aequo et bono par le tribunal, au vu des circonstances de l'espèce et notamment la procédure manifestement abusive, alors qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge l'intégralité des frais et honoraires d'avocat non compris dans les frais de justice proprement dits.
Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.
En ce qui concerne le fait que le demandeur se rapporte à prudence de justice quant à la légalité externe de la décision déférée, force est au tribunal de rappeler qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, de sorte que ce moyen encourt d’ores et déjà le rejet.
Quant à la légalité interne de l'acte et notamment quant au moyen tenant à une violation du principe non bis in idem, il échet de rappeler que ce principe, issu du droit répressif, en ce qu’il est déduit de l’article 4 du Protocole 7 à la CEDH, devrait effectivement également être applicable au droit disciplinaire, dans le sens qu’il devrait empêcher qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné deux fois pour un même manquement à ses obligations professionnelles.
Or, en l’espèce, il ressort clairement de la lecture de la décision déférée, citée in extenso ci-avant, que, si le conseil de discipline fait effectivement brièvement état d’un comportement du demandeur « hautement offensant et à connotation sexuelle » pour lequel ce dernier avait déjà été sanctionné disciplinairement en 2012, ce rappel est expressément fait dans le cadre de l’appréciation relative à la sanction envisageable pour les faits du 16 juin 2018, telle que cette démarche est explicitement autorisée par l’article 53 du statut général disposant que « L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. ». En effet, la gravité des faits sanctionnés par la décision déférée est exclusivement appréciée par rapports aux faits de 2018, à savoir le téléchargement d’images à caractère pédopornographiques.
Il s’ensuit que le demandeur n’a pas été condamné une deuxième fois pour les faits sanctionnés en 2012, de sorte que ce moyen tenant à une prétendue violation du principe non bis in idem est à rejeter.
En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 6, paragraphe 3 de la CEDH, disposant que « Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins 1 trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 479 et les autres références y citées.
à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. », force est d’abord au tribunal de relever que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a souligné que le conseil de discipline n’est pas un tribunal au sens dudit article2, étant encore relevé que ce n’est pas non plus le volet pénal de l’affaire dont il a été saisi, mais seulement le volet disciplinaire.
Il a également été jugé que si l'autorité administrative en charge de la procédure disciplinaire n'est pas formellement soumise au respect de l'article 6 de la CEDH, elle est néanmoins tenue d'observer les principes généraux de droit, tels que le principe d'équitable procédure, le principe de respect des droits de la défense ou encore le principe général d'impartialité, et ce, même en l'absence d'un texte exprès.3 En l’espèce, le demandeur estime qu’il n’aurait pas été mis en mesure de préparer utilement sa défense, alors que, malgré le fait qu’il aurait été uniquement censé se défendre par rapport aux faits lui reprochés de 2018, le conseil de discipline lui aurait reproché de ne pas avoir produit des pièces relatives à un suivi psychologique en relation avec sa dernière affaire disciplinaire.
Force est néanmoins de retenir qu’il ressort de la lecture de la décision déférée précitée que la question d’un suivi psychologique a fait l’objet d’un débat contradictoire à l’occasion de l’audience des plaidoiries devant le conseil de discipline en date du 9 octobre 2018, le demandeur ayant été en mesure d’y prendre position par l’affirmation qu’il aurait consulté un psychiatre à deux reprises. Etant donné que le prononcé de la décision du conseil de discipline n’a pas eu lieu sur le champ, mais seulement le 13 novembre 2018, il aurait d’ailleurs encore été loisible au demandeur de fournir des pièces y relatives, ce qu’il est cependant resté en défaut d’avoir fait.
Etant donné que les faits litigieux à la base de la décision déférée sont également dus à des pulsions sexuelles incontrôlées du demandeur sur son lieu de travail, comme cela avait déjà été le cas en 2012, il ne saurait d’ailleurs se montrer surpris par une question relative à un éventuel suivi psychologique y relatif.
Il suit de ces considérations que le moyen tenant à une éventuelle lésion de ses droits de la défense est à rejeter.
En ce qui concerne l’argumentation du demandeur tenant à démentir que les faits litigieux, non contestés en eux-mêmes, puissent être considérés comme étant en infraction avec l’article 10, paragraphe 1er, alinéa 1er du statut général, il échet de rappeler qu’aux termes de cette disposition, « Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. ».
C’est à bon droit que le conseil de discipline a retenu que le demandeur a enfreint ladite disposition, alors qu’il ne saurait être valablement soutenu que le fait de consommer, de 2 trib. adm. 16 décembre 2015, n° 35317 du rôle, conf. sur ce point par Cour adm. 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 237.
3 trib. adm. 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 261 et les autres références y citées.
surcroît à son poste de travail, et de sauvegarder sur le serveur de son administration non seulement du matériel pornographique, mais également pédopornographique, dont la seule possession est passible de lourdes peines pénales, ne porterait pas atteinte à la dignité de ses fonctions, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service, étant relevé qu’il a déjà été retenu par la jurisprudence que le fait de télécharger, visionner et stocker ce genre de matériel, impliquant des mineurs, sur un ordinateur privé est déjà à considérer comme faute disciplinaire au sens de l’article 10 précité du statut général, alors que le simple fait de consulter des sites internet à caractère pédopornographique constitue une grave violation des droits de l’enfant, dès lors qu’un tel comportement témoigne de l’acceptation de l’exploitation sexuelle de mineurs et contribue à favoriser la diffusion de telles images sur internet.4 De plus, le fait d’utiliser les moyens informatiques de l’Etat pour assouvir ses envies sexuelles hautement incriminées et de sauvegarder, de surcroît, de telles images interdites sur le serveur de son service de façon à ce que d'autres membres de l'administration aient pu voir ces images, est nécessairement de nature à causer un scandale et à compromettre les intérêts du service public. Dans ce contexte, il est rappelé qu’il ressort du dossier disciplinaire et notamment de la lettre du directeur du service … du 22 juin 2018, que c’est une collègue de travail du demandeur, à savoir Madame S.S., qui a découvert par hasard les photos litigieuses sur un disque partagé du serveur auquel ont accès tous les collaborateurs du service.
Il suit de ces considérations qu’une violation de l’article 10, paragraphe 1er du statut général ne saurait valablement être contestée et le fait pour le demandeur d’oser actuellement soutenir le contraire, en se dérobant, dans ce contexte, derrière son droit à la vie privée en dit long sur son insouciance à cet égard.
Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le scandale ait éventuellement pu être amplifié par les explications de son supérieur hiérarchique sur la cause de la perquisition du matériel informatique au sein du service …, alors que ce fait n’est pas de nature à diminuer le scandale d’ores et déjà causé par la découverte par une collègue de travail des photos litigieuses sur le serveur de l’administration.
Il échet finalement, dans ce contexte, de relever que le demandeur ne conteste pas avoir été en infraction de l’article 9, paragraphe (1) du statut général qui dispose que le fonctionnaire « est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose. », pour ne pas avoir respecté la charte de bonne conduite en matière de sécurité de l'information numérique de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information.
Quant à la violation du principe de proportionnalité sinon à l'erreur manifeste d'appréciation, force est d’abord de rappeler qu’aux termes de l'article 53, alinéa 1er du statut général, « l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé », impliquant, d’après la jurisprudence en la matière, que les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction prévus légalement sont énoncés de manière non limitative, de sorte que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire.5 4 En ce sens, trib. adm. 3 mai 2011, n° 27124 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
5 trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction Publique, n° 332.
Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l'autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire.6 Il échet de rappeler, dans ce contexte, que les faits reprochés, à savoir le fait d’avoir téléchargé quatre images pédopornographiques sur le serveur du service …, ne sont pas contestés.
Si le demandeur entend, à travers sa requête introductive d’instance, faire croire qu’en consultant le site Internet Tumblr, il serait tombé « par hasard » et malgré lui sur lesdites photos, il ressort cependant du dossier ainsi que de ses propres explications auprès du commissaire du gouvernement qu’il a cependant, de manière active et consciente, téléchargé les images incriminées, s’étant seulement, en l’occurrence, trompé sur la destination desdits fichiers, de sorte que ceux-ci ont été sauvegardés sur le serveur du service … et non sur son stick USB privé, tel qu’il l’avait initialement envisagé. Il ressort également de ladite audition, que le demandeur est en aveu qu’il a été, depuis un certain temps, tant à son domicile qu’à son lieu de travail, activement à la recherche, sur Internet, de contenus non seulement pornographiques, mais également pédopornographique, expliquant à ce sujet : « (…) J'ai développé un besoin pour regarder des films et autres contenus pornographiques sur Internet et notamment sur Twitter et Tumblr. Au début j'ai fait cela uniquement chez moi à mon domicile. Avec le temps, s'est développé en moi un besoin de plus en plus pressant de télécharger du contenu pornographique. C'est devenu un besoin maladif. J'ai téléchargé le matériel pornographique consulté sur un stick USB privé. J'ai fait cela à domicile et sur mon lieu de travail. Avec le temps, mes scrupules se sont baissés graduellement et je me suis surpris à télécharger du contenu qui n'était pas simplement pornographique mais carrément pédopornographique dans le sens qu'il exhibait des mineurs d'âge dans des postures sexuelles. J'ai de temps à temps détruit ces contenus parce que je sentais que cela était malsain. Mais je me suis toujours à nouveau attrapé d'avoir à nouveau consulté des contenus pédopornographiques. (…) ».
Il s’ensuit que, contrairement à ce que le demandeur affirme actuellement, il ne saurait s’agir d’un fait unique de nature accidentelle, mais bien d’un comportement délibéré et régulier, et ce, non seulement en privé, mais également sur le lieu de travail.
Au vu de cette circonstance, ensemble le constat fait plus haut que le simple fait de consulter des sites internet à caractère pédopornographique constitue une grave violation des droits de l'enfant, dès lors qu'un tel comportement témoigne de l'acceptation de l'exploitation sexuelle de mineurs et contribue à favoriser la diffusion de telles images sur internet, la gravité des faits ne saurait être contestée.
Il ressort également des explications du demandeur, telles que citées plus haut, que la considération du conseil de discipline selon laquelle il existe un risque d’un nouvel passage à l’acte à son poste de travail n’est pas dénué de fondement, le demandeur étant en aveu que son comportement est à ce point compulsif qu’il n’a pas pu limiter ses recherches de contenu pornographique et pédopornographique à la sphère de sa vie privée, mais qu’il a également profité de son poste de travail pour ce faire. Cette conclusion n’est pas énervée par le certificat 6 trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction Publique, n° 368 et les autres références y citées.
du Dr R.H. du 16 décembre 2018, qui se limite à constater que le demandeur viendrait « régulièrement » en consultation depuis juin 2018 en relation avec la problématique de la pédopornographie, sans pour autant fournir la moindre explication circonstanciée y relative, respectivement sur les éventuelles perspectives de succès de cette démarche, étant relevé qu’il ressort des explications du demandeur-même, dans ses mémoires versés au tribunal, et notamment de son affirmation selon laquelle il serait tombé par accident sur des images pédopornographiques, que ce dernier manque visiblement d’introspection et ne semble pas (ou plus) avoir suffisamment conscience de la gravité de la situation dans laquelle il s’est trouvé.
Il ne saurait pas non plus être reproché au conseil de discipline d’avoir invoqué les antécédents du demandeur, étant donné que l’article 53 du statut général l’y invite expressément, non pas pour juger de la gravité des faits, mais en tant qu’élément déterminant à prendre en considération pour apprécier le comportement global du fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l'échelle afférente prévue par la loi à travers les dispositions de l'article 47 du statut général et allant du simple avertissement à la révocation.7 En effet, il a été jugé que s'il est vrai que l'on ne saurait, à l'occasion de faits nouveaux, être itérativement sanctionné pour des faits antérieurs, le passé disciplinaire peut cependant être pris en considération pour évaluer l'attitude globale d'un agent à l'égard de son travail.
Une multitude d'infractions disciplinaires peut témoigner d'une attitude inadmissible d'un agent à l'égard de son travail et justifier, en cas de nouvelle infraction disciplinaire, une sanction plus grave, alors même que prise isolément, l'infraction nouvelle ne revêt pas un caractère de gravité caractérisée, dès lors qu'elle implique dans le chef de l'administration dont l'agent relève une perte de confiance définitive dans ses capacités professionnelles ou sa qualification morale.8 En l’occurrence, il n’est pas contesté pour ressortir du dossier administratif que le demandeur a déjà écopé, par une décision du conseil de discipline du 10 juillet 2012, d’une exclusion temporaire des fonctions avec privation de la moitié de sa rémunération pour une période d’un mois pour des faits de harcèlement sexuel sur le lieu de travail à l’égard de deux collègues de travail, sanction disciplinaire qui range parmi les sanctions les plus lourdes de l’échelle figurant à l’article 47 du statut général, la sanction suivante étant la mise à la retraite d’office.
Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché au conseil de discipline d’avoir choisi, cette fois-ci, une sanction plus sévère, étant d’ailleurs relevé que les faits litigieux à la base de la décision déférée, contrairement à ce qui est prétendu par le demandeur, ne sont pas dénués de tout lien avec ceux de 2012, alors qu’à nouveau le comportement du demandeur est dû à des pulsions sexuelles incontrôlées sur son lieu de travail.
Force est ainsi de conclure, au regard de tous les éléments qui précèdent, que c’est à bon droit que le conseil de discipline a retenu, en raison de la rupture du lien de confiance entre l’Etat et son fonctionnaire, la mise à la retraite d'office du demandeur pour non-respect de la dignité des fonctions, et ce, sans violer le principe de proportionnalité, ni commettre une 7 trib. adm. 3 juin 2002, n° 14153 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 371 et les autres références y citées.
8 Cour adm. 11 janvier 2011, n° 27231C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Fonction publique, n° 373 et l’autre référence y citée.
erreur manifeste d’appréciation.
Cette conclusion n’est énervée ni par les affirmations non autrement développées selon lesquelles le demandeur ne serait qu’un « simple huissier », ni par sa situation familiale, ni par le fait qu’il sera obligé de trouver du travail dans le secteur privé, la situation personnelle du demandeur n’étant en l’occurrence pas de nature à rompre l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Le recours en réformation dirigé contre la décision déférée du 13 novembre 2018 est partant à rejeter en tous ses moyens.
Quant à l'indemnité de procédure sollicitée par l’Etat sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, force est au tribunal de relever que ce dernier ne justifie pas en quelle mesure il serait inéquitable de laisser à sa seule charge les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens, de sorte que cette demande encourt le rejet, d’autant plus que l’Etat a choisi de s’adresser à un membre du barreau pour la défense de ses droits, au lieu de se faire représenter, à moindre frais, par un délégué du gouvernement.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
rejette la demande tendant à « déclarer que le recours gracieux adressé au Premier Ministre doit valoir recours gracieux au sens de l'article 13 alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les Juridictions Administratives » ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 13 novembre 2018 ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’Etat ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge, Emilie Da Cruz De Sousa, juge, et lu à l’audience publique du 23 octobre 2020 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 13